Jobineries

Blogue de Gilles G. Jobin, Gatineau, Québec.

samedi 30 avril 2005

GRICS : mon point de vue

Je ne suis pas ANTIGRICS, je suis PROCHOIX.

Deux réactions intéressantes [1 et 2] à l'article de Michel Dumais m'ont aidé à mieux cerner ma pensée au regard de la Société GRICS. Je vous la dévoile ici en espérant donner un nouvel éclairage au débat.

Quelques dirigeants de CS ont créé à l'époque une société à but non lucratif dont l'objectif était le développement d'applications informatiques qui les aideraient dans la gestion de leur commission scolaire. C'est d'ailleurs des gestionnaires de CS qui composent le conseil d'administration de la Société. C'est ainsi que peu à peu, plusieurs CS ont joint les rangs de la Société (leur donnant ainsi accès au CA) et qu'on se trouve aujourd'hui avec une soixante de CS qui sont membres de la GRICS.

Mais voyez-vous, une CS, ce n'est pas que ses gestionnaires. Un CS est aussi composée de pédagogues qui ont des problèmes à résoudre et dont ces problèmes ne sont pas du tout d'ordre administratif, mais bien d'ordre pédago/technologique. Or, les outils informatiques orientés vers la pédagogie sont très différents des outils informatiques orientés "gestion". Par ailleurs, le même outil informatique orienté pédagogie peut recevoir autant d'évaluations/utilisations différentes qu'il y a d'utilisateurs (ces pédagogues ne sont pas des gérants d'estrade), car c'est l'utilisateur qui choisit les actions pédagogiques à poser à l'aide de son outil et non l'outil qui détermine les actions pédagogiques à poser. Cette distinction est très importante car, en gestion, cette préoccupation est à peu près inexistante : par exemple, dans le système de paye, on va demander au responsable d'utiliser tel logiciel de telle manière et son opinion au regard de cette utilisation n'est absolument pas importante. On le paye pour utiliser le logiciel en question, et non pour réfléchir à son utilisation. Le pédagogue qui utilise l'informatique, quant à lui, doit réfléchir à son utilisation et doit pouvoir l'adapter à ses propres besoins et aux besoins des élèves. Ce dernier point, quant à moi, suggère fortement (mais pas nécessairement) un regard vers les applications libres.

Et voilà pourquoi je crois que la GRICS ne doit pas se mêler de pédagogie : elle n'a pas été créée pour aider les pédagogues, mais pour aider des gestionnaires. Elle n'a donc pas la capacité d'adapter rapidement ses logiciels aux besoins pédagogiques des différents milieux. Prenez l'exemple du Bulletin GPI : plusieurs CS ont fait des demandes très précises à la Société pour y effectuer des changements qui le rendraient plus cohérent avec l'esprit de la Réforme. D'une CS à l'autre, ces demandes nécessairement varient, car les pédagogues qui réfléchissent à cette Réforme formulent ces demandes en réponse à leur propre réflexion. Or la GRICS tentent honnêtement de répondre à ces demandes, mais elle y arrive que très difficilement car son logiciel n'est pas prévu pour une telle différenciation : à l'origine, le bulletin était à peu près pareil partout. Aujourd'hui, cette conception est complètement dépassée.

J'ai beaucoup de respect pour la capacité de gestion des gestionnaires membres de la GRICS, mais je ne crois pas qu'ils soient les mieux placés pour décider des outils informatiques à caractère pédagogique. Je crois sincèrement que ce sont les pédagogues les mieux placés. Si les gestionnaires membres de la Société qui ont un intérêt pour l'informatique appliquée à la pédagogie (je suis convaincu qu'il y en a) désirent s'impliquer et participer aux choix des pédagogues, je crois qu'au moment du choix, ils devraient se retirer de la table car ils font partie d'une Société privée qui a aussi des offres sur la table. Il ne faut pas oublier que nous voulons tous la même chose : que nos élèves réussissent. Or, entre autres, le rôle du pédagogue est d'offrir le plus d'outils différenciés pour le faire. Il doit donc avoir un très grand mot à dire sur le choix de ses/ces outils. Et le rôle du gestionnaire est d'enlever les bâtons dans les roues aux pédagogues pour qu'ils puissent faire le plus harmonieusement possible le travail.

Si des gestionnaires de la GRICS lisent ce billet, voici ce que je suggère : que tous les logiciels à caractère pédagogique (à leurs dires, en tout cas) de la Société deviennent libres. Ainsi, les pédagogues se sentiraient à l'aise de les adapter à leur propre réalité s'ils jugent ces logiciels utiles dans leur travail. Autrement dit, que les propriétaires de la GRICS ouvrent carrément un département LL et que ce département travaille dans l'esprit du LL.

