André Gide
1869-1951
  1. Que l'importance soit dans ton regard, non dans la chose regardée.
    (Les nourritures terrestres, p.21, Folio n° 117)
     
  2. On n'est sûr de ne jamais faire que ce que l'on est incapable de comprendre. Comprendre, c'est se sentir capable de faire.
    (Les nourritures terrestres, p.24, Folio n° 117)
     
  3. Attends tout ce qui vient à toi; mais ne désire que ce qui vient à toi. Ne désire que ce que tu as. Comprends qu'à chaque instant du jour tu peux posséder Dieu dans sa totalité. Que ton désir soit de l'amour, et que ta possession soit amoureuse.
    (Les nourritures terrestres, p.29, Folio n° 117)
     
  4. Posséder Dieu, c'est le voir; mais on ne le regarde pas.
    (Les nourritures terrestres, p.29, Folio n° 117)
     
  5. Attendre Dieu, c'est ne comprendre pas que tu le possèdes déjà. Ne distingue pas Dieu du bonheur et place tout ton bonheur dans l'instant.
    (Les nourritures terrestres, p.29, Folio n° 117)
     
  6. Le sage est celui qui s'étonne de tout.
    (Les nourritures terrestres, p.30, Folio n° 117)
     
  7. Le plus petit instant de la vie est plus fort que la mort, et la nie.
    (Les nourritures terrestres, p.30, Folio n° 117)
     
  8. Chaque action parfaite s'accompagne de volupté.
    (Les nourritures terrestres, p.38, Folio n° 117)
     
  9. Il y a des maladies extravagantes
    qui consistent à vouloir ce que l'on a pas.

    (Les nourritures terrestres, p.39, Folio n° 117)
     
  10. [...] ne cherche pas, dans l'avenir, à retrouver jamais le passé.
    (Les nourritures terrestres, p.39, Folio n° 117)
     
  11. Je veux bien que, l'existence une fois admise, celle de la terre et de l'homme et de moi paraisse naturelle, mais ce qui confond mon intelligence, c'est la stupeur de m'en apercevoir.
    (Les nourritures terrestres, p.40, Folio n° 117)
     
  12. J'avais besoin d'un poumon, m'a dit l'arbre: alors ma sève est devenue feuille, afin d'y pouvoir respirer. Puis quand j'eus respiré, ma feuille est tombée, et je n'en suis pas mort. Mon fruit contient toute ma pensée sur la vie.
    (Les nourritures terrestres, p.43, Folio n° 117)
     
  13. C'est un grand souci que de penser.
    (Les nourritures terrestres, p.43, Folio n° 117)
     
  14. Rien n'est plus dangereux pour toi que ta famille, que ta chambre, que ton passé.
    (Les nourritures terrestres, p.44, Folio n° 117)
     
  15. [...] choisir, c'était renoncer pour toujours, pour jamais, à tout le reste et la quantité nombreuse de ce reste demeurait préférable à n'importe quelle unité.
    (Les nourritures terrestres, p.66, Folio n° 117)
     
  16. La fleur ne vaut pour moi que comme une promesse de fruit.
    (Les nourritures terrestres, p.82, Folio n° 117)
     
  17. Entre le désir et l'ennui
    Notre inquiétude balance.

    (Les nourritures terrestres, p.89 Folio n° 117)
     
  18. Qu'aimes-tu tant dans les départs, Ménalque? Il répondit: -L'avant-goût de la mort.
    (Les nourritures terrestres, p.97, Folio n° 117)
     
  19. Il y a d'admirables préparatifs au sommeil; il y a d'admirables réveils; mais il n'y a pas d'admirables sommeils, et je n'aime le rêve que tant que je le crois réalité. Car le plus beau sommeil ne vaut pas le moment où l'on se réveille.
    (Les nourritures terrestres, p.121, Folio n° 117)
     
  20. Je garde l'habitude d'une vaste confiance qu'on appellerait de la foi, si elle était assermentée.
    (Les nourritures terrestres, p.137, Folio n° 117)
     
  21. Ah! jeunesse - l'homme ne la possède qu'un temps et le reste du temps la rappelle.
    (Les nourritures terrestres, p.153, Folio n° 117)
     
  22. Ce qu'un autre aurait aussi bien fait que toi, ne le fais pas. Ce qu'un autre aurait aussi bien dit que toi, ne le dis pas, - aussi bien écrit que toi, ne l'écris pas. Ne t'attache en toi qu'à ce que tu sens qui n'est nulle part ailleurs qu'en toi-même, et crée de toi, impatiemment ou patiemment, ah! le plus irremplaçable des êtres.
    (Les nourritures terrestres, p.163, Folio n° 117)
     
