William Wordsworth
1770-1850
- Bénis soient les moyens que la Nature emploie
Pour façonner nos coeurs ! tantôt versant la joie
Sans mélange, et n'offrant de ses aspects divers
Que ses fleurs, son sourire et ses tendres prés verts.
(En canot in « Choix de poésies», p.54, trad. Émile Legouis, Les Belles-Lettres, Paris, 1928)
- Fils sévère du très saint Verbe,
O Devoir ! lumière du coeur,
Seul maître de l'âme superbe,
Le guide et le réprobateur !
L'essaim des caprices s'envole
Et meurt devant tes pas divins ;
Tu calmes la terreur frivole
Et les fiévreux élans vers des mirages vains.
(Ode au Devoir in « Choix de poésies», p. 216, trad. Émile Legouis, Les Belles-Lettres, Paris, 1928)
- Art reposant ! Tout passe et toi seul tu demeures.
Les matins, les midis, les soirs, toutes les heures
T'apportent le décor changeant de leur beauté ;
Et tu donnes, pour l'oeil las des métamorphoses,
Au court instant surpris dans la fuite des choses
Le calme dont jouit la seule Éternité !
(Sur un tableau in « Choix de poésies», p.244, trad. Émile Legouis, Les Belles-Lettres, Paris, 1928)
- Dans sa marche à travers le monde, le Destin
Compose avec les bruits de chute et d'agonie
Une mélancolique et subtile harmonie
Qui vibre jusqu'à nous comme un concert lointain.
C'est un éternel chant dont le sens n'est distinct
Que pour le coeur pensif et l'âme recueillie.
Le Vrai ne périt pas, mais sa forme vieillie
Se fond comme le givre au soleil du matin.
(La Mutabilité in « Choix de poésies», p.264, trad. Émile Legouis, Les Belles-Lettres, Paris, 1928)
- Ce n'est pas seulement la guerre ni l'amour,
Ni les maux éclatants d'une âme inconsolée,
Ni les trônes fameux s'écroulant tour à tour,
Qui peuvent inspirer la poésie ailée.
Elle aime l'humble asile où la Paix fait séjour ;
Il lui plaît de gravir la colline isolée
Et de voir la chaumière à la fin d'un beau jour
Qui fume vers le ciel du fond de la vallée.
(Beauté du calme in « Choix de poésies», p.266, trad. Émile Legouis, Les Belles-Lettres, Paris, 1928)
- Poète, brise avec la muse, dès le jour
Où s'éloignent de toi la Pensée et l'Amour.
As-tu pour compagnons l'Amour et la Pensée,
Qu'importe si tes yeux sont clos ou grands ouverts !
Le ciel intérieur répandra la rosée
De l'inspiration sur tes plus humbles vers.
(Poésie intérieure in « Choix de poésies», p.276, trad. Émile Legouis, Les Belles-Lettres, Paris, 1928)