S5

La douce simplicité m'impressionne toujours.

Et c'est le cas du Simple Standards-Based Slide Show System créé par le gourou mondial du CSS, Eric Meyer. C'est une application web (HTML, CSS et un peu de JavaScript) qui permet d'afficher des présentations à l'aide d'un simple navigateur, sans greffons.

Par exemple, voyez ma présentation sur l'édition web donnée au colloque régional des RÉCIT jeudi dernier. Ou encore celle-ci préparée par Meyer qui explique son système.

Évidemment, S5 ne vous intéressera pas si vous aimez des transitions spectaculaires entre acétates ou si vous voulez des effets spéciaux. De mon côté, comme je préfère de loin les présentations où l'important est mis sur les propos du présentateur et où l'acétate agit comme léger support à ce propos, S5 est absolument parfait pour moi. Pour en savoir plus, lisez le petit tutoriel de l'auteur. S5 est livré sous licence Creative Commons : vous pouvez donc l'utiliser à condition de la respecter.

Quoique l'application telle quelle fait parfaitement mon affaire, le PHPiste en moi s'est réveillé et a rêvé d'une adaptation qui permettrait à tout utilisateur de créer sa présentation en ligne. Il serait assez aisé de reprendre la portion de code de Meyer pour lui adjoindre un système d'administration qui autoriserait la création, la modification, la suppression et l'ordonnancement des acétates. Puisque pour apprendre quoi que ce soit, il suffit de s'armer de patience et de persévérance et de se donner un projet concret et réalisable qui stimule notre intelligence, je crois qu'un tel projet pourrait être une bonne idée à suggérer à quiconque veut s'approprier le PHP et Mysql.

En passant, les écrits de Meyer sont un modèle de pédagogie. Si le CSS vous intéresse un tant soit peu, courrez vite acheter Eric Meyer on CSS et More Eric Meyer on CSS.

jeudi 28 avril 2005

GRRRRICS

Voici deux petits paragraphes de la réaction de la société Grics au rapport Wybo :
« La Société GRICS offre aux gestionnaires et aux utilisateurs la tranquillité d’esprit requise pour leur permettre de consacrer leurs énergies à la mission principale de leur organisation et non aux activités de recherche, d’adaptation, d’entretien, de mise à jour, de soutien d’un outil informatique.
La Société GRICS appuie l’orientation des logiciels libres et aide les commissions scolaires à le faire. Encore faut-il savoir choisir les produits qui généreront des économies réelles. Avant de prendre une décision, il faut analyser tous les éléments pertinents et savoir tirer ses propres conclusions. »
Pour qui diable cette société se prend-elle ? Je n'aime pas qu'une société privée vienne me dire quelles activités on ne doit pas faire! Cela ne la regarde absolument pas. Et, comme pédagogue, je trouve ça insultant. Ce paragraphe me fait comprendre maintenant pourquoi elle bloque systématiquement les initiatives de développement de logiciels libres dans certaines CS ou dans certaines régions car elle considère que c'est à elle de faire de la recherche et développement et non aux pédagogues.
La GRICS dit qu'elle appuie l'orientation des LL et aide (?!?!) les CS à le faire ??? Si je me fie à mon expérience, cela est faux.
Il est maintenant très clair pour moi que la GRICS ne comprend absolument rien à la philosophie qui anime le développement du logiciel libre.

Je répète ici que mon opinion n'engage que moi et non mon employeur. Si cette opinion ne vous plaît pas, il y un espace pour les commentaires au bas du billet et je vous propose de l'utiliser. Inutile donc de déranger mon patron à ce propos car il n'y est pour rien dans ma réflexion.

Au colloque des RÉCIT

Je suis actuellement avec un groupe de merveilleux profs au colloque des RÉCIT de l'Outaouais.

J'espère recevoir quelques commentaires !

vendredi 22 avril 2005

Lire ensemble

Ce billet de Clément me donne une idée : Que tous les Québécois lisent au moins un livre pendant un mois qui serait consacré à la lecture.

Par tous les Québécois, j'entends le bébé naissant, le malade incapable de se concentrer sur un livre, la mère de famille occupée à jouer la wonder woman, le politicien menteur, l'analphabète, etc. Tout, mais absolument tout le monde, lirait ! Pour ceux qui ne peuvent lire eux-mêmes, une personne devra alors se charger de leur faire la lecture.

