Citations ajoutées le 27 décembre 2008

  
Goethe

  1. Il n’est rien de sensé qui n’ait été déjà pensé, on doit seulement tâcher de le penser encore une fois.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.1, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  2. Comment peut-on se connaître soi-même ? Jamais par la méditation, mais bien par l’action. Cherche à faire ton devoir et tu sauras ce que tu vaux.
    Mais qu’est-ce que ton devoir ? L’exigence du jour.

    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.1, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  3. L’humanité doit être considérée comme un homme immortel qui incessamment réalise des idées nécessaires, et par là domine l’accidentel.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.2, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  4. Plus j’avance dans la vie, plus j’ai de chagrin de voir l’homme, qui est destiné à être le roi de la nature et à s’affranchir lui et les siens de la puissante nécessité, devenu l’esclave de quelque préjugé absurde, faire précisément le contraire de ce qu’il veut, et, parce qu’il n’a pas su coordonner l’ensemble de sa vie, s’égarer misérablement dans les détails.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.2, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  5. Dis-moi qui tu hantes, je te dirai qui tu es ; dis-moi de quoi tu t’occupes, je te dirai ce que tu deviendras.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.2, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  6. Chaque homme doit penser à sa manière ; car il trouve toujours sur son chemin une vérité ou quelque chose de vrai qui le soutient dans le cours de la vie ; seulement il ne doit pas s’y abandonner, mais se contrôler lui-même. L’instinct dans sa simplicité primitive ne suffit pas à l’homme.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.2, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  7. Une activité sans bornes, de quelque nature qu’elle soit, finit toujours par faire banqueroute.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.3, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  8. Dans les oeuvres de l’homme, comme dans celles de la nature, c’est principalement le but qui mérite notre attention.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.3, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  9. Les hommes se trompent sur eux-mêmes et sur les autres, parce qu’ils prennent les moyens pour le but ; car alors un excès d’activité fait tout manquer, ou produit le contraire de ce qu’on attendait.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.3, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  10. Ce que nous méditons, ce que nous entreprenons, devrait être déjà si parfait, si pur, si beau, que le monde ne pût que le gâter. Nous conserverions ainsi l’avantage de n’avoir partout qu’à redresser ce qui est mal, ou à rétablir ce qui est détruit.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.3, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  11. Il est difficile d’apprécier une erreur complète, une moitié et un quart d’erreur, d’en démêler le vrai, et de le mettre à la place qui lui convient.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.4, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  12. Il n’est pas toujours nécessaire que la vérité prenne une forme positive ; il suffit qu’elle flotte vaguement dans les esprits et qu’elle trouve un écho dans notre âme, comme le son mélancolique d’une cloche se répand dans les airs.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.4, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  13. Des idées générales, jointes à une grande prétention, mettent sur la route des plus affreux malheurs.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.4, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  14. Souffler n’est pas jouer de la flûte. Il faut encore remuer les doigts.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.4, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  15. Les botanistes ont une classe de plantes qu’ils appellent incompletæ ; on peut dire de même qu’il y a des hommes imparfaits et incomplets. Ce sont ceux dont les désirs et les efforts ne sont pas proportionnés à ce qu’ils sont capables de faire et de produire.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.5, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  16. L’homme le plus médiocre peut être complet s’il sait se tenir dans les bornes de sa capacité et de son talent. Mais les plus brillantes qualités de la nature sont obscurcies, effacées et anéanties, si cette juste mesure, nécessaire en tout, vient à manquer. Ce mal se fait souvent sentir dans les temps où nous sommes ; car qui pourrait satisfaire aux exigences toujours croissantes d’une époque qui veut que tout se réalise avec la plus grande rapidité ?
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.5, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  17. Les hommes prudents et actifs qui connaissent leur force et s’en servent avec mesure et circonspection, seuls iront loin dans les affaires du monde.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.5, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  18. C’est une grande faute de se croire plus que l’on est, et de s’estimer moins qu’on ne vaut.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.6, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  19. Je rencontre de temps en temps un jeune homme chez lequel je ne voudrais rien changer. Mais j’éprouve un sentiment pénible en voyant tant de jeunes gens disposés à se laisser entraîner par le torrent du siècle, et je ne me lasserai pas de faire remarquer que des rames ont été mises entre les mains de l’homme, dans sa barque fragile, afin qu’il ne s’abandonne pas aux caprices des vagues, mais se laisse gouverner par sa raison.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.6, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  20. Mais comment un jeune homme peut-il parvenir, par lui-même, à considérer comme blâmable et mauvais ce que tout le monde fait, approuve, encourage ? Pourquoi, en cela aussi, ne se laisserait-il pas entraîner par son naturel ?
