-Wow, c'est don' ben' beau!
J'étais dans une classe de primaire, deuxième cycle. Je m'apprêtais à une petite séance Squeak, mais des enfants lançaient les exclamations devant mon fond d'écran.
- Vous savez ce que c'est ?
- Un bonhomme pain d'épice ?
- Non.
- Un trou noir ?
- Mais non !
- ...
- C'est un objet fractal.
- ...
- Vous savez ce qu'est une dimension ?
- (La titulaire de la classe) Pensez à vos solides. Largeur...
- (Moi) Oui, oui, il y a la largeur, la hauteur, la longueur. La plupart des gens pensent qu'il y a trois dimensions. Mais depuis Einstein, on décrit généralement l'univers avec une quatrième dimension : le temps. Mais il y aussi un monsieur qui a découvert que certains objets avaient des dimensions bizarres, genre quelque chose entre 1 et 2. Ce sont ses objets qu'on nomme FRACTALS. Et on peut en donner une idée assez vague avec un ordinateur. L'image que vous voyez est l'une de ses idées.
- Ça l'air compliqué...
- (Moi, souriant) Oui et non. Attendez, je vais essayer de vous décrire un peu comment ça marche.
Imaginez une boîte. Dans cette boîte, il y a une petite formule mathématique. On appelle ça une fonction. Il y a deux trous. Par l'un des trous, on entre des nombres, et ils ressortent par l'autre.
Ici, par exemple, dans la boîte, il y a 2 fois nombre. Ça veut juste dire que si j'entre un nombre, il sortira multiplié par deux.
- Si j'entre 10, qu'elle sera la sortie ?
Tout le monde lance 20.
- Ok, si j'entre 100 ?
- 200!
- Bon vous avez compris. Mais la manière de construire un object fractal du type que vous voyez sur mon écran est basée sur le principe suivant. Quand j'entre un nombre, je regarde ce qu'il en sort, Et le nombre qui sort, je le "ré-entre" dans la boîte. Puis, je regarde ce qu'il en sort, et je ré-entre le nouveau résultat. Et ainsi de suite. Évidemment, un ordinateur fait ça très rapidement.
- (Un petit futé) Mais monsieur Gilles, les nombres doivent devenir très gros...
- Tu as raison. Par exemple ici, en commençant avec 10, j'aurai : 10, 20, 40, 80, 160, 320, 640, etc.
- Mais comment ça peut donner une image comme sur votre écran?
- C'est là que les choses deviennent intéressantes. L'idée est de vérifier à chaque fois le nombre qui sort. S'il dépasse une certaine valeur, on met un point d'une certaine couleur à l'écran selon le temps que cela lui a pris pour atteindre la valeur en question. Dans l'exemple que je vous donne ici, supposons que la certaine valeur est 100. C'est, disons, la limite que je m'impose. Si on commence par entrer 1 dans la boîte, on aura successivement :
2, 4, 8, 16, 32, 64, 128 (oups, après 7 itérations, on dépasse 100).
Si on entre par exemple, 15, on aura : 30, 60, 120, et trois itérations seulement ont été nécessaires.
Et là, la personne qui veut voir l'objet pourrait par exemple décréter que tous les nombres qui dépassent 100 après une itération sont noirs, après deux itérations sont rouges, après trois itérations sont bleus, etc. Dans certains cas,
selon la formule qu'on met dans la boîte et des nombres qu'on y entre à tour de rôle, ça donne des trucs comme vous voyez sur mon écran.
- Monsieur Gilles ?
Une main est levée.
- Oui, Nicolas.
- C'est quoi la vraie formule qui donne votre dessin à l'écran?
Comment répondre à une telle question? Autant y aller avec la vérité. Et j'écris au tableau :
z² + c
zède, c'est le nombre que j'entre dans la boîte. z², ça veut juste dire que je dois le multiplier par lui-même. Par exemple, si mon z est 10, z² signifie que je dois faire z fois z, donc 10 fois 10 ce qui donne 100.
- Et le petit c, c'est quoi?
Il en pose des questions cet enfant...
- Le petit c, on appelle ça une constante. Ça veut juste dire que c'est un nombre qui ne change pas. Par exemple, supposons que c vaut 50. Alors on a z² + 50. Donc, si j'entre 10 dans la boîte, j'aurai : 10 fois 10, ce qui donne 100, et 100 + 50 donne 150. Il va donc falloir que je ré-entre dans la boîte 150. Ce qui va donner : 150 fois 150.... 22500 et si j'ajoute le 50, on a 22550...
- C'est gros...
- Oui, mais on peut entrer des nombres assez petits pour commencer. Car voyez-vous, il y a toutes sortes de nombres! Mais ce sera pour une autre fois...