Jobineries

Blogue de Gilles G. Jobin, Gatineau, Québec.

jeudi 2 février 2012

Citations quotidiennes 02.02.12

Tout naturellement, j'aime les jaquettes. Mal ajustées aux livres, n'épousant pas leur corps, glissantes et bâillantes, je les aime, car je les jette. Alors, le livre est rendu à sa vérité, à sa candide simplicité originelle.
Annie François (Bouquiner, p.45, Ed. du Seuil, 2000)

Ce qui fait surtout notre misère, ce n'est pas la violence de nos passions, mais la faiblesse de nos vertus. Joseph Roux (Pensées, p.124, Lemerre, 1885)

Les hommes découvrent que pour la difficile entreprise de comprendre le monde - ce qui devrait être le but implicite de tout philosophe - il faut de la longueur de temps, et un esprit sans dogmatisme.
Bertrand Russell (Ma conception du monde, trad. Louis Evrard, p.20, idées/nrf n°17)

Nous sommes tous des imposteurs dans l'ensemble de ce monde, nous prétendons tous être quelque chose que nous ne sommes pas. Nous ne sommes pas des corps qui vont et viennent, nous ne sommes pas des atomes et des molécules, nous sommes des idées de l'Être, indestructibles, impérissables, et peu importe que nous soyons fortement persuadés du contraire...
Richard Bach (Illusions, trad. Guy Casaril, p. 142, Éd. J'ai Lu # 2111)

La volupté ne dure qu'un instant ; la vertu est immortelle.
Périandre (Moralistes anciens, p.534, choix de Louis Aimé-Martin, Lefèvre et Chapentier, Paris, 1844)

Voir Au fil de mes lectures.

mercredi 1 février 2012

Miette 12 : Être comme un coq en pâte

Le goût

Être comme un coq en pâte

Sommaire. — Le sultan de la basse-cour. — Volatile gavé. — On ne voit que la tête. — Heureux mari.
Et vous tous, heureux maris !

Si l'on parle du coq ou si l'on y pense, on se représente l'animal fier comme un sultan, se dressant orgueilleusement sur ses ergots au milieu de la basse-cour, entouré de ses nombreuses poules auxquelles il ne permet pas de « chanter » en sa présence.

Le feu semble jaillir de son aigrette altière,
Sa plume sur son cou s'épaissit en crinière,
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Sa queue, en arc mouvant, sur son dos qu'elle embrasse,
S'élève avec fierté, se recourbe avec grâce ;
Et son plumage entier, qu'il lisse et qu'il polit,
Des rayons du soleil se peint et s'embellit.1

Tel est le portrait sous lequel on voit le plus généralement ce « Chantecler »2, trônant, paradant, et lançant au ciel son éclatant cocorico.

Sous un aspect tout différent apparaît le coq en pâte.

Il y a deux sortes de coqs en pâte : celui que l'on nourrit copieusement, que l'on bourre, que l'on gave de succulente pâtée, heureux de festiner en attendant qu'il devienne « festin » à son tour.

L'autre est réellement dans la pâte ; on voit seule sa tête de faisan ou de perdrix émerger d'un pâté qui le cache entièrement et dans lequel il semble se pelotonner délicieusement.

Celui-là paraît jouir du bonheur parfait.

On lui compare l'homme allongé dans un lit bien chaud, sous de bonnes couvertures, la tête enfouie dans un oreiller moelleux qui ne laisse apercevoir que le bout de son nez. Son aspect de béatitude ne rappelle-t-il pas à s'y méprendre celui du coq en pâte ! Et vous tous, heureux maris, qui possédez femmes bonnes, douces, aimables et aimantes, qui vous préparent vos pantoufles l'hiver, de rafraîchissantes boissons l'été, qui vous bichonnent, qui vous dorlotent, qui vous cajolent, n'êtes-vous pas de véritables coqs en pâte ?


