Hermann Hesse
1877-1962
  1. [...] il était des doutes dont il suffisait de connaître l'existence ou la possibilité, pour en souffrir.
    (Le jeu des perles de verre, Calmann-Lévy)
     
  2. Sur les chemins sans risques on n'envoie que les faibles.
    (Le jeu des perles de verre, Calmann-Lévy)
     
  3. [...] un artiste qui fait oeuvre d'imagination évite les mathématiques pures et la logique non parce qu'il a décelé quelque chose en elles, ni parce qu'il trouve à redire, mais parce que d'instinct il est porté ailleurs.
    (Le jeu des perles de verre, Calmann-Lévy)
     
  4. Chacun de nous n'est rien de plus qu'humain, rien de plus qu'un essai, une étape. Mais cette étape doit le conduire vers le lieu où se trouve la perfection, il doit tendre vers le centre et non vers la périphérie. Note cela: on doit être un logicien ou un grammairien rigoureux, et être en même temps plein de fantaisie et de musique.
    (Le jeu des perles de verre, Calmann-Lévy)
     
  5. Quiconque dirige les forces les plus hautes de son désir vers le centre, vers l'être véritable, la perfection, paraîtra plus calme qu'un passionné, parce que la flamme de son ardeur ne sera pas toujours visible, parce que, par exemple dans une discussion, il ne criera ni ne gesticulera. Mais, je te le dis: il faut qu'il soit plein d'ardeur et de flamme!
    (Le jeu des perles de verre, Calmann-Lévy)
     
  6. -N'existe-t-il donc pas de vérité? N'y a-t-il donc pas une doctrine qui soit authentique et valable?
    -La vérité existe, mon cher, mais la 'doctrine' que tu réclames, l'enseignement absolu qui confère la sagesse parfaite et unique, cela n'existe pas. Il ne faut pas non plus avoir le moins du monde la nostalgie d'un enseignement parfait, mon ami; c'est à te parfaire toi-même que tu dois tendre. La divinité est en toi, elle n'est pas dans les idées ni dans les livres. La vérité se vit, elle ne s'enseigne pas ex cathedra.

    (Le jeu des perles de verre, Calmann-Lévy)
     
  7. Dès ses études à l'université, le médecin, le juriste, le technicien est prisonnier d'un cycle de cours rigide, qui se termine par une gamme d'examens. Quand il les a passés, il reçoit son diplôme et jouit alors de nouveau de la liberté apparente de s'adonner à sa profession. Mais il ne devient ainsi que l'esclave de puissances intérieures: il tombe sous la coupe du succès, de l'argent, de son ambition, de sa vanité, du charme que les gens lui trouvent ou ne lui trouvent pas. Il doit se soumettre à des choix, gagner de l'argent; il participe aux rivalités impitoyables des castes, des familles, des partis, des journaux. En compensation, il a toute licence d'avoir des succès et de la fortune, et de provoquer la haine des malheureux, à moins que ce ne soit l'inverse.
    (Le jeu des perles de verre, Calmann-Lévy)
     
  8. Les hommes vraiment grands de l'histoire universelle ou bien ont médité, ou bien ont trouvé sans s'en rendre compte la voie qui aboutit où nous mène la méditation.
    (Le jeu des perles de verre, Calmann-Lévy)
     
  9. Que tu deviennes professeur, savant, ou musicien, aie le respect du 'sens', mais ne t'imagine pas qu'il s'enseigne.
    (Le jeu des perles de verre, Calmann-Lévy)
     
  10. La chance n'a rien à voir avec la raison ni avec la morale. Elle est d'essence magique, l'attribut d'un niveau précoce et juvénile de l'Humanité.
    (Le jeu des perles de verre, Calmann-Lévy)
     
  11. C'est le joyau à la fois le plus précieux et le plus inutile, le plus aimé et le plus fragile de notre trésor.
    (Le jeu des perles de verre, Calmann-Lévy)
     
  12. Pour régner, il n'est nullement nécessaire d'être sot et brutal, mais il faut se plaire constamment à une activité orientée vers l'extérieur, il faut la passion de s'identifier avec ses buts et ses propos, et aussi assurément de la rapidité et une certaine absence de scrupules dans les choix des moyens de réussir.
    (Le jeu des perles de verre, Calmann-Lévy)
     
