Jobineries

Blogue de Gilles G. Jobin, Gatineau, Québec.

vendredi 30 novembre 2012

De toutes les Paroisses, page 88

Use bien les jours, respecte les heures, jouis des moments.

Aime l'humanité, surtout pour ce qu'elle souffre.

L'humilité s'approche de la louange avec crainte, du blâme avec acquiescement.

La vie a fait la douleur, l'homme a fait le remords.

N'analyse pas un cadeau, il est son maître.

Maladies de la volonté : en manquer ou en trop avoir.

Anne Barratin, De toutes les Paroisses, Ed. Lemerre, Paris, 1913

jeudi 29 novembre 2012

De toutes les Paroisses, page 87

L'amant est fait pour tromper, c'est sa vocation.

Aime à donner, pour donner assez.

C'est surtout la douleur qu'il faut habiller de simplicité ; les atours la défigurent.

Gouverner sa sensibilité un peu comme un enfant : lui défendre et lui permettre.

Ah! comme une bonne réponse nous aère et nous soulage !

On court toujours risque en aimant, mais, sans aimer, on meurt.

Quand une fois la confiance a quitté une place, comme elle y revient difficilement! elle a delà rancune.

Anne Barratin, De toutes les Paroisses, Ed. Lemerre, Paris, 1913

mercredi 28 novembre 2012

De toutes les Paroisses, page 86

Tous les grands horizons sont féconds en promesses, tous les grands yeux aussi semblent pleins de richesses.

L'être qui a besoin de se sauver perd facilement sa délicatesse.

Il y a des gens qui ne sont jamais satisfaits : les deux mains pleines, ils en voudraient pouvoir tendre une troisième.

En pensant, il nous semble penser avec tous ceux qui pensent ou qui pensèrent.

La douceur n'est pas toujours de mise.

Comme tu partirais serein si tu savais, jeune mourant, ce que t'aurait demandé la vie!

Anne Barratin, De toutes les Paroisses, Ed. Lemerre, Paris, 1913

mardi 27 novembre 2012

De toutes les Paroisses, page 85

Prêts pour le malheur, c'est quelquefois le bonheur qui nous embarque.

Ayons des projets doux, pour avoir des réveils sereins.

Quand une femme commence à prêcher l'indépendance, à en revendiquer les droits, son mari fera bien de réfléchir.

Que c'est commode, une bourse, pour se faire aimer!

Heureuse encore la vieillesse qui ne lutte qu'avec elle-même!

Quand la moisson est jaunie, ne crois pas tout gagné.

Anne Barratin, De toutes les Paroisses, Ed. Lemerre, Paris, 1913

Miette 79 : Dieu sait mieux que nous ce qu'il nous faut

L'expérience

Dieu sait mieux que nous ce qu'il nous faut.

Sommaire. - Passons au déluge. - À chacun suivant sa nature. - Manger quand on a faim. - Boire quand on a soif. - Se chauffer quand on a froid. - Le roi de la création. - Désir de connaître. - Besoin de coloniser. - L'intelligence appliquée à la destruction. - Ce qu'il y a de meilleur. - Piété d'Alfred de Musset.


L'Eternel, votre père, sait de quoi vous avez besoin, avant que vous le lui demandiez. (Matth., 6.)


Unus erat toto nalurae vultus in orbe
Quem Groeci dixere Chaos, rudis indigestaque moles.1

« A l'origine, l'univers ne présentait qu'un seul et même aspect, une masse informe et grossière que les Grecs désignèrent sous le nom de Chaos. »

Ébloui par tant d'érudition, le juge Dandin, craignant pour son repos et sa pauvre cervelle, engage l'Intimé à lui faire grâce de la création du monde :

Avocat! ah! passons au déluge!

Profitons pour nous de la même recomman- dation, et faisons mieux : abandonnons chaos et déluge ; arrivons au moment où tout adopte sa place normale et régulière dans l'ordre définitif établi par la Divinité.

Les poissons restèrent dans les ondes, les oiseaux prirent leur vol et les autres animaux prirent le sol.

