Jobineries

Blogue de Gilles G. Jobin, Gatineau, Québec.

vendredi 3 mai 2013

Miette 101 : Il ne faut pas mettre tous ses oeufs dans le même panier

La prudence

Il ne faut pas mettre tous ses oeufs dans le même panier.

Sommaire. - Bonne nourriture, belle ponte. - Je me précautionne. - Mésaventure du fermier voisin. - Divisez pour garder. - La fortune du philosophe Bias.

Au lieu de laisser mes poules, mes dindons, mes oies et mes canards vaguer à l'aventure dans les champs d'alentour et picorer çà et là au hasard de... la fourchette, je leur distribue généreusement grains d'avoine et de sarrasin, pâtées de pommes de terre bien cuites, assaisonnées de son d'excellente qualité. En retour, mes gentilles volailles, pleines de nourriture et de reconnaissance, me rendent quantité d'oeufs frais et beaux. J'en fais régulièrement l'abondante récolte; puis, loin de les mettre dans un seul et même panier, je les range soigneusement dans plusieurs.

- Pourquoi? me direz-vous.

- Pourquoi? Pour éviter la mésaventure survenue au fermier d'à côté :

Mon homme avait des oeufs et voulait s'en défaire ;
Pour ne pas à la foire arriver des derniers,
Quoiqu'il pût en remplir trois ou quatre paniers,
Il mit tout dans un seul et ne pouvait pis faire.
Sa mule, qui suait sous le poids du fardeau
Fragile comme du verre,
Pour en décharger sa peau,
À quatre pas de là donna du nez par terre.
« Hélas ! s'écria l'homme, à qui son désespoir
Inspira de vains préambules,
Que n'ai-je mis mes oeufs sur trois ou quatre mules !
Je mérite un malheur que je devais prévoir.
Si le ciel veut me permettre
De faire encore le métier,
Je jure de ne plus mettre
Tous mes oeufs dans un panier».1

Ce n'est pas seulement pour les oeufs qu'il faut ainsi procéder, mais pour toute espèce de choses.

N'embarquez pas toutes vos marchandises sur un seul vaisseau, un naufrage peut tout engloutir.

Ne placez pas toutes vos valeurs chez le même banquier ; celui-ci peut faire faillite ou avoir l'idée d'entreprendre un voyage au long cours et vous voilà ruiné.

Ne cachez pas tout votre argent dans un même endroit; des voleurs vous rendent visite, un incendie éclate; il ne vous reste plus rien.

Divisez, séparez, morcelez.

Si, après cela, vous n'êtes pas encore tranquille et rassuré, il n'y a plus qu'un seul moyen d'apporter le calme et le repos à votre âme inquiète : ne possédez ni marchandises, ni valeurs, ni économies.

Vous serez alors heureux et léger, à l'instar du philosophe Bias.

Priène, sa patrie, ayant été prise par Cyrus, tous les habitants emportèrent dans leur fuite ce qu'ils avaient de plus précieux. Bias seul n'emportait rien. On lui en demanda la raison :

« C'est, dit-il, que je porte tout avec moi : Omnia mea mecum porto. »

Sa fortune était sa sagesse.


1 Boursault.

Émile Genest, Miettes du passé, Collection Hetzel, 1913. Voir la note du transcripteur.

jeudi 2 mai 2013

Miette 100 : Avoir la puce à l'oreille

La prudence

Avoir la puce à l'oreille.

Sommaire. - Insomnie certaine. - Impressions militaires. - Insecte poétisé.

Quand une puce a entrepris de vous faire des caresses au milieu de la nuit, quelle que soit la partie de votre individu sur laquelle se soit jeté son dévolu, il y a de grandes chances que le sommeil vous abandonne ; on a jugé bon de ne retenir que l'oreille, ainsi que cela est consigné au XVIe siècle, dans un proverbe de Bouvelles :

Puce en l'oreille
L'homme réveille.