  13. La beauté et la suprême beauté sont périssables, elles aussi, dès qu'elles sont devenues histoire et phénomènes de cette terre.
    (Le jeu des perles de verre, Calmann-Lévy)
     
  14. L'enjeu de l'éveil, c'était, semblait-il, non la vérité et la connaissance, mais la réalité, le fait de la vivre et de l'affronter. L'éveil ne vous faisait pas pénétrer près du noyau des choses, plus près de la vérité. Ce qu'on saisissait, ce qu'on accomplissait ou qu'on subissait dans cette opération, ce n'était que la prise de position du moi vis-à-vis de l'état momentané de ces choses. On ne découvrait pas des lois, mais des décisions, on ne pénétrait pas dans le coeur du monde, mais dans le coeur de sa propre personne. C'était aussi pour cela que ce qu'on connaissait alors était si peu communicable, si singulièrement rebelle à la parole et à la formulation. Il semblait qu'exprimer ces régions de la vie ne fît pas partie des objectifs de langage.
    (Le jeu des perles de verre, Calmann-Lévy)
     
  15. Mais il avait aussi appris qu'un homme de pensée, qui cherche n'a pas le droit de perdre l'amour, qu'il doit affronter les désirs et les folies des autres, sans orgueil, mais sans le droit non plus de se laisser dominer par eux, qu'il n'y a pas entre le sage et le charlatan, le prêtre et le jongleur, entre le frère secourable et le profiteur parasite, et qu'au fond les gens préfèrent infiniment un escroc, se faire exploiter par un crieur de foire plutôt qu'accepter sans détours un secours généreusement offert.
    (Le faiseur de pluie)
     
  16. [...] ces objets dont l'essence et l'aspect semblaient appartenir à des sphères différentes, dans lesquels la sagesse ou le caprice de la nature paraissait trahir un peu les règles de son jeu et les mystères de la création, des objets qui réunissaient symboliquement en eux-mêmes des éléments fort éloignés, par exemple des branches noueuses qui avaient figure d'homme ou de bête, des cailloux polis à madrure de bois, des pétrifications d'animaux d'un monde extérieur, des noyaux de fruits difformes jumeaux, des pierres en forme de reins ou de coeurs.
    (Le faiseur de pluie)
     
  17. [...] les professeurs, en présences de certains talents éclatants, éprouvent de la répugnance et de l'horreur. Tout élève de ce genre fausse le sens entier et l'utilité de l'enseignement. Toute promotion accordée à un disciple capable de briller, mais non de servir, est au fond une atteinte à l'idée de service, une manière de trahir l'esprit.
    (Le faiseur de pluie)
     
  18. Leur retour constant avait quelque chose de tranquillisant, les étoiles étaient consolatrices; là-haut, certes, elles étaient lointaines et froides, elles ne dispensaient pas de chaleur mais on pouvait se fier à elles, leur disposition était solide, elles étaient messagères d'ordre, prometteuses de durée. Elles paraissaient étrangères, lointaines, à l'opposé de la vie terrestre, de la vie des hommes, inaccessibles à sa chaleur, à ses palpitations, à ses douleurs, dans la noble froideur de leur majesté et de leur éternité, mais il y avait cependant des rapports entre elles et nous, peut-être étaient-ce elles qui nous dirigeaient et nous gouvernaient. Et s'il existait un savoir humain, un bien spirituel, un certitude, une supériorité de l'esprit sur la précarité des choses, qu'on pût obtenir et conserver, cela ressemblait aux étoiles, cela avait leur rayonnement froid et tranquille, leur réconfort frissonnant, leur air d'éternité un peu ironique.
    (Le faiseur de pluie)
     
  19. Les choses se déforment facilement quand on regarde en arrière.
    (Biographie Indienne)
     
  20. Lorsqu'on est libre, ce n'est pas difficile de choisir pour soi-même ce qu'il y a de meilleur dans la vie. Mais qui donc a le choix?
    (La scierie du Marbrier, Livre de Poche n° 4932)
     
