Le travail

S'agiter comme une corneille qui abat des noix.

Sommaire. - Au jardin des Plantes. - Souvenir d'enfance. - La guenon de Florian.

Je vais vous faire un aveu dépouillé d'artifice; je n'ai jamais aperçu de corneille abattant des noix; mais j'ai souvent, étant enfant, contemplé le singe du Jardin des Plantes qui secouait un arbre dépourvu de feuilles mais pourvu d'une cloche; il fallait voir comme l'animal, cramponné de ses quatre « mains » à une branche, l'agitait fébrilement ; el la cloche de sonner, de carillonner, et moi de rire et de rire, et je n'étais pas le seul. Eh bien ! l'ardeur que ce singe apportait à son carillon n'a d'égale que l'impétuosité de la corneille dans l'abatage des noix.

Il paraît qu'elle en est très friande et se livre dans les noyers à une gymnastique effrénée pour en détacher les fruits ; moins bête que la « jeune guenon »1 de Florian, elle sait les « ouvrir » en les précipitant violemment sur le sol. Finalement elle est récompensée de son zèle, et sa peine a trouvé son salaire.

Malgré cela, l'homme, qui a de l'intelligence et de l'esprit, a décidé que « s'employer à quelque chose avec zèle, mais avec un empressement irréfléchi », c'était agir comme la corneille qui abat des noix.

L'homme doit avoir raison, car il n'a pu arriver à ce rapprochement désobligeant pour la corneille qu'après saine et mûre méditation.


1 Florian, La Guenon, le Singe et la Noix, livre IV, fable 12.

Émile Genest, Miettes du passé, Collection Hetzel, 1913. Voir la note du transcripteur.