1 J.-B. Lalanne, Les Oiseaux de la ferme.
2 Chantecler, comédie en 5 actes, d'Edmond Rostand.

Citations quotidiennes 01.02.12

Nous avons longtemps souffert comme des bêtes. Il serait temps de souffrir comme des hommes.
Jacques Bergier (Cité par Louis Pauwels dans Les dernières chaînes, p.163, Pocket n°10493)

[...] La véritable indépendance, n'est-ce pas de vivre avec les êtres qui vous plaisent ?
Alfred Capus (Notre jeunesse, acte 2, sc.15 (Lucienne), in Théâtre complet, Vol. V, p.108, Arthème Fayard, 1910)

Dans un auteur. fécond , chaque situation, chaque fait rappelle une foule d'idées et de sentiments, et lorsqu'en même temps cet auteur a du goût et de l'art, ces idées, ces sentiments fortifient l'impression principale. Ainsi lorsque Camoëns dans la Lusiade, peint le départ de Vasco de Gama et de ses compagnons pour une navigation hasardeuse, il les représente préparant leurs âmes à la mort par des prières, et accompagnés par de longues processions de religieux qui font des voeux pour eux. Il peint la foule qui remplit le rivage, des mères, des épouses, des soeurs. Il répète le discours d'une mère à son fils qui part, d'une épouse à son époux, d'un sage vieillard qui démêle les causes et les suites d'une si vaste entreprise, la vanité de la gloire, les désastres qui accompagnent les conquêtes. C'est plus que de raconter un embarquement.
Dans la peinture que Virgile fait du sac de Troye, lorsqu'Énée se rend au palais de Priam pour le défendre contre les Grecs qui l'assiègent, il y pénètre par une porte dérobée. Combien cette circonstance. qui n'est qu'explicative de la narration, se trouve relevée par l'observation qu'il fait que c'était par ce chemin que dans des temps plus heureux, Andromaque avait coutume de conduire Astyanax auprès de Priam ! À l'instant le lecteur fait un rapprochement de ces moments de tranquillité et de bonheur, avec les horreurs du massacre qu'il décrit ; et cette pensée a quelque chose d'attendrissant, comme tout ce qui tient aux regrets.
Jean-Baptiste Say (Petit volume contenant quelques aperçus des hommes et de la société, p.32, Deterville, 1817)

L'invention et les progrès des sciences sont de la même nature. Ces progrès ne sont que l'invention renouvelée, une suite de vues semblables, et peut-être d'efforts à peu près égaux.
Jean-Sylvain Bailly (Histoire de l'astronomie ancienne, p.19, Frères Debure, 1781)

[...] Toute lecture, sans exception, est une représentation.
Anne Fadiman (Ex-libris, trad. Catherine Pierre , p.163, Mille et une nuits, 2004)

Voir Au fil de mes lectures.

Chemin faisant, page 33

Il y a des gens qui nous font trouver le ciel bien haut.

Une preuve de l'estime de Dieu pour l'homme, c'est d'avoir voulu qu'il conquît le ciel par l'effort.

Combien il faut que le ciel soit riche pour remplacer à lui seul la foi et l'espérance qui n'existeront plus !

Le devoir, c'est l'amour de Dieu sous tous les noms.

Deux espèces de gens redoublent notre ferveur : les impies par pitié, les saints par admiration.

Vivons les mains ouvertes pour mourir les mains pleines.

Anne Barratin, Chemin faisant, Ed. Lemerre, Paris, 1894

Lire le premier billet consacré à cette série.

mardi 31 janvier 2012

À Québec

Je suis à Québec pour quelques jours en raison de la rencontre nationale FGA. Hier soir, j'en ai profité pour passer chez Pantoute, ma librairie préférée sur Saint-Jean.

Bien sûr, je n'ai pu m'empêcher d'acheter quelques livres :
  • Edgar Morin : Dialogue sur la connaissance : entretiens avec des lycéens ;
  • Bertrand Russell : Pourquoi je ne suis pas chrétien, préfacé par Normand Baillargeon ;
  • Jim Stanford : Petit cours d'autodéfense en économie ;
  • Brussolo : Ceux d'en bas ;
  • Deux Arni Thorarinsson : Le temps de la sorcière et Le septième fils ;
  • Asimov : Le robot qui rêvait. C'est mon premier SF depuis des années !
J'espère avoir le temps de visiter quelques librairies de livres usagés.

Citations quotidiennes 31.01.12

Si l'imprédictibilité de l'espace de configuration de la biosphère est avérée, alors nous devrons trouver comment penser simultanément physique et histoire. Et cela demandera aux sociétés occidentales un changement d'attitude vis-à-vis de ce que doit être la science. La science devra s'incorporer d'une façon ou d'une autre à tout ce que nous ferons sur le plan pratique. Nos sociétés sont-elles prêtes à cela ? Nous allons vers une réunification des sciences et des humanités. D'un point de vue scientifique, nous ne pouvons prévoir l'espace de configuration de la biosphère, nous sommes contraints à l'union de ce que Kant appelait la raison pure et la raison pratique.
Stuart Kauffman (Spirales de l'auto-organisation, p.208, in La Complexité, vertiges et promesses, Le Pommier/Poche, 2006)

[...] entre " livre " et " vivre ", [...] il n'y a que la chiquenaude d'une consonne perdue.
Raphaël Sorin (Postface de Sur la lecture de Proust, p.71, Éd. Mille et une nuits, 1994)

[...] le héros doit étonner, c'est l'A.B.C du métier.
Françoise Dorin (Comme au théâtre in Théâtre II, p.17, Julliard, 1973)

Chemin faisant, page 32

Pour aimer il faut un coeur, pour consoler il faut une âme et un coeur.