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.6, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  21. Je regarde comme le plus grand mal de notre siècle, qui ne laisse rien mûrir, cette avidité avec laquelle on dévore à l’instant tout ce qui paraît. On mange son blé en herbe. Rien ne peut assouvir cet appétit famélique qui ne met en réserve pour l’avenir. N’avons-nous pas des journaux pour toutes les heures du jour ? Un habile homme en pourrait encore intercaler un ou plusieurs. Par là tout ce que chacun fait, entreprend, compose, même ce qu’il projette, est traîné sous les yeux du public. Personne ne peut éprouver une joie, une peine, qui ne serve au passe-temps des autres. Et ainsi chaque nouvelle court de maison en maison, de ville en ville, de royaume en royaume, et enfin d’une partie du monde à une autre, avec une effrayante rapidité.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.7, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  22. Il n’est pas plus possible d’arrêter le mouvement moral du siècle que celui des machines à vapeur. L’agitation du commerce, la circulation du papier-monnaie, l’accroissement des dettes pour payer les dettes, voilà le milieu dans lequel vit aujourd’hui un jeune homme. Heureux celui que la nature a doué d’un esprit assez modéré et paisible pour ne pas faire au monde des demandes exagérées, et pour conserver la liberté de ses déterminations.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.8, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  23. Dans chaque circonstance l’esprit du jour pèse sur lui, et rien n’est plus nécessaire que de lui faire remarquer de bonne heure le but vers lequel doit se diriger sa volonté.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.8, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  24. L’importance des mots et des actions les plus simples augmente avec le nombre de nos années. Pour peu que je regarde autour de moi, je ne puis m’empêcher de faire remarquer quelle différence il y a entre franchise, confiance, et indiscrétion. Il n’existe entre ces termes, à proprement parler, aucune différence ; mais seulement une légère transition de ce qui ne compromet pas à ce qui compromet gravement nos intérêts ; cette distinction demande à être remarquée ou plutôt sentie.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.8, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  25. C’est sur ce point que nous devons exercer notre tact, autrement nous courons risque de perdre insensiblement la faveur des hommes par les mêmes moyens qui nous l’ont fait obtenir.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.9, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  26. C’est ce que l’on comprend bien par soi-même dans le cours de la vie, mais après de nombreuses leçons que nous payons fort cher ; malheureusement, nous ne pouvons les épargner à ceux qui viennent après nous.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.9, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  27. Le rapport des arts et des sciences à la vie réelle est très-différent, selon leur degré de culture, les temps et mille autres circonstances ; ce qui fait qu’il est très-difficile de se former une idée exacte de l’ensemble.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.9, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  28. La poésie produit ses plus grands effets à l’origine des sociétés lorsqu’elles sont encore entièrement barbares ou à demi civilisées, à l’époque d’un changement de civilisation, ou lorsqu’elles entrevoient la supériorité d’une culture étrangère, de sorte qu’on peut dire que l’attrait de la nouveauté y trouve toujours sa place.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.10, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  29. La musique, du moins celle qui mérite ce nom, se passe plus facilement de la nouveauté ; et même plus elle est ancienne, plus on y est accoutumé, plus elle produit d’effet.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.10, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  30. La dignité de l’art apparaît peut-être à son plus haut degré dans la musique, parce qu’elle n’a point de matériaux dont on soit obligé de tenir compte. Elle est tout entière forme et fond. D’ailleurs, elle élève et anoblit tout ce qu’elle exprime.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.10, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  31. La musique est religieuse ou profane. Religieuse elle répond tout-à-fait à sa dignité, et ici elle exerce sa plus grande influence sur la vie, influence qui reste toujours la même dans tous les temps, à toutes les époques. Le caractère essentiel de la musique profane devrait être la gaîté.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.11, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  32. Une musique qui mêle ensemble le religieux et le profane est impie, et une musique bâtarde, qui se plaît à exprimer des émotions faibles, sentimentales et mélancoliques, est absurde. Car elle n’est pas assez grave pour être religieuse et le caractère du genre opposé lui manque : la gaîté.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.11, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  33. La sainteté dans la musique d’église et une gaîté pleine de verve dans les mélodies populaires sont les deux bases de la vraie musique. Ces deux caractères produisent inévitablement leur effet : le recueillement et la danse. Leur mélange gâte tout. La faiblesse est fade ; et, lorsque la musique veut s’appliquer à la poésie didactique, descriptive, ou d’un genre analogue, elle devient froide.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.11, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  34. La sculpture ne produit véritablement son effet que lorsqu’elle touche à la perfection. Le médiocre peut bien imposer par plusieurs causes, mais les oeuvres médiocres de ce genre font plutôt illusion qu’elles ne plaisent réellement. La sculpture doit donc chercher aussi un intérêt dans les sujets qu’elle représente, et elle le trouve en perpétuant l’image des hommes illustres ; mais encore doit-elle ici atteindre à un haut degré de perfection, si elle veut être vraie et conserver sa dignité.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.12, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  35. La peinture est le moins exigeant, le plus commode de tous les arts : le moins exigeant, parce qu’en raison des moyens qu’elle emploie et de l’objet qu’elle représente, lors même qu’elle n’est qu’une oeuvre manuelle, et à peine un art, elle se fait encore bien venir et nous plaît ; ensuite, parce qu’une exécution technique, bien que dépourvue de talent, excite l’admiration des hommes d’un esprit cultivé comme des ignorants, de sorte qu’il suffit d’approcher jusqu’à un certain point de l’art pour être bien accueilli dans une sphère supérieure. La vérité dans les couleurs, dans le dessin, dans la perspective, nous fait déjà plaisir ; et comme l’oeil d’ailleurs est habitué à tout voir, il n’est pas blessé par une forme laide ou même par une image hideuse, comme l’oreille est choquée par un son faux. On tolère les plus mauvaises peintures parce qu’on est accoutumé à voir des objets plus difformes encore. Il suffit donc au peintre d’être artiste seulement jusqu’à un certain degré, pour trouver un public plus nombreux que le musicien qui a un talent égal. Au moins, le peintre médiocre peut toujours travailler seul, au lieu que le musicien faible est obligé de s’associer à d’autres musiciens pour produire quelque effet par l’ensemble.