Jobineries

Blogue de Gilles G. Jobin, Gatineau, Québec.

jeudi 12 avril 2012

Chemin faisant, page 107

Ce ne sont pas les vieux qui ne s'entendent pas toujours, c'est la place de leurs bizarreries qui se trouve souvent trop étroite entre eux.

À côté de la source, à côté du plat, toujours à côté! c'est la part de beaucoup de mortels.

Une caisse à demi vide nous apprend à compter, une vie à demi usée nous enseigne la valeur du temps.

Use plus généreusement de ta monnaie que de ton droit.

Qu'est-ce qu'un Geburtstag allemand? Une erreur d'éducation envers l'enfant, dont on fait un personnage et un centre une fois par an. La plus innocente de nos actions, il me semble, c'est de naître, et le moindre de nos mérites c'est de prendre une année au bout de douze mois. Le Geburtstag est d'une poésie toute charnelle. Quelle différence de délicatesse avec la fête du nom, qui nous rapproche du ciel par notre Patronne, et nous recommande à son intercession!

Anne Barratin, Chemin faisant, Ed. Lemerre, Paris, 1894

Lire le premier billet consacré à cette série.

mercredi 11 avril 2012

Chemin faisant, page 106

Heureux ceux qui ont peur du port ! ils l'aborderont humblement. Le port, mes amis, cache des dragons sous ses ondes : tâchez d'arriver quand ils sont endormis.

C'est le sentiment du juste, mis en nous par Dieu même, qui nous fait si facilement trembler quand nous sommes heureux.

Il faut toujours parler avec une pédale douce quand on demande, même pour les autres.

Les habitudes sont le contraire des vieilles femmes : elles gagnent du charme en vieillissant.

Les Allemands croient en Dieu, puis en leur empereur, qui est leur Saint-Esprit.

Les temps sont devenus plus exigeants depuis Chamfort. Il faut maintenant savoir avaler chaque matin, comme fortifiants, le crapaud et sa famille.

Anne Barratin, Chemin faisant, Ed. Lemerre, Paris, 1894

Lire le premier billet consacré à cette série.

11 avril

Il me semble qu'on ne voit presque plus des conditions du genre :

« Pour remporter le prix, vous devrez d’abord répondre correctement à une question d’habileté mathématique. »

Peut-être est-ce tout simplement parce que je ne suis plus exposé à ce type de concours.



Dans Le Devoir de ce matin, je trouve un extraordinaire raisonnement d'une doctorante (c'est moi qui souligne) :

«J'ai deux choix comme prof. Ou je donne [une demi-session] de cours et j'évalue les élèves sur ça et je sacrifie la qualité du diplôme académique de Concordia, ou bien je leur dis de s'arranger en envoyant la matière par Internet et je fais une évaluation sur ça. Mais là, ça dévalorise l'enseignement en classe. On n'a plus besoin de profs. »

mardi 10 avril 2012

Miette 31 : Pierre qui roule n'amasse pas mousse

Le travail

Pierre qui roule n'amasse pas mousse.

Sommaire. - Le calme des bois. - Ni pluie, ni vent, ni soleil. - Voyage d'une pierre précieuse. - Christine de France et saint François de Sales. - L'arbre veut la stabilité. - Déception à redouter.

La mousse aime le calme des bois, la tranquillité et la stabilité ; c'est ainsi qu'elle obtient sa jolie couleur verte, si douce à l'oeil, et son tapis moelleux, si doux au repos du voyageur fatigué.

Les pierres qui lui tiennent compagnie et qu'elle recouvre de son manteau protecteur sont depuis longtemps à la même place et se plaisent à se sentir ainsi abritées de la pluie, du vent et du soleil.

Celles, que leur esprit aventureux entraîne à une course vagabonde, ou que leur besoin de voyager engage à des déplacements, doivent forcément renoncer à toutes ces délices et ne connaissent la mousse que par ouï-dire. Jamais en roulant pierre n'en amassera.

Le proverbe français est la traduction littérale d'un adage grec employé par Lucien et passé dans la langue latine en ces termes :

Saxum volutum non obducitur musco :
« Un rocher remué n'est pas recouvert de mousse. »

Il est arrivé cependant une fois à une pierre de gagner à voyager et de rapporter gros à celui qui en était le détenteur; c'était, il est vrai, une pierre précieuse.

Christine de France, princesse de Piémont, ayant choisi saint François de Sales pour aumônier, lui fit présent d'un très beau diamant qu'elle lui recommanda de garder pour l'amour d'elle. « Madame, lui dit le saint prélat, je vous le promets, tant que les pauvres n'en auront pas besoin. »

La princesse l'ayant rencontré depuis sans le diamant, il lui fut aisé de deviner ce que celui-ci était devenu.

