Alberto Manguel
1948
  1. Un livre apporte au lecteur sa propre histoire.
    (Une histoire de la lecture, trad. Christine Le Boeuf, p.31, Babel n°416)
     
  2. " Il y a ceux qui, lorsqu'ils lisent un livre, se souviennent, comparent, évoquent des émotions éprouvées lors de lectures précédentes, observait l'écrivain argentin Ezequiel Martínez Estrada. C'est une des plus délicates des formes d'adultère. "
    (Une histoire de la lecture, trad. Christine Le Boeuf, p.35, Babel n°416)
     
  3. " Il me semble d'ailleurs, écrivait Kafka en 1904 à son ami Oskar Pollak, qu'on ne devrait lire que les livres qui vous mordent et vous piquent. Si le livre que nous lisons ne nous réveille pas d'un bon coup de poing sur le crâne, à quoi bon le lire ? Pour qu'il nous rende heureux, comme tu l'écris ? Mon Dieu, nous serions tout aussi heureux si nous n'avions pas de livres, et des livres qui nous rendent heureux, nous pourrions, à la rigueur, les écrire nous-mêmes. En revanche, nous avons besoin de livres qui agissent sur nous comme un malheur dont nous souffririons beaucoup, comme la mort de quelqu'un que nous aimerions plus que nous-mêmes, comme si nous étions proscrits, condamnés à vivre dans des forêts loin de tous les hommes, comme un suicide -  un livre doit être la hache qui brise la mer gelée en nous. Voilà ce que je crois. "
    (Une histoire de la lecture, trad. Christine Le Boeuf, p.118, Babel n°416)
     
  4. Je ne crois pas pouvoir me rappeler joie plus grande, plus complète, que celle d'arriver aux quelques dernières pages et de poser le livre, afin que la fin ne se produise pas avant le lendemain, et de me renfoncer sur l'oreiller avec le sentiment d'avoir bel et bien arrêté le temps.
    (Une histoire de la lecture, trad. Christine Le Boeuf, p.185, Babel n°416)
     
  5. Lire au lit ferme et ouvre à la fois le monde autour de nous.
    (Une histoire de la lecture, trad. Christine Le Boeuf, p.189, Babel n°416)
     
  6. Dire qu'un auteur est un lecteur, ou un lecteur un auteur, considérer un livre comme un être humain ou un être humain comme un livre, décrire le monde comme un texte ou un texte comme le monde, sont autant de façons de nommer l'art du lecteur.
    (Une histoire de la lecture, trad. Christine Le Boeuf, p.205, Babel n°416)
     
  7. [...] George Santayana [...] : " Il y a des livres dans lesquels les notes en bas de page, ou les commentaires griffonnés dans la marge par quelque lecteur, sont plus intéressants que le texte. Le monde est de ceux-là.  "
    (Une histoire de la lecture, trad. Christine Le Boeuf, p.206, Babel n°416)
     
  8. Nous sommes ce que nous lisons.
    (Une histoire de la lecture, trad. Christine Le Boeuf, p.209, Babel n°416)
     
  9. [...] la lecture est l'apothéose de l'écriture.
    (Une histoire de la lecture, trad. Christine Le Boeuf, p.216, Babel n°416)
     
  10. Classé dans Fiction, Les voyages de Gulliver, de Jonathan Swift, est un roman d'aventures humoristique ; dans Sociologie, une étude satirique de l'Angleterre du XVIIIe siècle ; dans Littérature pour enfants, une fable amusante où il est question de nains, de géants et de chevaux qui parlent ; dans Imaginaires, un précurseur de la science-fiction ; dans Voyages, un voyage fabuleux ; dans Classiques, une partie du patrimoine littéraire occidental. Les catégories sont exclusives ; la lecture ne l'est pas - ou ne devrait pas l'être. Quelles que soient les classifications choisies, chaque bibliothèque impose à la lecture sa tyrannie et oblige le lecteur - le lecteur curieux, le lecteur en alerte - à délivrer le livre de la catégorie à laquelle on l'a condamné.
    (Une histoire de la lecture, trad. Christine Le Boeuf, p.237, Babel n°416)
     
  11. [...] le fait de voir quelqu'un en train de lire suscite en mon esprit une curieuse métonymie où l'identité du lecteur prend la couleur du livre et celle du cadre dans lequel il est lu.
    (Une histoire de la lecture, trad. Christine Le Boeuf, p.262, Babel n°416)
     
  12. " J'implore tous ceux qui m'aiment d'aimer ma solitude " - Rainer Maria Rilke.
    (Une histoire de la lecture, trad. Christine Le Boeuf, p.305, Babel n°416)
     
  13. [...] chaque livre est engendré par de longues successions d'autres livres dont sans doute on ne verra jamais les couvertures ni ne connaîtra jamais les auteurs, mais dont on entend l'écho dans celui qu'on tient à la main.
    (Une histoire de la lecture, trad. Christine Le Boeuf, p.311, Babel n°416)
     
  14. [...] plus que toute autre création humaine, le livre est le fléau des dictatures.
    (Une histoire de la lecture, trad. Christine Le Boeuf, p.332, Babel n°416)
     
  15. On peut reconstituer la vie d'un lecteur d'une infinité de manières : en étudiant l'ordre des livres dans sa bibliothèque, en faisant l'inventaire des ouvrages empilés sur sa table de chevet, en déchiffrant les notes qu'il a griffonnées dans les marges, telles les pistes d'un animal dans la forêt.
    (La bibliothèque de Robinson, trad. Charlotte Melançon, p.9, L'écritoire-Leméac, 2000)
     
  16. Les ouvrages [que les libraires] recommandent, certains avec passion, d'autres avec réserve, d'autres encore avec empressement et exubérance, d'autres enfin avec une certaine gêne, voire avec mépris, peuvent devenir, pour ceux qui en connaissent l'usage, des compagnons de voyage, des guides pour traverser le royaume de ce monde et, pour ceux qui ont la foi, l'autre royaume du monde à venir.
    (La bibliothèque de Robinson, trad. Charlotte Melançon, p.25, L'écritoire-Leméac, 2000)
     
  17. [...] citer, c'est poursuivre une conversation avec le passé afin de la resituer dans le contexte du présent ; [...] citer, c'est faire usage de la bibliothèque de Babel ; [...] citer, c'est réfléchir à ce qui a été dit avant nous et que, faute de le faire, nous parlons dans le vide, là où nulle voix humaine ne peut articuler un son.
    (La bibliothèque de Robinson, trad. Charlotte Melançon, p.41, L'écritoire-Leméac, 2000)
     
  18. [...] un cédérom n'est pas un livre, pas plus qu'une photographie n'est une peinture.
    (La bibliothèque de Robinson, trad. Charlotte Melançon, p.45, L'écritoire-Leméac, 2000)