Jobineries

Blogue de Gilles G. Jobin, Gatineau, Québec.

dimanche 10 juin 2012

Mémorial Tal : Rondes 1 à 3

samedi 9 juin 2012

Chemin faisant, page 169

Les difficultés sont des défis que la nature nous jette et dont, sans parcimonie, elle encombre notre voie.

La joie habille un coeur tout à neuf en un instant.

Rien n'est dangereux pour l'esprit comme un compliment.

Que le génie est pauvre à côté d'un grand coeur !

La simplicité des manières est de bonne maison.

Un passé pur : un lit de roses sèches qui sentent toujours bon.

L'aurore attend chaque matin un nouveau monarque de vingt-quatre heures.

Anne Barratin, Chemin faisant, Ed. Lemerre, Paris, 1894

Lire le premier billet consacré à cette série.

Miette 51 : Il semble que nous ayons gardé les cochons ensemble

L'orgueil

Il semble que nous ayons gardé les cochons ensemble.

Sommaire. - Conséquences de la vie commune. - État servile. - Intimité engendre familiarité. - Les parapluies et les amis. - Charme et douceur de l'amitié.

Il faut vivre avec les gens pour les connaître, dit-on ; c'est profondément vrai. Vivre quotidiennement ensemble permet de s'apprécier réciproquement et découvrir le fort et le faible de chacun. Si l'affinité est complète entre deux personnages, la vie commune les lie d'amitié et crée affection et dévouement ; sentiments d'autant plus profonds et persistants qu'on aura partagé les mêmes peines, encouru les mêmes dangers, supporté les mêmes privations.

Ces liaisons et ces amitiés prennent plus rapidement naissance et se développent plus vivaces entre gens de condition modeste, astreints à de basses occupations. Moins on est placé haut sur les degrés de l'échelle sociale, plus vite s'établissent les relations et l'on ne tarde pas à être à « tu » et à « toi ».

Peu d'état servile est inférieur à la garde des cochons; l'intimité immédiate qui en résulte entraîne avec soi un prompt laisser aller et une familiarité complète aussitôt admise que créée. Si la vie intime ou la cohabitation n'a pas existé, on a lieu d'être surpris d'une familiarité intempestive ou d'un sans-gêne inexplicable, et l'on témoigne son étonnement ou son reproche en disant : « Il semble que nous ayons gardé les cochons ensemble », pour faire sentir à l'importun son indiscrétion et lui signifier qu'on n'admet avec lui aucun rapport d'amitié.

Avant que nous lier, il faut nous mieux connaître.1

Au surplus, l'amitié, pour être belle et désirable, n'est pas chose banale et vulgaire.

Dans tes amis lu dois mettre ta confiance,
Déposer dans leur sein les secrets de ton coeur;
Partager leurs plaisirs, partager leur douleur,
Et ne voir leurs défauts que d'un oeil d'indulgence.2

Pour arriver à ce degré de confiance et d'abandon, il convient de procéder avec réflexion et discernement et ne pas s'engager à la légère dans le choix de ses amis. Les saints et les philosophes nous le recommandent prudemment :

« Nos amitiés ne doivent pas être fondées sur l'intérêt, car l'amitié est une vertu et non un négoce. »3

« Ne sois pas prompt à acquérir des amis; mais ceux que tu auras acquis, ne leur enlève pas promptement ton estime. »4

Les pessimistes ne croient pas à l'amitié et vous en détournent par la plume de La Rochefoucauld :

« Ce que les hommes ont nommé amitié n'est qu'une société, un ménagement réciproque d'intérêts, un échange de bons offices; ce n'est enfin qu'un commerce où l'amour-propre se propose toujours quelque chose à gagner. »

Le poète latin, sceptique à l'égard de l'amitié, estime qu'elle ne survit pas à l'infortune :

Donec eris felix, mullos numerabis amicos;
Tempora si fuerint nubila, solus eris.
5

