Jules Payot
1859-1939
  1. [...] pour écrire, il faut en quelque sorte, un don de soi-même à la vérité.
    (La faillite de l'enseignement, p.3, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  2. Partout on peut remarquer que l'élève demeure passif et qu'on le considère, suivant le mot de Montaigne, comme un entonnoir. Dans les matières mêmes qui nécessitent de la part de l'enfant un réel effort, cet effort est presque annihilé parce qu'on est pressé, qu'on ne fait rien à fond.
    (La faillite de l'enseignement, p.5, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  3. [...] toute réforme profonde se heurte à des antagonistes. Elle demande un effort de rénovation à des hommes qui ont leur siège fait. Ensuite elle entre en collision avec cette passion si irritable qu'on appelle l'amour-propre. Comment, je suis agrégé, je professe depuis des années avec l'approbation de mes chefs et des parents d'élèves et vous prétendez que je suis dans une fausse voie ! Cela est intolérable !
    (La faillite de l'enseignement, p.6, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  4. Aussi une réforme n'est-elle populaire que lorsqu'il s'agit de corriger... le voisin !
    (La faillite de l'enseignement, p.6, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  5. Un novateur, c'est-à-dire un homme dont la vue perce un brouillard de préjugés et qui voit les choses telles qu'elles sont est aussi sympathique qu'un voyageur qui pénètre à minuit dans un compartiment où tous sont étalés à leur aise.
    (La faillite de l'enseignement, p.6, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  6. L'immense majorité des hommes n'est pas sortie de l'enfance, et par conséquent de la magie. Rien n'est aussi rare que l'esprit scientifique, qui n'est que la claire conscience que l'on ne peut agir sur les effets qu'en en recherchant les causes afin de les modifier (nisi parendo).
    (La faillite de l'enseignement, p.12, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  7. On veut apprendre trop de choses aux élèves et on ne leur apprend rien.
    (La faillite de l'enseignement, p.20, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  8. [...] toutes ces belles disciplines, qui devaient être un instrument de culture, n'ont été pour beaucoup qu'un instrument de torture.
    (La faillite de l'enseignement, p.21, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  9. La culture pour la plupart de politiciens consiste à être capable de parler avec abondance et éloquence de questions sur lesquelles on n'a que des « clartés » superficielles.
    (La faillite de l'enseignement, p.26, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  10. Les hommes au pouvoir se trompent presque toujours. Tous les penseurs et les savants savent combien il faut de temps et de peine pour pénétrer des réalités complexes. Par leur formation, les politiciens ne se plaisent pas à des recherches délicates. De plus leur vie trépidante ne leur laisse aucun loisir pour travailler sérieusement une question.
    (La faillite de l'enseignement, p.32, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  11. L'autorité est nécessaire, mais elle dégénère facilement en esprit de domination. Il faut éclairer, non régenter, aider les subordonnés à travailler avec joie et « ne jamais éteindre le tison qui fume encore ».
    (La faillite de l'enseignement, p.33, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  12. Rares sont les hommes qui conservent jusque dans la vieillesse une intelligence accueillante.
    (La faillite de l'enseignement, p.40, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  13. Notre enseignement, malgré le dévouement et la valeur de nos professeurs, aboutit à la faillite parce que le système est d'une absurdité invraisemblable.
    Jamais nos dirigeants ne se sont donné la peine d'étudier la capacité d'un cerveau d'enfant.
    Un lycée est une juxtaposition de spécialistes. Chaque professeur est comme un locataire parisien : il ignore ce qui se passe à l'étage supérieur et à l'étage inférieur. Jamais personne n'établit le bilan de ce que sait un élève.

    (La faillite de l'enseignement, p.49, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  14. Nous ressemblons à un agriculteur qui, au lieu de semer de bonnes graines dans un terrain préparé, sèmerait à la volée sur de vastes étendues qu'il ne pourrait débarrasser des mauvaises herbes.
    (La faillite de l'enseignement, p.49, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  15. Le radiologue Vaillant disait récemment qu'avec ce que sait un médecin, on ferait un beau livre, mais qu'avec ce qu'il ne sait pas, on remplirait une bibliothèque.
