Jacques Bonnet
1949
  1. Le livre est la matérialisation précieuse d'une émotion, ou une chance d'en avoir une un jour, et s'en séparer ferait courir le risque d'un grave manque. Là où le collectionneur s'inquiète jusqu'à l'obsession des livres qu'il n'a pas encore, le lecteur enragé s'inquiète de ne plus avoir les livres, traces de son passé ou espoirs de son futur, qu'il a lus et qu'il relira peut-être un jour.
    (Des bibliothèques pleines de fantômes, p.33, Denoël, 2008)
     
  2. L'important n'est pas de lire vite mais de lire chaque livre concerné à la vitesse qu'il mérite.
    (Des bibliothèques pleines de fantômes, p.57, Denoël, 2008)
     
  3. Dans chaque livre ouvert pour la première fois, il y a un espect « coffre-fort forcé ». Oui, c'est exactement cela, le liseur frénétique est comme un casseur ayant passé des heures et des heures à creuser un souterrain pour parvenir à la salle des coffres d'une banque. Il se retrouve face à ces centaines de coffres se ressemblant tous et il les ouvre un à un. Et à chaque fois le coffre enfin ouvert perd son anonymat pour devenir unique, l'un avec des tableaux, l'autre avec des liasses de billets, un autre avec des bijoux, ou des lettres entourées d'un ruban, des gravures, des objets sans valeur, de l'argenterie, des photos, des louis d'or, des fleurs séchées, des dossiers, des verres en cristal, des jouets d'enfant, etc. Il y a quelque chose d'enivrant à en ouvrir un nouveau, à en découvrir le contenu, et d'exaltant à n'être plus, au bout d'un moment, devant une série de coffres mais en présence des richesses et des misérables banalités auxquelles peut se résumer l'existence humaine.
    (Des bibliothèques pleines de fantômes, p.61, Denoël, 2008)
     
  4. En histoire de l'art, l'intérêt des interprétations ou des théories n'est pas qu'elles soient définitives, mais que leur cohérence et leur pertinence nous obligent à vraiment regarder une oeuvre, et nous offrent ainsi une chance de se l'approprier.
    (Des bibliothèques pleines de fantômes, p.85, Denoël, 2008)
     
  5. [L'autobiographie] est une variante pernicieuse du genre romanesque.
    (Des bibliothèques pleines de fantômes, p.91, Denoël, 2008)