« Tant que vous serez heureux, vous compterez beaucoup d'amis ; si les temps deviennent nuageux, vous serez seul. »

Un humoriste donne de ce distique une plaisante traduction, dont le sens est assez fidèle: « Les amis sont pareils aux parapluies; on ne les a jamais sous la main quand il pleut. »6

S'il est du vrai dans ces opinions, semblables au fond quoique variées dans la forme, gardez-vous de trop les accueillir à la lettre et de faire fi de l'amitié. Croyez les philosophes et les saints ; faites un choix raisonné et judicieux ; vous en serez amplement récompensé par les jouissances infinies que vous éprouverez dans la possession d'un bon et véritable ami ; vous sentirez alors « tout le prix d'un coeur qui nous comprend ».

Qu'un ami véritable est une douce chose !
Il cherche vos besoins au fond de votre coeur ;
Il vous épargne la pudeur
De les lui découvrir vous-même.
Un songe, un rien, tout lui fait peur
Quand il s'agit de ce qu'il aime.7


1 Le Misanthrope, comédie de Molière. Acte I, sc. 2.
2 Pibrac.
3 Saint Ambroise.
4 Solon.
5 Ovide.
6 Théodore de Banville.
7 La Fontaine, Les deux Amis, livre VIII, fable 11.

Émile Genest, Miettes du passé, Collection Hetzel, 1913. Voir la note du transcripteur.

vendredi 8 juin 2012

Chemin faisant, page 168

Il n'est pas bon de pleurer, mais il sera bon d'avoir pleuré.

« Je vous le dis à vous, madame » : - Cette exception en ma faveur m'avertit au moins autant qu'elle me flatte.

Que faut-il pour bien recevoir? Faire oublier aux gens que vous les recevez.

Heureusement, la guêpe bourdonne.

Les gens qui ne savent pas aimer sans comparer ressemblent à ceux qui ne savent pas recevoir un présent sans l'évaluer.

Anne Barratin, Chemin faisant, Ed. Lemerre, Paris, 1894

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jeudi 7 juin 2012

Études : Collection H. Mattison (46 - 48)

N°46


Mattison H, Jaunakas Zinas, 1927
Les Blancs jouent et gagnent.
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N°47


Mattison H, Jaunakas Zinas, 1927
Les Blancs jouent et gagnent.
Montrer la solution
N°48


Mattison H, Shakhmatny Listok, 1927
Les Blancs jouent et gagnent.
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Un grand merci au superbe script PGN-VIEWER trouvé sur Chess Tempo.

Chemin faisant, page 167

Permettre aux vieux d'être laids, ce n'est pas, savez-vous, de la si commune indulgence.

La jeunesse mousse dans certains êtres comme le champagne dans le verre.

Les gens d'esprit ont le droit de faire des sottises ; ils n'ont pas le droit d'en dire.

Les saintes âmes reprennent la lutte avec amour, comme l'artiste son instrument.

Le renoncement est dur jusqu'à mi-côte; la fin de la route vous récompense.

Rien ne pèse plus que le coeur quand il est las !

Il faut bien débuter dans la vieillesse ; comme dans toutes les descentes, l'essentiel est de poser son pied d'aplomb.

Anne Barratin, Chemin faisant, Ed. Lemerre, Paris, 1894

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Miette 50 : Gai comme un pinson

Le jeu

Gai comme un pinson.

Sommaire. - Pour compléter mes études omithologiques. - De naturaliste en naturaliste. - Du choc jaillit... l'obscurité. - À qui se fier? - Le triomphe de la routine.

N'ayant pas poussé très loin mes études d'histoire naturelle et ne m'étant pas fait une spécialité de l'ornithologie, j'eus la curiosité de me renseigner sur l'état d'âme du charmant petit oiseau qui a nom « pinson » et dont la gaîté est devenue proverbiale.