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.12, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  36. Dans l’examen des productions de l’art, doit-on comparer ou non ? Nous pouvons répondre à cette question de la manière suivante : Le véritable connaisseur doit comparer ; l’idéal est présent à son esprit ; il a saisi l’idée qui peut et doit être représentée ; l’amateur, qui n’en est encore qu’à former son jugement, fera plus de progrès si, s’abstenant de comparer, il étudie le mérite particulier de chaque ouvrage ; par là se forme peu à peu le sentiment et l’intelligence en général. Comparer, pour les non-connaisseurs, est chose commode qui dispense de juger.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.14, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  37. Trouver partout le bien et l’apprécier, c’est en cela que se montre l’amour de la vérité.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.14, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  38. Le sens historique se révèle chez l’homme de tact et d’un esprit exercé, qui, dans l’appréciation des contemporains, de leurs mérites réels et accesssoires, sait faire entrer le passé en ligne de compte.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.15, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  39. Le plus grand avantage que nous retirons de l’histoire, c’est l’enthousiasme qu’elle excite.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p. 15, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  40. L’originalité provoque l’originalité.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.15, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  41. On doit penser que, parmi les hommes, il en est beaucoup dont l’esprit est stérile, et qui veulent cependant dire quelque chose de remarquable. C’est ce qui fait que l’on entend des choses si singulières.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.15, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  42. Les penseurs profonds et sérieux sont dans une mauvaise position vis-à-vis du public.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.15, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  43. Si l’on veut que je prête l’oreille à l’opinion d’autrui, qu’elle soit exprimée nettement. Je trouve en moi assez de problèmes.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.16, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  44. La superstition est inhérente à l’homme. Si l’on veut la bannir complètement, elle se réfugie dans les plis et les recoins les plus singuliers de l’âme, d’où elle sort pour reparaître tout à coup lorsqu’on se croit le plus sûr de soi.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.16, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  45. Il y a beaucoup de choses que nous connaîtrions bien mieux si nous ne voulions pas les connaître avec tant d’exactitude. Notre vue ne saisit bien les objets que sous un angle de quarante-cinq degrés.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.16, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  46. Le microscope et le télescope troublent, à proprement parler, la pureté du sens de la vue.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.16, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  47. Je me tais sur bien des choses, car je ne veux pas porter le trouble dans l’esprit des hommes, et je suis très satisfait lorsqu’ils se réjouissent sur des points dont je suis loin d’être content.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.17, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  48. Tout ce qui affranchit notre esprit sans nous donner les moyens de maîtriser nos passions est pernicieux.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.17, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  49. Ce qui intéresse les hommes dans un ouvrage d’art, c’est ce qu’il est et non comment il produit son effet ; ils peuvent comprendre le premier point en s’attachant aux détails ; mais ils ne peuvent saisir le second dans l’ensemble. Aussi, fait-on ressortir les endroits remarquables. Après un examen attentif, l’impression produite par l’ensemble se fait bien finalement sentir, mais on n’en a pas conscience.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.17, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  50. Cette question : De quelle idée le poète s’est-il inspiré ? Appartient encore au premier point de vue. Le comment c’est ce que personne ne sait.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.18, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  51. L’art seul, et en particulier la poésie, impose des limites à l’imagination. Il n’y a rien de terrible comme l’imagination sans le goût.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.18, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  52. Le maniéré est un faux idéal, un idéal où la personnalité se montre seule. Aussi, ne peut-il se passer facilement de l’esprit.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.18, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  53. Le point essentiel pour le philologue est la concordance des idées dans les monuments conservés par l’écriture.Un manuscrit est donné ; il s’y trouve des lacunes réelles, des fautes matérielles qui produisent des interruptions dans le sens, et en général tous les défauts qu’on peut reprocher à un manuscrit. Maintenant s’offre une seconde copie, une troisième ; pour les comparer il faut s’attacher à la liaison logique des idées et à la pensée générale. Il y a plus, un pareil travail exige de lui que, par la seule pénétration de son esprit, sans secours extérieur, il sache saisir de plus en plus la concordance de toutes les parties. Un tact particulier, la faculté de pouvoir s’identifier avec son auteur, qui n’existe plus, lui sont nécessaires ; il lui faut même jusqu’à un certain degré de l’imagination et de l’invention. On ne doit donc pas savoir mauvais gré au philologue s’il se mêle de porter son jugement sur les matières de goût, quoiqu’il ne soit pas toujours heureux dans ses aperçus.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.18, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  54. Le poète a pour but la représentation ; il atteint au plus haut degré de l’art lorsqu’il rivalise avec la réalité, c’est-à-dire lorsque ses tableaux sont tellement animés par l’esprit, que chacun les croit avoir sous les yeux. À son plus haut point de perfection, la poésie paraît toute extérieure ; plus elle se retire dans le monde intérieur, plus elle est en danger de se perdre. Représenter le sentiment intérieur sans le revêtir d’une forme matérielle empruntée au monde extérieur, ne pas animer et spiritualiser la forme extérieure, sont les deux extrêmes par lesquels on entre dans la prose.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.19, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  55. L’éloquence a le privilège de s’emparer de tous les avantages de la poésie et de tous ses droits. Elle se les approprie, en use et en abuse pour obtenir dans la vie sociale certains avantages extérieurs et passagers tantôt avoués tantôt réprouvés par la morale.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.20, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  56. Lord Byron est un talent qui s’est développé dans toute sa grandeur naturelle, malgré son caractère sauvage et insociable.