    Il en va ainsi de nous tous. Nous devons nous résigner à une ignorance illimitée. C'est ce que ne font si les programmes encyclopédiques, ni les livres de classes, atteints, si l'on peut dire, d'une voracité frénétique.
    Un esprit cultivé, c'est un esprit libre. Il faut donner à la mémoire sa part légitime ; mais soyons prudents, car le recours à la mémoire tend à favoriser notre paresse naturelle qui appréhende l'effort personnel. La mémoire risque de nous asservir à ce qu'on écrit, souvent sans grande réflexion, ceux qui nous ont précédés.

    (La faillite de l'enseignement, p.52, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  16. Ce qu'on sait, il faut le savoir. Duclaux ayant confié une analyse à l'un de ses élèves, celui-ci, l'analyse faite vint « je crois que c'est tel corps » ! - Recommencez dit Duclaux. L'élève revint : « Il me semble que c'est tel corps ! » - Recommencez ! « C'est tel corps. » Bien, mais il ne faut pas croire, il ne faut pas qu'il vous semble, il faut savoir !
    (La faillite de l'enseignement, p.53, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  17. Tous les progrès sont dus à des esprits libres délivrés de la servitude aux idées admises avant eux et exercés aux sévères méthodes de la science expérimentale.
    (La faillite de l'enseignement, p.54, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  18. Le calme et l'absence d'émotions ne suffisent pas pour qu'un esprit soit libre. Être libre, c'est surtout être capable de lutter contre l'écrasante pesanteur du corps, contre l'inertie de l'esprit, contre la mollesse et la lâcheté.
    (La faillite de l'enseignement, p.54, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  19. Quand on sait maintenir une idée dans la lumière de l'attention, tous les souvenirs qui sympathisent avec la conception maîtresse accourent du fond de la mémoire.
    (La faillite de l'enseignement, p.58, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  20. L'art de se servir des livres a une importance capitale. On peut dire que tous les hommes de talent se sont formés par les livres. C'est que les livres respectent l'originalité : chaque lecteur s'assimile ceux qui correspondent à ses inclinations profondes. D'autre part, le livre attend, ce que le professeur ne fait jamais.
    (La faillite de l'enseignement, p.62, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  21. Nous avons tous reçu le conseil des professeurs : « Lisez, lisez beaucoup ! » Conseil funeste. Il faut lire peu, s'adresser aux meilleurs esprits du passé, aux plus sages, afin de leur demander assistance.
    (La faillite de l'enseignement, p.63, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  22. « Nous sommes plus riches que nous ne pensons, mais on nous dresse à l'emprunt », dit Montaigne (III, xii). Les livres riches de substance sont peu nombreux, et toute lecture faite mollement et sans que l'on prenne des notes et, de par les lois de la mémoire, une lecture perdue.
    (La faillite de l'enseignement, p.65, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  23. Leibnitz dit que le bon sens et l'application suffisent à tout et qu'un esprit moyen irait aussi loin (mais pas aussi vite) qu'un homme de talent [in Nouveaux Essais, IV.] D'ailleurs un bon esprit est nécessairement lent, car de multiples expériences lui ont prouvé que la précipitation est pernicieuse et maîtresse d'erreur. Il faut tout faire calmement et en ordre.
    (La faillite de l'enseignement, p.67, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  24. N'est-il pas manifeste que nos programmes avec leur entassement de matières hétéroclites, avec la hâte trépidante qu'ils imposent aux professeurs et aux élèves, sont directement contraires à toute méthode fructueuse ? Ils donnent aux enfants des habitudes de travail bâclé et détruisent en eux tout essai d'énergie mentale.
    (La faillite de l'enseignement, p.69, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  25. Un homme de talent, c'est une intelligence pénétrante entée sur une volonté efficace.
    (La faillite de l'enseignement, p.83, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  26. Une nation qui ne sait pas soutenir son élite est une nation condamnée à disparaître.
    (La faillite de l'enseignement, p.83, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  27. [...] les politiciens ont peur des chefs qui sont des chefs.
    (La faillite de l'enseignement, p.86, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  28. [Les employés des bureaux des ministères] sont victimes d'une étrange superstition : ils croient qu'on remédie à un mal évident par l'envoi d'une circulaire !
