Jobineries

Blogue de Gilles G. Jobin, Gatineau, Québec.

mercredi 4 juillet 2012

Chemin faisant, page 194

Dieu a commandé à l'âme d'être altière dans le corps.

Dieu ne nous dépouille pas sans nous couvrir ; quand II nous enlève le bonheur, Il met un lé de plus au manteau de notre foi.

Que d'hommes seraient enchantés de ne pas avoir une aventure, si avoir une aventure n'était bien porté.

L'applaudissement ne paie pas une âme fière quand elle ne peut pas s'applaudir elle-même.

Il ne faut pas flairer la liqueur amère qu'il nous faut avaler.

Triste passe-temps que de vouloir convaincre un entêté.

Anne Barratin, Chemin faisant, Ed. Lemerre, Paris, 1894

Lire le premier billet consacré à cette série.

mardi 3 juillet 2012

Chemin faisant, page 193

Ceux qui me défendent me font souvent plus de peine que ceux qui m'attaquent.

Corriger sans humilier, panser sans meurtrir.

Un devoir mécontent est un vieux grognard qui ne désarme pas.

Il faut exprimer de sa vie, comme d'une grappe, tout le suc qui peut en sortir.

En Allemagne, la jeunesse est plus vigoureuse que jeune, elle a la force plus que l'élan.

N'est pas imposant qui veut.

Les choses douces sont comme les enfants sages ; elles reposent.

Anne Barratin, Chemin faisant, Ed. Lemerre, Paris, 1894

Lire le premier billet consacré à cette série.

lundi 2 juillet 2012

Chemin faisant, page 192

Ah! le peu que nous sommes! Un être ne fait rien dans l'ensemble des êtres, et une corde brisée dérange un violon.

La présence d'esprit vaut un grand capitaine.

Le parti-pris vit les oreilles bouchées.

Un vieux révolutionnaire est moins intéressant qu'une vieille breloque.

Que de gens ont vécu de vanités ne pouvant vivre par le coeur.

C'est bien simple de reculer sa chaise, et cependant c'est montrer beaucoup d'esprit.

Anne Barratin, Chemin faisant, Ed. Lemerre, Paris, 1894

Lire le premier billet consacré à cette série.

dimanche 1 juillet 2012

Chemin faisant, page 191

L'imprimerie a mis une borne entre la barbarie et nous.

Rien de plus piteux qu'une vieille guirlande.

Le bon sens s'en va gentiment quand personne ne veut le comprendre.

Quand tout ne vieillit pas ensemble, coeur et esprit, âme et désirs, gare à la bagarre!

Une question nous juge, une réponse nous mesure.

Bah! le dernier homme ne sera encore qu'un homme rappelant le grand-père Adam.

Anne Barratin, Chemin faisant, Ed. Lemerre, Paris, 1894

Lire le premier billet consacré à cette série.

samedi 30 juin 2012

Chemin faisant, page 190

L'habileté ne plaît qu'à elle-même, tout au plus à ceux qui en profitent.

La vanité est comme le coq ; elle se réveille avec bruit.

L'homme qui accepte la plainte, qu'il se prépare à accepter le conseil.

Mieux vaut être aimée qu'adorée.

Tendre le dos, c'est une action bien simple, et pourtant si difficile !

Il est certains mépris qu'il faut cacher en avare, d'autres qu'il faut avouer en prodigue.

Anne Barratin, Chemin faisant, Ed. Lemerre, Paris, 1894

Lire le premier billet consacré à cette série.

vendredi 29 juin 2012

Chemin faisant, page 189

Il n'est pas prouvé que les gens qui portent la misère avec majesté puissent porter la fortune avec décence.

La liberté a des limites comme tous les royaumes, la liberté a des voisins comme tous les peuples, la liberté a des passions comme tous les princes, la liberté a des taches comme tous les astres.

Les phrases toutes faites sont la ressource de ceux qui ne savent pas en faire.

Nos supériorités sont comme nos enfants, nous les gâtons.

La jalousie qui ne s'éteint pas avec l'amour est de l'amour-propre.