Le temps est le tunnel qui conduit au grand jour.

Oui ! promesses humaines, c'est vous qui nous avez appris le mensonge et la duplicité.

Souviens-toi d'occuper ton esprit, de conduire ton coeur, de respecter ta raison.

Craindre après la chute c'est être sage, craindre avant la chute c'est être saint.

Chaque douleur que je supporte me laisse dans l'âme un orgueil inconscient dont mon humilité ne rougit pas.

Anne Barratin, Chemin faisant, Ed. Lemerre, Paris, 1894

Lire le premier billet consacré à cette série.

lundi 30 janvier 2012

Chemin faisant, page 31

Il faut se sentir d'aplomb sur sa morale, comme un cavalier sur son étrier.

Mets le ciel dans ta vie, pour retrouver ta vie dans le ciel.

Il faut, dans toutes nos actions, donner tant pour cent à la mort, et lui faire en sus quelques cadeaux.

Il y a de ces âmes qui font à notre âme ce que le bruit de l'eau fait à notre corps fatigué; même de loin elles nous rafraîchissent.

L'espérance et le souvenir m'ont trompée tous les deux, sans que j'aie pu me corriger ni de me souvenir ni d'espérer.

Les miettes deviennent bonnes quand on n'a plus de morceaux.

Anne Barratin, Chemin faisant, Ed. Lemerre, Paris, 1894

Lire le premier billet consacré à cette série.

Citations quotidiennes 30.01.12

Le plus fort est toujours celui qui dissimule.
Fabre d'Églantine (Les Précepteurs, acte 2, sc. 5 (Lucrèce), 1799)

Il ne faut pas demander l'heure. L'heure n'a rien à faire. Il ne faut attendre que ce qui est dû.
Jean Giono (Lanceurs de graines, p.153, Folio n° 1079)

Je voudrais être semblable à n'importe quel autre habitant de ce quartier : un type normal, banal, absolument quelconque.
Raymond Carver (Menudo, in Les trois roses jaunes, Folio n° 2138, trad. François Lasquin, p.89)

Je crois profondément que nos civilisations humaines sont à la recherche, parce qu'elles en ont avidement besoin, d'une attitude permettant à chacun de mieux se situer dans l'immense aventure cosmologique, en mettant en harmonie ce qu'elles savent avec ce qu'elles sentent.
Jean E. Charon (L'esprit cet inconnu, p.21, Éd. Albin-Michel)

L'amour-propre est crédule, et l'on peut s'y fier.
Les femmes sur ce point sont même assez sincères.
Charles Palissot (les Philosophes, acte 2, sc. 1. (Valère), 1760)

Voir Au fil de mes lectures.

dimanche 29 janvier 2012

Miette 11 : Ventre affamé n'a pas d'oreilles

Le goût

Ventre affamé n'a pas d'oreilles

Sommaire. — Influence du physique sur le moral. —Tête. perdue. — Regrets et remords. — Oreille distraite. — Cri de l'estomac. — Ventre sans oreilles. — La pitance avant tout! — Les « ventre affamé ».

L'état physique a la plus grande influence sur le moral. Un homme bien portant sera plus facilement gai et affable qu'un valétudinaire. Celui qui souffre du foie ou de l'estomac se montre aisément grincheux et désagréable.

Quand on est sous le coup d'une émotion violente, on perd la tête, on n'est plus maître de soi. De tristes exemples l'ont prouvé lors de l'incendie de l'Opéra-Comique en 1887 et plus récemment à celui du Bazar de la Charité, rue Jean-Goujon.1 Des hommes, qui de sang-froid auraient fait preuve de hardiesse et de courage, ont, dans ces circonstances, été tellement affolés à la vue des flammes que brutalement, bestialement, ils bousculèrent tout sur leur passage, n'ayant d'autre souci que d'échapper au sinistre, d'autre préoccupation que la fuite. La peur paralysait en eux tout autre sentiment; et combien ont dû le lendemain en subir les plus cuisants regrets, les plus pénibles remords !