  21. Parler est le plus sûr moyen de tout compromettre à force de platitude et d'abstraction. Vous ne cherchez pas du tout à me comprendre ni à vous comprendre vous-même! Votre seul souci est de vous tranquilliser par rapport à ce que vous avez pu deviner à mon sujet. Vous avez hâte de savoir à quoi vous en tenir, sur moi et sur l'impression que vous avez de moi, afin d'attacher à mon personnage l'étiquette qui vous permettra de la classer. Vous essayez de voir si cela joue avec l'indication criminel ou malade mental. Vous désirez connaître mon nom et mon état. Chère mademoiselle, on ne peut que se fourvoyer en suivant ce chemin-là; il vous éloigne de toute compréhension véritable. Un mauvais produit de remplacement: voilà ce que vous cherchez, au lieu de la vraie compréhension, qui est le devoir de tout être humain. Ce devoir, vous l'esquivez.
    (Klein et Wagner, Livre de Poche n° 4932)
     
  22. J'ignore comment vous vivez, mais vous vivez comme j'ai vécu moi-même et comme tout le monde vit, le plus souvent dans les ténèbres et à côté de soi-même, toujours esclave d'un but, d'un devoir ou d'un projet. Ainsi vivent presque tous les hommes et le monde entier périra de cette maladie.
    (Klein et Wagner, Livre de Poche n° 4932)
     
  23. Le bonheur, ce n'est pas d'être aimé. Chaque être humain a de l'amour pour lui-même, et pourtant, ils sont des milliers à vivre une existence de damnée. Non, être aimé ne donne pas le bonheur. Mais aimer, ça c'est le bonheur!
    (Klein et Wagner, Livre de Poche n° 4932)
     
  24. [...] la vie atteint sa plénitude à l'instant où les choses semblent avoir perdu leur signification.
    (Klein et Wagner, Livre de Poche n° 4932)
     
  25. Il n'existait qu'une manière d'accéder à la sagesse; une seule croyance, une seule pensée y conduisait: la certitude que Dieu est en nous. Les écoles, les églises et toute la culture, y compris les sciences, ne font que dénaturer cette vérité, constamment trahie et enseignée de travers.
    (Klein et Wagner, Livre de Poche n° 4932)
     
  26. L'art n'était rien d'autre que la contemplation du monde pénétré par la grâce, éclairé du dedans. Révéler la présence de Dieu derrière chaque objet, telle était la fonction de l'art.
    (Klein et Wagner, Livre de Poche n° 4932)
     
  27. Dans les écoles, on apprend des quantités de dates de batailles ridicules, des noms d'anciens rois tout aussi absurdes, on lit chaque jour des articles sur les impôts et sur la question des Balkans, mais, de l'homme, on ne sait rien!
    (Klein et Wagner, Livre de Poche n° 4932)
     
  28. [...] ce principe en nous, ce ressort mystérieux qui est seul à donner un sens à la vie, à créer le plaisir et la douleur, à susciter en nous l'exigence du bonheur et la capacité d'en jouir, cette chose-là demeure inconnue, on n'en sait absolument rien, et lorsqu'elle est attaquée par la maladie, on ne trouve pas de remède. N'est-ce pas incroyable?
    (Klein et Wagner, Livre de Poche n° 4932)
     
  29. [...] tout ce que l'on possède est illégitime. Nous sommes tous des pécheurs, des criminels, du seul fait que nous vivons.
    (Klein et Wagner, Livre de Poche n° 4932)
     
  30. Ton existence est un suicide.
    (Klein et Wagner, Livre de Poche n° 4932)
     
  31. Non, jamais on ne se sent aussi complètement ignoré de son prochain que lorsqu'il dort!
    (Klein et Wagner, Livre de Poche n° 4932)
     
  32. Tout visage aimé s'altère, excite un sentiment d'horreur dès l'instant où il cesse de mentir, que ce soit dans le silence ou dans le sommeil. On découvre alors ce qui se cachait au fond de l'âme, qui n'a rien à voir avec l'amour, de même que, si l'on pénètre jusqu'au fond de soi-même, on n'y trouve rien qui ressemble à l'amour.
    (Klein et Wagner, Livre de Poche n° 4932)
     
  33. L'art suprême consistait en ceci: se laisser aller, consentir à sa propre chute.
    (Klein et Wagner, Livre de Poche n° 4932)
     
