Luc Ferry
1951
  1. Dans la vie quotidienne, nous savons sans doute, à chaque instant ou presque, pourquoi il nous faut accomplir telle ou telle tâche supposée " utile ", mais l'utilité de cette utilité demeure le plus souvent, lorsqu'il nous arrive d'y réfléchir, opaque ou douteuse.
    (L'Homme-Dieu, p.16, Livre de Poche n°14621)
     
  2. [Le] principe des principes constitutifs de l'humanisme moderne : celui du rejet des arguments d'autorité.
    (L'Homme-Dieu, p.34, Livre de Poche n°14621)
     
  3. Le modèle de toute vérité se situe aussi dans la certitude absolue de la présence à soi de soi-même.
    (L'Homme-Dieu, p.36, Livre de Poche n°14621)
     
  4. C'est dans l'homme, dans sa raison et dans sa liberté qui constituent sa dignité, qu'il faut fonder les principes du respect de l'autre, non dans une divinité.
    (L'Homme-Dieu, p.45, Livre de Poche n°14621)
     
  5. La liberté de pensée est absolue ou elle n'est rien.
    (L'Homme-Dieu, p.52, Livre de Poche n°14621)
     
  6. [...] la libre conscience [...] s'accorde plus aisément aux principes généraux qu'aux interdits particuliers.
    (L'Homme-Dieu, p.57, Livre de Poche n°14621)
     
  7. [...] c'est le recours aux sciences humaines qui pousse naturellement, si l'on n'y prend garde, à la banalisation.
    (L'Homme-Dieu, p.75, Livre de Poche n°14621)
     
  8. Toute situation peut, c'est vrai, déterminer. Aucune n'est à elle seule rigoureusement déterminante. À preuve l'existence, même marginale, de dissidents et de résistants dans tous les régimes totalitaires...
    (L'Homme-Dieu, p.77, Livre de Poche n°14621)
     
  9. À la différence de celui des oiseaux, qui est semblable à un miroir, l'oeil humain, par une qualité inexplicable, se laisse pénétrer par le regard de l'autre et s'avère porteur d'un sens dont nul ne peut décider à priori quel il sera.
    (L'Homme-Dieu, p.80, Livre de Poche n°14621)
     
  10. [Le mariage d'amour] semble porter en lui dès l'origine, presque par essence, sa dissolution. Si le sentiment seul unit les êtres, il peut à lui seul aussi les désunir. Plus le mariage s'affranchit de ses motifs traditionnels, économiques ou familiaux, pour devenir affaire de choix individuel et d'affinité élective, plus il se heurte à la question typiquement moderne de " l'usure du désir ". Comme si, l'état amoureux n'ayant qu'un temps, il devait entraîner toute union dans sa chute...
    (L'Homme-Dieu, p.112, Livre de Poche n°14621)
     
  11. J'ai fait le test, j'allais dire l'épreuve : lire les quinze ou vingt ouvrages récemment consacrés aux méfaits de la société médiatique. La liste est impressionnante et l'on pourrait croire que la télévision a pris la place du Diable lui-même. Voici, sans ajout de ma part ni exagération d'aucune sorte ce que, pêle-mêle, j'ai pu rapporter de cette plongée antimédiatique : la télévision aliène les esprits, elle montre à tous la même chose, véhicule l'idéologie de ceux qui la fabriquent, elle déforme l'imagination des enfants, appauvrit la curiosité des adultes, endort les esprits, elle est un instrument de contrôle politique, elle fabrique nos cadres de pensée, elle manipule l'information, elle impose des modèles dominants, pour ne pas dire bourgeois, elle ne montre de façon systématique qu'une partie du réel en oubliant la réalité du monde ouvrier, elle marginalise les langues et les cultures régionales, elle engendre la passivité, détruit les relations interpersonnelles dans les familles, tue le livre et toute culture " difficile ", incite à la violence, à la vulgarité ainsi qu'à la pornographie, empêche les enfants de devenir adultes, concurrence de façon déloyale les spectacles vivants, cirque, théâtres, cabaret ou cinéma, génère l'indifférence et l'apathie des citoyens à force de surinformation inutile, abolit les hiérarchies culturelles, remplace l'information par la communication, la réflexion par l'émotion, la distanciation intellectuelle par la présence de sentiments volatils et superficiels, dévalorise l'école... À se demander comment chaque soir, l'immense majorité des citoyens se partage entre ceux qui sont devant leur écran, et ceux qui, tout en la critiquant, s'interrogent sur la façon la plus adéquate d'y accéder dans les meilleurs délais...
    (L'Homme-Dieu, p.136, Livre de Poche n°14621)
     
