Honoré de Balzac
1799-1850
  1. Ses cheveux gris étaient si exactement aplatis et peignés sur son crâne jaune, qu'ils le faisaient ressembler à un champ sillonné.
    (La Maison du Chat-qui-pelote, p.31, Classiques Garnier, 1963)
     
  2. [...] les plus beaux portraits de Titien, de Raphaël et de Léonard de Vinci sont dus à des sentiments exaltés, qui, sous diverses conditions engendrent d'ailleurs tous les chefs-d'oeuvre.
    (La Maison du Chat-qui-pelote, p.45, Classiques Garnier, 1963)
     
  3. À dix-huit ans, l'amour ne jette-t-il pas son prisme entre le monde et les yeux d'une jeune fille ?
    (La Maison du Chat-qui-pelote, p.50, Classiques Garnier, 1963)
     
  4. [En parlant du commerce]
    Le monde a commencé par là, puisque Adam a vendu le paradis pour une pomme. Ça n'a pas été une fameuse spéculation, par exemple !

    (La Maison du Chat-qui-pelote, p.69, Classiques Garnier, 1963)
     
  5. La poésie, la peinture et les exquises jouissances de l'imagination possèdent sur les esprits élevés des droits imprescriptibles.
    (La Maison du Chat-qui-pelote, p.74, Classiques Garnier, 1963)
     
  6. Les esprits ordinaires ne peuvent pas apprécier les souffrances renaissantes de l'être qui, uni à un autre par le plus intime de tous les sentiments, est obligé de refouler sans cesse les plus chères expansions de sa pensée, et de faire rentrer dans le néant les images qu'une puissance magique le force à créer.
    (La Maison du Chat-qui-pelote, p.75, Classiques Garnier, 1963)
     
  7. Les artistes gênés sont impitoyables : ils fuient ou se moquent.
    (La Maison du Chat-qui-pelote, p.75, Classiques Garnier, 1963)
     
  8. Pour arriver au bonheur conjugal, il faut gravir une montagne dont l'étroit plateau est bien près d'un revers aussi rapide que glissant [...].
    (La Maison du Chat-qui-pelote, p.76, Classiques Garnier, 1963)
     
  9. En toute chose, nous ne pouvons être jugés que par nos pairs.
    (La Maison du Chat-qui-pelote, p.88, Classiques Garnier, 1963)
     
  10. Les choses extérieures sont, pour les sots, la moitié de la vie ; et pour cela, plus d'un homme de talent se trouve un sot malgré tout son esprit.
    (La Maison du Chat-qui-pelote, p.94, Classiques Garnier, 1963)
     
  11. Les humbles et modestes fleurs, écloses dans les vallées, meurent peut-être, se dit-il, quand elles sont transplantées trop près des cieux, aux régions où se forment les orages, où le soleil est brûlant.
    (La Maison du Chat-qui-pelote, p.100, Classiques Garnier, 1963)
     
  12. [...] les vieillards sont assez enclins à doter de leurs chagrins l'avenir des jeunes gens.
    (La femme de trente ans, p.57, GF n°69)
     
  13. Il y a beaucoup d'hommes dont le coeur est puissamment ému par la seule apparence de la souffrance chez une femme : pour eux la douleur semble être une promesse de constance et d'amour.
    (La femme de trente ans, p.71, GF n°69)
     
  14. Une des plus fortes armes de l'homme est ce pouvoir terrible d'occuper de lui-même une femme dont l'imagination naturellement mobile s'effraie ou s'offense d'une poursuite.
    (La femme de trente ans, p.84, GF n°69)
     
  15. Ne se rencontre-t-il pas beaucoup d'hommes dont la nullité profonde est un secret pour la plupart des gens qui les connaissent ? Un haut rang, une illustre naissance, d'importantes fonctions, un certain vernis de politesse, une grande réserve dans la conduite, ou les prestiges de la fortune sont, pour eux, comme des gardes qui empêchent les critiques de pénétrer jusqu'à leur intime existence. Ces gens ressemblent aux rois dont la véritable taille, le caractère et les moeurs ne peuvent jamais être ni bien connus ni justement appréciés, parce qu'ils sont vus de trop loin ou de trop près. Ces personnages à mérite factice interrogent au lieu de parler, ont l'art de mettre les autres en scène pour éviter de poser devant eux ; puis, avec une heureuse adresse, ils tirent chacun par le fil de ses passions ou de ses intérêts, et se jouent ainsi des hommes qui leur sont réellement supérieurs, en font des marionnettes et les croient petits pour les avoir rabaissés jusqu'à eux. Ils obtiennent alors le triomphe naturel d'une pensée mesquine, mais fixe, sur la mobilité des grandes pensées. Aussi pour juger ces têtes vides, et peser leurs valeurs négatives, l'observateur doit-il posséder un esprit plus subtil que supérieur, plus de patience que de portée dans la vue, plus de finesse et de tact que d'élévation et de grandeur dans les idées. Néanmoins, quelque habileté que déploient ces usurpateurs en défendant leurs côtés faibles, il leur est bien difficile de tromper leurs femmes, leurs mères, leurs enfants ou l'ami de la maison; mais ces personnes leur gardent presque toujours le secret sur une chose qui touche, en quelque sorte, à l'honneur commun ; et souvent même elles les aident à en imposer au monde. Si, grâce à ces conspirations domestiques, beaucoup de niais passent pour des hommes supérieurs, ils compensent le nombre d'hommes supérieurs qui passent pour des niais, en sorte que l'État Social a toujours la même masse de capacités apparentes. Songez maintenant au rôle que doit jouer une femme d'esprit et de sentiment en présence d'un mari de ce genre, n'apercevez-vous pas des existences pleines de douleurs et de dévouement dont rien ici-bas ne saurait récompenser certains coeurs pleins d'amour et de délicatesse ? Qu'il se rencontre une femme forte dans cette horrible situation, elle en sort par un crime, comme fit Catherine II, néanmoins nommée la Grande. Mais comme toutes les femmes ne sont pas assises sur un trône, elles se vouent, la plupart, à des malheurs domestiques qui, pour être obscurs, n'en sont pas moins terribles. Celles qui cherchent ici-bas des consolations immédiates à leurs maux ne font souvent que changer de peines lorsqu'elles veulent rester fidèles à leurs devoirs, ou commettent des fautes si elles violent les lois au profit de leurs plaisirs.
    (La femme de trente ans, p.86, GF n°69)
     