  34. Chaque vie était une expiration du souffle divin, chaque mort une inspiration. Celui qui savait se plier à ce rythme et qui ne refusait pas sa propre disparition, celui-là n'éprouvait aucune peine à mourir ni à naître. L'angoisse était réservée à la créature qui se débattait: il lui était difficile de mourir, et il lui coûtait d'être né.
    (Klein et Wagner, Livre de Poche n° 4932)
     
  35. Vivre et mourir est une source de félicité dès l'instant où l'on affronte seul l'univers. De l'extérieur, il ne faut attendre nul apaisement. Il n'y a point de repos dans les cimetières, et pas davantage en Dieu; aucune magie ne pourrait briser la chaîne infinie des naissances, le rythme de la respiration divine. Mais il existe une autre paix, que l'on ne trouve qu'en soi-même: se laisser aller, ne pas se défendre, accepter la mort, assumer l'existence.
    (Klein et Wagner, Livre de Poche n° 4932)
     
  36. Le temps était l'une de ses [à l'esprit] inventions. Une trouvaille remarquable, un instrument de haute précision pour susciter en nous des tourments nouveaux, pour dissocier le monde et le rendre plus inextricable. Seul le temps, cette invention démente, séparait l'homme de tout ce qu'il convoitait. C'était là un de ces appuis, une de ces béquilles dont il fallait avant tout se défaire si l'on voulait être libre.
    (Klein et Wagner, Livre de Poche n° 4932)
     
  37. On surestime les sens dès l'instant où l'on croit que l'esprit n'a pas d'autre fonction que de les suppléer et de fournir une compensation nécessaire, lorsqu'ils sont défaillants. Les sens n'ont pas la moindre supériorité sur l'esprit, et l'inverse est également vrai. Ils forment un tout, ils se valent.
    (Le dernier été de Klingsor, Livre de Poche n° 4932)
     
  38. Celui qui a grandi dans la montagne, il peut bien pendant des années étudier la philosophie ou l'histoire naturelle et faire table rase des vieilles croyances: quand il sent à nouveau le foehn ou entend une avalanche dévaler à travers les bois, son coeur tremble dans sa poitrine et il songe à Dieu et à la mort.
    (Peter Camenzind, p.18, Livre de Poche n° 5076)
     
  39. Je pris conscience de ce qu'il y a de divin et de ce qu'il y a de ridicule dans toute existence humaine: l'énigme de nos coeurs déchirés et révoltés, la profondeur de l'histoire universelle et l'immense miracle de la pensée qui transfigure notre courte existence et qui, par l'effet de la connaissance, élève notre petite destinée dans la sphère de la nécessité et de l'éternel.
    (Peter Camenzind, p.36, Livre de Poche n° 5076)
     
  40. Ah! l'amour n'est pas fait pour nous rendre heureux. Je crois qu'il est fait pour nous révéler dans quelle mesure nous avons la force de souffrir et de supporter.
    (Peter Camenzind, p.87, Livre de Poche n° 5076)
     
  41. Je crois qu'il n'est point d'homme sérieux, à moins qu'il n'ait complètement perdu la bonne voie, qui soit capable de s'ôter la vie, s'il a vu s'éteindre l'existence d'un être sain et bon.
    (Peter Camenzind, p.112, Livre de Poche n° 5076)
     
  42. [...] la mort est notre soeur bonne et sage; elle sait l'heure qui convient et nous devons lui faire confiance. [...]le rôle de la douleur, des déceptions et des idées noires n'est pas de nous aigrir, de nous faire perdre notre valeur et notre dignité, mais de nous mûrir et de nous purifier.
    (Peter Camenzind, p.113, Livre de Poche n° 5076)
     
  43. [...] l'art s'était efforcé de tout temps de donner un moyen d'expression à ce besoin inexprimé de divin qui est en nous.
    (Peter Camenzind, p.133, Livre de Poche n° 5076)
     
  44. Il n'est rien au monde qui vous donne plus de noblesse et plus de bonheur qu'un amour immuable, sans paroles, sans passion.
    (Peter Camenzind, p.135, Livre de Poche n° 5076)
     
  45. [...] l'homme se distingue avant tout du reste de la nature par une couche glissante et gélatineuse de mensonge qui l'enveloppe et le protège.
    (Peter Camenzind, p.162, Livre de Poche n° 5076)
     