    (La faillite de l'enseignement, p.86, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  29. Les programmes encyclopédiques sont un bluff colossal. Comme le dit Spencer ils sont faits « en vue d'augmenter la stupidité ».
    (La faillite de l'enseignement, p.93, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  30. [...] ces abominables cours dictés qui sont le comble de la sottise.
    (La faillite de l'enseignement, p.97, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  31. Mais la besogne urgente serait de délivrer les enfants du fatras encyclopédique qui les accable. Trois heures de cours chaque matin, le dimanche excepté, suffiraient. Les après-midi devraient être consacrés au travail personnel, dirigé par les maîtres qui aideraient les enfants, leur apprendraient les méthodes de travail, car travailler intelligemment cela s'apprend. On essaierait ainsi de donner aux enfants la passion de s'instruire. De même que l'appétit vient en mangeant, la soif de connaître se gagne par le travail personnel qui exerce notre activité. La mise en oeuvre de nos énergies profondes est la source des plus grandes joies de la vie et quand l'enfant a goûté à cette allégresse il est sauvé : il ne pourra plus galvauder son énergie à des besognes somnolentes.
    Nous disons que la réforme urgente est de cesser de gaver les élèves de vocables morts et d'utiliser leur cerveau comme un entrepôt des pensées d'autrui. Il est urgent d'en faire des esprits libres.

    (La faillite de l'enseignement, p.100, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  32. Le grand mal de notre enseignement, c'est qu'un professeur paraît d'autant meilleur que par la clarté de son enseignement il dispense les élèves de tout effort sérieux. Or, personne au monde ne peut faire pour moi le travail que je dois effectuer par moi-même. Ces cours n'assurent pas à la volonté de l'élève l'occasion de s'exercer, de déployer ses virtualités : ils produisent des amateurs, qui effleurent tout, mais qui ne savent rien à fond. Goethe, dont l'avis est de poids, dit que savoir une chose à fond et la bien pratiquer dénote une culture générale supérieure à la culture de qui a des demi-connaissances dans cent domaines.
    (La faillite de l'enseignement, p.101, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  33. Le rôle du maître est analogue à celui du jardinier qui sait que la plante ne peut se développer que par elle-même mais qui l'entoure de toutes les circonstances favorables.
    (La faillite de l'enseignement, p.102, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  34. L'historien doit bourrer les programmes d'histoire, le naturalise de zoologie, de botanique et de géologie. Qui pense aux élèves ?
    (La faillite de l'enseignement, p.103, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  35. Nous ne serons dignes du beau nom d'éducateurs, c'est-à-dire de libérateurs, que lorsque nous aurons amené les enfants qui nous sont confiés à considérer la discipline et le travail comme les seuls moyens qu'ils aient de s'affranchir eux-mêmes de la tyrannie des caprices, des mouvements tumultueux de l'irritation, de l'orgueil et des suggestions de la paresse.
    (La faillite de l'enseignement, p.103, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  36. La plupart des hommes acceptent les tâches les plus rebutantes, pourvu qu'on ne les oblige pas à réfléchir. Des centaines d'années de contrainte sociale ont fait de la majorité des gens des moutons de Panurge qui suivent aveuglément un général monté sur un cheval noir ou un dictateur.
    (La faillite de l'enseignement, p.110, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  37. Il faut être dressé non pas à parler, mais à avoir quelque chose de sérieux et d'utile à dire : le véritable talent est le talent d'agir et Carlyle a raison : « Ne sois pas un orateur ! » car les gens éloquents sont faits pour entretenir la confusion dans les esprits.
    (La faillite de l'enseignement, p.111, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  38. Tout irait mieux si chaque école, chaque lycée faisait sienne la règle de Pestalozzi : «Tout, entièrement tout ce que tu peux lui enseigner par la nature intime des choses, ne le lui enseigne pas par des paroles. Laisse-le voir, entendre, trouver, se tromper : point de paroles où l'action, où le fait est possible.»
    (La faillite de l'enseignement, p.112, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  39. Il faut savoir que l'on croit et non croire que l'on sait.