Satisfaits de leur sort, ils s'en allèrent chacun de son côté, s'accommodant de ce que la nature avait fait pour eux et sachant en tirer bon parti. S'ils avaient faim ou soif, ils apaisaient l'une, étanchaient l'autre modérément et à leur suffisance sans aller jusqu'à l'indigestion ou l'ivresse. Le climat devenait-il rigoureux, ils ne s'entêtaient pas à y rester, s'empressaient d'en aller chercher un plus clément, et n'avaient jamais la prétention de réformer ou contrarier les décrets de la Providence.

Pour le roi de la création, c'est une autre affaire : Dieu lui ayant fait l'insigne honneur de ne pas le confondre avec les bêtes et de lui donner l'intelligence, il n'eut rien de plus pressé que d'en faire le plus détestable emploi et pour lui et pour ses semblables.

Au lieu de s'estimer heureux et fier de sa supériorité et d'en user avec bon sens et raison, pour jouir d'une douce et durable félicité, il met à la torture son pauvre cerveau.

Le désir de connaître ce qui n'est pas sous ses yeux lui fait entreprendre de longs parcours, il va jusqu'à traverser les mers. Tout surpris de trouver dans ses pérégrinations des êtres semblables à lui, sauf parfois la couleur de la peau, cela lui déplaît. Il veut les exterminer ou les asservir; ce qu'il appelle coloniser. Comme cela ne lui suffit pas, il se bat de temps à autre avec ses congénères, et, pour aller plus vite en besogne, il emploie cette belle intelligence, don céleste, à créer des engins de destruction qui font l'admiration des peuples, admiration bien compréhensible puisqu'ils apportent à ces peuples la souffrance, la servitude ou la mort!

Pauvres humains ! Dieu pourtant sait mieux que vous ce qu'il vous faut. Mais votre insatiable orgueil vous a perdus. Que n'avez-vous dirigé votre admirable intelligence du côté de la simplicité, de la modestie, de la douceur, de la bonté et de la reconnaissance, de la reconnaissance envers le Créateur qui, en outre de cette fameuse intelligence, vous a donné un coeur, oui, un coeur, ce qu'il y a de meilleur au monde, un coeur, trésor le plus précieux, dont vous faites si peu d'usage, que vous semblez parfois en ignorer jusqu'à l'existence. Grâce à lui cependant, si vous saviez vous en servir, vous auriez ici-bas la consolation de vos misères et de vos peines.

À qui perd tout, Dieu reste encore, Dieu là-haut, l'espoir ici-bas2.

Ce n'est pas un père de l'Église qui vous parle ainsi, c'est un poète trop souvent méconnu ou mal connu, Alfred de Musset! Avec ses apparences ou ses affectations de scepticisme ou d'incrédulité, Alfred de Musset s'agenouillait devant la Divinité en l'implorant comme ferait le plus croyant et le plus fervent des mortels.

Écoutez ceci, n'y trouvez-vous pas la foi et l'accent d'une prière?

Dès que l'homme lève la tête,
Il croit l'entrevoir dans les cieux;
La création, sa conquête,
N'est qu'un vaste temple à ses yeux.

Dès qu'il redescend en lui-même,
Il t'y trouve ; tu vis en lui.
S'il souffre, s'il pleure, s'il aime,
C'est son Dieu qui le veut ainsi.

De la plus noble intelligence
La plus sublime ambition
Est de prouver ton existence
Et de faire épeler ton nom.

De quelque façon qu'on t'appelle,
Brahma, Jupiter ou Jésus,
Vérité, Justice éternelle,
Vers toi tous les bras sont tendus.

Le dernier des fils de la terre
Te rend grâce du fond du coeur,
Dès qu'il se mêle à sa misère
Une apparence de bonheur.

Le monde entier te glorifie ;
L'oiseau te chante sur son nid ;
Et pour une goutte de pluie
Des milliers d'êtres t'ont béni.

Tu n'as rien fait qu'on ne l'admire;
Rien de toi n'est perdu pour nous;
Tout prie, et tu ne peux sourire,
Que nous ne tombions à genoux3!


1 Les Plaideurs, comédie de J. Racine, acte III, scène III.
2 La Nuit d'août, d'Alfred de Musset.
3 L'Espoir en Dieu

.