La fin du mois venu, on ouvre un super site web où tous ces Québécois viendront nous dire ce qu'ils ont lu pendant ce mois. Plus de 6 millions d'entrées.

On pourrait se préparer pendant un an à ce mois de la lecture : les éditeurs nous feraient des suggestions, les enseignants publiciseraient quelques livres auprès de leurs élèves, les familles discuteraient de choix possibles à l'heure des repas, les collègues de travail s'échangeraient des pistes de lectures, etc. Une année à parler de livres, une année à préparer son choix...

mardi 19 avril 2005

S'assimiler

« Si un livre, réputé bon, vous coûte à lire, surmontez-vous. Habituez-vous à comprendre ce que vous n'aimez pas, afin d'arriver à aimer ce que vous n'aviez pas compris. L'esprit a ses injustices, ses partialités, ses éloignements instinctifs. Je connais des gens qui s'y sont pris à plusieurs fois pour goûter cet admirable Montaigne qui devrait être le livre de chevet de tout littérateur. On ne s'assimile rien instantanément. »
Antoine Albalat, La Formation du Style par l'assimilation des Auteurs, Armand Collin, 1901

dimanche 17 avril 2005

L'univers du zéro

Nasrudin était en train de jeter des poignées de pain à la ronde, autour de sa maison.
- Qu'est-ce que vous faites ? demanda quelqu'un.
- C'est pour tenir les tigres éloignés.
- Mais il n'y a pas de tigres par ici.
- Exactement. C'est efficace, hein?
Idries Shah, Les Soufis et l'Ésotérisme, p.75, Payot, 1972


Notre conception de l'univers est contenue dans l'idée du zéro.

Prenons le cas des entiers. Ma définition des nombres entiers est illustrée dans la figure ci-dessous. Il s'agit là d'une conception très cardinale (par opposition à une conception ordinale) du nombre entier.


De cette définition, 0 est le digne représentant symbolique de l'état dit neutre. C'est là où nous ne sommes ni au-dessus ni en dessous, ni à droite ni à gauche, sans dette ni revenu, ni positif ni négatif. C'est un zéro sans signe, la neutralité parfaite.

Allons un peu plus loin. Imaginons la soustraction suivante : +4 - +4. Réponse immédiate : 0 !!!

Mais quel sens donner exactement à ce zéro? On peut donner le sens de rien comme dans l'expression il ne reste rien. Ce rien est-il le rien neutre? Représente-t-il le même rien que dans l'opération : +4 + -4 puisque que quatre billes blanches neutraliseront (par définition) quatre billes noires. Intuitivement, je suis mal à l'aise d'écrire : +4 - +4 = 0, où le 0 est le symbole du neutre. J'inclinerais plutôt vers +4 - +4 = +0 !!!

- Mais c'est la même chose, me diront certains !
- Pourquoi est-ce la même chose?
- Bien, c'est évident !!! Il n'y a plus rien.
- Ce rien correspond-il à une absence?
- ???
- Dans votre esprit, est-ce que rien est équivalent à l'absence de quelque chose? Quelle distinction faut-il apporter au regard de l'idée du vide?
- Le vide et l'absence, c'est la même chose, non?
- Voyez ce 5$ que j'ai dans ma main. Si vous me l'enlevez, que reste-t-il?
- Rien. Il ne reste rien.
- Et tous les riens se valent-ils?
- ???
- Si je vous dis que, dans ma main, il y a 0 tigre, seriez-vous d'accord?
- Mais c'est ridicule. Il est question de dollars, pas de tigres ma foi!
- Mais 0 tigre et 0 dollar, c'est toujours 0, non?
- GRRRR.

Ce dialogue imaginaire illustre mon propos : le contexte (l'univers) dans lequel on opère doit, pédago-logiquement parlant, être toujours clair. Si, dans l'univers des entiers Z, on enlève +4 à +4, alors il ne reste aucun nombre positif, donc +0. C'est le même raisonnement qu'on peut apporter à l'opération -4 - -4 pour justifier 0 "négatif".

samedi 16 avril 2005

Le nombre naturel

Si l'épistémologie des nombres naturels vous intéresse, lisez Les multiples racines des nombres naturels et leurs multiples interprétations de Rémy Droz. Cet article, publié en 2004, me fait prendre conscience que j'ai une conception/vison/compréhension cardinale du nombre naturel.

