Henri Perruchot
1917-1967
- Les peintres ne peignent pas seulement ce que les yeux voient. Ils peignent aussi le silence ou le bruit, la sérénité ou l'angoisse, des parfums, des saveurs, des hantises...
(La peinture, p.7, Hachette coll. Notes et maximes, 1965)
- Une oeuvre d'art est toujours son créateur. Artistes, soyez de puissantes individualités, et vous produirez de grandes oeuvres.
(La peinture, p.8, Hachette coll. Notes et maximes, 1965)
- La moralité d'un artiste réside, d'abord et avant tout, dans son oeuvre.
(La peinture, p.17, Hachette coll. Notes et maximes, 1965)
- Dans la vie, il faut toujours choisir. On ne peut obtenir la grandeur dans la facilité. On ne peut viser à la fois le proche et l'infini.
(La peinture, p.18, Hachette coll. Notes et maximes, 1965)
- Immortalité, ô folle ambition ! Tout périra, ne fût-ce qu'au jour lointain où la planète ne sera qu'un globe mort roulant dans l'infini. Alors, tout sera comme si rien n'avait été ; et, lentement, les vestiges de ce qui fut s'effaceront dans l'éternel silence comme un rêve qui se dissipe.
(La peinture, p.19, Hachette coll. Notes et maximes, 1965)
- « L'artiste véritable, écrit Stefan Zweig, est-il autre chose qu'une oeuvre en formation ? »
(La peinture, p.21, Hachette coll. Notes et maximes, 1965)
- À chacune de ses créations, l'artiste épuise ce qui en était, pour ainsi dire, la charge potentielle. On ne refait pas une oeuvre. On ne la refait pas plus qu'on ne refait un enfant. C'est pourquoi créer est jouissance. Alors que Picasso était pauvre, un amateur lui offrit une belle somme pour qu'il exécutât une copie d'une de ses oeuvres antérieures. Étonné de cette proposition, Picasso la déclina. « Je n'y aurais aucun plaisir », dit-il.
(La peinture, p.21, Hachette coll. Notes et maximes, 1965)
- La diversité dans l'unité : une des caractéristiques majeures de l'oeuvre de génie.
(La peinture, p.24, Hachette coll. Notes et maximes, 1965)
- Les grands peintres du nu féminin n'ont jamais possédé avant la femme qu'ils allaient peindre. Ils l'ont quelquefois possédée après, mais surtout pendant.
(La peinture, p.25, Hachette coll. Notes et maximes, 1965)
- Si les chevaux peignaient, ils peindraient leurs juments.
(La peinture, p.25, Hachette coll. Notes et maximes, 1965)
- Pascal avait tort de s'étonner que l'on admirât en peinture ce que l'on ne remarquerait pas dans la réalité. Pour reprendre le mot de Klee, « l'art ne reproduit pas ce qui est visible il rend visible ».
(La peinture, p., Hachette coll. Notes et maximes, 1965)
- Les théories en peinture ne comptent pas. Elles sont, d'ailleurs, presque toujours imaginées par des gens à qui manque le pouvoir créateur, et auxquels elles servent d'échappatoire.
(La peinture, p.27, Hachette coll. Notes et maximes, 1965)
- Des goûts et des couleurs. « L'ennemi de toute peinture est le gris » (Delacroix). « Vous avez parfaitement raison de parler du gris, cela seul règne dans la nature, mais c'est d'un dur effrayant à attraper », (Cézanne). « Il faut respecter le noir » (Odilon Redon). « Rejetez le noir » (Gauguin). « Le noir, mais c'est la reine des couleurs » (Renoir). « Que c'est beau, le jaune ! » (Van Gogh). « Le bleu conserve sa propre individualité... alors que le jaune noircit dans les ombres et s'éteint dans les clairs » (Raoul Dufy). « Quand je n'ai pas de bleu, je mets du rouge »(Picasso).
(La peinture, p.28, Hachette coll. Notes et maximes, 1965)
- Que de mauvaises toiles on a brossées durant le XIXe siècle au nom de l'idéal ! L'idéal est à la vérité d'une oeuvre ce qu'une méduse échouée est à une méduse flottant entre les eaux.
(La peinture, p.31, Hachette coll. Notes et maximes, 1965)
- Les maîtres n'ont pas de meilleur conseil à donner que celui de Pissarro à ses fils : « Méfiez-vous de mes jugements... Ne prenez que ce qui s'accorde avec vos sentiments et votre manière de comprendre... Ce que je crains le plus, c'est que vous [ne] me ressembliez de trop. »
(La peinture, p.31, Hachette coll. Notes et maximes, 1965)
- « En art, disait Gustave Moreau, plus les moyens sont élémentaires, plus la sensibilité apparaît. » Mais les moyens élémentaires ne s'obtiennent qu'à force de science.
(La peinture, p.31, Hachette coll. Notes et maximes, 1965)
- Réduite à elle seule, l'habileté n'est rien - simple vertu d'artisan.
(La peinture, p.32, Hachette coll. Notes et maximes, 1965)
- Il y a les artistes qui font une oeuvre, et puis il y a ceux qui font une carrière.
(La peinture, p.37, Hachette coll. Notes et maximes, 1965)
- Degas avait raison de dire qu'« il faut décourager les arts ». Les hommes qui doivent créer créeront en dépit de tous les obstacles. Ce sont des hommes-fleuves : on n'arrête pas les fleuves.