    (La faillite de l'enseignement, p.115, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  40. L'entraide comme facteur de l'évolution a une importance beaucoup plus grande que la lutte pour la vie.
    (La faillite de l'enseignement, p.118, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  41. Nos jeunes gens, je le constate souvent, ont une croyance superstitieuse au miracle, c'est-à-dire à la dictature. Ils ont l'espoir qu'un dictateur pourra changer la face des choses : insensés qui espèrent que la besogne civique se fera sans qu'ils soient obligés «de mettre la main à la pâte».
    (La faillite de l'enseignement, p.121, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  42. L'État centralisé, avec sa multitude de prébendes, est le paradis du parasitisme. L'État centralisé c'est le régime qui permet à un nombre maximum de fainéants de vivre aux dépens des producteurs.
    (La faillite de l'enseignement, p.122, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  43. Nous devons inspirer à nos élèves le mépris du fainéant. Un fainéant devrait être déshonoré car tout fainéant, par le fait qu'il vit aux dépens de ceux qui travaillent, est une sorte d'escroc.
    (La faillite de l'enseignement, p.123, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  44. Paresseux signifie presque toujours vicieux.
    (La faillite de l'enseignement, p.123, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  45. [Le pauvre] est surtout un pauvre de volonté.
    (La faillite de l'enseignement, p.125, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  46. [...] une « paresse affairée ».
    (La faillite de l'enseignement, p.127, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  47. [...] notre système électoral confie le ménage de la France, sauf exceptions, à des gens dont toute la science consiste à parler éloquemment.
    (La faillite de l'enseignement, p.136, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  48. L'homme est en général paresseux. Il recule devant la peine qu'il faut prendre pour examiner un problème à fond. La vérité est difficile à découvrir, comme le savent les chercheurs consciencieux. La plupart attrapent une opinion comme on attrape la rougeole, par contagion.
    (La faillite de l'enseignement, p.136, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  49. [...] la plupart des gens ne sont pas encore sortis de l'état d'esprit fétichiste. Sans le savoir, ils croient à la magie, au miracle. [...] Cette croyance au miracle éclate dans le journal dont parfois un tiers est formé de réclames médicales et pharmaceutiques, et par les réclames des escrocs financiers qui soutirent à l'épargne des centaines de millions.
    (La faillite de l'enseignement, p.137, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  50. Bacon : « C'est une frénésie singulière de la cupidité que de perdre sa liberté pour être puissant et de cesser d'être son maître pour vouloir l'être des autres. (Pensées, chap. XIX) »
    (La faillite de l'enseignement, p.139, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  51. Nos ministres la plupart du temps n'ont aucune autre compétence que celle de l'art oratoire. « Tous nos hommes publics, dit Wells, sont des hommes de second ordre, avec des mentalités d'avocats. Il n'y a rien du chef dans leur esprit. (Britting, 381) »
    (La faillite de l'enseignement, p.139, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  52. Entre les ministres et la majorité se nouent mille liens de servitude réciproque.
    (La faillite de l'enseignement, p.140, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  53. La vie est inégalité. Jamais on ne fera qu'un paresseux, qu'un inintelligent soit l'égal de Pasteur. Il est malheureux que des gens soient fous ou stupides, mais nous n'y pouvons rien. L'égalité consiste seulement à donner à tous les jeunes les mêmes droits.
    (La faillite de l'enseignement, p.142, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  54. [...] la première réforme devra être une intelligente décentralisation.
    (La faillite de l'enseignement, p.144, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  55. La pauvreté est mille fois plus facile à supporter que l'oppression et que la servitude.
    (La faillite de l'enseignement, p.148, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  56. L'éducateur d'un esprit doit, comme le jardinier en présence d'une plante qui se développe, attendre avec une patience inlassable la croissance naturelle. Mais combien apportent dans leur vie comme dans leur enseignement cette impatience, cette fougue qui sont la tare profonde de la plupart des êtres humains.
    (La faillite de l'enseignement, p.158, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  57. [...] la version latine, comme culture de l'énergie mentale est irremplaçable. Quiconque n'a pas passé par ce rude exercice ne saura jamais écrire sa langue maternelle.