Les entiers et la didactique

Dieu a fait les nombres entiers, tout le reste est l'oeuvre de l'homme.
Leopold Kronecker


[...] the positive integers should not be identified with the signless natural numbers.
W. L. Schaaf, Basic Concepts of Elementary Mathematics, Wiley, 1960


Ce n'est plus un secret pour les lecteurs de ce blogue : les nombres entiers me fascinent. J'aimerais illustrer, dans ce court billet, la puissance didactique des entiers. C'est à dire, comment ces nombres éveillent certaines difficultés inhérentes à l'enseignement des mathématiques. Cela pourrait être le canevas d'une formation donnée aux enseignants.

1. Une définition

Aux élèves, les enseignants émettent souvent que la création des entiers provient du fait qu'on ne peut soustraire un plus grand nombre d'un plus petit. Par exemple, 5 - 3 existe chez les naturels, mais 3 - 5 y est impossible.
Profitons de ce constat pour inventer une nouvelle notation :
(a,b) serait l'entier défini par l'expression a - b.
On dira que cet entier est positif si a est plus grand que b et est négatif si b < a. Si a =b, l'entier sera appelé 0.
Par exemple, (5,1) est l'entier défini par 5 - 4 soit +1.
Et (1,5) est l'entier défini par 4 - 5 soit -1.

- Ridicule!, me lancera-t-on. Pourquoi se compliquer la vie avec cette nouvelle notation ??? Les négatifs, ce sont -1, -2, -3... et les positifs sont +1, +2... Et puis, deux nombres pour décrire un entier, c'est stupide non?
- Pas tout à fait, répondrais-je. On ne s'étonne pas d'une notation de type 3/4, 5/9 pour décrire les rationnels : deux nombres naturels séparés par une barre oblique. Cette notation est basée sur l'opération division. Pourquoi s'étonnerait-on de décrire un entier comme je viens de le faire? Par ailleurs, un avantage évident de cette symbolique est d'éviter la confusion entre le symbole + des entiers positifs et l'addition et le symbole - des entiers négatifs et la soustraction.

Voilà un premier choc didactique : les enfants qui voient pour la première fois la notation des fractions doivent certainement angoisser. Il faut en tenir compte!

2. L'égalité

Regardez ces trois entiers : (5,10), (12,17), (101,106). Tous trois représentent le même nombre entier (soit -5 dans la notation classique).

-Vous voyez bien que tout cela est ridicule, me lancera-t-on. -5, C'EST -5. Les élèves vont être perdus avec votre affaire !
-Ah oui ? répondrais-je. Pourtant, 2/4, 100/200, 27/54 représentent bien le même rationnel, soit 1/2. Pourquoi ne pas vous étonner de ce fait notationnel chez les fractions et s'en étonner chez les entiers?

C'est là un deuxième choc didactique.

3. Les opérations

À partir de cette définition des entiers, comment peut-on donner un sens à l'addition? N'oubliez pas que, symboliquement parlant, chez les fractions, l'addition se définit par : a/b + c/d = (ad+cb)/db. Qu'en est-il de la soustraction? De la multiplication? De la division? Faire le parallèle au niveau des difficultés avec les rationnels.

4. La relation d'ordre.

On tient encore très souvent pour acquis la relation d'ordre chez les entiers : on les met tous sur une droite numérique et on signale aux l'élève que si l'entier est à droite d'un autre, alors il est plus grand que cet autre. Mais à partir de notre notation, comment définir la relation d'ordre? Cette difficulté est aussi très présente chez les nombres rationnels. Comment, par exemple, établir la relation d'ordre entre 107/43 et 110/47 ?

Salle d'attente

«Ce genre de livre [le manuel scolaire -GGJ] n’a guère d’intérêt que durant les premières semaines, le temps que s’éteigne le feu d’un nouveau bouquin. Après cela, ça n’a guère plus de piquant qu’un vieux magazine dans une salle d’attente de dentiste.»
François Guité dans un commentaire sur son blogue.

jeudi 14 avril 2005

La commutativité de la multiplication chez les naturels

Ce billet de François m'a trotté dans la tête toute la journée. L'illustration géométrique et très connue de 3x4 = 4x3 me chicotait l'esprit.