Émile Genest, Miettes du passé, Collection Hetzel, 1913. Voir la note du transcripteur.

lundi 26 novembre 2012

De toutes les Paroisses, page 84

Que de Messalines en robes blanches et à ceintures bleues !

Je n'ai pas beaucoup d'admiration pour la pudeur des jeunes filles modernes, elle est un peu trop en chair pour mon goût.

Aimons nos amis tout à fait en dehors de leur bourse, si c'est possible.

On peut arriver à aimer la mort et à aimer son ennemi.

Les âmes saintes portent leur peine comme une guirlande de roses, avec amour et respect.

Anne Barratin, De toutes les Paroisses, Ed. Lemerre, Paris, 1913

dimanche 25 novembre 2012

Championnat du monde FIDE féminin 2012 (Ronde 5 « demi-finale »)

Championnat du monde féminin (FIDE) 2012


Khanthy-Mansiysk (Russie)


Tournoi élimination de 64 joueuses.
Site officiel
Cadence :
Rondes 5.1 et 5.2 : 90m:30m+30spc(1)
Rondes 5.3 et 5.4 : 25m+10spc
Toutes les parties de la première ronde.
Toutes les parties de la seconde ronde.
Toutes les parties de la troisième ronde.
Toutes les parties de la quatrième ronde.


Choisissez une partie :

De toutes les Paroisses, page 83

On n'est pas toujours l'homme de sa propre devise : faiblesse comme une autre.

Voir, c'est devoir.

L'amour, comme il fait bien corps avec la jeunesse, comme il chante bien dans sa voix, comme il badine bien avec son sourire, comme il divague bien sur ses lèvres, comme il désire avec impudeur, comme il part content et comme il revient joyeux!

Ne cherche plus le temps où l'espoir court et vole : il est devenu vieux.

Quand une femme a quelque chose de beau dans son physique, pourquoi ne le saurait-elle pas? Le mal est qu'elle le sait trop.

Si les loups aimaient moins les brebis, certes ce serait mieux ; oui, mais comment leur en ôter le goût?

Anne Barratin, De toutes les Paroisses, Ed. Lemerre, Paris, 1913

samedi 24 novembre 2012

De toutes les Paroisses, page 82

S'élever jusqu'à l'indifférence du nombre, quelle belle station climatérique !

Il faut avoir la fierté douce, pour qu'elle ne ressemble pas à l'orgueil.

On n'est pas réjoui dans l'indifférence, mais on n'est pas déçu.

Les malheurs ont des saisons favorites ; il y a des temps de suicides, comme il y a des mois de divorces; quand les nouvelles violettes arrivent, on aime facilement la femme d'autrui. Ah ! les premières violettes, elles ne prêchent pas la vertu!

Quand un couple se promène avec l'air ennuyé, ne cherchez pas, c'est mari et femme.

Anne Barratin, De toutes les Paroisses, Ed. Lemerre, Paris, 1913

vendredi 23 novembre 2012

De toutes les Paroisses, page 81

Fatale, la femme de quarante ans quand elle est orageuse : que de foudre elle recèle !

Une heure d'entretien avec soi-même, que de moyens elle nous propose, que de ressources elle nous montre !

L'habitude de se donner raison fait qu'on y arrive sans examen.

Ah ! qu'il y a souvent de terre dans certains physiques azurés !

L'homme va, vient, s'agite dans un monde de larmes, se sauvant de la souffrance, qui le poursuit.

Savoir prendre, c'est plus facile que savoir rendre : de la discrétion dans le premier cas, de l'oubli de soi dans le second.

Anne Barratin, De toutes les Paroisses, Ed. Lemerre, Paris, 1913

jeudi 22 novembre 2012

De toutes les Paroisses, page 80

L'homme a la permission de chercher, de creuser, pourvu que l'orgueil ne s'en mêle.

Partout où l'orgueil entre, il déborde; partout où il parle, il domine.

Les petites choses, ces moustiques de tous les jours, ne piquent plus quand les taons ont passé.

L'homme est imprévoyant : il a, il croit garder ; il espère, il croit tenir; et cette imprévoyance l'accompagne au tombeau.