    (La faillite de l'enseignement, p.162, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  58. On ne sait jamais qu'une langue, la sienne et encore est-ce rare !
    (La faillite de l'enseignement, p.165, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  59. L'ambition excessive est toujours signe de débilité mentale.
    (La faillite de l'enseignement, p.165, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  60. Presque partout, on a compris qu'on ne doit jamais obliger l'enfant à écrire un mot dont il ignore l'orthographe. C'est l'obliger à faire un effort absurde destiné à graver dans les mémoires visuelle et graphique une forme fautive du mot qu'il est ensuite très difficile de déloger.
    (La faillite de l'enseignement, p.166, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  61. Dans une lettre, Combarieu, inspecteur de l'Académie de Paris, me signalait combien l'enseignement abstrait de la grammaire était vain et il ajoutait : « Les Grecs ont eu quatre ou cinq siècles de grande production littéraire avant de savoir distinguer un substantif d'un adjectif et de savoir ce qu'est un mode. »
    (La faillite de l'enseignement, p.167, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  62. Geroge Elliot dit plaisamment, parlant d'un grammairien : « On a mis une goutte de son sang sous le microscope : on n'y a trouvé que des virgules et des parenthèses. (Middlemarch, I, 8) »
    (La faillite de l'enseignement, p.168, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  63. [...] on apprend la grammaire par la langue et non la langue par la grammaire.
    (La faillite de l'enseignement, p.168, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  64. L'analyse logique, dit Mill, est le latin du pauvre.
    (La faillite de l'enseignement, p.169, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  65. En résumé, un cours de grammaire fait par le maître in abstracto est une faute contre le bon sens. C'est l'élève qui doit faire l'effort de tirer la règle.
    (La faillite de l'enseignement, p.170, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  66. Le style viril, c'est la fermeté à maintenir une idée contre la foule indisciplinée des perceptions ou des idées qui tendent à l'affaiblir. Cette fermeté est difficile : elle s'oppose au torrent de sensations, de perceptions, d'images qui traverse la conscience.
    (La faillite de l'enseignement, p.173, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  67. Les grands écrivains sont des sourciers qui, à travers le sol infécond des apparences, percent jusqu'aux sources vives du réel.
    (La faillite de l'enseignement, p.175, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  68. [...] pour un orateur ni la vérité ni les faits ne sont la chose principale : il s'agit pour lui de persuader.
    (La faillite de l'enseignement, p.176, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  69. L'État centralisé, c'est l'écrasement des initiatives et le triomphe des médiocres.
    (La faillite de l'enseignement, p.184, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  70. L'éducation a eu le malheur d'être confiée pendant de longs siècles à des congrégations ennemies de la liberté de penser et absolument étrangères à l'esprit scientifique.
    (La faillite de l'enseignement, p.193, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  71. C'est par les yeux et les mains qu'il faut accéder au cerveau de l'enfant. Avec nos méthodes déductives, jamais il ne vient à l'esprit de l'enfant que la maison qu'il habite, que son jardin et son village sont débordants de géométrie appliquée.
    (La faillite de l'enseignement, p.196, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  72. Les mathématiques ne sont qu'un outil. Que dirait-on d'un ouvrir qui passerait sa vie à aiguiser son outil sans jamais s'en servir ? Le calcul est une machine qui ne rend que ce qu'on y a mis. Si l'on n'y met aucune réalité, il ne rend que du vent.
    (La faillite de l'enseignement, p.196, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  73. La méconnaissance des réalités a une conséquence qui vicie tout notre système éducatif. À force de vivre dans les symboles et dans l'abstraction, on ne s'aperçoit pas que l'on prend l'habitude de penser avec des mots et on n'aperçoit pas que les mots que l'on emploie sont souvent vides de sens, au moins pour les élèves.
    (La faillite de l'enseignement, p.200, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  74. [...] ce qui importe, ce n'est pas de paraître savoir beaucoup, c'est d'être formé aux saines méthodes et d'être capable d'apprendre rapidement.
    (La faillite de l'enseignement, p.200, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  75. Le dogmatisme n'est que l'affleurement dans l'esprit du fonds d'orgueil et du désir de domination qui existe plus ou moins violent chez chacun de nous. [...] L'esprit scientifique est un esprit de doute provisoire qu'il ne faut pas confondre avec le scepticisme qui est une maladie de la volonté.