    Sous ce rapport il n’y a peut-être personne qui puisse lui être comparé.

    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.20, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  57. Le mérite propre de ce qu’on appelle les chants populaires, c’est d’être inspirés immédiatement par la nature. Cet avantage, le poète dont le talent est cultivé par l’art pourrait l’avoir, s’il savait en profiter.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.21, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  58. Mais il est un point sur lequel les premiers ont toujours l’avantage. Le talent simplement naturel l’emporte sur les esprits cultivés par le laconisme de l’expression.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.21, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  59. La lecture de Shakespeare est dangereuse pour les talents naissants. Il les force à le reproduire et ils s’imaginent se produire eux-mêmes.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.21, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  60. On ne peut juger l’histoire que quand on la trouve dans sa propre vie. Il en est ainsi d’une nation tout entière. Les Allemands ne savent juger la littérature que depuis qu’ils ont eux-mêmes une littérature.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.21, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  61. On ne vit réellement que quand on jouit de la bienveillance des autres.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.22, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  62. La dévotion n’est pas un but, mais un moyen pour arriver par le calme le plus pur de l’âme au plus haut degré de perfectionnement moral.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.22, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  63. Aussi, peut-on remarquer que ceux qui considèrent la dévotion comme le but sont pour la plupart des hypocrites.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.22, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  64. Quand on est vieux on doit agir plus que quand on était jeune.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.22, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  65. Un devoir rempli laisse toujours dans l’âme un sentiment qui ressemble au remords : celui de n’avoir pas assez fait.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.22, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  66. Il n’y a que celui qui ne nous aime pas qui puisse bien connaître nos défauts ; aussi, pour les découvrir, il faut oublier que l’on aime, mais tout juste assez pour le but qu’on se propose.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.22, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  67. Le plus haut degré de bonheur consiste à nous perfectionner et à effacer nos défauts.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.23, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  68. Nous ne reconnaissons la puissance qu’autant qu’elle nous est utile. Nous reconnaissons celle du prince, parce que nous voyons la propriété assurée sous son nom. Nous attendons de lui protection contre les événements qui nous menacent au dedans et au dehors.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.23, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  69. Le ruisseau est l’ami du meunier à qui il est utile, et il aime à faire tourner son moulin. Que lui sert-il de couler nonchalamment dans la vallée ?
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.23, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  70. Celui qui se contente de la pure expérience et la prend pour guide possède déjà beaucoup de vérité. L’enfant qui grandit en sait déjà beaucoup dans ce sens.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.23, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  71. La théorie, en elle-même, n’est utile qu’en ce qu’elle nous fait croire à l’enchaînement des phénomènes.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.24, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  72. Toute vérité abstraite est mise à la portée du sens commun par les applications, et ainsi le sens commun s’élève, par la pratique et l’observation, jusqu’à l’abstraction.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.24, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  73. Celui qui vise trop haut, celui qui se plaît dans les questions compliquées, est exposé à s’égarer.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.24, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  74. Juger par analogie n’est pas une méthode à blâmer ; l’analogie a cet avantage qu’elle n’exclut rien, et ne se propose pas, à proprement parler, un but final ; au contraire, l’induction est dangereuse, parce qu’elle a toujours un but devant les yeux, et en poursuivant elle entraîne avec soi l’erreur et la vérité.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.24, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  75. L’intuition, dans le sens vulgaire, c’est-à-dire un coup d’oeil juste pour saisir les affaires du monde, est le partage du sens commun.
    L’intuition pure du monde extérieur et intérieur est très-rare.

    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.25, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  76. Le premier de ces deux genres d’intuition se manifeste avec le sens pratique, par l’action prompte et soudaine ; le second, par des symboles, principalement par les rapports mathématiques, par les nombres et les formules, par le langage primitif figuré, comme poésie du génie, comme proverbe du sens commun.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.25, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  77. C’est par la tradition que le passé agit sur nous. La tradition ordinaire doit s’appeler historique. Une tradition plus élevée, qui s’adresse à l’imagination, est mythique. Si dans cette dernière on veut en trouver une troisième, en y cherchant un sens, elle devient mystique ; elle prend même facilement le caractère sentimental, tant il est vrai que nous ne nous approprions véritablement que ce qui parle à notre coeur.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.25, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  78. Les causes auxquelles nous devons faire attention lorsque nous voulons obtenir un véritable succès sont :
    Celles qui préparent ;
    Celles qui accompagnent ;
    Celles qui agissent simultanément, ou comme auxiliaires ;
    Celles qui accélèrent ;
    Celles qui augmentent la force ;
    Celles qui font obstacle ;
    Celles qui produisent de nouveaux effets.