  46. Il en va ainsi de l'amour. Il apporte des douleurs [...]. Mais qu'importe que nous souffrions ou non? Pourvu que l'on vive ardemment avec l'être aimé, que l'on sente le lien étroit et vivant qui nous unit à tout ce qui vit, pourvu que la tendresse ne s'éteigne pas!
    (Peter Camenzind, p.198, Livre de Poche n° 5076)
     
  47. Le travail le plus dur, ce n'est encore rien auprès de la mort. Mais on en vient à bout tout de même.
    (Peter Camenzind, p.200, Livre de Poche n° 5076)
     
  48. Le ciel, comme le voit le prêtre, ça n'existe pas. Le ciel est bien plus beau, bien plus beau.
    (Peter Camenzind, p.200, Livre de Poche n° 5076)
     
  49. L'homme est un bulbe formé de centaines de pellicules, une texture tissée de milliers de fils.
    (Le loup des steppes, Livre de Poche n° 2008)
     
  50. Car l'homme n'est point une création solide et durable mais plutôt un essai et une transition; il n'est pas autre chose que la passerelle étroite et dangereuse entre la nature et l'esprit.
    (Le loup des steppes, Livre de Poche n° 2008)
     
  51. Ne pas vouloir mourir est la voie la plus sûre vers la mort éternelle, tandis que pouvoir mourir, dépouiller les voiles, abandonner éternellement le moi au changement mène à l'immortalité.
    (Le loup des steppes, Livre de Poche n° 2008)
     
  52. Obéir, c'est comme boire et manger: rien ne vaut ça quand on en manque depuis longtemps.
    (Le loup des steppes, Livre de Poche n° 2008)
     
  53. Il est peut-être difficile de se pendre, je n'en sais rien, moi! Mais vivre est tellement plus difficile!
    (Le loup des steppes, Livre de Poche n° 2008)
     
  54. Le sérieux naît [...] d'une surestimation du temps.
    (Le loup des steppes, Livre de Poche n° 2008)
     
  55. Tout humour un peu élevé commence par cesser de prendre au sérieux sa propre personne.
    (Le loup des steppes, Livre de Poche n° 2008)
     
  56. Par le fait qu'une mère m'a mis au monde, je suis fautif, je suis condamné à vivre, je dois appartenir à un État, être soldat, tuer, payer des impôts pour des armements. Et, en ce moment, la faute de la vie m'a amené de nouveau, comme jadis en temps de guerre, au devoir de tuer. Mais, cette fois, je ne tue pas à contrecoeur, je prends conscience de la faute, et, si ce monde stupide et abruti vole en miettes, je ne proteste pas, je fais de mon mieux pour l'y aider et je péris volontiers avec.
    (Le loup des steppes, Livre de Poche n° 2008)
     
  57. Il est mauvais que l'humanité s'efforce de raisonner trop et cherche à ordonner au moyen de la logique des choses inaccessibles au raisonnement.
    (Le loup des steppes, Livre de Poche n° 2008)
     
  58. Il est bon d'avoir appris à ses dépends ce qu'on a besoin de savoir.
    (Siddhartha, Livre de Poche n° 2008)
     
  59. Tiens, je ne suis pas un savant, moi, je ne sais pas parler et j'ignore l'art de penser. Tout mon talent c'est de savoir écouter et d'être juste, autrement je n'ai rien appris. Si je possédais le don de l'exprimer et de l'enseigner, je pourrais peut-être passer pour un sage.
    (Siddhartha, Livre de Poche n° 2008)
     
  60. Rien ne fut, rien ne sera; tout est, tout a sa vie et appartient au présent.
    (Siddhartha, Livre de Poche n° 2008)
     
  61. Est-ce que tout ce qui dans le monde pesait sur nous ou nous était hostile ne disparaissait pas et ne surmontait pas dès qu'on avait vaincu le temps; dès que par la pensée on pouvait faire abstraction du temps?
    (Siddhartha, Livre de Poche n° 2008)
     