À la tête ou ailleurs, sa visite est des plus désagréables, et le tourlourou mécontent de sa garnison, ne faisait pas de distinction quand il résumait ses souvenirs de caserne :

Le jour, des muches (mouches),
La nuit, des puches (puces),
Sale régiment !

D'une manière moins brutale, Berlioz a poétiquement décrit, dans la Damnation de Faust1, les inconvénients multiples qu'entraîne avec soi ce minuscule animal aux jarrets d'acier, qui lui permettent de sauter mieux qu'un cabri. Méphistophélès démontre, avec exemple à l'appui, qu'il faut se méfier de lui et de toute sa famille; il a recours, pour cela, au procédé de l'apologue dans cette chanson :

1er couplet.
Une puce gentille
Chez un prince logeait.
Comme sa propre fille
Ce brave homme l'aimait,
Et, l'histoire l'assure,
Chez son tailleur un jour
Lui fit prendre mesure
Pour un habit de cour.

2e couplet.
L'insecte plein de joie,
Dès qu'il se vit paré
D'or, de velours, de soie,
Et de croix décoré,
Fit venir de province
Ses frères et ses soeurs
Qui par ordre du prince
Devinrent grands seigneurs.

3e couplet.
Mais ce qui fut bien pire,
C'est que les gens de cour
Sans oser en rien dire
Se grattaient tout le jour.
Cruelle politique !
Ah! plaignez leur destin,
Et dès qu'une nous pique
Écrasons-la soudain !

Une affaire vous préoccupe, l'inquiétude vous poursuit, vous ne pouvez dormir, comme si vous aviez réellement « la puce à l'oreille ». C'est alors que vous seriez heureux de mettre en pratique le conseil du Méphisto de Berlioz.

Malgré les désagréments et même la douleur que nous cause ce petit insecte, quelqu'un a trouvé le moyen de le poétiser :

La puce est un caprice ailé,
Des cieux il est la fantaisie,
C'est un miracle ciselé,
C'est un bijou de poésie.

L'auteur devait avoir l'âme bien bonne ou l'épiderme fort peu sensible.


1 La Damnation de Faust, légende dramatique en quatre parties (1846).

Émile Genest, Miettes du passé, Collection Hetzel, 1913. Voir la note du transcripteur.

mercredi 1 mai 2013

De toutes les Paroisses, page 240

Plaire est plus avantageux que mériter.

Tout ce qu'on a longtemps rêvé sans l'avoir, fait presque l'effet d'un patrimoine perdu.

La concision, c'est du poing.

La volupté regarde de près ; le sentiment, de haut.

Les âmes s'appellent par le désir et la conformité.

La contemplation nous fait oublier la terre, la méditation nous apprend à nous y conduire.

Anne Barratin, De toutes les Paroisses, Ed. Lemerre, Paris, 1913



NDLR : Ce billet complète la transcription du livre de Madame Barratin.

mardi 30 avril 2013

De toutes les Paroisses, page 239

Avant de planter, on pioche ; avant de convaincre, on ébranle.

La distinction nous sauve des ans auxquels elle résiste.

Toutes ces lèvres peintes sont en train de tuer le baiser.

Plaindre, c'est comprendre.

Les rêveurs sont toujours au bord d'un abîme.

Ma force appartient à mes devoirs avant de m'appartenir.

Les répits que laisse la douleur semblent en être la respiration.

Anne Barratin, De toutes les Paroisses, Ed. Lemerre, Paris, 1913

Miette 99 : Il ne faut pas parler de corde dans la maison d'un pendu

La prudence

Il ne faut pas parler de corde dans la maison d'un pendu.

Sommaire. - On ne se pend pas par excès de bonheur. - Sujets à éviter. - Renseignez-vous. - Un an de moins chaque année. - Cordes et machinistes.

Un homme se pend pour des motifs généralement étrangers à toute idée folâtre.

Il est poussé à cette extrémité par le désespoir que provoquent les souffrances morales ou physiques, toutes causes pénibles et cruelles pour la famille et l'entourage du suicidé, indépendamment des sentiments d'affection que le malheureux inspirait aux siens.