    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.26, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  79. Dans la spéculation, comme dans l’action, on doit distinguer le possible de l’impossible ; sans cela on fait peu de progrès dans la vie comme dans les sciences.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.26, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  80. « Le sens commun est le génie de l’humanité. »
    Le sens commun, que l’on peut regarder comme le génie de l’humanité, doit être considéré avant tout dans ses manifestations. Or, si nous examinons à quoi l’humanité s’applique, nous trouverons ce qui suit :
    L’humanité a des besoins qui sont les conditions de sa nature ; s’ils ne sont pas satisfaits, elle se montre impatiente ; sont-ils satisfaits, elle paraît indifférente. L’homme se meut entre ces deux états, et il emploie sa raison, ce qu’on appelle vulgairement la raison humaine, à pourvoir à ses besoins. A-t-il atteint ce but, alors naît pour lui la nécessité de combler le vide de l’indifférence. S’il se referme ici dans d’étroites limites, dans les bornes nécessaires, il peut y réussir encore ; mais si les besoins s’élèvent, s’ils sortent du cercle des choses communes, le sens commun ne suffit plus ; il n’est plus génie. La région de l’erreur est ouverte à l’homme.

    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.27, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  81. Il n’arrive en ce monde rien de déraisonnable que la raison et le hasard ne puisse redresser, rien de raisonnable que la déraison et le hasard ne puisse faire manquer.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.28, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  82. Toute grande idée, aussitôt qu’elle apparaît, exerce une domination tyrannique. Aussi les avantages se changent bientôt en désavantages. On peut défendre chaque institution pour peu qu’on sache se rappeler et démontrer que tout ce qu’on a pu dire d’elle primitivement, on peut encore le dire maintenant.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.28, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  83. Il existe dans ce monde deux puissances pacifiques : le droit et la convenance.
    Le droit a pour objet le délit, la police ce qui est de convenance publique.
    Le droit délibère et décide, la police surveille et ordonne. Le droit a rapport aux individus, la police à l’intérêt général.

    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.28, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  84. L’histoire des sciences est un grand concert dans lequel on distingue successivement la voix des différents peuples.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.29, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  85. Si l’homme doit faire tout ce qu’on exige de lui, il doit aussi s’estimer plus qu’il n’est.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.31, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  86. Il y a des livres qui paraissent écrits, non pour l’instruction du lecteur, mais pour lui apprendre que l’auteur savait quelque chose.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.31, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  87. Il est beaucoup plus facile de se placer au point de vue d’un homme qui est dans une erreur complète que de se mettre à la place de celui qui se fait illusion, séduit par une demi-vérité.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.32, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  88. Le plaisir que la médiocrité dans les arts fait éprouver aux Allemands vient de la nullité prétentieuse. La nullité ne peut souffrir ce qui est bien ; autrement elle reconnaîtrait son néant.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.32, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  89. Il est triste de voir comment un homme extraordinaire lutte souvent avec lui-même, avec les circonstances malheureuses de sa vie et avec son siècle, sans jamais parvenir à la fortune. Bürger en est un exemple déplorable.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.32, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  90. La plus grande marque d’estime qu’un auteur puisse donner au public est de produire non pas ce qu’on attend de lui, mais ce qu’il croit bon et utile, eu égard à son propre talent, et au degré de culture des esprits auxquels il s’adresse.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.32, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  91. La sagesse n’est que dans la vérité.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.33, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  92. Si je me trompe, tout le monde peut s’en apercevoir ; si je mens, il n’en est pas de même.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.33, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  93. L’Allemand possède la liberté de penser, et c’est pour cela que, lorsqu’il manque de goût et de liberté d’esprit, il ne s’en aperçoit pas.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.33, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  94. Le monde n’est-il pas déjà assez rempli d’énigmes, pour qu’on ne transforme pas en énigmes les choses les plus simples.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.33, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  95. Le plus petit cheveu fait ombre.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.33, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  96. La libéralité obtient la faveur générale, surtout si l’humilité l’accompagne.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.33, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  97. Avant l’orage la poussière qui va disparaître pour longtemps se soulève pour la dernière fois avec violence.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.34, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  98. Les hommes ont beaucoup de mal à se connaître, même lorsqu’ils sont animés de la meilleure intention. Comment y parviendraient-ils avec la mauvaise volonté qui défigure tout.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.34, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  99. Les hommes se connaîtraient mieux les uns les autres si chacun ne voulait être l’égal de son semblable.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.34, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  100. Les personnages distingués sont dans une position plus défavorable que les autres hommes ; comme on ne se compare pas à eux, on les observe.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.34, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  101. Dans le monde, l’essentiel n’est pas de connaître les hommes, mais d’être plus habile pour le moment présent que celui qui est en face de nous. Toutes les foires et les charlatans en fournissent l’exemple.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.34, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  102. Il n’y a pas de grenouilles partout où il y a de l’eau, mais il y a de l’eau partout où l’on entend des grenouilles.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.35, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  103. Celui qui ne sait aucune langue étrangère ne sait pas sa propre langue.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.35, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  104. L’erreur nous va bien tant que nous sommes jeunes ; mais il ne faut pas la traîner avec soi jusque dans la vieillesse.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.35, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  105. Tous les travers qui vieillissent sont comme les matières qui rancissent.