En temps normal, ne cherchez pas à retenir l'attention d'une personne qui n'a pas dîné ; elle vous écoutera d'une oreille distraite ; si l'heure s'avance davantage et que son estomac « crie la faim », la voilà transformée en « ventre affamé » et elle n'a plus d'oreilles du tout, même si vous cherchez à la retenir parle bouton de sa redingote.

Caton avait remarqué ce phénomène gastronomique lorsqu'il haranguait le peuple romain par un temps de disette : « Arduum est, Quirites, ad ventrem auribus carentem verba facere : Il est dur, citoyens, disait-il, de faire un discours à un ventre qui na pas d'oreilles. »

On ne l'ignore pas non plus dans les assemblées délibérantes ; quand l'heure du repas a sonné, les orateurs ont beau s'évertuer à la tribune, ils n'arrivent plus à captiver l'attention. Le ventre crie, le ventre a faim, il n'a pas d'oreilles ; tant pis pour le pays, tant pis pour la patrie ; allons manger ; la pitance avant tout !

À un moment l'esprit boulevardier s'est souvenu de ce proverbe qu'il a accommodé à sa façon primesautière.

Les femmes se coiffaient alors en bandeaux cachant complètement les oreilles pour venir former en arrière le chignon.

Ces élégantes furent désignées du sobriquet de « ventre affamé ». Cette appellation leur déplut-elle ? Toujours est-il que la nouvelle mode n'eut pas de succès ; la coiffure disparut et le nom avec elle. C'est dommage, car c'était bien drôle.


1 [GGJ] Compte rendu du drame sur Wikipédia.


Émile Genest, Miettes du passé, Collection Hetzel, 1913. Voir la note du transcripteur.

Citations quotidiennes 29.01.12

« En quoi consiste la barbarie, demandait Goethe, sinon précisément en ce qu'elle méconnaît ce qui excelle ? »
Thomas De Koninck (La nouvelle ignorance et le problème de la culture, p.33, PUF, 2001)

Les professeurs de français devraient être des professeurs de mathématiques: ils passent leur temps à compter les fautes des élèves.
Ernest Abbé (Pamphlet 1: De l'éducation p. 54, éd. Quadrature, 1996)

Le malheur est qu'on ne veuille pas faire pour les vivants ce qu'on fait pour les morts. On épie le passage du temps sur les traits des siens tant qu'ils vivent. Pourquoi ?... Pourquoi ne fixe-t-on pas, une fois pour toutes, dans son coeur, les images agréables et les beaux visages qu'on aime... et pourquoi ne s'y tient-on pas ?
Jean Sarment (Léopold le Bien-Aimé [L'Abbé, acte III], p.29, La Petite Illustration, 5 nov. 1927)

Les artistes gênés sont impitoyables : ils fuient ou se moquent.
Honoré de Balzac (La Maison du Chat-qui-pelote, p.75, Classiques Garnier, 1963)

Voir Au fil de mes lectures.

Chemin faisant, page 30

Être bon n'est un mérite que quand on est né méchant.

Les larmes sont comme le collier de perles : moins il y en a, plus on y croit.

On revient de bien des choses, mais on revient encore plus de bien des gens.

La plus riche de toutes les vertus : le détachement.

Ne nous fait pas souffrir qui veut.

Pour être bien rempli, chaque jour de notre vie doit avoir entrevu le dernier.

Il faut considérer la joie comme une étrangère, et la peine comme une fille de la maison.

Anne Barratin, Chemin faisant, Ed. Lemerre, Paris, 1894

Lire le premier billet consacré à cette série.

< 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50 51 52 53 54 55 56 57 58 59 60 61 62 63 64 65 66 67 68 69 70 71 72 73 74 75 76 77 78 79 80 81 82 83 84 85 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 100 101 102 103 104 105 106 107 108 109 110 111 112 113 114 115 116 117 118 119 120 121 122 123 124 125 126 127 128 129 130 131 132 133 134 135 136 137 138 139 140 141 142 143 144 145 146 147 148 149 150 151 152 153 154 155 156 157 158 159 160 161 162 163 164 165 166 167 168 169 170 171 172 173 174 175 176 177 178 179 180 181 182 183 184 185 186 187 188 189 190 191 192 193 194 195 196 197 198 199 200 201 202 203 204 205 206 207 208 209 210 >