Elle lui en donna un autre d'un plus grand prix en lui recommandant de n'en pas faire comme du premier. « Madame, dit le saint, je ne vous en réponds pas, je suis peu propre à garder les choses précieuses. »

Il fut, en effet, fort peu soigneux de le conserver; le diamant se trouvait toujours en gage pour les malheureux; il était moins à l'évêque qu'à tous les pauvres gens que sa bonté secourait avec tant d'obstination. D'ailleurs saint François de Sales ne disait-il pas : « La charité excuse tout, elle croit tout, elle espère tout, elle supporte tout. »

Tous les diamants n'ont pas la même bonne fortune et ne sont pas aussi rapidement et généreusement remplacés quand leur propriétaire les abandonne. Ne vous risquez donc pas à les faire « rouler », vous qui en possédez ; ils ne vous amasseraient rien du tout.

« L'arbre non plus n'aime pas à être transplanté. »
Saepius plantata arbor, fructum profert exiguum.

il ne produit qu'un fruit bien maigre; un proverbe latin le reconnaît :

Planta quae saepius transfertur non coalescit.

« La plante que l'on transfère trop souvent ne se fortifie pas. »

De même « qui habite partout, n'habite nulle part. »

Quisquis ubique habitat... nusquam habitat.1

Franklin a réuni ces deux réflexions en une seule phrase : « Je n'ai jamais vu un arbre qu'on change souvent de place, ni une famille qui déménage souvent, prospérer autant que d'autres qui restent stables. »

Soyons stables, ayons de la suite dans les idées et ne cherchons pas en changeant constamment de pays ou de profession, à augmenter nos ressources ou notre bien-être. La déception nous attendrait.

Dans maint auteur de science profonde
J'ai lu qu'on perd trop à courir le monde,
Très rarement on devient meilleur.
Un sort errant ne conduit qu'à l'erreur.2


1 Martial. [GGJ : Épigrammes, VII, 73, 6 : Celui qui habite partout, Maximus, n'habite nulle part.]
2 Gresset. [GGJ : C'est tiré du Chant Premier de Vert-Vert de Gresset. Cependant, Genest semble avoir mal transcrit le 3e vers qui se lit plutôt : Très rarement devient-on meilleur.]

Émile Genest, Miettes du passé, Collection Hetzel, 1913. Voir la note du transcripteur.

Chemin faisant, page 105

Comme le silence de certains amis vaut mieux que leurs louanges! 0 silence! salut à ta bouche close.

Voir en grand, faire en large, construire en beau avec la bourse des autres, que de gens sont généreux a ce prix-là !

Quand on est logique, on est toujours fort : c'est être botté pour la descente et pour la montée.

Les gens qui n'en savent pas plus long, peut-on leur en demander plus large ?

Oh! que c'est commode, un bavard, quand on en sait tirer parti ! On peut lui faire dire tant de choses qu'on n'aimerait pas à dire soi-même, et en apprendre tant d'autres qu'on n'aimerait pas à demander !

Anne Barratin, Chemin faisant, Ed. Lemerre, Paris, 1894

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lundi 9 avril 2012

Études : Collection H. Mattison (37 - 42)

Études 37 à 42

Latvis
1925
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Magyar Sakkvilág
1925
+
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Shakhmatny Listok
1925
+
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Magyar Sakkvilág
1925
+
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Latvis
1926
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Latvis
1926
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Un grand merci au superbe script PGN-VIEWER trouvé sur Chess Tempo.

Chemin faisant, page 104

Testament de l'amour : Je lègue tout à la dernière.

Les caresses ont des griffes : jeunes gens, approchez!

Les illusions auront toujours des joues de quinze ans.

L'homme qui n'a jamais pleuré, l'enfant qui n'a jamais brisé son jouet, la femme qui n'a jamais menti, sont les débiteurs de l'occasion.

Dieu ne demande pas de la patience à ceux qui en ont, mais à ceux qui n'en ont pas.

Quand un être ne sait pas parler, essayez de le faire chanter et vous lui trouverez de la voix; la nature ne boude aucun de ses enfants.

Anne Barratin, Chemin faisant, Ed. Lemerre, Paris, 1894

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dimanche 8 avril 2012

Miette 30 : S'agiter comme une corneille qui abat des noix

Le travail

S'agiter comme une corneille qui abat des noix.

Sommaire. - Au jardin des Plantes. - Souvenir d'enfance. - La guenon de Florian.

Je vais vous faire un aveu dépouillé d'artifice; je n'ai jamais aperçu de corneille abattant des noix; mais j'ai souvent, étant enfant, contemplé le singe du Jardin des Plantes qui secouait un arbre dépourvu de feuilles mais pourvu d'une cloche; il fallait voir comme l'animal, cramponné de ses quatre « mains » à une branche, l'agitait fébrilement ; el la cloche de sonner, de carillonner, et moi de rire et de rire, et je n'étais pas le seul. Eh bien ! l'ardeur que ce singe apportait à son carillon n'a d'égale que l'impétuosité de la corneille dans l'abatage des noix.