Qu'il faut de couches de pitié pour couvrir le mépris que par moments notre âme pourrait concevoir pour l'homme !

Anne Barratin, De toutes les Paroisses, Ed. Lemerre, Paris, 1913

Miette 78 : Un menteur n'est pas écouté même en disant la vérité

L'expérience

Un menteur n'est pas écouté même en disant la vérité.

Sommaire. - Le mensonge d'après Pope, Bacon, Bonnin, Amyot et tutti quanti. - Qui trompe-t-on? - La gaîté des bains froids. - Joyeux baigneurs et joyeux plongeons. - Une bonne farce. - Guérison radicale. - Du temps pour réfléchir.

De tous les défauts le mensonge est certainement l'un des plus affreux; et les menteurs ont été justement honnis de tous temps.

Dans l'Ecclésiaste, on lit : « La vie des menteurs est sans honneur et leur honte les accompagne toujours. Il vaut mieux avoir à faire à un voleur qu'à un homme qui ment sans cesse ; mais la perdition sera le partage de l'un et de l'autre. »

Bacon « ne connaît pas de vice plus honteux et plus dégradant que celui de la perfidie, ni de rôle plus humiliant que celui d'un menteur ou d'un fourbe pris sur le fait ».

Comme contre-partie, Bossuet voit dans « la vérité une reine qui a dans le ciel son trône éternel et le siège de son empire dans le sein de Dieu. Il n'y a rien de plus noble que son domaine, puisque tout ce qui est capable d'entendre en relève, et qu'elle doit régner sur la raison même qui a été destinée pour guérir et gouverner toutes choses ».

Bonnin fait cette judicieuse remarque :

« Outre que le mensonge est odieux, si on réfléchissait aux embarras et aux soins qu'il donne, on se garderait de prendre tant de peine pour s'ôter toute confiance et se faire mépriser. »

Pope de même : « Celui qui dit un mensonge ne prévoit pas le travail qu'il entreprend, car il faudra qu'il en invente mille autres pour soutenir le premier. »

Et puis Amyot : « Mensonge est un chemin bien court à celui qui s'en aide ; mais la fosse est au bout, où le menteur se précipite. »

Dans la fable : «Le Bûcheron et Mercure1», La Fontaine arrive à la même conclusion :

Ne point mentir, être content du sien,
C'est le plus sûr : cependant on s'occupe
À dire faux pour attraper du bien.
Que sert cela? Jupiter n'est pas dupe.

Si les variations diffèrent, le thème ne varie pas. En effet, qui trompe-t-on à mentir? Peu de personnes; on finit bien vite par être dévoilé et taré quand on n'est pas victime soi-même de son propre mensonge.

Un joyeux farceur, qui faisait du mensonge ses plus chères délices, apprit, mais un peu tard, à ses dépens, les inconvénients de se moquer de son prochain en le trompant.

Une de ses plaisanteries favorites était, aux bains froids, de simuler les convulsions de l'homme qui se noie. La première fois, les maîtres baigneurs se jetèrent bravement à l'eau pour lui porter secours. Arrivés près de lui, le gai farceur, reprenant son état naturel, leur rit au nez, puis faisant un joli plongeon, fila entre deux eaux pour leur montrer qu'il nageait comme le plus sémillant des poissons. Il renouvelait fréquemment cette petite comédie et jouissait pleinement de l'émotion provoquée par sa noyade simulée. Un jour, jour funeste, une crampe, une vraie crampe le saisit pour tout de bon. Il appela au secours, pour tout de bon, on trouva la plaisanterie excellente et le tour bien joué; il réclama perche et bouée ; on riait de plus en plus ; si bien qu'il coula au fond de l'eau à la grande joie des assistants. Sa plongée se prolongeant un peu trop, un bon nageur voulut se rendre compte de ce qu'il advenait : il avait passé de vie à trépas. Radicalement guéri de sa manie de mensonge, jamais plus il ne recommença, s'étant lui-même offert le loisir de méditer tout à son aise l'aphorisme :

Un menteur n'est pas écouté
Même en disant la vérité.


1 Livre IV, fable 25.

Émile Genest, Miettes du passé, Collection Hetzel, 1913. Voir la note du transcripteur.

1 2 3 4 >