J'ouvris l'ouvrage du Naturaliste par excellence, avec un N majuscule, du grand Buffon, et je lus :

« Le pinson est un oiseau très vif, toujours en mouvement; cela, joint à la gaîté de son chant, a donné lieu sans doute à la façon de parler proverbiale : gai comme un pinson. » Michaud, de son côté, révèle que « le pinson remplit l'air de sa voix éclatante ».

Mis en goût par ces indications précises quoique laconiques, je résolus de poursuivre ailleurs mes investigations, et recourus à l'Ornithologie passionnelle, d'Alphonse Toussenel, le délicat auteur de l'Esprit des bêtes.

Quelle fut ma surprise quand j'y découvris mon petit pinson dans ce portrait physique et moral : « Gai comme un pinson est encore un de ces adages menteurs qui contribuent si déplorablement à enraciner les préjugés et les erreurs dans l'esprit dès populations.

« Un oiseau gai, c'est le tarin, c'est le sizerin, le linot, le serin, un oiseau qui toujours sautille, babille, frétille, qui prend son mal en patience et le temps comme il vient ; qui, comme le chardonneret, mange devant la glace quand il est seul, pour se faire accroire à lui-même qu'il est en société. Or, le pinson n'a jamais affecté ces allures joviales; au contraire, il s'observe constamment, fait tout avec mesure, réflexion et solennité ; il pose, comme on dit, quand il marche, quand il mange, quand il chante. Au lieu de prendre le temps comme il vient, il se laisse aller à des plaintes mélancoliques pour peu que la pluie menace. La captivité le démoralise, le rend aveugle, le tue. Ce ne sont pas là des façons d'oiseau gai. »

Jugez de ma déception à cette diatribe inattendue contre la gaîté du pinson. Auquel des deux s'en rapporter à présent ? À Buffon? à Toussenel? À Toussenel ? à Buffon ?

Lequel des deux vécut le plus dans l'intimité de notre petit pinson dont je voulais faire mon ami et la joie de ma maison? Je ne le sais et ne puis le savoir. Mais s'il m'est permis de glisser mon humble avis dans ce passionnant litige, j'ai bien peur que, malgré Toussenel et son appréciation courroucée, on ne continue longtemps encore à dire avec le vieux Buffon : « Gai comme un pinson! »


Émile Genest, Miettes du passé, Collection Hetzel, 1913. Voir la note du transcripteur.

mercredi 6 juin 2012

Chemin faisant, page 166

Entre bons domestiques, c'est à qui aura le meilleur maître; entre mauvais, c'est à qui abîmera le plus le sien.

Un jeune qui n'ose pas assez, un vieux qui ose trop, deux déclassés.

Les vieux domestiques sont comme les vieux renards ; ils connaissent les fentes et leurs aboutissants.

Ils ne savent ni aimer ni haïr ceux-là qui ne fêtent pas en eux l'anniversaire de certains départs.

Élever, ce n'est pas chercher à faire passer son âme dans celle de son disciple, c'est placer l'âme de son disciple devant le devoir, l'honneur, la vertu.

Le scrupuleux rapetisse son Dieu.

Anne Barratin, Chemin faisant, Ed. Lemerre, Paris, 1894

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Miette 49 : Coq-à-l'âne

Le jeu

Coq-à-l'âne.

Sommaire. - Une fable ancienne, - Cocorico ! - Hi ! han ! - En veux-tu, en voilà. - On a le droit de s'arrêter.

Une fable ancienne met en scène un coq et un âne. Ces animaux raisonnent et discutent entre eux sans pouvoir jamais arriver à s'entendre ni se comprendre. Leurs propos sont aussi burlesques et incohérents que leurs idées sont biscornues, et leurs discours n'ont pas le sens commun.

En parlant de conversations absurdes, décousues et sans suite, on fait allusion aux répliques échangées dans cette fable entre le coq et l'âne ; on les dénomme des « coq-à-l'âne ».

