Paul Morand
1888-1976
  1. L'oisiveté exige tout autant de vertus que le travail: il y faut la culture de l'esprit, de l'âme et des yeux, le goût de la méditation et du rêve, la sérénité [...]
    (Éloge du repos, Éd. Arléa, p. 13)
     
  2. [...] les plus riches [...] ont remplacé le besoin par les besoins.
    (Éloge du repos, Éd. Arléa, p. 14)
     
  3. [...] cette dilatation gratuite de l'être qu'est la joie.
    (Éloge du repos, Éd. Arléa, p. 18)
     
  4. [...] sous la pression d'une existence harcelante, notre pensée se meut si vite que les moyens d'expression ne l'ont pas encore rattrapée.
    (Éloge du repos, Éd. Arléa, p. 32)
     
  5. La peur a détruit plus de choses en ce monde que la joie n'en a créées.
    (Éloge du repos, Éd. Arléa, p. 33)
     
  6. La moitié des gens ont peur de ne pas gagner leur bifteck, l'autre moitié de se le voir prendre: tous d'avoir à manger seuls.
    (Éloge du repos, Éd. Arléa, p. 34)
     
  7. À voir ce que l'école exige aujourd'hui de nos fils, je me demande combien de pères seraient capables d'êtres des enfants.
    (Éloge du repos, Éd. Arléa, p. 52)
     
  8. [...] voyager, c'est demander d'un coup à la distance ce que le temps ne pourrait nous donner que peu à peu.
    (Éloge du repos, Éd. Arléa, p. 58)
     
  9. Savoir voyager, c'est avoir la science des accords.
    (Éloge du repos, Éd. Arléa, p. 60)
     
  10. Voyager, c'est être infidèle. Soyez-le sans remords; oubliez vos amis avec des inconnus.
    (Éloge du repos, Éd. Arléa, p. 60)
     
  11. [...] par une désertion volontaire, entraînons-nous à ce jour où il nous faudra tout quitter.
    (Éloge du repos, Éd. Arléa, p. 61)
     
  12. [...] un bon voyageur ne doit pas se produire, s'affirmer, s'expliquer, mais se taire, écouter et comprendre.
    (Éloge du repos, Éd. Arléa, p. 72)
     
  13. Puisse le voyage nous avoir rappelé notre bonheur!
    (Éloge du repos, Éd. Arléa, p. 83)
     
  14. Jouons avant tout la règle du jeu, et le jeu du campement, c'est de montrer à la civilisation que l'on peut se passer d'elle.
    (Éloge du repos, Éd. Arléa, p. 100)
     
  15. Le sage s'efforce de ne pas voir les premiers plans immédiats, qui s'enfuient, mais de fixer les yeux sur les lointains, qui sont immobiles.
    Le vrai repos vient de nous.

    (Éloge du repos, Éd. Arléa, p. 125)
     
  16. Si j'étais seul au monde, je me porterais à merveille ; mais il y a les autres.
    (L'homme pressé, p.12, Livre de Poche, n°1033)
     
  17. - Parlez-vous avec Dieu ?
    - J'estime qu'après m'avoir joué le tour de me mettre au monde c'est à Lui à me faire signe le premier.

    (L'homme pressé, p.12, Livre de Poche, n°1033)
     
  18. [...] la vitesse est la forme moderne de la pesanteur [...]
    (L'homme pressé, p.15, Livre de Poche, n°1033)
     
  19. - L'homme est une aiguille aimantée qui ne connaît pas le repos, dit Pierre.
    - Excepté au pôle...
    - Ouais ! Dans les glaces du pôle, dans la mort...

    (L'homme pressé, p.17, Livre de Poche, n°1033)
     
  20. L'éloignement, la jalousie, les querelles, le ressentiment n'empêchent pas l'amour, affection reptilienne qui se mord la queue et se nourrit volontiers de son contraire.
    (L'homme pressé, p.42, Livre de Poche, n°1033)
     
  21. Le patient use toujours l'impatient.
    (L'homme pressé, p.50, Livre de Poche, n°1033)
     
  22. Quand on regarde les gens en face on les voit, mais quand on les regarde dans la glace on les comprend.
    (L'homme pressé, p.59, Livre de Poche, n°1033)
     
