Muriel Barbery
1969
  1. [...] l'incapacité qu'ont les êtres à croire à ce qui fait exploser les cadres de leurs petites habitudes mentales.
    (L'élégance du hérisson, p.14, Gallimard, 2006)
     
  2. Les gens croient poursuivre les étoiles et ils finissent comme des poissons rouges dans un bocal.
    (L'élégance du hérisson, p.20, Gallimard, 2006)
     
  3. [...] personne ne semble avoir songé au fait que si l'existence est absurde, y réussir brillamment n'a pas plus de valeur qu'y échouer. C'est seulement plus confortable. Et encore : je crois que la lucidité rend le succès amer alors que la médiocrité espère toujours quelque chose.
    (L'élégance du hérisson, p.21, Gallimard, 2006)
     
  4. Qu'est-ce qu'une aristocrate ? C'est une femme que la vulgarité n'atteint pas bien qu'elle en soit cernée.
    (L'élégance du hérisson, p.28, Gallimard, 2006)
     
  5. [La politique est un] jouet pour les petits riches qu'ils ne prêtent à personne.
    (L'élégance du hérisson, p.29, Gallimard, 2006)
     
  6. Certaines personnes sont incapables de saisir dans ce qu'elles contemplent ce qui en fait la vie et le souffle intrinsèques et passent une existence entière à discourir sur les hommes comme s'il s'était agi d'automates et sur les choses comme si elles n'avaient point d'âme et se résumaient à ce qui peut en être dit, au gré des inspirations subjectives.
    (L'élégance du hérisson, p.31, Gallimard, 2006)
     
  7. Ce qui fait la force du soldat, ce n'est pas l'énergie qu'il déploie à intimider l'autre en lui envoyant tout un tas de signaux, c'est la force qu'il est capable de concentrer en lui-même, en restant centré sur soi.
    (L'élégance du hérisson, p.38, Gallimard, 2006)
     
  8. J'ai lu tant de livres...
    Pourtant, comme tous les autodidactes, je ne suis jamais sûre de ce que j'en ai compris. Il me semble un jour embrasser d'un seul regard la totalité du savoir, comme si d'invisibles ramifications naissaient soudain et tissaient entre elles toutes mes lectures éparses - puis, brutalement, le sens se dérobe, l'essentiel me fuit et j'ai beau relire les mêmes lignes, elles m'échappent chaque fois un peu plus tandis que je me fais l'effet d'une vieille folle qui croit son estomac plein d'avoir lui attentivement le menu. Il paraît que la conjonction de cette aptitude et de cette cécité est la marque réservée de l'autodidactie. Privant le sujet des guides sûrs auxquels toute bonne formation pourvoit, elle lui fait néanmoins l'offrande d'une liberté et d'une synthèse dans la pensée là où les discours officiels posent des cloisons et interdisent l'aventure.

    (L'élégance du hérisson, p.51, Gallimard, 2006)
     
  9. [...] les hommes vivent dans un monde où ce sont les mots et non les actes qui ont du pouvoir, où la compétence ultime, c'est la maîtrise du langage.
    (L'élégance du hérisson, p.56, Gallimard, 2006)
     
  10. Lorsque la maladie entre dans un foyer, elle ne s'empare par seulement d'un corps mais tisse entre les coeurs une sombre toile où s'ensevelit l'espoir.
    (L'élégance du hérisson, p.74, Gallimard, 2006)
     
  11. S'il y a bien une chose que je déteste, c'est quand les gens transforment leurs impuissances ou leurs aliénations en credo.
    (L'élégance du hérisson, p.87, Gallimard, 2006)
     
  12. [...] les psys sont des comiques qui croient que la métaphore, c'est un truc de grand sage.
    (L'élégance du hérisson, p.89, Gallimard, 2006)
     
  13. Où se trouve la beauté ? Dans les grandes choses qui, comme les autres, sont condamnées à mourir, ou bien dans les petites qui, sans prétendre à rien, savent incruster dans l'instant une gemme d'infini ?
    (L'élégance du hérisson, p.94, Gallimard, 2006)
     
  14. Ainsi vit-on sa vie d'homme, dans notre univers : il faut sans cesse reconstruire son identité d'adulte, cet assemblage bancal et éphémère, si fragile, qui habille le désespoir et, à soi devant sa glace, raconte le mensonge auquel on a besoin de croire.
    (L'élégance du hérisson, p.95, Gallimard, 2006)
     
  15. [...] ce rosaire laïc qu'on appelle télécommande.
    (L'élégance du hérisson, p.103, Gallimard, 2006)
     
  16. SETSUKO.
    La vraie nouveauté, c'est ce qui ne vieillit pas, malgré le temps.

    (L'élégance du hérisson, p.105, Gallimard, 2006)
     
  17. Et si la littérature, c'était une télévision dans laquelle on regarde pour activer ses neurones miroirs et se donner à peu de frais les frissons de l'action ? Et si, pire encore, la littérature, c'était une télévision qui nous montre tout ce qu'on rate ?
    (L'élégance du hérisson, p.108, Gallimard, 2006)
     
  18. La Civilisation, c'est la violence maîtrisée, la victoire toujours inachevée sur l'agressivité du primate. Car primates nous fûmes, primates nous restons, quelque camélia sur mousse dont nous apprenions à jouir. C'est là toute la fonction de l'éducation. Qu'est-ce qu'éduquer ? C'est proposer inlassablement des camélias sur mousse comme dérivatifs à la pulsion de l'espèce, parce qu'elle ne cesse jamais et menace continuellement le fragile équilibre de la survie.
    (L'élégance du hérisson, p.112, Gallimard, 2006)
     