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.35, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  106. Les prétentions déraisonnables et despotiques du cardinal Richelieu ont fait que Corneille s’est trompé sur lui-même.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.35, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  107. Il n’y a personne qui n’ait, dans son caractère un côté qui mis au jour, ne pourrait manquer de déplaire.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.35, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  108. Lorsque l’homme vient à réfléchir sur son physique ou sur son moral, il se trouve ordinairement malade.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.36, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  109. La nature demande que l’homme s’étourdisse quelquefois sans dormir. De là vient le plaisir de fumer, de boire des liqueurs fortes et de prendre de l’opium.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.36, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  110. L’essentiel pour l’homme moral est de faire le bien sans s’inquiéter du résultat.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.36, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  111. Plus d’un homme donne des coups de marteau sur le mur en croyant frapper juste sur la tête du clou.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.36, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  112. Les mots français ne viennent pas du latin écrit, mais du latin parlé.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.36, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  113. Un fait accidentel où nous ne découvrons pour le moment ni une loi de la nature ni un effet de la liberté, nous l’appelons un accident de la vie commune.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.37, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  114. Écrire l’histoire est une manière de se débarrasser du passé.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.37, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  115. Ce que l’on ne comprend pas, on ne le possède pas.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.37, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  116. Les faveurs ne sont le symbole de la souveraineté que pour les hommes faibles.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.37, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  117. Il n’y a rien de commun qui, exprimé d’une manière bizarre, ne paraisse humoristique.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.37, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  118. Il n’y a personne à qui il ne reste assez de forces pour exécuter ce dont il est convaincu.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.37, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  119. La mémoire peut toujours nous abandonner pourvu que le jugement ne nous manque pas dans l’occasion.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.37, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  120. Les poètes inspirés par la nature sont des talents dont la verve naïve et originale est repoussée par une époque raffinée. Comme ils ne peuvent éviter de tomber souvent dans le trivial, on s’imagine facilement qu’ils sont rétrogrades. Mais, au contraire, ce sont des esprits régénérateurs, qui provoquent de nouveaux progrès.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.38, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  121. Le jugement d’une nation n’est formé que du moment où elle peut se juger elle-même. Mais cette haute prérogative elle ne l’obtient que fort tard.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.38, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  122. Les hommes sont contrariés de voir que la vérité soit si simple ; ils devraient se rappeler qu’il n’est pas facile de l’appliquer aux besoins de la vie pratique.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.38, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  123. Une école doit être considérée comme un homme qui s’entretient avec lui-même pendant des siècles et qui est infatué de sa personne quelque absurde et ridicule qu’elle soit.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.39, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  124. Tous les adversaires d’une idée nouvelle remuent des charbons ardents qui jetés çà et là mettent le feu dans des endroits où il n’aurait pas pris.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.39, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  125. L’homme ne serait pas sur la terre le plus parfait des êtres, s’il n’était pas trop parfait pour elle.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.39, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  126. Les plus anciennes découvertes peuvent rentrer dans l’oubli. Quelle peine n’a-t-il pas fallu à Tycho pour faire admettre le cours régulier des comètes qui avait été reconnu depuis longtemps par Sénèque.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.39, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  127. Combien de temps n’a-t-on pas disputé sur les antipodes ?
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.39, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  128. Il faut laisser à certains esprits leurs idiotismes.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.40, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  129. Il y a des productions dans notre époque qui sont nulles sans être précisément mauvaises. Elles sont nulles parce qu’elles manquent d’idées. Elles ne sont pas mauvaises parce que l’auteur a eu devant les yeux la forme générale des bons modèles.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.40, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  130. Tout devient inintelligible pour celui qui a peur des idées.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.40, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  131. Nous avons raison d’appeler nos maîtres ceux dont nous apprenons toujours. Mais tous ceux dont nous apprenons ne méritent pas ce titre.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.40, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  132. Tout ce qui est lyrique doit être très raisonnable dans l’ensemble, mais dans les détails un peu déraisonnable.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.40, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  133. Vous ressemblez à la mer qui prend différents noms, et n’est toujours en définitive que de l’eau salée1.
    [1] Goethe s'adresse à ses adversaires.

    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.40, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  134. On dit propria laus sordet, cela peut être ; mais le blâme qui vient d’autrui, lorsqu’il est injuste, quel odeur a-t-il ? Pour cela, le public n’a pas de nez.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.41, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  135. Le roman est une épopée subjective dans lequel l’auteur se permet de traiter le monde à sa manière. La question est seulement de savoir s’il a une manière à lui ; le reste se trouve de soi-même.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.41, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  136. Il existe des natures problématiques qui ne sont jamais à la hauteur de leur position et n’en sont jamais satisfaites. De là cette lutte intérieure dans laquelle leur vie se consume sans leur permettre aucune jouissance.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.41, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  137. Ce qu’on peut appeler véritablement le bien se fait en grande partie clam, vi et precario.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.42, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  138. Un gai compagnon dans un voyage à pied vaut un carosse1.