Réveiller le souvenir de sa mort dans sa propre maison, rappeler les circonstances dont elle fut entourée n'est pas une preuve de tact et doit être évité avec soin.

De même il ne faut pas parler devant quelqu'un d'un sujet qui peut lui être désagréable ou prêter à des allusions désobligeantes.

Afin de ne pas tomber dans ce travers, il est bon d'être renseigné sur les goûts et les habitudes des personnes avec lesquelles on est en rapport fréquent et journalier.

Un grand seigneur, gentilhomme jusqu'au bout des ongles, n'omettait jamais, le premier jour de l'an, en venant présenter ses voeux à la châtelaine, son épouse, de lui demander : « Quel âge désirez-vous avoir cette année? »

La chose entendue, il ne manquait pas de se le rappeler pendant trois cent-soixante cinq jours; et ne manifestait jamais la moindre surprise quand, au début de l'année suivante, on lui déclarait avoir une année de moins.

S'il ne faut pas parler de corde dans la maison d'un pendu, il n'en faut pas davantage prononcer le mot sur la scène d'un théâtre, devant les machinistes, à moins qu'on ne veuille régaler ces braves gens. Il est d'usage en effet que ceux-ci apportent un bouquet à quiconque parle de « corde » sur les planches ; et - une politesse en vaut une autre - il est non moins d'usage qu'on y réponde par l'offre de généreuses libations.

Connaissiez-vous cette coutume? il est probable que non ; en ce cas je suis heureux de vous l'apprendre.

Émile Genest, Miettes du passé, Collection Hetzel, 1913. Voir la note du transcripteur.

lundi 29 avril 2013

De toutes les Paroisses, page 238

La paresse mitige la méchanceté ; un méchant paresseux est moins redoutable qu'un autre.

J'aime l'ouverture des grands chemins et les confidences des petits.

Toutes les cendres se ressemblent.

Le gros de l'affaire, c'est de savoir se passer des éloges des autres.

Il y a des vieillards si pleins d'urbanité qu'ils ont l'air de demander à la jeunesse la permission de continuer à vivre.

La vie intérieure nous rend gourmands de nous-mêmes.

Anne Barratin, De toutes les Paroisses, Ed. Lemerre, Paris, 1913

2013.17

Belle journée du dimanche



Farce plate

Les cégeps cherchent des solutions à la baisse démographique, lit-on ici. Ma solution : Rapetisser les cégeps!

Citation

« C’est un asile de fous, pas un asile de cons. Il faudrait construire des asiles de cons, mais vous imaginez un peu la taille des bâtiments... »
(tiré du film Tais-toi !)

Maths

Pas mauvais du tout ce petit jeu Flash sur les fractions.

Twivailles





Remarque : Je n'ai pas pris le temps de vérifier l'origine de la citation de Lennon.

Échecs

Victoire pas très convaincante mardi soir : mon adversaire avait tout le centre, mais il n'a pu l'exploiter correctement. Il a aussi abandonné un peu trop rapidement, croyant perdre une pièce sans compensation. Vous pouvez suivre le tournoi ici.

Je suis avec grand intérêt le Mémorial Alekhine. Pour une fois qu'on a droit à des commentaires en français, j'en profite grandement.

dimanche 28 avril 2013

De toutes les Paroisses, page 237

L'effort a toujours le droit d'être content de lui.

Sans trop les craindre, respecte les difficultés.

L'amour est toujours bon à chanter.

Tu ne peux plus croire au bien, pourquoi? - J'ai trop trompé.

La Parque à l'orgueilleux : « Pour tous les hommes j'ai les mêmes ciseaux. »

Un parti pris, c'est un borgne : il ne voit que d'un oeil.

Il faut avoir plus peur de sa vie que de sa mort.

Anne Barratin, De toutes les Paroisses, Ed. Lemerre, Paris, 1913

samedi 27 avril 2013

Miette 98 : Il y a anguille sous roche

La prudence

Il y a anguille sous roche.

Sommaire. - Crainte, modestie ou simple goût. - Anguille, serpent ou scorpion. - Se méfier.