  12. Le but essentiel d'une information ne peut être [...] que de sensibiliser, d'abord, puis de donner l'envie ou le courage d'aller y voir de plus près, dans la presse écrite, puis dans les livres. Il est un lien invisible qui va de l'image à l'écrit par de nombreux intermédiaires et c'est en son sein, pour ainsi dire de l'intérieur, qu'il faut juger la télévision, non en la comparant à ce qu'elle ne sera jamais ni ne devra jamais devenir.
    (L'Homme-Dieu, p.139, Livre de Poche n°14621)
     
  13. De bons intellectuels ne cessent d'y insister : le primat du sentimental sur l'intelligence a toujours été le fait des régimes fascistes, qui réclament l'adhésion sans discussion ni réflexion à des valeurs ou à des leaders charismatiques, pour ne pas dire à des Führer. La raison et l'esprit critique, cette distanciation que ne permet pas, justement, l'image, sont leurs ennemis naturels. L'humanitaire serait-il un fascisme doux ?
    (L'Homme-Dieu, p.144, Livre de Poche n°14621)
     
  14. La misère des autres ne saurait servir de prétexte, si noble soit-il, à dissimuler la nôtre et il y a parfois plus de courage à travailler chez soi et sur soi-même qu'à parcourir le monde. Donjuanisme de la charité : chercher par autrui à éprouver le sens en soi.
    (L'Homme-Dieu, p.152, Livre de Poche n°14621)
     
  15. [...] malgré quelques diplômes et un réel intérêt pour les questions politiques, je suis comme 99% des mes concitoyens : dans l'ignorance absolue des mécanismes qui régissent le monde de la haute finance internationale.
    (L'Homme-Dieu, p.162, Livre de Poche n°14621)
     
  16. Tant que la politique continuera de sous-estimer l'importance historiale de la naissance de l'amour moderne, tant qu'elle ne comprendra pas le potentiel extraordinaire de solidarité, de sympathie qui réside dans la sphère privée, tant qu'elle ne fera pas fond sur lui, rien, en elle, ne suscitera l'enthousiasme.
    (L'Homme-Dieu, p.165, Livre de Poche n°14621)
     
  17. Il n'y a pas de " métalangage ", de discours supérieur au nom duquel il serait possible de décider du sens de la valeur du monde où nous sommes plongés.
    (L'Homme-Dieu, p.169, Livre de Poche n°14621)
     
  18. S'il n'existait pas d'êtres ou de valeurs pour lesquels je sois en quelque façon prêt à risquer cette vie, je serais un pauvre homme.
    (L'Homme-Dieu, p.174, Livre de Poche n°14621)
     
  19. [...] si les hommes n'étaient pas en quelque façon des dieux, ils ne seraient pas non plus des hommes. Il faut supposer en eux quelque chose de sacré ou bien accepter de les réduire à l'animalité.
    (L'Homme-Dieu, p.177, Livre de Poche n°14621)
     
  20. [...] l'homme n'est homme que par sa liberté, et l'hétéronomie tend à la réification.
    (L'Homme-Dieu, p.179, Livre de Poche n°14621)