Denys Caton
IIIe siècle
  1. Si c'est un pur esprit que le souverain Être,
    Ainsi que dans ses vers le poète l'écrit,
    Que ton soin principal soit de le reconnaître ;
    L'adorant de cœur et d'esprit.

    (Distiques, Livre 1, I , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.1, Paris, Fuchs, 1802)
     
  2. Veille autant que tu peux ; et, fuyant la mollesse,
    Des douceurs du repos n'use que sobrement ;
    Car le trop long sommeil engendre la paresse,
    Qui sert au vice d'aliment.

    (Distiques, Livre 1, II , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.2, Paris, Fuchs, 1802)
     
  3. La première vertu de l'homme raisonnable
    Est de mettre à sa langue un frein judicieux.
    Il n'est rien de plus estimable :
    L'homme qui sait se taire est presque égal aux Dieux.

    (Distiques, Livre 1, II , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.2, Paris, Fuchs, 1802)
     
  4. D'esprit toujours égal, jamais ne t'abandonne
    À dire ou faire rien qui soit contraire à toi :
    Un homme ne saurait s'entendre avec personne
    Qui n'est pas d'accord avec soi.

    (Distiques, Livre 1, IV , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.3, Paris, Fuchs, 1802)
     
  5. Si tu veux observer la conduite des hommes
    Déréglés, soumis à leurs sens,
    Avant de les blâmer, pense à ce que nous sommes ;
    Pense qu'il n'en est point qui vivent innocents.

    (Distiques, Livre 1, V, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.3, Paris, Fuchs, 1802)
     
  6. Aux objets les plus chers, lorsqu'ils peuvent te nuire,
    Renonce avec facilité.
    L'amour même des biens, pour ne pas nous séduire,
    Doit céder à son tour à notre utilité.

    (Distiques, Livre 1, VI , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.4, Paris, Fuchs, 1802)
     
  7. Cède, lorsqu'il convient d'user de complaisance :
    Sache aussi te montrer ferme en tes sentiments.
    C'est un effet de la prudence
    De changer quand il faut s'accoutumer au temps,

    (Distiques, Livre 1, VII , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.4, Paris, Fuchs, 1802)
     
  8. Ne sois pas trop crédule à tout ce que déclame
    Contre tes serviteurs une épouse en courroux.
    On déplaît souvent à la femme
    Pour avoir le malheur de trop plaire à l'époux.

    (Distiques, Livre 1, VIII , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.4, Paris, Fuchs, 1802)
     
  9. Tu crois devoir donner quelque avis salutaire,
    Qu'un indocile ami ne veut pas recevoir.
    Ne te rebute point ; et d'un amour sincère
    Montre-lui toujours son devoir.

    (Distiques, Livre 1, IX , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.5, Paris, Fuchs, 1802)
     
  10. Avec un grand parleur n'entre point en matière :
    Pour l'emporter sur lui tu perdrais ton repos.
    Tous ont pour la parole un talent ordinaire,
    Mais peu pour parler à propos.

    (Distiques, Livre 1, X, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.5, Paris, Fuchs, 1802)
     
  11. Aime-toi le premier, ton amitié féconde
    Peut se prêter ensuite en faveur d'un égal ;
    Mais pour faire du bien, fais tel choix de ton monde,
    Qu'il ne t'en arrive aucun mal.

    (Distiques, Livre 1, XI , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.6, Paris, Fuchs, 1802)
     
  12. Ne prends point part aux bruits que sème le vulgaire,
    De crainte de passer pour en être l'auteur.
    On ne risque rien à se taire,
    Et souvent pour parler on cause son malheur.

    (Distiques, Livre 1, XII , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.6, Paris, Fuchs, 1802)
     
  13. Ce qu'on t'aura promis d'un air de certitude,
    Ne vas pas le promettre avant de l'obtenir.
    Combien dans leur parole ont peu d'exactitude
    Beaucoup savent promettre, et peu savent tenir.

    (Distiques, Livre 1, XIII , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.7, Paris, Fuchs, 1802)
     
  14. Lorsqu'on parle à ton avantage,
    Sache alors te juger toi-même à la rigueur :
    Au sentiment d'autrui n'en crois pas davantage,
    Qu'au témoignage de ton cœur.