  62. La sagesse qu'un sage cherche à communiquer à toujours un air de folie.
    (Siddhartha, Livre de Poche n° 2008)
     
  63. Le contraire de toute vérité est aussi vrai que la vérité elle-même.
    (Siddhartha, Livre de Poche n° 2008)
     
  64. Analyser le monde, l'expliquer, le mépriser, cela peut être l'affaire des grands penseurs. Mais pour moi il n'y a qu'une chose qui importe, c'est de pouvoir l'aimer, de ne pas le mépriser, de ne le point haïr tout en ne me haïssant pas moi-même, de pouvoir unir dans mon amour, dans mon admiration et dans mon respect, tous les êtres de la terre sans m'en exclure.
    (Siddhartha, Livre de Poche n° 2008)
     
  65. Et faire de la science, ce n'est rien d'autre que de s'acharner à découvrir des différences. On ne saurait mieux définir son essence. Pour nous, hommes de science, rien de plus important que d'établir des distinctions; la science, c'est l'art des distinctions. Ainsi, découvrir sur chaque homme les caractères qui le distinguent des autres, c'est apprendre à le connaître.
    (Narcisse et Goldmund, Livre de Poche)
     
  66. Tu es pour moi trop peu toi-même.
    (Narcisse et Goldmund, Livre de Poche)
     
  67. Il était assez âgé et assez perspicace pour savoir que les bonnes vieilles histoires ne sont jamais aussi belles et aussi amusantes que lorsqu'un novice croit les avoir vécues lui-même.
    (Le conteur in Fiançailles, Folio n° 2770, p.66)
     
  68. Les personnes gâtées par la fortune et le succès sont si faciles à tromper!
    (Le conteur in Fiançailles, Folio n° 2770, p.70)
     
  69. [...] en amour, chacun, même le plus chanceux, commence nécessairement par une défaite.
    (Le conteur in Fiançailles, Folio n° 2770, p.75)
     
  70. [...] l'agréable sentiment d'avoir quelque chose à faire, un but à poursuivre [...]
    (Wärisbühel in Fiançailles, Folio n° 2770, p.85)
     
  71. [...] j'appris alors à quel point on peut souffrir à cause d'une femme, même lorsqu'on a renoncé à elle et qu'on n'a plus envie de la posséder.
    (Hans Amstein in Fiançailles, Folio n° 2770, p.233)
     
  72. [...] cette heure crépusculaire où les formes s'effacent, où le contour des choses lutte contre les ténèbres qui le réduisent à néant.
    (Le peintre Brahm in Fiançailles, Folio n° 2770, p.265)
     
  73. C'est dans ces instants où l'on passe d'un âge à un autre que le spectacle discret et délicat de l'été qui s'éteint et disparaît progressivement peut nous saisir et nous émouvoir, emplir notre coeur d'étonnement et d'horreur, nous faire trembler et sourire à la fois.
    (Éloge de la vieillesse, trad. Alexandra Cade, p.16, Livre de poche/biblio, n°3376)
     
  74. Comme il est merveilleux pour les vieilles gens
    De goûter un bourgogne auprès du feu
    Et de partir enfin sans adieux douloureux - 
    Mais pas encore, un peu plus tard, pas maintenant !

    (Éloge de la vieillesse, trad. Alexandra Cade , p.19, Livre de poche/biblio, n°3376)
     
  75. Cher enfant, ce que les hommes profèrent
    Se révèle toujours plus ou moins faux ;
    Toutes proportions gardées, c'est encore au berceau
    Qu'on est le plus honnête, puis bien plus tard sous terre.

    (Éloge de la vieillesse, trad. Alexandra Cade , p.29, Livre de poche/biblio, n°3376)
     
  76. La vieillesse ne devient médiocre que lorsqu'elle prend des airs de jeunesse.
    (Éloge de la vieillesse, trad. Alexandra Cade , p.46, Livre de poche/biblio, n°3376)
     
  77. Si l'on est assez vieux, alors on a l'impression que l'existence entière, avec ses joies et ses souffrances, ses amours et ses découvertes, ses amitiés, ses liaisons, les livres, la musique, les voyages et le travail ne constituent rien d'autre qu'un long détour menant à l'éclosion de ces instants où Dieu se révèle, où le sens et la valeur de tout ce qui existe et se produit s'offrent à nous à travers la forme d'un paysage, d'un arbre, d'un visage, d'une fleur.
    (Éloge de la vieillesse, trad. Alexandra Cade , p.54, Livre de poche/biblio, n°3376)
     