  23. Qu'est-ce que la vitesse sinon une course gagnée dont la solitude est le prix. On sème ses semblables...
    (L'homme pressé, p.90, Livre de Poche, n°1033)
     
  24. Aucune femme ne vaut qu'on l'attende.
    (L'homme pressé, p.106, Livre de Poche, n°1033)
     
  25. Or, l'amour est d'un grand poids dans la vie des hommes ; c'est une surcharge. Rien d'écrasant comme les impondérables. Le coeur est un organe de plomb. Quand un homme et une femme se rencontrent, ils s'étudient moins qu'ils ne se soupèsent ; ils savent qu'un jour l'un des deux portera l'autre sur ses épaules. Car un couple, ce n'est pas un appareillage latéral, c'est un assemblage vertical.
    (L'homme pressé, p.106, Livre de Poche, n°1033)
     
  26. Les rêves sont des appartements sans portes où l'on entre à travers les murs.
    (L'homme pressé, p.128, Livre de Poche, n°1033)
     
  27. Que les autres ne se contentent pas de l'image que nous leur présentons nous étonne toujours.
    (L'homme pressé, p.142, Livre de Poche, n°1033)
     
  28. [Les femmes] obéissent à une horloge invisible ; la preuve, c'est qu'elles sont en retard avec régularité.
    (L'homme pressé, p.152, Livre de Poche, n°1033)
     
  29. [...] il s'ennuie, comme dans la grammaire allemande, à attendre le verbe.
    (L'homme pressé, p.157, Livre de Poche, n°1033)
     
  30. Le bonheur qu'un être aimé trouve en dehors de nous, après ne l'avoir trouvé qu'en nous, est non seulement immoral mais humiliant aussi car il nous oblige à de pénibles retours sur nous-mêmes, à des aveux de défiance et de défaite. La honte n'est pas toujours la conscience du mal que nous faisons, elle est souvent la conscience du mal qu'on nous fait.
    (L'homme pressé, p.161, Livre de Poche, n°1033)
     
  31. C'est épouvantable d'être seul quand on a été deux.
    (L'homme pressé, p.165, Livre de Poche, n°1033)
     
  32. [...] on ne fait le salut des autres qu'en faisant d'abord le sien.
    (L'homme pressé, p.171, Livre de Poche, n°1033)
     
  33. [...] le plaisir d'être hésitant.
    (L'homme pressé, p.172, Livre de Poche, n°1033)
     
  34. Quand on fixe une heure à une femme, c'est sans y croire, c'est plutôt une heure qu'on se fixe à soi-même : on se dit qu'on aura à souffrir qu'à partir de ce moment-là. Voilà la vertu consolatrice du rendez-vous, du rendez-vous auquel elles ne se rendent pas.
    (L'homme pressé, p.173, Livre de Poche, n°1033)
     
  35. Les explications sont un des grands plaisirs de la vie à deux.
    (L'homme pressé, p.220, Livre de Poche, n°1033)
     
  36. [...] je ne suis pas un homme, je suis un moment !
    (L'homme pressé, p.231, Livre de Poche, n°1033)
     
  37. Dès que je prends du recul pour regarder ma vieille planète, elle me paraît morte. La vitesse, c'est un mot inventé par le ver de terre.
    (L'homme pressé, p.234, Livre de Poche, n°1033)
     
  38. Se déplacer, aller d'un point à un autre est une des caractéristiques des espèces supérieures. L'organisme, au lieu de s'épuiser en une défensive stupide, de se durcir, de ne connaître, saisir ou assimiler que ce qui passe à sa portée, s'assouplit, et trouve pour résister à la mort une arme nouvelle, la vitesse.
    (Le Voyage (Incipit), p.7, Librairie Hachette, coll. Notes et maximes, 1927)
     
  39. Les guerres elles-mêmes sont des voyages, des voyages de nations.
    (Le Voyage, p.7, Librairie Hachette, coll. Notes et maximes, 1927)
     
  40. Malheur à qui ne sait pas voyager.
    (Le Voyage, p.9, Librairie Hachette, coll. Notes et maximes, 1927)
     
  41. Je me garde de dire qu'il y a progrès. Je dis seulement qu'il y a bouleversement [...]
    (Le Voyage, p.15, Librairie Hachette, coll. Notes et maximes, 1927)
     