    (Distiques, Livre 1, XIV , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.7, Paris, Fuchs, 1802)
     
  15. Ne dissimule point le bien qu'on t'a su faire ;
    En public nommes-en l'auteur :
    Celui que tu feras, sois habile à le taire ;
    Fais sentir le bienfait, cache le bienfaiteur.

    (Distiques, Livre 1, XV, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.7, Paris, Fuchs, 1802)
     
  16. Lorsque ton souvenir rappelle en ta vieillesse
    Des faits que tu veux raconter,
    Pense à ce que tu fis dans ta jeunesse,
    Et du bien et du mal tâche de profiter.

    (Distiques, Livre 1, XVI , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.8, Paris, Fuchs, 1802)
     
  17. Ne t'inquiète point lorsque tu verras dire
    Quelque chose en secret à l'oreille d'autrui :
    Celui dont la conduite offre le plus à rire,
    Croit toujours qu'on parle de lui.

    (Distiques, Livre 1, XVII , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.8, Paris, Fuchs, 1802)
     
  18. Quand pour toi la fortune est la plus libérale,
    Redoute en ses faveurs quelque revers fatal :
    Elle change souvent, et sa course inégale
    Commençant bien, peut finir mal.

    (Distiques, Livre 1, XVIII , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.9, Paris, Fuchs, 1802)
     
  19. La vie étant fragile et peu sûre à tout âge,
    Quelque bonne santé dont tu puisses jouir,
    Ne compte point sur l'héritage
    Qu'à la mort d'un parent tu pourrais obtenir.

    (Distiques, Livre 1, XIX , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.9, Paris, Fuchs, 1802)
     
  20. Le présent qu'un ami t'offre en son indigence,
    Quelque petit qu'il soit, reçois-le avec bonté ;
    Et pour premier effet de ta reconnaissance,
    Vante sa libéralité.

    (Distiques, Livre 1, XX , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.10, Paris, Fuchs, 1802)
     
  21. Pense sans t'effrayer à cette dernière heure
    Où tu dois terminer ton cours.
    Trembler incessamment de crainte qu'on ne meure,
    C'est renoncer à vivre, et mourir tous les jours.

    (Distiques, Livre 1, XXI , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.10, Paris, Fuchs, 1802)
     
  22. Tu vois que la nature au jour de ta naissance
    T'a mis au monde pauvre et dans la nudité :
    Souffre donc sans impatience
    Les rigueurs de la pauvreté.

    (Distiques, Livre 1, XXII , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.10, Paris, Fuchs, 1802)
     
  23. Si tes bienfaits et tes services
    N'ont pu te procurer un ami comme il faut,
    Ne t'en prends point au Ciel, l'accusant d'injustices,
    Et ne blâme que ton défaut.

    (Distiques, Livre 1, XXIII , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.11, Paris, Fuchs, 1802)
     
  24. Contre la pauvreté le plus sûr des remèdes
    Est d'user sobrement du bien qu'on t'a laissé :
    Pour garder ce que tu possèdes,
    Pense à tous les besoins dont l'homme est menacé.

    (Distiques, Livre 1, XXIV , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.11, Paris, Fuchs, 1802)
     
  25. Oblige promptement dès que tu peux le faire,
    Sans promettre deux fois un bienfait trop vanté ;
    On passe pour vain d'ordinaire
    En faisant trop valoir sa générosité.

    (Distiques, Livre 1, XXV , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.12, Paris, Fuchs, 1802)
     
  26. Lorsque quelqu'un te jure une amitié fidèle,
    Portant la haine dans le cœur,
    Ne le rebute point ; montre-lui même zélé :
    L'artifice est permis pour tromper le trompeur.

    (Distiques, Livre 1, XXVI , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.12, Paris, Fuchs, 1802)
     
  27. Fuis ces discours flatteurs qui tendent à séduire ;
    On ne flatte que pour duper.
    Aux doux sons de la flûte un oiseleur attire
    L'oiseau que dans le piège il tâche d'attraper.

    (Distiques, Livre 1, XXVII , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.13, Paris, Fuchs, 1802)
     
  28. Ayant nombre d'enfants avec peu de richesse,
    Fais leur apprendre un art qui puisse les nourrir,
    Afin qu'au moins par leur adresse
    Ils évitent la faim qu'ils auraient à souffrir.

