Clarice Lispector
1925-1977
  1. [...] toute mort est secrète.
    (Où étais-tu pendant la nuit ?, trad. G. Liebrich et N. Biro, p.21, Éd. des femmes, 1985)
     
  2. [...] il ! doit ! y ! avoir ! une ! porte ! de ! sooooooortie !
    (Où étais-tu pendant la nuit ?, trad. G. Liebrich et N. Biro, p.22, Éd. des femmes, 1985)
     
  3. Elle était étrangère à la stratégie générale du monde et la sienne était réduite à sa plus simple expression. Elle avait renoncé aux grands objectifs. Elle était devenue son propre futur.
    (Où étais-tu pendant la nuit ?, trad. G. Liebrich et N. Biro, p.33, Éd. des femmes, 1985)
     
  4. On n'a pas besoin de faire. Être, c'est déjà faire.
    (Où étais-tu pendant la nuit ?, trad. G. Liebrich et N. Biro, p.36, Éd. des femmes, 1985)
     
  5. Être cohérent c'est se mutiler.
    (Où étais-tu pendant la nuit ?, trad. G. Liebrich et N. Biro, p.41, Éd. des femmes, 1985)
     
  6. Et comme Fellini je dis : dans l'obscurité et l'ignorance je crée plus.
    (Où étais-tu pendant la nuit ?, trad. G. Liebrich et N. Biro, p.42, Éd. des femmes, 1985)
     
  7. Qu'est-ce que tu fais ? J'attends l'avenir.
    (Où étais-tu pendant la nuit ?, trad. G. Liebrich et N. Biro, p.45, Éd. des femmes, 1985)
     
  8. Sa vie était une constance soustraction d'elle-même.
    (Où étais-tu pendant la nuit ?, trad. G. Liebrich et N. Biro, p.73, Éd. des femmes, 1985)
     
  9. Le clavecin possède en lui un élément de terreur : les sons en sortent éparpillés et brisés. Un peu d'une âme d'un autre monde.
    (Où étais-tu pendant la nuit ?, trad. G. Liebrich et N. Biro, p.95, Éd. des femmes, 1985)
     
  10. Au-delà de l'oreille existe un son, à l'extrémité du regard un aspect des choses, au bout des doigts un objet - c'est là que je vais.
    (Où étais-tu pendant la nuit ?, trad. G. Liebrich et N. Biro, p.111, Éd. des femmes, 1985)
     
  11. Je ne suis pas une chose qui remercie de s'être transformée en une autre chose. Je suis une femme, je suis une personne, je suis une attention, je suis un corps qui regarde par la fenêtre. Tout comme la pluie n'est pas reconnaissante de ne pas être une pierre. Elle est une pluie. C'est peut-être cela qu'on pourrait appeler être vivant. Rien de plus que cela, mais cela : vivant. Et vivant d'une simple joie douce.
    (Où étais-tu pendant la nuit ?, trad. G. Liebrich et N. Biro, p.151, Éd. des femmes, 1985)
     
  12. En cette heure la femme se connaît moins encore qu'elle ne connaît l'océan. Ne se connaissant pas, son courage c'est, malgré tout, de continuer d'avancer. Il est fatal de ne pas se connaître, et ne pas se connaître exige du courage.
    Elle entre. L'eau salée est d'un froid qui fait, selon le rituel, frissonner ses jambes. Mais une joie fatale - la joie est fatalité - déjà la saisit, bien qu'elle n'ait pas l'idée de sourire.

    (Où étais-tu pendant la nuit ?, trad. G. Liebrich et N. Biro, p.156, Éd. des femmes, 1985)
     
  13. La folie est voisine du plus cruel bon sens.
    (Où étais-tu pendant la nuit ?, trad. G. Liebrich et N. Biro, p.161, Éd. des femmes, 1985)
     
  14. [...] la musique est une abstraction de la pensée [...]
    (Où étais-tu pendant la nuit ?, trad. G. Liebrich et N. Biro, p.162, Éd. des femmes, 1985)
     
  15. [...] il est difficile de comprendre et d'aimer ce qui est spontané et franciscain. Comprendre ce qui est difficile n'est pas un avantage, mais aimer ce qui est facile à aimer est un grand progrès dans l'échelle humaine.
    (Où étais-tu pendant la nuit ?, trad. G. Liebrich et N. Biro, p.163, Éd. des femmes, 1985)
     