  78. [...] pour accomplir sa destinée d'homme âgé et remplir convenablement sa mission, il faut accepter la vieillesse et tout ce qu'elle implique, il faut acquiescer à tout cela. Sans ce consentement, sans cette soumission à toutes les exigences de la nature, notre vie perd son sens et sa valeur et, que nous soyons jeunes ou vieux, nous commettons une trahison.
    (Éloge de la vieillesse, trad. Alexandra Cade , p.65, Livre de poche/biblio, n°3376)
     
  79. Dans ce jardin de la vieillesse s'épanouissent les fleurs que nous aurions à peine songé cultiver autrefois. Ici fleurit la patience, une plante noble. Nous devenons paisibles, tolérants, et plus notre désir d'intervenir, d'agir diminue, plus nous voyons croître notre capacité à observer, à écouter la nature aussi bien que les hommes. Nous laissons leur existence se développer devant nous sans éprouver aucune volonté critique, avec un étonnement toujours renouvelé face à leur diversité. Parfois nous ressentons de l'intérêt et un regret silencieux, parfois nous rions avec un enthousiasme limpide, avec humour.
    (Éloge de la vieillesse, trad. Alexandra Cade , p.67, Livre de poche/biblio, n°3376)
     
  80. C'est seulement en vieillissant que l'on s'aperçoit que la beauté est rare, que l'on comprend le miracle que constitue l'épanouissement d'une fleur au milieu des ruines et des canons, la survie des oeuvres littéraires au milieu des journaux et des cotes boursières.
    (Éloge de la vieillesse, trad. Alexandra Cade , p.72, Livre de poche/biblio, n°3376)
     
  81. La jeunesse a besoin de pouvoir se prendre au sérieux. La vieillesse a besoin de pouvoir se sacrifier parce qu'elle prend au sérieux ce qui la dépasse.
    (Éloge de la vieillesse, trad. Alexandra Cade , p.72, Livre de poche/biblio, n°3376)
     
  82. Le long parcours d'une existence
    Semble bien court, mais long est le chemin
    Traversant la nuit...

    (Éloge de la vieillesse, trad. Alexandra Cade , p.85, Livre de poche/biblio, n°3376)
     
  83. La dernière période d'une vie est caractérisée par un climat particulier, un manque étrange de consistance qui entraîne la perte du contact avec le réel, de la proximité avec lui. La réalité, qui constitue déjà une dimension quelque peu incertaine de l'existence, se fait encore plus ténue et transparente. Elle ne nous impose plus ses exigences avec la violence et la brusquerie d'autrefois, elle nous laisse dialoguer, traiter avec elle.
    (Éloge de la vieillesse, trad. Alexandra Cade , p.96, Livre de poche/biblio, n°3376)
     
  84. Le monde nous gratifie de peu de chose à présent, il semble n'être que vacarme et angoisse ; cependant l'herbe et les arbres continuent de pousser. Et même si un jour la terre entière est recouverte de blocs de béton, la grand ballet des nuages se poursuivra dans le ciel ; ici et là des hommes continueront d'ouvrir grâce à leur art la porte d'accès au divin.
    (Éloge de la vieillesse, trad. Alexandra Cade , p.108, Livre de poche/biblio, n°3376)
     
  85. Détenir la vérité, avoir raison, savoir, pouvoir distinguer précisément le bien du mal, être ainsi prêt et habilité à juger, à punir, à condamner, à faire la guerre, tout cela appartient à la jeunesse et lui sied parfaitement. Par contre, si l'on reste fidèle à ce genre d'idéal en vieillissant, alors nos capacités déjà faibles d'« éveil », de reconnaissance intuitive de la vérité divine, s'amenuisent.
    (Éloge de la vieillesse, trad. Alexandra Cade , p.143, Livre de poche/biblio, n°3376)
     
  86. Je connais bien le sentiment de tristesse qu'inspire la précarité de toute chose, je l'éprouve à chaque fois qu'une fleur se fane. Mais il s'agit là d'une tristesse sans désespoir.
    (Éloge de la vieillesse, trad. Alexandra Cade , p.151, Livre de poche/biblio, n°3376)