    (Distiques, Livre 1, XXVIII , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.13, Paris, Fuchs, 1802)
     
  29. Tiens pour vil chose chère, et prise comme rare
    Ce qui par le vulgaire est le moins recherché :
    Par l'un, tu fuis le nom d'avare ;
    Par l'autre, des faux biens ton cœur est détaché,

    (Distiques, Livre 1, XXIX , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.14, Paris, Fuchs, 1802)
     
  30. Fuis le mal dont souvent tu blâmes la pratique ;
    Fais le bien dont tu veux être le défenseur.
    Quelle honte pour toi, docteur, dans ta critique,
    Si le vice était ton censeur !

    (Distiques, Livre 1, XXX, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.14, Paris, Fuchs, 1802)
     
  31. Ne demande jamais que ce que la justice
    Ou bien l'honnêteté peuvent autoriser :
    Le sage ne doit point demander par caprice
    Tout ce que la raison a droit de refuser.

    (Distiques, Livre 1, XXXI , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.14, Paris, Fuchs, 1802)
     
  32. Des choses que tu sais, parle avec assurance :
    Quand tu doutes, sois retenu.
    On juge en sûreté quand on a connaissance ;
    On décide au hasard sur un fait inconnu.

    (Distiques, Livre 1, XXXII , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.15, Paris, Fuchs, 1802)
     
  33. Voyant qu'au cours de cette vie
    De fâcheux accidents se mêlent tour à tour,
    Pour compenser les maux dont le ciel l’a remplie,
    Estime un très grand bien le don de chaque jour.

    (Distiques, Livre 1, XXXIII , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.15, Paris, Fuchs, 1802)
     
  34. Pouvant sur tes amis remporter l'avantage,
    Mets ton honneur à leur céder :
    Un peu de complaisance ainsi mis en usage
    Te soumettra les cœurs que tu veux posséder.

    (Distiques, Livre 1, XXXIV , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.16, Paris, Fuchs, 1802)
     
  35. Ne refuse jamais de donner peu de chose.
    A ceux dont tu prétends beaucoup plus obtenir,
    Un don fait à propos dispose,
    Et fournit à deux cœurs les moyens de s'unir.

    (Distiques, Livre 1, XXXV , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.16, Paris, Fuchs, 1802)
     
  36. Prends soin que du procès la fureur ne t'entraîne
    À diviser un tout dont tu fais la moitié :
    La colère engendre la haine,
    Et par l'esprit de paix on nourrit l'amitié.

    (Distiques, Livre 1, XXXVI , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.17, Paris, Fuchs, 1802)
     
  37. Ton domestique a-t-il mérité quelque blâme,
    Modère le courroux qui t'aigrit contre lui :
    Ce n'est qu'en possédant ton âme,
    Que tu peux compatir aux faiblesses d'autrui.

    (Distiques, Livre 1, XXXVII , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.17, Paris, Fuchs, 1802)
     
  38. Si tu peux vaincre autrui, cède par complaisance :
    Rien n'est plus glorieux que de vaincre en cédant
    Car, entre les vertus, c'est à la patience
    Qu'on doit donner le premier rang,

    (Distiques, Livre 1, XXXVIII , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.17, Paris, Fuchs, 1802)
     
  39. As-tu des biens en abondance,
    Garde-les pour le temps où cessent les travaux :
    Où le travail finit, la pauvreté commence,
    Et devient le plus grand des maux.

    (Distiques, Livre 1, XXXIX , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.18, Paris, Fuchs, 1802)
     
  40. Tu fais goûter les fruits d'une largesse extrême
    À tous ceux que tu mets au rang de tes amis :
    Sois encore meilleur à toi-même
    Dans l'état d'opulence où le destin t'a mis.

    (Distiques, Livre 1, XL , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.18, Paris, Fuchs, 1802)
     
  41. Oblige tout le monde, et les inconnus même,
    Autant qu'il te sera permis ;
    Et sache qu'il n'est rien, fût-ce le diadème,
    Qu'on puisse comparer au grand nombre d'amis.

    (Distiques, Livre 2, I , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.19, Paris, Fuchs, 1802)
     
  42. Sur des secrets cachés par le souverain Être,
    Garde-toi de porter des regards curieux :
    Vain mortel, pense à te connaître,
    Non pas à découvrir ce qui se passe aux cieux.

    (Distiques, Livre 2, II , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.19, Paris, Fuchs, 1802)
     
  43. Trop craindre la mort, c’est folie ;
    Fais pour vaincre ce faible un généreux effort :
    On ne saurait goûter les plaisirs de la vie,
    En se livrant sans cesse aux frayeurs de la mort.