  23. Ah! qui délivrera mon esprit des lourdes chaînes de la logique? Ma plus sincère émotion, dès que je l'exprime, est faussée.
    (Les nouvelles nourritures, p.174, Folio n° 117)
     
  24. La vie peut être plus belle que ne la consentent les hommes. La sagesse n'est pas dans la raison, mais dans l'amour.
    (Les nouvelles nourritures, p.174, Folio n° 117)
     
  25. Sache que la fleur la plus belle est aussi la plus tôt fanée. Sur son parfum penche-toi vite. L'immortelle n'a pas d'odeur.
    (Les nouvelles nourritures, p.176, Folio n° 117)
     
  26. Tout ce que tu ne sais pas donner te possède.
    (Les nouvelles nourritures, p.181, Folio n° 117)
     
  27. C'est en renonçant à sa divinité que le Christ vraiment devient Dieu. Et, réciproquement, en se renonçant dans le Christ Dieu se crée.
    (Les nouvelles nourritures, p.182, Folio n° 117)
     
  28. Il y a sur terre de telles immensités de misère, de détresse, de gêne et d'horreur, que l'homme heureux n'y peut songer sans prendre honte de son bonheur.
    (Les nouvelles nourritures, p.193, Folio n° 117)
     
  29. Il est bien plus difficile qu'on ne croit de ne pas croire à Dieu.
    (Les nouvelles nourritures, p.200, Folio n° 117)
     
  30. C'est un vase informe [le mot DIEU] à parois indéfiniment extensibles, qui contient ce qu'il plaît à chacun d'y mettre, mais qui ne contient que ce que chacun de nous y a mis.
    (Les nouvelles nourritures, p.205, Folio n° 117)
     
  31. Je me passai fort bien de certitude dès lors que j'acquis celle-ci, que l'esprit de l'homme ne peut en avoir.
    (Les nouvelles nourritures, p.210, Folio n° 117)
     
  32. Quel évolutionniste irait supposer quelque rapport que ce soit entre chenille et papillon - si l'on ne savait que c'est précisément le même être.
    (Les nouvelles nourritures, p.223, Folio n° 117)
     
  33. [...] on cesse de s'étonner devant un miracle constant.
    (Les nouvelles nourritures, p.224, Folio n° 117)
     
  34. Connais-toi toi-même. Maxime aussi pernicieuse que laide. Quiconque s'observe arrête son développement. La chenille qui chercherait à bien se connaître ne deviendrait jamais papillon.
    (Les nouvelles nourritures, p.224, Folio n° 117)
     
  35. Je sens bien, à travers ma diversité, une constance; ce que je sens divers c'est toujours moi. Mais précisément parce que je sais et sens qu'elle existe, cette constance, pourquoi chercher à l'obtenir? Je me suis, tout le long de ma vie, refusé de chercher à me connaître; c'est-à-dire: refusé de me chercher. Il m'a paru que cette recherche, ou plus exactement sa réussite, entraînait quelque limitation et appauvrissement de l'être, ou que seules arrivaient à se trouver et se comprendre quelques personnalités assez pauvres et limitées; ou plutôt encore: que cette connaissance que l'on prenait de soi limitait l'être, son développement; car tel qu'on s'était trouvé l'on restait, soucieux de ressembler ensuite à soi-même, et que mieux valait protéger sans cesse l'expectative, un perpétuel insaisissable devenir.
    (Les nouvelles nourritures, p.224, Folio n° 117)
     
  36. [...] le plus précieux de nous-même est ce qui reste informulé.
    (Les nouvelles nourritures, p.225, Folio n° 117)
     
  37. La peur du ridicule obtient de nous les pires lâchetés.
    (Les nouvelles nourritures, p.228, Folio n° 117)
     
  38. Il est bien peu de monstres qui méritent la peur que nous en avons.
    (Les nouvelles nourritures, p.228, Folio n° 117)
     
  39. L'homme devient.
    (Les nouvelles nourritures, p.236, Folio n° 117)
     
  40. Il y a d'admirables possibilités dans chaque être. Persuade-toi de ta force et de ta jeunesse. Sache te redire sans cesse: "Il ne tient qu'à moi."
    (Les nouvelles nourritures, p.237, Folio n° 117)
     