    1Sans doute faudrait-il lire carrosse. Mais pour en être bien certain, il faudrait comparer avec la citation en allemand. [GGJ]

    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.42, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  139. La boue devient brillante lorsque le soleil luit.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.42, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  140. Le meunier s’imagine que le blé ne croit que pour faire tourner son moulin.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.42, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  141. Il est difficile de conserver son égalité d’humeur à tous les instants de la vie. Les moments indifférents nous causent de l’ennui, les bons nous pèsent et les mauvais nous accablent.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.42, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  142. L’homme le plus heureux est celui qui sait mettre en rapport la fin de sa vie avec le commencement.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.42, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  143. L’homme est singulièrement en contradiction avec lui-même. Quand il s’agit de son bien, il ne veut souffrir aucune contrainte, et pour ce qui lui porte préjudice, il endure toute espèce de violence.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.43, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  144. Nous voyons l’avenir par un seul côté, le passé nous apparaît sous plusieurs faces.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.43, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  145. Rien n’est plus ordinaire aux imprévoyants que de chercher des expédients pour sortir d’embarras.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.43, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  146. Les Indous du désert font voeu de ne pas manger de poisson.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.43, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  147. Une vérité insuffisante exerce son influence pendant quelques [sic] temps ; mais au lieu d’une manifestation plus parfaite de la vérité, paraît une erreur brillante. Le monde s’en contente et se fait illusion ainsi pendant des siècles.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.43, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  148. C’est rendre un très grand service à la science que de rechercher et de développer les vérités incomplètes que possédaient déjà les anciens.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.44, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  149. Il en est des opinions hasardées comme des pions qu’on met en avant dans le jeu d’échecs : elles peuvent être battues ; mais elles ont contribué au gain de la partie.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.44, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  150. Il est aussi certain qu’étonnant que la vérité et l’erreur découlent de la même source. Aussi, souvent on ne peut toucher à l’erreur sans nuire en même temps à la vérité.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.44, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  151. La vérité appartient à l’homme, l’erreur au temps. C’est ce qui a fait dire d’un homme extraordinaire : « Le malheur des temps a causé son erreur, mais la force de son âme l’en a fait sortir avec gloire ».
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.44, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  152. Chacun a ses originalités dont il ne peut se débarrasser ; cependant, plus d’un homme se perd par ses originalités souvent les plus innocentes.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.45, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  153. Celui qui n’a pas une haute opinion de lui-même est beaucoup plus qu’il ne croit.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.45, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  154. Dans l’art et dans la science, aussi bien que dans l’action et la pratique, l’essentiel est de saisir nettement les objets, et de les traiter conformément à leur nature.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.45, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  155. Si, parmi les hommes avancés en âge, il en est qui, malgré beaucoup d’esprit et de bon sens, estiment peu la science, cela vient de ce qu’ils ont été trop exigeants envers elle et envers eux-mêmes.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.45, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  156. Je plains les hommes qui parlent sans cesse de l’instabilité des choses de ce monde, et se perdent dans la contemplation de leur néant. Ne sommes-nous pas ici-bas pour rendre impérissable ce qui est de sa nature périssable ? Or cela ne peut arriver si nous ne savons estimer ce qui passe comme ce qui est éternel.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.45, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  157. Un seul phénomène, une seule expérience ne prouvent rien. C’est l’anneau d’une grande chaîne, et il n’a de valeur qu’autant qu’il n’en est pas séparé. Celui qui, voulant vendre un collier de perles, ne montrerait que la plus belle, disant que les autres sont d’une égale beauté, et demanderait à être cru sur parole, trouverait difficilement un acheteur.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.46, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  158. On doit de temps en temps répéter sa confession de foi, déclarer ce qu’on approuve, ce que l’on condamne ; nos adversaires ne s’en font pas faute.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.46, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  159. Dans notre époque, personne ne doit se taire ni céder en rien ; on doit parler et se remuer, non pas pour vaincre, mais pour se maintenir à son poste ; que ce soit avec la majorité ou avec la minorité, peu importe.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.46, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  160. Il se rencontre souvent des occasions où une oeuvre d’art me déplaît au premier coup d’oeil, parce que je ne suis pas encore en état de la juger ; mais si je remarque en elle un mérite, je l’étudie davantage, et alors je fais une foule de découvertes qui me font le plus grand plaisir ; j’aperçois dans ces choses de nouvelles qualités, et en moi de nouvelles capacités.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.47, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  161. Ce que les Français appellent tournure est une certaine prétention tempérée par la grâce. On voit par là que les Allemands manquent tout à fait de tournure ; leur prétention est raide et pleine de morgue ; la grâce chez eux est douce et humble ; l’un exclut l’autre, et ces deux qualités ne peuvent aller ensemble.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.47, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  162. La foi est un capital secret et toujours en réserve, comme il existe des caisses d’épargne pour les jours de détresse ; et ici le croyant prend lui-même en secret ses intérêts.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.48, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  163. Le véritable obscurantisme ne consiste pas à s’opposer à la propagation des idées vraies, claires et utiles, mais à en répandre de fausses.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.48, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  164. Jusqu’ici je me suis occupé, avec persévérance, de la biographie des hommes plus ou moins illustres. J’en suis venu à penser que, dans le tissu de la société, les uns peuvent être considérés comme la trame, les autres comme la chaîne. Les premiers font la largeur du tissu ; les seconds donnent la force, la solidité, et peut-être aussi la forme. Les ciseaux des Parques déterminent la longueur à laquelle tout le reste doit se soumettre.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.48, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  165. Les livres aussi ont leur histoire qu’on ne peut leur enlever :
    « Celui qui n’a pas mangé son pain arrosé de ses larmes ; celui qui n’a pas passé de tristes nuits assis sur sa couche, en versant des pleurs ; celui-là ne vous connaît pas, ô puissances célestes ! »
    Ces lignes, remplies d’une profonde douleur, une reine vertueuse et adorée les répétait souvent dans un cruel exil, et plongée dans un abîme de maux1. Elle aimait le livre qui contient ces paroles et d’autres tristes enseignements ; elle en tirait une consolation dans son infortune. Qui songe à une pareille influence qui peut ainsi s’étendre jusque dans l’éternité ?