Soit par crainte, soit par modestie, soit simplement par goût, l'anguille aime le secret, le mystère et recherche l'obscurité ; elle trouve satisfaction en se faufilant dans la vase ou sous les pierres; à ce dernier mot on a substitué celui de roche qu'on a sans doute trouvé plus imposant ou plus poétique ; et l'on a dit il y a anguille sous roche.

Anguille vient du latin anguilla dont la racine anguis, serpent, prenait place dans la langue de Cicéron : latet anguis in herba, « le serpent est caché dans l'herbe ». Chez les Grecs, le serpent devenait un scorpion, l'herbe se transformait en pierre et le tout faisait : « le scorpion dort sous la pierre ».

Quels que soient les termes et le langage adoptés, le sens ne varie pas. Cela signifie qu'il y a dans une affaire une chose cachée, dangereuse, dont il faut se méfier ; en français l'on a adopté : il y a anguille sous roche, bien qu'on ne voie ni anguille, ni poisson, ni eau, ni vase, ni roche.

Émile Genest, Miettes du passé, Collection Hetzel, 1913. Voir la note du transcripteur.

De toutes les Paroisses, page 236

Les femmes peu frottées de vertu exigent souvent de bonnes moeurs chez leurs femmes de chambre : compensation !

Il ne faut rien avoir de trop épais, pas même la chasteté.

Sachons être prudents sans avoir été brûlés, et sages sans avoir été fous.

On apprécie peu son bonheur, on le gobe.

Comme on est fiévreux, on est aussi quémandeur, par tempérament.

Anne Barratin, De toutes les Paroisses, Ed. Lemerre, Paris, 1913

vendredi 26 avril 2013

Miette 97 : Le chien de Jean de Nivelle

La prudence

Le chien de Jean de Nivelle.

Sommaire. - Le chien d'Arlotto. - Jean de Nivelle a-t-il existé? - Et son chien ?

En général le chien est un animal docile et obéissant; il accourt à la voix de son maître ; cependant, sous le beau ciel de l'Italie, il y eut un nommé Arlotto dont les compatriotes disaient : Far come il cari d'Arlotto che chiamato se la batte. « Faire comme le chien d'Arlotto qui décampe quand on le siffle. » Nous n'avons rien à envier de ce côté à notre soeur latine, car, sous le beau ciel de France, a vécu un sieur Jean de Nivelle dont le caniche disparaissait aussi lorsqu'on le hélait.

Quand je dis « a vécu » ; je n'en sais rien. On en a beaucoup parlé; on ne prononce jamais le nom de Jean de Nivelle sans immédiatement faire allusion à son chien, pour désigner une personne qui se sauve avec d'autant plus de conviction que l'on court davantage après elle. Pour ce qui est d'avoir « vu », ce qui s'appelle vu, le fameux Jean de Nivelle et son non moins fameux chien récalcitrant, personne ne peut se vanter de cette aubaine.

Il faut donc admettre que tous deux, l'un fuyant l'autre, sont venus jusqu'à nous, grâce à la séduction de la rime, dont nos pères étaient friands, et l'ont prouvé une fois de plus en nous léguant :

C'est le chien de Jean de Nivelle,
Il s'enfuit quand on l'appelle.

Émile Genest, Miettes du passé, Collection Hetzel, 1913. Voir la note du transcripteur.

De toutes les Paroisses, page 235

Les attentions? de la bonté en miettes.

L'amitié peut avoir un doux crépuscule; l'amour ne connaît que le jour ou la nuit.

La crasse de l'orgueil s'appelle la morgue.

Les phrases toutes faites? le bureau de bienfaisance des esprits bornés.

Une reconstitution me fait peine, tout comme une jambe de bois.

Le bruit est un perturbateur, le son est un ami.

Pour un gouvernement ou pour un particulier, il n'y a que le premier pas qui coûte dans la démoralisation ; ensuite comme on y patine!

Anne Barratin, De toutes les Paroisses, Ed. Lemerre, Paris, 1913

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