  16. Ce qu'elle ressent ne dure jamais, ce qu'elle ressent a toujours une fin et peut ne plus jamais revenir. Alors, elle s'acharne sur le moment, elle en dévore le feu, et le feu, doucement, brûle, brûle, il flamboie. Alors, elle qui sait que tout va finir, saisit la main libre de l'homme, la prend entre les siennes où elle, doucement, brûle, brûle, flamboie.
    (Où étais-tu pendant la nuit ?, trad. G. Liebrich et N. Biro, p.168, Éd. des femmes, 1985)
     
  17. [...] la frayeur a souvent les expressions de la joie.
    (Le bâtisseur de ruines, trad. Violante Do Canto, p.15, Éd. Gallimard/L'Imaginaire n°424)
     
  18. [...] certains gestes deviennent redoutables dans la solitude parce qu'ils acquièrent une valeur finale. Quand un homme tombe et qu'il est tout seul dans un champ, il ne sait pas à qui dédier sa chute.
    (Le bâtisseur de ruines, trad. Violante Do Canto, p.28, Éd. Gallimard/L'Imaginaire n°424)
     
  19. Être content est une façon d'aimer.
    (Le bâtisseur de ruines, trad. Violante Do Canto, p.32, Éd. Gallimard/L'Imaginaire n°424)
     
  20. [...] le calme de ceux qui n'ont pas d'avenir [...]
    (Le bâtisseur de ruines, trad. Violante Do Canto, p.45, Éd. Gallimard/L'Imaginaire n°424)
     
  21. N'avoir pas pitié de soi-même est le commencement de la cruauté envers autrui et le reste du monde.
    (Le bâtisseur de ruines, trad. Violante Do Canto, p.82, Éd. Gallimard/L'Imaginaire n°424)
     
  22. [Un homme est] cette chose douteuse qui n'a jamais été d'une rive à l'autre.
    (Le bâtisseur de ruines, trad. Violante Do Canto, p.119, Éd. Gallimard/L'Imaginaire n°424)
     
  23. [...] cette chose vague qu'est la promesse faite à un enfant quand il naît.
    (Le bâtisseur de ruines, trad. Violante Do Canto, p.142, Éd. Gallimard/L'Imaginaire n°424)
     
  24. [...] si en un instant l'on naît et si on meurt en un instant, un instant suffit pour une vie entière.
    (Le bâtisseur de ruines, trad. Violante Do Canto, p.146, Éd. Gallimard/L'Imaginaire n°424)
     
  25. [...] les gens ont si peur de la vérité des autres.
    (Le bâtisseur de ruines, trad. Violante Do Canto, p.155, Éd. Gallimard/L'Imaginaire n°424)
     
  26. [...] comme elle ne comprenait pas les autres, il ne lui venait pas à l'esprit qu'elle pouvait être comprise.
    (Le bâtisseur de ruines, trad. Violante Do Canto, p.189, Éd. Gallimard/L'Imaginaire n°424)
     
  27. En effet, que sont nos contemporains, sinon la conséquence d'une façon de comprendre et d'aimer de quelqu'un déjà perdu dans la nuit des temps ?
    (Le bâtisseur de ruines, trad. Violante Do Canto, p.212, Éd. Gallimard/L'Imaginaire n°424)
     
  28. [...] l'on vit de ce que à quoi l'on renonce.
    (Le bâtisseur de ruines, trad. Violante Do Canto, p.219, Éd. Gallimard/L'Imaginaire n°424)
     
  29. Quand un homme est acculé, seul le grand amour lui vient à l'esprit. Souffrance ? C'est seulement à ne pas pouvoir qu'un homme sait. Un homme finalement se mesure à ses manques. Et toucher un grand manque est peut-être l'aspiration d'un homme. Toucher au manque, serait-ce l'art ?
    (Le bâtisseur de ruines, trad. Violante Do Canto, p.220, Éd. Gallimard/L'Imaginaire n°424)
     
  30. [...] elle avait la beauté que l'on découvre quand on aime ce qu'on voit.
    (Le bâtisseur de ruines, trad. Violante Do Canto, p.232, Éd. Gallimard/L'Imaginaire n°424)
     