Aux cendres d'une passion s'en rallume souvent une autre.

Anne Barratin, Chemin faisant, Ed. Lemerre, Paris, 1894

Lire le premier billet consacré à cette série.

jeudi 28 juin 2012

Chemin faisant, page 188

Mourir! c'est retourner au bercail.

Le chagrin a des injustices à lui, comme la bouche amère.

Il y a des gens qui naissent ouatés d'indifférence et qui se croient philosophes.

Tout vient à point à qui sait attendre : parole d'un philosophe qui n'avait jamais attendu.

Quand un organe est bien portant on ne s'aperçoit pas qu'il existe ; quand la vie est facile on ne sent pas qu'elle coule.

Aimer et admirer à la fois, double jouissance du coeur, car on aime sans admirer et on admire sans aimer.

Anne Barratin, Chemin faisant, Ed. Lemerre, Paris, 1894

Lire le premier billet consacré à cette série.

mercredi 27 juin 2012

Chemin faisant, page 187

Même en dormant, ne perds pas ton but de vue.

Ah! qu'il fait mal le reproche de la conscience ! c'est l'enfant qui mord le sein.

On n'est pas d'abord à son aise dans une nouvelle vertu, comme sur un matelas cardé à neuf; puis l'union se fait.

Entre le travailleur et l'établi il n'y a pas de place pour la tentation.

C'est surtout l'innocence qu'on n'apprécie qu'après l'avoir perdue, tant on est généralement impatient de la perdre.

Le beau temps a toujours l'air d'un innocent.

Anne Barratin, Chemin faisant, Ed. Lemerre, Paris, 1894

Lire le premier billet consacré à cette série.

mardi 26 juin 2012

Miette 55 : Il vaut mieux faire envie que pitié

L'orgueil

Il vaut mieux faire envie que pitié.

Sommaire. - Prémisses posées. - Ennemie de notre bonheur. - Double souffrance. - Utilité des envieux. - Avantage d'être envié. - Cachons notre douleur. - Imprudente question. - Fine réponse.

L'envieux maigrit de l'embonpoint d'autrui.1

Faire envie, c'est être enviable; faire pitié, c'est être pitoyable; ces prémisses posées, la conclusion en découle logique et nous donne : il est préférable de provoquer l'envie plutôt que d'inspirer la pitié.

« L'envie est naturelle à l'homme, et cependant elle est un vice et un malheur tout à la fois. Nous devons donc la considérer comme une ennemie de notre bonheur et chercher à l'étouffer comme un méchant démon. Sénèque nous le commande par ces belles paroles :

« Nostra nos sine comparatione délectant : nunquam erit felix quem torquebit felicior (De ira, III,50) : Jouissons de ce que nous avons sans faire de comparaison; jamais de bonheur pour celui que tourmente un bonheur plus grand. »2

Ainsi s'exprime Schopenhauer. Puisqu'il était en train de citer Sénèque, il aurait pu ajouter du même auteur cette observation, qui complète la précédente : « L'ambitieux souffre doublement de l'envie, de celle qu'il éprouve et de celle qu'il inspire. »

Ces philosophes blâment l'envie et conseillent de s'en affranchir.

Boileau et Jean-Baptiste Rousseau, en gens pratiques, cherchent à tirer parti des envieux et vantent l'utilité des ennemis.

Commençons par Boileau :

Je dois plus à leur haine, il faut que je l'avoue,
Qu'au faible et vain talent dont la France me loue.
Leur venin, qui sur moi brûle de s'épancher,
Tous les jours en marchant m'empêche de broncher.
Je songe, à chaque trait que ma plume hasarde,
Que d'un œil dangereux leur troupe me regarde.
Je vais sur leurs avis corriger mes erreurs,
Et je mets à profit leurs malignes fureurs.
Sitôt que sur un vice ils pensent me confondre,
C'est en me guérissant que je vais leur répondre ;
Et plus en criminel ils pensent m'ériger,
Plus croissant en vertu, je songe à me venger.3