    (La faillite de l'enseignement, p.206, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  76. Le goût du luxe et du plaisir développe beaucoup d'égoïsme et un esclavage à l'opinion qui est rabaissant.
    (La faillite de l'enseignement, trad. , p.210, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  77. On dirait que les confectionneurs de programmes raisonnent ainsi : « Voilà des élèves qui, sortis de l'école, n'ouvriront plus jamais un livre pour une lecture désintéressée : aussi, du temps que nous les tenons nous allons les bourrer, les gorger. » En effet, par cette méthode de gavage, bonne à engraisser les animaux, on arrive à dégoûter les jeunes gens de ce qu'ils croient être le travail intellectuel et qui n'en est qu'une monstrueuse contre-façon.
    (La faillite de l'enseignement, p.226, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  78. Une foule d'absurdités encombre certains livres primaires. La théorie de la multiplication et de la division sont de pures calembredaines inintelligibles pour des enfants de moins de treize ans. Que de problèmes stupides sur les partages inversement proportionnels, sur des robinets dont l'un remplit et l'autre vide un réservoir !
    (La faillite de l'enseignement, p.230, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  79. Je hais l'enseignement des sciences par les livres. Ils asservissent le maître, et, s'adressant à la mémoire, l'empêchent de réfléchir. Toute la science utile peut être évoquée à propos des faits élémentaires de la vie : enfoncer un clou, soulever un fardeau avec un levier, amorcer un siphon, verser du vin dans un verre, frotter une allumette, mettre en mouvement une bicyclette, etc. La science n'est pas dans les livres : in ea movemur et sumus.
    (La faillite de l'enseignement, p.234, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  80. [...] dès les plus tendres années, il y a entre l'enfant et ses maîtres un grave malentendu. Il y a incompatibilité entre ce que l'on pourrait appeler le rythme de l'acquisition des connaissances chez l'enfant, rythme toujours très lent et le rythme fougueux, précipité de celui qui enseigne.
    (La faillite de l'enseignement, p.242, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  81. [...] la croyance erronée que le cerveau de l'enfant est une tabula rasa ou mieux, une cire molle, passive, indifférente à toute forme que l'adulte jugera bon de lui imposer.
    (La faillite de l'enseignement, p.244, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  82. Mais c'est dans nos systèmes d'éducation que s'étale le mépris de la personnalité de l'enfant. Rien n'y est fait « sur mesure ». C'est le triomphe de la confection. On décide qu'on n'a à s'occuper ni de la taille ni de la corpulence des gens à qui on impose les vêtements faits en série : tant pis si le pantalon de celui-ci arrive aux genoux, tandis que celui du voisin traîne à terre. Tant pis si celui-ci est serré dans son paletot au point de n'oser faire un mouvement. La bureaucratie souveraine n'a pas à entrer dans d'aussi misérables détails.
    (La faillite de l'enseignement, p.245, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  83. [...] rien ne reste dans l'esprit des élèves d'une leçon diserte. C'est que nul ne s'instruit en écoutant.
    (La faillite de l'enseignement, p.247, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  84. Nous avons tué chez l'enfant la vitalité des tendances individuelles fondamentales et par conséquent la fierté et la joie du travail qui en est comme l'épanouissement naturel. Aussi avons-nous dû remplacer cette récompense intime par tout un système de mobiles étrangers, par des notes, des punitions, des éloges, des classements par ordre de mérite, des prix, etc.
    Ces mobiles n'agissent que sur les premiers de la classe. Le reste de la classe reste indifférent.

    (La faillite de l'enseignement, p.250, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  85. [...] qui dit bureaucratie, dit pouvoir de congélation [...]
    (La faillite de l'enseignement, p.251, Librairie Félix Alcan, 1937)
     
  86. [...] l'ennui est comme le vestibule de la folie. Aussi faut-il à tout prix éviter que les enfants s'ennuient. Or on n'évite l'ennui que par la joie de l'activité et par le travail créateur.
    (La faillite de l'enseignement, p.253, Librairie Félix Alcan, 1937)