Dans une de ses chansons, Collé, qui fit partie de la Société du Caveau, si célèbre par sa gaîté, a plaisamment fait un coq-à-l'âne interminable en se servant d"une série de proverbes qui n'ont aucun lien les uns avec les autres et sautent vraiment du coq à l'âne.

Entre autres adages, le refrain comprend les suivants :

Trop manger n'est pas sage.
Enfants d'Paris, quel temps fait-il?
Il pleut là-bas, il neige ici.
Pendant la nuit
Tous les chats sont gris.

Les contemporains de Collé trouvaient cela très drôle et s'en réjouissaient fort. On serait peut-être un peu plus difficile de nos jours et bien vite saturé de ce genre d'esprit. On s'arrêterait pour laisser le coq et l'âne continuer leur conversation à cocorico ! et à hi ! han! rompus.

À quelle époque les mots coq-à-l'âne ont-ils été réunis pour la première fois en un seul vocable? Chi lo sa. En tous cas l'expression n'en est pas nouvelle, puisqu'on la trouve déjà au XVe siècle et dans les Proverbes de Jehan Miélot : « C'est bien sauté du coq à l'asne », et dans ces vers :

Par mon serment
De moy vraiment
Vous vous raillez..
Trop vous faillez (vous vous trompez)
Car vous saillez (vous sautez)
De cocq en l'asne évidemment.

Émile Genest, Miettes du passé, Collection Hetzel, 1913. Voir la note du transcripteur.

mardi 5 juin 2012

Étude 2




Melnichenko E, 1976
Les Blancs jouent et gagnent.
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Miette 48 : Le jeu ne vaut pas la chandelle

Le jeu

Le jeu ne vaut pas la chandelle.

Sommaire. - Ni gaz ni électricité. - La mèche et les mouchettes. - Économie de chandelle. - Madame la Mairesse. - Affaires municipales. - Les paroles n'ont pas de couleur.

Autrefois on ne s'éclairait pas au gaz, encore moins à l'électricité ; on n'avait pour vaincre l'obscurité que la vulgaire et fumeuse chandelle dite des quatre ou des six, suivant le nombre qu'en contenait une livre.

La mèche se coupait avec des mouchettes quand le suif qui l'entourait, peu à peu consumé par la lente combustion, la transformait en un long lumignon noirâtre d'un pouvoir éclairant douteux.

Ce genre de luminaire ne pouvait passer pour brillant dans aucun sens ; on n'en était pas pour cela moins économe de sa chandelle que l'on brûlait le moins possible; et quand on se livrait le soir à un jeu dépourvu d'intérêt, on ne l'allumait pas du tout, « le jeu ne valant pas la chandelle ».

Avant que celle-ci ait complètement disparu, pour céder la place à la blanche bougie, la femme d'un brave maire de village ne la prodiguait pas, non plus qu'elle attachait ses chiens avec des saucisses.

Un soir que son mari avait longuement veillé avec l'adjoint et le secrétaire de la mairie et rédigé force arrêtés municipaux, tous trois abandonnèrent enfin plumes, papier et encre et se mirent à traiter de vive voix les affaires de la commune. La ménagère qui, depuis longtemps, contemplait avec dépit son suif se consumer : « Vous n'écrivez plus? » leur dit-elle, et elle souffla la chandelle.

Les paroles n'ayant pas de couleur n'ont en effet pas besoin d'être éclairées.

Émile Genest, Miettes du passé, Collection Hetzel, 1913. Voir la note du transcripteur.

Chemin faisant, page 165

Le caprice, comme la mère adultère, peut donner naissance aux plus saines productions.

Je plains les gens à qui un titre manque ; il leur coûtera cher à un certain moment.

D'un nid de perdrix peut sortir par hasard un aigle.

Qui se gouverne tient les autres en respect.

Anne Barratin, Chemin faisant, Ed. Lemerre, Paris, 1894

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