Il paraît qu'elle en est très friande et se livre dans les noyers à une gymnastique effrénée pour en détacher les fruits ; moins bête que la « jeune guenon »1 de Florian, elle sait les « ouvrir » en les précipitant violemment sur le sol. Finalement elle est récompensée de son zèle, et sa peine a trouvé son salaire.

Malgré cela, l'homme, qui a de l'intelligence et de l'esprit, a décidé que « s'employer à quelque chose avec zèle, mais avec un empressement irréfléchi », c'était agir comme la corneille qui abat des noix.

L'homme doit avoir raison, car il n'a pu arriver à ce rapprochement désobligeant pour la corneille qu'après saine et mûre méditation.


1 Florian, La Guenon, le Singe et la Noix, livre IV, fable 12.

Émile Genest, Miettes du passé, Collection Hetzel, 1913. Voir la note du transcripteur.

Chemin faisant, page 103

Dans le rêve d'un ami unique, il y a plus de besoin d'amour que de besoin d'amitié.

Ma dernière coquetterie sera pour mon courage, car il sera mon dernier ami ici-bas.

La justice a plus de droits à notre reconnaissance que la générosité.

La critique est comme la toux ; pour s'en impressionner, il faut savoir d'où elle vient.

Nos sacrifices sont comme nos folies ; ils nous entraînent.

On peut arriver à se passer de bonheur pour soi, mais pour ceux qu'on aime que c'est difficile !

Anne Barratin, Chemin faisant, Ed. Lemerre, Paris, 1894

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samedi 7 avril 2012

Chemin faisant, page 102

Le noble se hausse sur ses quartiers, le millionnaire sur ses sacs, le sage sur ses réflexions.

Ce n'est pas tout de prendre le galop, il faut le soutenir.

Douter n'est pas plus un crime que mal digérer ; ce qui ne nous dispense pas de lutter contre le doute et contre la mauvaise digestion.

Rappelons-nous que chaque approbation est un encouragement.

Un ami en moins me peinera toujours, un ennemi en plus ne me fait plus rien.

Le port du malheur s'appelle résignation.

Anne Barratin, Chemin faisant, Ed. Lemerre, Paris, 1894

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Le pourcentage

Dans Le Soleil de ce matin :

Il serait intéressant de connaître comment la journaliste est arrivée à ce 5 % !

vendredi 6 avril 2012

Miette 29 : Il vaut mieux avoir affaire à Dieu qu'à ses saints

Le travail

Il vaut mieux avoir affaire à Dieu qu'à ses saints.

Sommaire. - À qui s'adresser. - D'après Voltaire. - Les gardes font leurs conditions. - Des coups d'étrivière, s'il vous plait. - Part à deux. - Orthographe et prononciation.

Il est préférable de s'adresser au roi plutôt qu'à ses ministres ; à un ministre plutôt qu'à son secrétaire et, en général, à un homme puissant plutôt qu'à ses subordonnés.

Bien que l'origine en soit plus ancienne, Voltaire, qui n'était pas ennemi d'une douce gaîté, s'est plu à rattacher ce proverbe au conte plaisant que l'on va lire :

« Il y avait autrefois un roi d'Espagne qui avait promis de distribuer des aumônes considérables à tous les habitants d'une ville qu'une guerre avait totalement ruinés. Confiants dans la parole royale, ces malheureux vinrent aux portes du palais ; mais les gardes ne voulurent les laisser entrer qu'à condition de partager avec eux ce qu'ils recevraient.

Le bonhomme Cardero se présenta le premier au monarque, se jeta à ses pieds et lui dit : « Grand roi, je supplie Votre Majesté de faire donner à chacun de nous cent coups d'étrivière.

- Voilà une plaisante requête ! pourquoi m'adresser une semblable prière ?

- C'est, dit Cardero, que vos gens veulent absolument avoir la moitié de ce que vous nous donnerez.

Le roi rit beaucoup et fit un présent considérable à Cardero qui s'applaudit de son stratagème. »

Mieux vaut le souverain que ses gardes ; mieux vaut Dieu que les saints.

À propos de saints, tout le monde sait que pendant la Révolution on avait substitué à l'ancien calendrier un nouveau, duquel tous les « saints » avaient été supprimés sans pitié.

Un particulier est convoqué à la commune, on lui demande son prénom.

« Symphorien, répond-il.

- Il n'y a plus de saint, dit brusquement le farouche sans-culotte, tu t'appelleras Phorien.

- Ah ! reprend le pétitionnaire, c'est gulier, ça ! »

Émile Genest, Miettes du passé, Collection Hetzel, 1913. Voir la note du transcripteur.

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