    (Distiques, Livre 2, III , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.20, Paris, Fuchs, 1802)
     
  44. Ne soutiens jamais par colère
    Quelque fait que ce soit, surtout s'il est douteux :
    La raison vainement t'offrira sa lumière,
    Lorsque la passion te fermera les yeux.

    (Distiques, Livre 2, IV , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.20, Paris, Fuchs, 1802)
     
  45. Contraint de te mettre en dépense,
    Fais-le de bonne grâce, et selon ton pouvoir :
    Certaines lois de bienséance
    Paraissent dans les temps exiger ce devoir.

    (Distiques, Livre 2, V, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.21, Paris, Fuchs, 1802)
     
  46. Fuis tant que tu pourras la dépense inutile ;
    Contente-toi de peu, lorsqu'il faut ménager :
    Plus le fleuve est petit, plus la barque fragile
    Vogue sur l’onde sans danger.

    (Distiques, Livre 2, VI, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.21, Paris, Fuchs, 1802)
     
  47. Ne révèle à personne une action infâme,
    Dont tu rougis toi même, et que tu peux cacher.
    Quelle nécessité qu'un confident te blâme
    D'un vice que ton cœur doit seul te reprocher ?

    (Distiques, Livre 2, VII, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.22, Paris, Fuchs, 1802)
     
  48. Ne crois pas qu'un mortel coupable d'injustice
    Tire profit de son péché ;
    S'il couvre pour un temps son crime et sa malice,
    Un jour rendra public ce qu'il avait caché.

    (Distiques, Livre 2, VIII, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.22, Paris, Fuchs, 1802)
     
  49. Un homme est-il petit et de mince figure ?
    Ne le méprise point sur ces simples dehors :
    Souvent l'Auteur de la nature
    Dédommage l'esprit de ce qu'il ôte au corps.

    (Distiques, Livre 2, IX, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.23, Paris, Fuchs, 1802)
     
  50. Pouvant vaincre ton adversaire,
    N'use point de tes droits avec trop de rigueur :
    On a vu bien souvent, aidé de sa colère,
    Le vaincu, s'élever au dessus du vainqueur.

    (Distiques, Livre 2, X, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.23, Paris, Fuchs, 1802)
     
  51. Fuis dans les entretiens ces disputes frivoles
    Qui peuvent s'élever entre amis et parents :
    Quelquefois les moindres paroles
    Font naître pour des riens les plus grands différends.

    (Distiques, Livre 2, XI, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.23, Paris, Fuchs, 1802)
     
  52. N'use jamais de sortilège
    Pour percer les secrets de la Divinité :
    Celui, dont dépend l'homme, use du privilège
    De disposer de lui sans qu'il soit consulté,

    (Distiques, Livre 2, XII, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.24, Paris, Fuchs, 1802)
     
  53. Par des airs de grandeur n'irrite point l'envie,
    Qui ne voit cet éclat qu'avec un œil jaloux ;
    Si son venin ne cause aucun tort à ta vie,
    Il est toujours fâcheux d'être en butte à ses coups.

    (Distiques, Livre 2, XIII, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.24, Paris, Fuchs, 1802)
     
  54. Supporte constamment l'arrêt que le caprice
    D'un juge prévenu prononce contre toi :
    Nul ne jouit longtemps d'un bien que l'injustice
    Lui vend aux dépens de la loi.

    (Distiques, Livre 2, XIV, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p., Paris, Fuchs, 1802)
     
  55. Un différend t'a-t-il attiré quelque injure,
    Tu ne dois pas la publier :
    S'en souvenir après, c'est avoir l'âme dure ;
    La dispute finie, on la doit oublier.

    (Distiques, Livre 2, XV, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.25, Paris, Fuchs, 1802)
     
  56. Ne vas pas te louer toi-même,
    N'en montre point non plus un mépris affecté :
    Le premier est l'effet d'une folie extrême,
    Le second marque un cœur rempli de vanité.

    (Distiques, Livre 2, XVI, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.26, Paris, Fuchs, 1802)
     
  57. Ayant acquis du bien, songe dans l'abondance
    Qu'il en faut user sobrement ;
    Aussitôt qu'on se livre à la folle dépense,
    Le fruit d'un long travail échappe en un moment.