  41. Cesse de croire et instruis-toi.
    (Les nouvelles nourritures, p.241, Folio n° 117)
     
  42. [...] de même celui qui se croit simple se simplifie, celui qui se croit compliqué se complique.
    (Préface aux Essais I de Montaigne,, p.8, Folio n° 289)
     
  43. Dans un amour, j'y consens volontiers, l'on peut rester surpris que tel homme s'éprenne de telle femme, et réciproquement, alors que rien ne semble motiver cet amour, sinon précisément ceci: que c'est lui, et que c'est elle.
    (Préface aux Essais I de Montaigne,, p.15, Folio n° 289)
     
  44. Il faut travailler avec acharnement, d'un coup, et sans que rien vous distraie ; c'est le vrai moyen de l'unité de l'oeuvre. Puis, une fois faite, et quand l'écriture repose, il faut lire avec acharnement, voracement, comme il sied après un tel jeûne, et jusqu'au bout, car il faut tout connaître. [...] Il faut croire que c'est dans l'absolu qu'on travaille.
    (8 mai 1890, p.16, Journal 1889-1939, Bibliothèque de la Pléiade)
     
  45. Ne pas se soucier de paraître. Être, seul est important.
    (Fin novembre 1890, p.18, Journal 1889-1939, Bibliothèque de la Pléiade)
     
  46. Le monde m'est un miroir, et je suis étonné quand il me reflète mal.
    (10 juin 1891, p.20, Journal 1889-1939, Bibliothèque de la Pléiade)
     
  47. Comme ceux qui achètent d'abord à crédit, puis, après s'inquiètent de la somme qu'il faut pour solder leur dette ; paraître avant que d'être, s'est s'endetter envers le monde extérieur.
    (7 août 1891, p.25, Journal 1889-1939, Bibliothèque de la Pléiade)
     
  48. La chose la plus difficile, quand on a commencé d'écrire, c'est d'être sincère.
    (30 décembre 1891, p.27, Journal 1889-1939, Bibliothèque de la Pléiade)
     
  49. La vie d'un homme est son image. À l'heure de mourir, nous nous refléterons dans le passé, et, penchés sur le miroir de nos actes, nos âmes reconnaîtront ce que nous sommes.
    (3 janvier, p.29, Journal 1889-1939, Bibliothèque de la Pléiade)
     
  50. Je remarque cette différence entre l'intelligence et l'esprit : que l'intelligence est, par sa nature, égoïste, tandis que l'esprit suppose l'intelligence de celui à qui il s'adresse.
    [...]
    Il faut de l'esprit pour bien parler, de l'intelligence suffit pour bien écouter.

    (6 janvier 1892, p., Journal 1889-1939, Bibliothèque de la Pléiade)
     
  51. L'important, c'est être capable d'émotions ; mais n'éprouver que les siennes, c'est une triste limitation.
    (12 mai 1892, p.31, Journal 1889-1939, Bibliothèque de la Pléiade)
     
  52. L'oeuvre d'art est une exagération.
    (Novembre 1892, p.33, Journal 1889-1939, Bibliothèque de la Pléiade)
     
  53. C'est un devoir que de se faire heureux.
    (Avril 1893, p.34, Journal 1889-1939, Bibliothèque de la Pléiade)
     
  54. Donc : originalité, consiste à se priver de certaines choses. La personnalité s'affirme par ses limites.
    (13 septembre 1893, p.42, Journal 1889-1939, Bibliothèque de la Pléiade)
     
  55. Les choses les plus belles sont celles que souffle la folie et qu'écrit la raison. Il faut demeurer entre les deux, tout près de la folie quand on rêve, tout près de la raison quand on écrit.
    (Septembre 1894, p.50, Journal 1889-1939, Bibliothèque de la Pléiade)
     
  56. L'homme sage vit sans morale, selon sa sagesse. Nous devons essayer d'arriver à l'immoralité supérieure.
    (13 octobre 1894, p.55, Journal 1889-1939, Bibliothèque de la Pléiade)
     
  57. Supprimer en soi l'idée de mérite. C'est un grand achoppement pour l'esprit.
    (1895, p.57, Journal 1889-1939, Bibliothèque de la Pléiade)
     
  58. C'est le propre d'un chef-d'oeuvre : être exclusif ; faire croire inférieure toute autre forme de beauté.
    (15 décembre 1895, p.59, Journal 1889-1939, Bibliothèque de la Pléiade)
     
  59. [...] le bonheur de l'homme n'est pas dans la liberté, mais dans l'acceptation d'un devoir.
    (Préface à Vol de nuit de Saint-Exupéry, p.11, Livre de Poche n° 3)