Regardez bien : (ici le symbole «x» représente le mot «fois» et non «multiplié par»)

97 x 93 signifie :
93 + 93 +   ...   + 93 
^                    ^
|_______97 fois______|

et 93 x 97 signifie :

97 + 97 +   ...   + 97 
^                    ^
|_______93 fois______|

Regardez encore une fois ce que signifient ces deux expressions. Ne trouvez-vous pas étonnant que cela donne le même résultat? Bien sûr, sans effectuer aucun calcul, vous savez que le résultat est le même, mais il reste que cela semble relever du pur hasard ou encore d'un effet magique des nombres. Je signale cet exemple pour vous faire sentir le côté fantastique (fantasque?) des nombres, pour qu'à quelque part, vous soyez émerveillés par la commutativité. Or, à mon avis, lorsqu'un enfant peut expliquer pourquoi ça marche, pourquoi les deux produits doivent être identiques, alors, et seulement alors, est-on convaincu que le concept de la commutativité de la multiplication chez les naturels est acquis, et est acquis pour toujours. Le rôle de l'enseignant est de s'assurer que l'élève construit sa propre représentation de cette commutativité.

Panoram@th/Panoraplate

J'ai reçu aujourd'hui un exemplaire gratuit de Panoram@th, manuel de mathématique pour la première secondaire de Cadieux, Gendron et Ledoux publié chez CEC.
Comme j'ai une prédilection particulière pour les nombres entiers, j'ai immédiatement sauté aux pages dédiées à ce savoir.
L'introduction est une situation-problème (?!?) où on nous dévoile les opinions que les peuples ou certains penseurs avaient des nombres négatifs.
Ce qui me choque est l'affirmation que « ce n'est pas un hasard si l'on qualifie les nombres entiers positifs de nombres naturels ». C'est là une grave erreur qui risque de mêler grandement les élèves. Pour moi, 2 (naturel) n'est pas +2 (entier). Dans le 2 naturel, l'enfant doit y voir cette idée qui entoure tous les ensembles de 2 éléments. Par exemple, 2 fenêtres, 2 dollars, 2 briques, etc. C'est ainsi qu'on développe l'idée du nombre naturel. Alors que +2 représente une tout autre idée. Dans +2, on groupe tous les ensembles dont on sait qu'il peut y avoir un opposé (ici, -2). Par exemple, +2 pour deux pas à droite, (-2 représentant 2 pas à gauche), +2 pour monter de deux marches, -2 descendre de deux marches, etc. Donc +2 est conceptuellement très différent de 2. Par exemple dans 2 fenêtres, il ne viendrait pas à l'idée d'écrire que nous avons +2 fenêtres. Cela serait tout simplement incohérent car l'idée de -2 fenêtre(s) n'existe pas. Cela dit, plus tard dans le cheminement de l'enfant, lorsqu'on abordera l'idée de sous-ensemble, on peut à ce moment-là faire découvrir que le sous-ensemble de Z composé des nombres positifs possède les mêmes propriétés que l'ensemble des naturels. Ce sont les propriétés opérationnelles (associativité, commutativité, etc.) qui sont semblables, non pas les nombres ! En résolution de problème, ce discernement est très important, car l'élève doit déterminer le contexte dans lequel se déroule le probleme et, par là, justifier l'ensemble des nombres à employer pour le résoudre.

Trois pages plus loin, dans la section Calepin des savoirs, on définit les entiers positifs comme des naturels affublés d'un signe plus ! Et dans l'encart supérieur, sans rien justifier, on mentionne qu'on n'est pas obligé de mettre le plus. Les auteurs n'hésitent pas une seconde, quelques lignes plus bas, à nous envoyer une belle droite numérique où tout est en ordre. (Dans un billet futur qui est actuellement en cours de rédaction - un dialogue entre un prof et un élève - , je démontrerai l'incohérence de cette approche.) Pédagogiquement parlant, je suis tout à fait contre le fait d'enlever ce signe positif quand on est élève débutant avec la manipulation des entiers. Il faut au contraire toujours le garder pour bien signifier que l'univers dans lequel on travaille est celui des nombres entiers et non celui des naturels.
Un peu plus loin, page 133, on mentionne comment soustraire des entiers. Là, je suis tout à fait heureux, car les auteurs illustrent bien que soustraire c'est réellement enlever des éléments à un ensemble. Mais les illustrations se contentent de montrer des soustractions naturellement possibles du genre :
+5 - +2 = +3
-5 - -2 = -3
C'est sur l'autre page que tout ce gâche, car les auteurs ne semblent pas avoir réfléchi aux cas très réels du genre :
-2 - -5 ou +2 - +5.
On nous envoie alors la belle règle sortie d'on ne sait trop où qui stipule que soustraire, c'est additionner l'opposé.

Une chose est certaine, jamais je ne conseillerai d'acheter ce livre. Il contient tout ce que j'exècre en matière de manuel de maths. Notez que ce n'est pas particulier à ce livre : presque tous les manuels que j'ai consultés sont un galimatias d'inepties et de laxisme intellectuel au regard des nombres entiers.

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