    1La reine Louis, femme du roi de Prusse Frédéric-Guillaume III.

    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.49, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  166. On voit avec le plus grand plaisir, dans la salle d’Apollon de la villa Aldobrandini, à Frascati, avec quel bonheur le Dominicain encadrait les métamorphoses d’Ovide dans le paysage le plus convenable. À cette vue on se rappelle volontiers que les événements les plus heureux produisent une impression doublement agréable, lorsqu’ils sont placés dans une contrée enchanteresse. Les événements indifférents eux-mêmes acquièrent une grande importance, grâce à la beauté du lieu.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.50, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  167. La vérité est un flambeau, mais un flambeau immense ; aussi nous clignons de l’oeil en passant devant lui, de peur de nous brûler.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.50, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  168. « Les hommes sensés ont beaucoup de principes communs. » (Eschyle)
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.50, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  169. Un défaut particulier à des hommes, d’ailleurs fort sensés, c’est de ne pas savoir tenir compte de ce que disent les autres. Or il ne s’agit pas de ce que ceux-ci devraient dire, mais de ce qu’ils disent.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.50, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  170. Tout homme, parce qu’il est doué de la parole, croit pouvoir parler sur la langue.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.51, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  171. Il suffit de vieillir pour devenir plus indulgent. Je ne vois pas commettre une faute que je n’aie commise moi-même.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.51, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  172. Les heureux du monde croient-ils que le malheureux doit périr devant eux avec la même grâce que la populace romaine exigeait des gladiateurs ?
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.51, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  173. Quelqu’un consultait Timon sur l’instruction de ses enfants. Faites-leur enseigner, dit-il, ce qu’ils ne comprendront jamais.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.51, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  174. On regarde par habitude une montre qui s’est arrêtée, comme si elle marchait ; ainsi, on considère la figure d’une belle femme comme si elle aimait encore.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.51, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  175. La haine est un déplaisir actif, l’envie un déplaisir passif ; aussi, ne doit-on pas s’étonner que l’envie se change si souvent en haine.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.52, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  176. Le rythme a quelque chose d’enchanteur. Il nous fait croire que le sublime nous appartient.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.52, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  177. Le dilettantisme sérieux et la science traitée mécaniquement deviennent de la pédanterie.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.52, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  178. Personne ne peut contribuer au progrès de l’art, si ce n’est les grands maîtres. Les protecteurs contribuent à faire avancer l’artiste, mais l’art n’y gagne pas toujours.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.52, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  179. Le style de Shakespeare est riche en figures extraordinaires qui proviennent d’idées abstraites personnifiées. Elles ne nous conviendraient certainement pas ; mais chez lui elles sont tout à fait à leur place, parce que de son temps tous les arts étaient dominés par l’allégorie. Il trouve aussi des comparaisons où nous n’irions pas les chercher. Par exemple il prendra pour terme de comparaison un livre. Quoique la découverte de l’imprimerie remontât déjà à plus d’un siècle, un livre paraissait néanmoins encore une chose sacrée, comme nous le voyons par les reliures du temps ; de même aussi un livre était pour le noble poète un objet digne d’amour et de vénération. Nous, au contraire, nous nous contentons de brocher les livres et nous n’avons plus de respect ni pour la reliure ni pour son contenu.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.52, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  180. La plus folle de toutes les erreurs est celle de ces braves jeunes gens qui s’imaginent perdre leur originalité en reconnaissant des vérités que d’autres ont déjà reconnues avant eux.
    La beauté ne peut jamais avoir la conscience d’elle-même.

    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.53, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  181. On a accordé à la poésie subjective ou sentimentale les mêmes droits qu’à la poésie objective et descriptive. Et c’était une nécessité ; car autrement il eût fallu rejeter entièrement la poésie moderne. On pouvait prévoir alors que s’il naissait des génies poétiques ils s’attacheraient plutôt aux sentiments de la vie intime qu’aux pensées générales de l’humanité. Il est arrivé en effet jusqu’à un certain point que l’on a une poésie sans figures, et à laquelle cependant on ne peut refuser entièrement son approbation.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.54, Brockhaus et Avenarius, 1842)