  19. La faculté que nous avons de nous manipuler nous-mêmes pour que ne vacille point le socle de nos croyances est un phénomène fascinant.
    (L'élégance du hérisson, p.113, Gallimard, 2006)
     
  20. Le futur, ça sert à ça : à construire le présent avec des vrais projets de vivants.
    (L'élégance du hérisson, p.137, Gallimard, 2006)
     
  21. [...] elle a l'élégance du hérisson : à l'extérieur, elle est bardée de piquants, une vraie forteresse, mais j'ai l'intuition qu'à l'intérieur, elle est aussi simplement raffinée que les hérissons, qui sont des petites bêtes faussement indolentes, farouchement solitaires et terriblement élégantes.
    (L'élégance du hérisson, p.153, Gallimard, 2006)
     
  22. Car l'Art, c'est la vie, mais sur un autre rythme.
    (L'élégance du hérisson, p.164, Gallimard, 2006)
     
  23. Moi, je crois que la grammaire, c'est une voie d'accès à la beauté. Quand on parle, quand on lit ou quand on écrit, on sent bien si on a fait une belle phrase ou si on est en train d'en lire une. On est capable de reconnaître une belle tournure ou un beau style. Mais quand on fait de la grammaire, on a accès à une autre dimension de la beauté de la langue. Faire de la grammaire, c'est la décortiquer, regarder comment elle est faite, la voir toute nue, en quelque sorte.
    (L'élégance du hérisson, p.168, Gallimard, 2006)
     
  24. [...] l'ennui naquit un jour de l'uniformité [...]
    (L'élégance du hérisson, p.173, Gallimard, 2006)
     
  25. On notera que l'élaboration des concepts les plus nobles se fait à partir du trivial le plus fruste. Le beau, c'est l'adéquation est une pensée sublime surgie des mains d'un coursier ruminant.
    L'esthétique, si on y réfléchit un peu sérieusement, n'est rien d'autre que l'initiation à la Voie de l'Adéquation, une forme de Voie du Samouraï appliquée à l'intuition des formes authentiques. Nous avons tous ancrée en nous la connaissance de l'adéquat.

    (L'élégance du hérisson, p.174, Gallimard, 2006)
     
  26. Je ne vois que la psychanalyse pour concurrencer le christianisme dans l'amour des souffrances qui durent.
    (L'élégance du hérisson, p.176, Gallimard, 2006)
     
  27. [L'intelligence] n'est pas un don sacré, c'est la seule arme des primates.
    (L'élégance du hérisson, p.178, Gallimard, 2006)
     
  28. Comment naît l'Art ? Il s'accouche de la capacité qu'a l'esprit à sculpter le domaine sensoriel. Que fait l'Art pour nous ? Il met en forme et rend visibles nos émotions et, ce faisant, leur appose ce cachet d'éternité que portent toutes les oeuvres qui, au travers d'une forme particulière, savent incarner l'universalité des affects humains.
    (L'élégance du hérisson, p.218, Gallimard, 2006)
     
  29. Car l'Art, c'est l'émotion sans le désir.
    (L'élégance du hérisson, p.220, Gallimard, 2006)
     
  30. Je suis toujours fascinée par l'abnégation avec laquelle nous autres humains sommes capables de consacrer une grande énergie à la quête du rien et au brassage de pensées inutiles et absurdes.
    (L'élégance du hérisson, p.268, Gallimard, 2006)
     
  31. Comme toute forme d'Art, [la littérature] a pour mission de rendre supportable l'accomplissement de nos devoirs vitaux. Pour un être qui, comme l'humain, façonne son destin à la force de la réflexion et de la réflexivité, la connaissance qui en découle a le caractère insupportable de toute lucidité nue. Nous savons que nous sommes des bêtes dotées d'une arme de survie et non des dieux façonnant le monde de leur pensée propre et il faut bien quelque chose pour que cette sagacité nous devienne tolérable, quelque chose qui nous sauve de la triste et éternelle fièvre des destins biologiques.
    Alors, nous inventons l'Art, cet autre procédé des animaux que nous sommes afin que notre espèce survive.

    (L'élégance du hérisson, p.269, Gallimard, 2006)
     
  32. L'éternité, cet invisible que nous regardons.
    (L'élégance du hérisson, p.272, Gallimard, 2006)
     
  33. C'est peut-être ça, être vivant : traquer des instants qui meurent.
    (L'élégance du hérisson, p.298, Gallimard, 2006)
     
  34. La misère est une faucheuse : elle moissonne en nous tout ce que nous avons d'aptitude au commerce de l'autre et nous laisse vides, lavés de sentiments, pour pouvoir endurer toute la noirceur du présent.
    (L'élégance du hérisson, p.313, Gallimard, 2006)
     
  35. [...] c'est peut-être ça la vie : beaucoup de désespoir mais aussi quelques moments de beauté où le temps n'est plus le même. C'est comme si les notes de musique faisaient un genre de parenthèses dans le temps, de suspension, un ailleurs ici même, un toujours dans le jamais.
    (L'élégance du hérisson, p.356, Gallimard, 2006)
     
  36. Ceux qui savent faire font, ceux qui ne savent pas faire enseignent, ceux qui ne savent pas enseigner enseignent aux enseignants et ceux qui ne savent pas enseigner aux enseignants font de la politique.
    (L'élégance du hérisson, p.55, Gallimard, 2006)