  16. [...] les froids calculs de l'indifférence.
    (La femme de trente ans, p.95, GF n°69)
     
  17. Le malheur et la mélancolie sont les interprètes les plus éloquents de l'amour, et correspondent entre deux êtres souffrants avec une incroyable rapidité.
    (La femme de trente ans, p.97, GF n°69)
     
  18. Quels moyens ont les mères d'assurer à leurs filles que l'homme auquel elles les livrent sera un époux selon leur coeur ? Vous honnissez de pauvres créatures qui se vendent pour quelques écus à un homme qui passe : la faim et le besoin absolvent ces unions éphémères ; tandis que la société tolère, encourage l'union immédiate, bien autrement horrible, d'une jeune fille candide et d'un homme qu'elle n'a pas vu trois mois durant ; elle est vendue pour toute sa vie. [...] Telle est notre destinée, vue sous ses deux faces : une prostitution publique et la honte, une prostitution secrète et le malheur.
    (La femme de trente ans, p.135, GF n°69)
     
  19. La mélancolie se compose d'une suite de semblables oscillations morales dont la première touche au désespoir et la dernière au plaisir : dans la jeunesse, elle est le crépuscule du matin ; dans la vieillesse, celui du soir.
    (La femme de trente ans, p.137, GF n°69)
     
  20. La réputation [...] de certains hommes toujours en travail d'une oeuvre inconnue : statisticiens tenus pour profonds sur la foi de calculs qu'ils se gardent bien de publier ; politiques qui vivent sur un article de journal ; auteurs ou artistes dont l'oeuvre reste toujours en portefeuille ; gens savants avec ceux qui ne connaissent rien à la science, comme Sganarelle est latiniste avec ceux qui ne savent pas le latin ; hommes auxquels on accorde une capacité convenue sur un point, soit la direction des arts, soit une mission importante. Cet admirable mot, c'est une spécialité, semble avoir été créé pour ces espèces d'acéphales politiques ou littéraires.
    (La femme de trente ans, p.144, GF n°69)
     
  21. Une femme de trente ans a d'irrésistibles attraits pour un jeune homme; et rien de plus naturel, de plus fortement tissu, de mieux préétabli que les attachements profonds dont tant d'exemples nous sont offerts dans le monde entre une femme comme la marquise et un jeune homme tel que Vandenesse. En effet, une jeune fille a trop d'illusions, trop d'inexpérience, et le sexe est trop complice de son amour, pour qu'un jeune homme puisse en être flatté; tandis qu'une femme connaît toute l'étendue des sacrifices à faire. Là, où l'une est entraînée par la curiosité, par des séductions étrangères à celles de l'amour, l'autre obéit à un sentiment consciencieux. L'une cède, l'autre choisit. Ce choix n'est-il pas déjà une immense flatterie? Armée d'un savoir presque toujours chèrement payé par des malheurs, en se donnant, la femme expérimentée semble donner plus qu'elle-même; tandis que la jeune fille, ignorante et crédule, ne sachant rien, ne peut rien comparer rien apprécier; elle accepte l'amour et l'étudie. L'une nous instruit, nous conseille à un âge où l'on aime à se laisser guider, où l'obéissance est un plaisir; l'autre veut tout apprendre et se montre naïve là où l'autre est tendre. Celle-là ne vous présente qu'un seul triomphe, celle-ci vous oblige à des combats perpétuels. La première n'a que des larmes et des plaisirs, la seconde a des voluptés et des remords. Pour qu'une jeune fille soit la maîtresse, elle doit être trop corrompue, et on l'abandonne alors avec horreur; tandis qu'une femme a mille moyens de conserver tout à la fois son pouvoir et sa dignité. L'une, trop soumise, vous offre les tristes sécurités du repos; l'autre perd trop pour ne pas demander à l'amour ses mille métamorphoses. L'une se déshonore toute seule, l'autre tue à votre profit une famille entière. La jeune fille n'a qu'une coquetterie, et croit avoir tout dit quand elle a quitté son vêtement; mais la femme en a d'innombrables et se cache sous mille voiles; enfin elle caresse toutes les vanités, et la novice n'en flatte qu'une. Il s'émeut d'ailleurs des indécisions, des terreurs, des craintes, des troubles et des orages, chez la femme de trente ans, qui ne se rencontrent jamais dans l'amour d'une jeune fille. Arrivée à cet âge, la femme demande à un jeune homme de lui restituer l'estime qu'elle lui a sacrifiée ; elle ne vit que pour lui, s'occupe de son avenir, lui veut une belle vie, la lui ordonne glorieuse ; elle obéit, elle prie et commande, s'abaisse et s'élève, et sait consoler en mille occasions, où la jeune fille ne sait que gémir. Enfin, outre tous les avantages de sa position, la femme de trente ans peut se faire jeune fille, jouer tous les rôles, être pudique, et s'embellit même d'un malheur. Entre elles deux se trouve l'incommensurable différence du prévu à l'imprévu, de la force à la faiblesse. La femme de trente ans satisfait tout, et la jeune fille, sous peine de ne pas être, doit ne rien satisfaire. Ces idées se développent au coeur d'un jeune homme, et composent chez lui la plus forte des passions, car elle réunit les sentiments factices créés par les moeurs, aux sentiments réels de la nature.
    (La femme de trente ans, p.148, GF n°69)
     