  42. À partir du milieu du XVIIIe siècle, la vie est devenue facile et fastidieuse ; on veut échapper au spleen ; on cherche à se fuir soi-même. C'est alors qu'apparaît, sous l'influence anglaise, cette nouvelle conception romantique du voyage qui nous régit encore, où il ne s'agit plus de découvrir quelque chose, mais bien plutôt de se perdre.
    (Le Voyage, p.15, Librairie Hachette, coll. Notes et maximes, 1927)
     
  43. [...] voyager, c'est demander d'un coup à la distance ce que le temps ne pourrait nous donner que peu à peu.
    (Le Voyage, p.16, Librairie Hachette, coll. Notes et maximes, 1927)
     
  44. [...] la gare est devenue un alcool et le tourisme, plus qu'un tonique, un stupéfiant.
    (Le Voyage, p.18, Librairie Hachette, coll. Notes et maximes, 1927)
     
  45. Savoir voyager, c'est avoir la science des accords.
    (Le Voyage, p.34, Librairie Hachette, coll. Notes et maximes, 1927)
     
  46. Voyager, c'est être infidèle. Soyez-le sans remords ; oubliez vos amis avec des inconnus ; trompez vos maîtresses avec des monuments ; à vos parents, préférez ce placeur de films avec lequel vous faites un poker de douze jours à travers le Pacifique. N'écrivez pas ; dites-vous que votre livre d'adresses est un cimetière ; mettez-vous en friche ; assolez votre esprit, faisant alterner les cultures de solitude, de silence avec les récoltes de travail, de chagrins ou de succès.
    (Le Voyage, p.37, Librairie Hachette, coll. Notes et maximes, 1927)
     
  47. Le voyage est chose malaisée ; l'amour est chose surhumaine : essayer de combiner les deux, c'est jouer la difficulté.
    (Le Voyage, p.44, Librairie Hachette, coll. Notes et maximes, 1927)
     
  48. Les « extravagants », étymologiquement, sont des gens qui errent.
    (Le Voyage, p.47, Librairie Hachette, coll. Notes et maximes, 1927)
     
  49. Partout où je passe, les gens me disent : « Vous avez vu trop vite, restez encore ». Ils ont raison, mais, moi qui suis seul à savoir que j'ai une vie courte et devant moi le monde entier à visiter, en ne les écoutant pas, je n'ai pas tort. On peut voir rapidement, mais comprendre bien.
    (Le Voyage, p.48, Librairie Hachette, coll. Notes et maximes, 1927)
     
  50. Mon père a écrit un vers que j'aime, parce qu'il me fait penser au début des Deux Pigeons (au début ou à la fin, car le milieu de la fable, avec le récit des périls courus par le pigeon, est beaucoup moins bon). Ce vers, c'est :
    Le plus beau voyage d'ici-bas
    C'est celui qu'on fait l'un vers l'autre.

    (Le Voyage, p.55, Librairie Hachette, coll. Notes et maximes, 1927)
     
  51. Je voudrais qu'après ma mort on fît de ma peau une valise.
    (Le Voyage, p.55, Librairie Hachette, coll. Notes et maximes, 1927)
     
  52. Les passions, voyages du coeur.
    (Le Voyage, p.56, Librairie Hachette, coll. Notes et maximes, 1927)
     
  53. S'en aller, seul moyen de parvenir.
    (Le Voyage, p.56, Librairie Hachette, coll. Notes et maximes, 1927)
     
  54. Attendre son sort, attendre la mort : commençons par ne pas les attendre.
    (Le Voyage, p.57, Librairie Hachette, coll. Notes et maximes, 1927)
     
  55. S'en aller, c'est gagner son procès contre l'habitude.
    (Le Voyage, p.59, Librairie Hachette, coll. Notes et maximes, 1927)
     
  56. Faire l'éloge de son coin de terre : point de vue de cadavre.
    (Le Voyage, p.60, Librairie Hachette, coll. Notes et maximes, 1927)
     
  57. Lire, écrire, c'est devoir ; voyager, c'est pouvoir.
    (Le Voyage, p.60, Librairie Hachette, coll. Notes et maximes, 1927)
     
  58. À tout instant, le hasard vous envoie promener. En profitez-vous ?
    (Le Voyage, p.60, Librairie Hachette, coll. Notes et maximes, 1927)