(La peinture, p.38, Hachette coll. Notes et maximes, 1965)
- En matière d'éloges, on accepte la fausse monnaie comme la bonne.
(La peinture, p.42, Hachette coll. Notes et maximes, 1965)
- « J'en ferais autant.
- Essayez donc !»
(La peinture, p.45, Hachette coll. Notes et maximes, 1965)
- Les ratés expliquent toujours les réussites par des raisons qui les rassurent, jamais par le talent, jamais par le travail. Et quand ils parlent d'un artiste qui a réussi, il faut qu'ils le dénigrent. Ils parlent de son m'as-tu-vuisme, ou de son habileté à tirer les sonnettes, ou de son égoïsme, ou de sa pingrerie, ou de son mauvais caractère, ou de n'importe quoi, et colportent sur lui de grinçantes histoires, forgées de toutes pièces et par lesquelles ils essaient de le rabaisser.
(La peinture, p.46, Hachette coll. Notes et maximes, 1965)
- « Mes recherches », « Je fais des recherches »... Ce terme de « recherche », combien de peintres aiment à le répéter ! Et rien peut-être ne montre avec plus de cruel éclat la supériorité d'un Picasso que sa remarque : « J'ai de la peine à comprendre le mot « recherche » : je ne cherche pas, je trouve. »
(La peinture, p.51, Hachette coll. Notes et maximes, 1965)
- Au temps où triomphait le sujet, on croyait faire de la critique en s'appliquant à de longues descriptions de tableaux.
En notre temps, où l'abstraction triomphe, on croit faire de la critique en se livrant à des dissertations philosophiques.
(La peinture, p.56, Hachette coll. Notes et maximes, 1965)
- « L'art ne commence que lorsque votre métier finit », disait un jour Picasso à un marchand.
(La peinture, p.61, Hachette coll. Notes et maximes, 1965)
- Une oeuvre n'est belle que si elle est acceptée pour telle. L'histoire des arts, comme l'histoire des littératures, ne se limite pas, en effet, à celle des créateurs. Dans un domaine ou dans l'autre, cette histoire est essentiellement celle d'un dialogue entre le créateur et ce que l'on pourrait appeler le « consommateur ».
(La peinture, p.65, Hachette coll. Notes et maximes, 1965)
- On juge plus sûrement le goût d'un homme sur ce qu'il n'aime pas que sur ce qu'il aime.
(La peinture, p.68, Hachette coll. Notes et maximes, 1965)
- Il nous est difficile d'aimer ce qui nous est contraire ou trop étranger. Mais du moins pouvons-nous essayer de tout comprendre, sinon de tout aimer. Et quand on a compris, on n'est pas loin d'aimer.
(La peinture, p.69, Hachette coll. Notes et maximes, 1965)
- On fait un sort à la moindre esquisse d'un grand artiste. C'est comme si l'on vidait la corbeille à papier d'un écrivain.
(La peinture, p.74, Hachette coll. Notes et maximes, 1965)
- [...] la phrase de Méphisto dans le Faust de Valéry : « Je vous laisse le choix du mensonge qui vous semblera le plus digne d'être la vérité. »
(La peinture, p.74, Hachette coll. Notes et maximes, 1965)
- Si nous éprouvons tant de répulsion pour les faussaires, c'est que nous savons bien que l'art engage celui qui crée.
(La peinture, p.77, Hachette coll. Notes et maximes, 1965)
- Il y a des regards qui salissent les chefs-d'oeuvre.
(La peinture, p.80, Hachette coll. Notes et maximes, 1965)
- La patine des chefs-d'oeuvre, c'est de la poussière.
(La peinture, p.83, Hachette coll. Notes et maximes, 1965)
- La mer a souvent inspiré les peintres ; la montagne, presque jamais.
(La peinture, p.83, Hachette coll. Notes et maximes, 1965)
- On parle du « second souffle » des sportifs ; il y a aussi la seconde jeunesse des vieillards de génie.
(La peinture, p.86, Hachette coll. Notes et maximes, 1965)
- « L'eau, dit Claudel, est le regard de la terre, son appareil à regarder le temps. »
(La peinture, p.88, Hachette coll. Notes et maximes, 1965)
- Eugène Carrìere définissait un tableau comme « le développement logique d'une lumière ». Mais pour ce qui regarde ses oeuvres personnelles, il s'agirait plutôt du développement d'une obscurité.
(La peinture, p.88, Hachette coll. Notes et maximes, 1965)
- [...] la vérité du mot de Gauguin :« Le laid peut être beau ; le joli, jamais. »
(La peinture, p.89, Hachette coll. Notes et maximes, 1965)
- Notre époque, parce qu'elle est, en tout domaine, une époque de transition, vertigineusement aspirée par l'avenir, a le fétichisme de la nouveauté.
(La peinture, p.91, Hachette coll. Notes et maximes, 1965)
- Il y a ceux qui créent, dans tel ou tel domaine ; il y a ceux qui, par l'admiration, vivent dans ces domaines - et puis il y a tous les autres, ceux qui se bornent à assurer le ronron de la machine sociale.
(La peinture, p.92, Hachette coll. Notes et maximes, 1965)