    (Distiques, Livre 2, XVII, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.26, Paris, Fuchs, 1802)
     
  58. Prends quelquefois d'un fou le ton et l'apparence,
    Lorsqu'il est dangereux d'user de ta raison ;
    C'est un trait de grande prudence
    De paraître insensé quand il est de saison.

    (Distiques, Livre 2, XVIII, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.27, Paris, Fuchs, 1802)
     
  59. Entre tous les défauts les plus dignes de blâme,
    Evite l'avarice et fuis la volupté :
    Un homme passe pour infâme,
    Sur ces vices honteux sitôt qu'il est noté.

    (Distiques, Livre 2, XIX, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p., Paris, Fuchs, 1802)
     
  60. Ne sois pas d'une prompte et facile croyance
    À tout ce qui t'est raconté.
    Des grands parleurs surtout prends de la défiance ;
    Car qui parle beaucoup dit peu de vérité.

    (Distiques, Livre 2, XX, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.27, Paris, Fuchs, 1802)
     
  61. Ne t'en prends qu'à toi seul quand tu te sens coupable
    Des excès où le vin conduit en sa chaleur.
    Le vin est innocent, la faute inexcusable
    N'est que de la part du buveur.

    (Distiques, Livre 2, XXI, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.28, Paris, Fuchs, 1802)
     
  62. Un ami qu'un vrai zèle enflamme,
    Un médecin prudent, sont deux riches trésors ;
    L'un pour lui confier les secrets de ton âme,
    L'autre pour conserver la santé de ton corps.

    (Distiques, Livre 2, XXII, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.28, Paris, Fuchs, 1802)
     
  63. Ton esprit trop sensible au malheur qui l'accable
    Contre son triste sort veut-il se dépiter ?
    Songe que la fortune élève le coupable
    Afin de le précipiter.

    (Distiques, Livre 2, XXIII, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.29, Paris, Fuchs, 1802)
     
  64. Il est certains malheurs que l’humaine prudence
    Ne peut éviter par ses soins ;
    Mais pour les supporter, use de prévoyance :
    Le trait qu'on voit partir, s'il frappe, blesse moins.

    (Distiques, Livre 2, XXIV, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.29, Paris, Fuchs, 1802)
     
  65. Lorsque la fortune t'outrage,
    Ne cède point aux coups du plus rigoureux sort
    D'un espoir généreux relève ton courage:
    L'espoir seul suit partout, même jusqu'à la mort.

    (Distiques, Livre 2, XXV, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.30, Paris, Fuchs, 1802)
     
  66. Lorsque l'occasion s'offre à toi la première,
    Ne la laisse point échapper :
    Chevelue en devant, et chauve par-derrière,
    Ce n'est que par le front qu'on la peut attraper.

    (Distiques, Livre 2, XXVI, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.30, Paris, Fuchs, 1802)
     
  67. Aye une prévoyance sage,
    Et des faits importants garde le souvenir,
    Semblable au dieu Janus, dont le double visage,
    Voit derrière et devant, le passé, l'avenir.

    (Distiques, Livre 2, XXVII, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.31, Paris, Fuchs, 1802)
     
  68. Si tu veux conserver une vigueur parfaite,
    Tu dois user de tout avec sobriété,
    Le plus souvent faire diète,
    Peu donner aux plaisirs, beaucoup à la santé.

    (Distiques, Livre 2, XXVIII, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.31, Paris, Fuchs, 1802)
     
  69. Respecte un sentiment reçu de tout le monde ;
    Ne sois pas seul de ton avis :
    Un esprit orgueilleux, qui dans son sens abonde,
    Méprisant le public, attire ses mépris.

    (Distiques, Livre 2, XXIX, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.31, Paris, Fuchs, 1802)
     
  70. Pense par-dessus tout à conserver ta vie,
    C'est là le trésor principal
    Si quelque excès t'entraîne en quelque maladie,
    N'accuse point le temps quand tu causes ton mal.

    (Distiques, Livre 2, XXX, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.32, Paris, Fuchs, 1802)
     
  71. Des songes de la nuit ne t'embarrasse guère 
    Ne fonde point sur eux d'espoir à ton réveil.
    Ce que l'homme désire et tout ce qu'il espère,
    Il croit le voir dans le sommeil.

    (Distiques, Livre 2, XXXI, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.32, Paris, Fuchs, 1802)
     
  72. Nourris bien ton esprit de ces sages sentences,
    Et pour les retenir fais un louable effort :
    La vie oisive et sans sciences,
    Qu'offre-t-elle, sinon l'image de la mort?