  22. La démarche la plus capitale et la plus décisive dans la vie des femmes est précisément celle qu'une femme regarde toujours comme la plus insignifiante. Mariée, elle ne s'appartient plus, elle est la reine et l'esclave du foyer domestique.
    (La femme de trente ans, p.149, GF n°69)
     
  23. [A trente ans seulement une femme possède] le tact nécessaire pour attaquer chez un homme toutes les cordes sensibles, et pour étudier les sons qu'elle en tire. Son silence est aussi dangereux que sa parole. Vous ne devinez jamais si, à cet âge, elle est franche ou fausse, si elle se moque ou si elle est de bonne foi dans ses aveux. Après vous avoir donné le droit de lutter avec elle, tout à coup, par un mot, par un regard, par un de ces gestes dont la puissance leur est connue, elles ferment le combat, vous abandonnent, et restent maîtresses de votre secret, libres de vous immoler par une plaisanterie, libres de s'occuper de vous, également protégées par leur faiblesse et par votre force.
    (La femme de trente ans, p.150, GF n°69)
     
  24. Mais la raison est toujours mesquine auprès du sentiment ; l'une est naturellement bornée, comme tout ce qui est positif, et l'autre est infini. Raisonner là où il faut sentir est le propre des âmes sans portée.
    (La femme de trente ans, p.154, GF n°69)
     
  25. L'amour a son instinct, il sait trouver le chemin du coeur comme le plus faible insecte marche à sa fleur avec une irrésistible volonté qui ne s'épouvante de rien.
    (La femme de trente ans, p.155, GF n°69)
     
  26. Laides, les femmes sont flattées par un amour qui les fait belles ; jeunes et charmantes, la séduction doit être à la hauteur de leurs séductions, elle est immense ; vertueuses, un sentiment terrestrement sublime les porte à trouver je ne sais quelle absolution dans la grandeur même des sacrifices qu'elles font à leur amant et de la gloire dans cette lutte difficile. Tout est piège.
    (La femme de trente ans, p.155, GF n°69)
     
  27. Pascal a dit  : « Douter de Dieu, c'est y croire. » De même, une femme ne se débat que quand elle est prise.
    (La femme de trente ans, p.156, GF n°69)
     
  28. Le ciel et l'enfer sont deux grands poèmes qui formulent les deux seuls points sur lesquels tourne notre existence : la joie et la douleur.
    (La femme de trente ans, p.159, GF n°69)
     
  29. [...] je ne connais [...] rien de plus horrible qu'une pensée de vieillard sur un front d'enfant.
    (La femme de trente ans, p.168, GF n°69)
     
  30. [...] un de ces hommes estimables qui font une sottise avec mesure, mettent lourdement le pied sur une plaie inconnue, et demandent pourquoi l'on se plaint. Si, par hasard, ils apprennent le pourquoi de leur bêtise assassine, ils disent : « Ma foi, je n'en savais rien ! »
    (La femme de trente ans, p.171, GF n°69)
     
  31. [...] un poétique chaos [..]
    (La femme de trente ans, p.196, GF n°69)
     
  32. Et qu'est-ce que l'enfer [...] si ce n'est qu'une vengeance éternelle pour quelques fautes d'un jour !
    (La femme de trente ans, p.219, GF n°69)
     
  33. La physionomie des femmes ne commence qu'à trente ans.
    (La femme de trente ans, p.234, GF n°69)
     
  34. [...] le coeur d'une mère est un abîme au fond duquel on trouve toujours un pardon.
    (La femme de trente ans, p.241, GF n°69)