Plus calme et moins nerveux, Jean-Baptiste Rousseau songe au fruit que

Peut retirer un solide mérite
Des ennemis que le sort lui suscite.
Tous ces travaux dont il est combattu
Sont l'aliment qui nourrit sa vertu :
Dans le repos elle s'endort sans peine;
Mais les assauts la tiennent en haleine.4

Quel que soit le point de vue envisagé, vous avez intérêt à être envié, soit parce que votre mérite, votre talent vous auront donné une situation brillante et une réputation glorieuse, soit parce que la critique, vous ouvrant les yeux, vous conduira sur le chemin de la perfection. Par contre, s'il vous arrive un malheur, qu'on n'en sache rien, afin de ne pas devenir un objet de pitié.

Il est bon quelquefois de cacher sa douleur
Pour que nos ennemis n'aient pas fête en leur coeur.

Un auteur dramatique, qui venait d'obtenir un beau succès, reçoit la visite d'un de ses confrères, très connu par la malignité de son esprit et ses sentiments de jalousie : « Voilà un triomphe, s'écria-t-il en entrant, qui va fort déconcerter les envieux. Que vont-ils dire ? - C'est précisément à vous que je le demande, » répondit spirituellement l'auteur.


1 Horace
2 Schopenhauer, Aphorismes sur la sagesse dans la vie, Parénèses et maximes, chapitre V, II, De l'envie.
3 Epître VII : À Racine, De l'utilité des ennemis. Vers 59 et suivants.
4 Epître IV, livre II. A. M. Rollin. Vers 205 et suivants.

Émile Genest, Miettes du passé, Collection Hetzel, 1913. Voir la note du transcripteur.

Finale de pions : Aronin - Smyslov


Aronin - Smyslov,
Ch. URSS, Moscou, 1951.

Commentaires de Smyslov tirés de son Endgame Virtuoso, Cadogan, 1977.

Un grand merci au superbe script PGN-VIEWER trouvé sur Chess Tempo.

Chemin faisant, page 186

Le critique est aussi un homme de rancune, et sa personnalité passe chez lui, comme chez nous tous, avant sa justice.

Ceux qui doivent vivre de leur plume ont la plume nécessairement bridée.

La nasse laisse passer le fretin; soyons nasse pour le menu critique.

C'est une pénible déchéance que de se sentir moins bon, moins endurant qu'on ne l'était.

Un homme doit choisir son métier et sa femme.

Mentir au menteur, c'est boire dans son verre.

Les nouvelles amitiés sont comme les plages nouvelles; il leur manque le souvenir.

Anne Barratin, Chemin faisant, Ed. Lemerre, Paris, 1894

Lire le premier billet consacré à cette série.

lundi 25 juin 2012

Chemin faisant, page 185

Les injustices appellent l'autre vie, comme l'enfant malheureux appelle sa mère.

Nos yeux ne sont pas nés discrets, ils ont à le devenir.

Les vieilles coquettes sont comme les vieux généraux; elles aspirent toujours à quelque nouvelle bataille.

Les gens brusques s'autorisent de la franchise comme les voleurs de la faim.

Il y a des âmes qui sont nées soldats, il y a des esprits qui sont nés batailleurs.

Il faut écouter le critique comme le docteur, en se permettant de modifier l'ordonnance.

Anne Barratin, Chemin faisant, Ed. Lemerre, Paris, 1894

Lire le premier billet consacré à cette série.

< 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50 51 52 53 54 55 56 57 58 59 60 61 62 63 64 65 66 67 68 69 70 71 72 73 74 75 76 77 78 79 80 81 82 83 84 85 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 100 101 102 103 104 105 106 107 108 109 110 111 112 113 114 115 116 117 118 119 120 121 122 123 124 125 126 127 128 129 130 131 132 133 134 135 136 137 138 139 140 141 142 143 144 145 146 147 148 149 150 151 152 153 154 155 156 157 158 159 160 161 162 163 164 165 166 167 168 169 170 171 172 173 174 175 176 177 178 179 180 181 182 183 184 185 186 187 188 189 190 191 192 193 194 195 196 197 198 199 200 201 202 203 204 205 206 207 208 209 210 >