    (Distiques, Livre 3, I, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.33, Paris, Fuchs, 1802)
     
  73. Vivant bien, de la médisance
    Laisse voler les traits sans t'en inquiéter :
    Des discours du public l'indomptable licence
    Est un torrent fougueux qu'on ne peut arrêter:

    (Distiques, Livre 3, II, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.33, Paris, Fuchs, 1802)
     
  74. Pour servir de témoins contre un de tes intimes,
    Devant tes tribunaux si tu te vois cité,
    Cache autant que tu peux ses crimes,
    Mais sans donner atteinte aux droits de l'équité.

    (Distiques, Livre 3, III, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.34, Paris, Fuchs, 1802)
     
  75. Crains les adulateurs, dont l'âme peu sincère
    Ne vise qu'à tromper par un air imposteur.
    Le vrai ne sait se contrefaire,
    Mais le déguisement suit partout le flatteur.

    (Distiques, Livre 3, IV, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.34, Paris, Fuchs, 1802)
     
  76. Évite avec soin la paresse,
    Qui d'une vie heureuse épuise les trésors :
    Il n'est pas de poison pareil à la mollesse;
    L'oisiveté de l’âme est la perte du corps.

    (Distiques, Livre 35, V, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.32, Paris, Fuchs, 1802)
     
  77. Interromps pour un temps, par un plaisir utile,
    Le soin d'un travail assidu ;
    L'esprit, par ce repos, plus libre et plus tranquille,
    Saura mettre à profit ce qu'il aura perdu.

    (Distiques, Livre 3, VI, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.35, Paris, Fuchs, 1802)
     
  78. Par un faux esprit de critique,
    Des actions d'autrui ne sois point le censeur,
    De peur qu'à ton exemple un autre satirique
    Ne t'accable à ton tour, en raillant le railleur.

    (Distiques, Livre 3, VII, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.36, Paris, Fuchs, 1802)
     
  79. Ayant reçu du ciel une fortune aisée,
    De tes biens par écrit suppute le montant :
    Peur ne pas du public essuyer la risée,
    Garde-les en les augmentant.

    (Distiques, Livre 3, VIII, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.36, Paris, Fuchs, 1802)
     
  80. Te voyant opulent dans l'extrême vieillesse,
    Qui t'annonce un trépas prochain,
    À tes meilleurs amis fais part de ta richesse ;
    Et jouis de la vie en attendant la fin.

    (Distiques, Livre 3, IX, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.36, Paris, Fuchs, 1802)
     
  81. Reçois les bons conseils qu'un serviteur te donne,
    Sans t'armer contre lui d'une sotte fierté ;
    Et ne méprise dans personne
    Les avis dont tu peux sentir l'utilité.

    (Distiques, Livre 3, X, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.37, Paris, Fuchs, 1802)
     
  82. Lorsque la fortune inconstante
    Te retire ses dons par un bizarre jeu,
    Reçois de chaque jour le peu qu'il te présente,
    Et vis satisfait de ce peu.

    (Distiques, Livre 3, XI, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.37, Paris, Fuchs, 1802)
     
  83. Cherche dans une femme un esprit sociable,
    Et ne l’épouse pas pour de vils intérêts ;
    Ou si, d'humeur insupportable,
    Elle veut te quitter, ne la retiens jamais.

    (Distiques, Livre 3, XII, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.38, Paris, Fuchs, 1802)
     
  84. D'autrui l'exemple est nécessaire,
    Pour voir ce qui convient dans les occasions,
    Ignorant ce qu'il faut ou faire ou ne pas faire,
    De ce maître savant suis les instructions.

    (Distiques, Livre 3, XIII, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.38, Paris, Fuchs, 1802)
     
  85. Consulte ton pouvoir plutôt que ton courage,
    Lorsqu'à quelque travail tu prétends t'adonner ;
    De peur de succomber sous le poids de l'ouvrage,
    Contraint de tout abandonner.

    (Distiques, Livre 3, XIV, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.39, Paris, Fuchs, 1802)
     
  86. Si quelqu'un pèche en ta présence,
    Reprends-le ouvertement, bien loin de le flatter :
    On pourrait croire à ton silence
    Que tu souffres un mal que tu veux imiter.