  31. [...] ne pas vouloir est souvent la façon la plus désespérée de vouloir.
    (Le bâtisseur de ruines, trad. Violante Do Canto, p.252, Éd. Gallimard/L'Imaginaire n°424)
     
  32. [...] ils s'aimèrent comme deux époux quand ils ont perdu un enfant.
    (Le bâtisseur de ruines, trad. Violante Do Canto, p.308, Éd. Gallimard/L'Imaginaire n°424)
     
  33. [...] une des manières les plus profondes de connaître se révèle par la manière dont on répond à ce que l'on voit.
    (Le bâtisseur de ruines, trad. Violante Do Canto, p.329, Éd. Gallimard/L'Imaginaire n°424)
     
  34. Mais heureusement, notre entendement se fait au travers des mots perdus et des mots sans signification ; s'il n'en était pas ainsi, pauvre serait notre compréhension mutuelle.
    (Le bâtisseur de ruines, trad. Violante Do Canto, p.331, Éd. Gallimard/L'Imaginaire n°424)
     
  35. On doit avoir la droiture de ne pas remarquer certaines choses, et avoir pitié de nous-mêmes, et passer l'éponge, et avoir le tact de ne pas comprendre - si on veut empêcher qu'un moment de compréhension ne nous cristallise et que la vie devienne autre.
    (Le bâtisseur de ruines, trad. Violante Do Canto, p.342, Éd. Gallimard/L'Imaginaire n°424)
     
  36. [...] l'unique moyen d'être libre, comme un homme sans vocation en a le droit, était de commettre un crime, de façon que les autres ne le reconnaissent plus comme un des leurs et n'exigent rien de lui [...]
    (Le bâtisseur de ruines, trad. Violante Do Canto, p.350, Éd. Gallimard/L'Imaginaire n°424)
     
  37. Tout ce qu'on ne comprend pas se résout avec l'amour.
    (Le bâtisseur de ruines, trad. Violante Do Canto, p.354, Éd. Gallimard/L'Imaginaire n°424)
     
  38. [...] penser toute seule, comme quelqu'un qui a reçu une lettre et attend avec impatience un moment de calme pour la lire.
    (Le bâtisseur de ruines, trad. Violante Do Canto, p.357, Éd. Gallimard/L'Imaginaire n°424)
     
  39. [...] il savait par expérience que, quand on échoue, on devient une menace pour les autres.
    (Le bâtisseur de ruines, trad. Violante Do Canto, p.369, Éd. Gallimard/L'Imaginaire n°424)
     
  40. [...] nous avons été donnés à nous-mêmes comme échantillon de ce dont le monde est capable.
    (Le bâtisseur de ruines, trad. Violante Do Canto, p.375, Éd. Gallimard/L'Imaginaire n°424)
     
  41. Quand un homme se respecte, il est enfin créé à sa propre image.
    (Le bâtisseur de ruines, trad. Violante Do Canto, p.376, Éd. Gallimard/L'Imaginaire n°424)
     
  42. [...] comprendre est une façon de regarder. [...] comprendre est une attitude.
    (Le bâtisseur de ruines, trad. Violante Do Canto, p.376, Éd. Gallimard/L'Imaginaire n°424)
     
  43. [...] si nous n'étions pas si entêtés, nous découvririons qu'il existe déjà des formules parfaites pour tout ce que l'on veut dire : tout ce dont on pourrait imaginer l'existence, en vérité, existe déjà, la parole même est antérieure à l'homme. [...] Le seul problème est de savoir profondément comment imiter, car quand l'imitation est originale, elle est notre expérience.
    (Le bâtisseur de ruines, trad. Violante Do Canto, p.413, Éd. Gallimard/L'Imaginaire n°424)
     
  44. Et l'un des moyens indirects de comprendre est de trouver beau.
    (Le bâtisseur de ruines, trad. Violante Do Canto, p.417, Éd. Gallimard/L'Imaginaire n°424)
     
  45. [...] amuser les autres est une des façons les plus émouvantes d'exister [...]
    (Le bâtisseur de ruines, trad. Violante Do Canto, p.421, Éd. Gallimard/L'Imaginaire n°424)