    (Distiques, Livre 3, XV, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.39, Paris, Fuchs, 1802)
     
  87. Si l'abus d'une loi t'est préjudiciable
    Va d'un juge éclairé rechercher la faveur :
    Les lois veulent souvent qu'un droit plus équitable
    Règle de leurs décrets la trop grande rigueur.

    (Distiques, Livre 3, XVI, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.39, Paris, Fuchs, 1802)
     
  88. Supporte sans impatience
    Le mal que tu connais avoir bien mérité :
    Te sentant criminel, ta propre conscience
    Doit décerner la peine avec sévérité.

    (Distiques, Livre 3, XVII, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.40, Paris, Fuchs, 1802)
     
  89. Lis beaucoup, lis sans fin ; mais cherchant à t'instruire,
    À tout auteur sans choix ne vas pas te livrer :
    Souvent en vers on ose dire
    Des choses que l’on doit moins croire qu'admirer.

    (Distiques, Livre 3, XVIII, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.40, Paris, Fuchs, 1802)
     
  90. Parmi les conviés, étant assis à table,
    Ne t'y montre point trop joyeux,
    De crainte qu'affectant de paraître agréable,
    Tu ne passes plutôt pour causeur ennuyeux.

    (Distiques, Livre 3, XIX, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.41, Paris, Fuchs, 1802)
     
  91. Ne crains point les transports du courroux d'une femme
    Qui fait par ses discours éclater ses fureurs ;
    Mais crains quelque secrète trame,
    Lorsque pour te fléchir elle a recours aux pleurs.

    (Distiques, Livre 3, XX, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.41, Paris, Fuchs, 1802)
     
  92. Placé par la fortune au sein de l'abondance,
    Use des biens, mais sans abus,
    Pour n'être pas contraint, par ta folle dépense,
    D'en chercher chez autrui quand tu n'en auras plus.

    (Distiques, Livre 3, XXI, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.42, Paris, Fuchs, 1802)
     
  93. Si tu veux de la mort ne point craindre l'image,
    Pense qu'elle doit mettre un terme à tes travaux :
    Si nul bien ne vient d'elle, elle a cet avantage
    Qu'elle est au moins la fin des maux.

    (Distiques, Livre 3, XXII, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.42, Paris, Fuchs, 1802)
     
  94. Supporte les discours d’une femme colère1,
    Si d'ailleurs par ses soins tu vois tout réussir :
    C'est un défaut bien grand de ne pouvoir te taire,
    Et de ne vouloir rien souffrir.
    1 Sans doute faudrait-il lire femme en colère. [GGJ]

    (Distiques, Livre 3, XXIII, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.42, Paris, Fuchs, 1802)
     
  95. Montre envers père et mère une piété tendre,
    Rends à tous deux même devoir :
    Que l’amour paternel n'empêche point de rendre
    Les soins que pour sa mère un bon fils doit avoir.

    (Distiques, Livre 3, XXIV, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.43, Paris, Fuchs, 1802)
     
  96. Si tu veux vivre heureux, méprise l’opulence,
    Garde-toi de courir après l’or et l’argent :
    Au sein même de l'abondance
    L'avare des mortels est le plus indigent.

    (Distiques, Livre 4, I, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.44, Paris, Fuchs, 1802)
     
  97. Ce qui sert aux besoins dans l'usage ordinaire
    Ne te manquera pas, si tu sais en tout temps
    T'en tenir au seul nécessaire :
    Peu de chose suffit pour nous rendre contents.

    (Distiques, Livre 4, II, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.44, Paris, Fuchs, 1802)
     
  98. Sans soins, et dépourvu de la raison commune,
    Si tu réussis mal à conserver tes biens,
    D'aucun aveuglement n'accuse la fortune ;
    Ses yeux sont meilleurs que les tiens.

    (Distiques, Livre 4, III, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.45, Paris, Fuchs, 1802)
     
  99. N'aime l'argent que pour l'usage,
    Et de son vain éclat ne sois jamais épris :
    À ce trait on connaît le sage,
    Qui pour le métal seul ne sent que du mépris.

    (Distiques, Livre 4, IV, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.45, Paris, Fuchs, 1802)
     
  100. Pense dans l'opulence à jouir de la vie,
    Ne te refusant rien pour la santé du corps :
    Le riche a des écus ; mais, par la maladie,
    Il perd le plus grand des trésors.

    (Distiques, Livre 4, V, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.46, Paris, Fuchs, 1802)
     
  101. Confié dans l'enfance aux soins d'un maître austère,
    Tu sus te soumettre à ses coups :
    Soumets-toi donc sans peine à l'empire qu'un père
    Veut exercer sur toi, lorsqu'il gronde en courroux.

    (Distiques, Livre 4, VI, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.46, Paris, Fuchs, 1802)
     
  102. Tâche en tout de tendre à l'utile ;
    Prends garde que l'erreur n’y glisse son venin :
    Si le travail est difficile,
    Soutiens-le par l'espoir d'un salaire certain.

    (Distiques, Livre 4, VII, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.47, Paris, Fuchs, 1802)
     
  103. Prête à qui la réclame une main généreuse ;
    Donne sans exiger aucun retour de lui :
    Aux yeux de l’âme vertueuse,
    C'est travailler pour toi que d'obliger autrui.

    (Distiques, Livre 4, VIII, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.47, Paris, Fuchs, 1802)
     
  104. As-tu sur quelque point la moindre défiance ?
    Attentif à t'instruire, examine d'abord :
    La plus légère négligence
    Souvent gâte une affaire, et cause bien du tort.

    (Distiques, Livre 4, IX, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.47, Paris, Fuchs, 1802)
     
  105. Combattu par l'incontinence,
    Dans ses honteux liens crains-tu d'être arrêté,
    Observe en tes repas la juste tempérance ;
    La crapule est unie avec la volupté.

    (Distiques, Livre 4, X, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.48, Paris, Fuchs, 1802)
     
  106. Sur la timidité ne pouvant te contraindre,
    Si tu crains tous les animaux,
    Considère que l'homme est beaucoup plus à craindre,
    Et capable lui seul de causer tous les maux.

    (Distiques, Livre 4, XI, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.48, Paris, Fuchs, 1802)
     
  107. Étant doué d'un corps vigoureux et robuste,
    Fais pour devenir sage un généreux effort :
    C'est alors qu'on parlera juste,
    Lorsqu'on te donnera le titre d'homme fort.

    (Distiques, Livre 4, XII, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.49, Paris, Fuchs, 1802)
     
  108. Une peine d'esprit, un sujet de tristesse
    T'oblige à rechercher un salutaire avis :
    Pense qu'aux maux de cette espèce
    Les médecins sont les meilleurs amis.

    (Distiques, Livre 4, XIII, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.49, Paris, Fuchs, 1802)
     
  109. Pourquoi teindre l'autel du sang de tes victimes ?
    L'animal innocent doit-il pour toi mourir ?
    Sa mort n'efface pas tes crimes :
    Celui qui fait le mal doit lui-même périr.

    (Distiques, Livre 4, XIV, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.50, Paris, Fuchs, 1802)
     
  110. Cherchant un compagnon fidèle,
    Et qui de l'amitié sache écouter tes lois,
    Ce n'est pas de ses biens l'estime criminelle,
    Mais sa seule vertu qui doit fixer ton choix.

    (Distiques, Livre 4, XV, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.50, Paris, Fuchs, 1802)
     
  111. Fais de tes revenus un honorable usage ;
    De l'infâme avarice abhorre les liens.
    De ton or quel est l'avantage,
    Lorsque tu restes pauvre au milieu de tes biens ?

    (Distiques, Livre 4, XVI, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.50, Paris, Fuchs, 1802)
     
  112. Veux-tu par ta conduite acquérir quelque estime,
    Et parmi les méchants n'être point confondu,
    Évite la tache du crime
    Et l'appât dangereux du plaisir défendu.

    (Distiques, Livre 4, XVII, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.51, Paris, Fuchs, 1802)
     
  113. Si tu prétends au nom de sage,
    Respecte la vieillesse en son infirmité :
    L'enfance est son triste apanage,
    C'est un tribut qu'on doit à la caducité,

    (Distiques, Livre 4, XVIII, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.51, Paris, Fuchs, 1802)
     
  114. Bien que tu sois dans l'opulence,
    À cultiver les arts donne ton premier soin.
    De la fortune un jour si tu sens l'inconstance,
    L'art te reste, et jamais ne te manque au besoin.

    (Distiques, Livre 4, XIX, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.52, Paris, Fuchs, 1802)
     
  115. Pèse au dedans de toi, sans le faire paraître,
    Ce que pense un chacun, en l'entendant parler :
    Souvent son discours fait connaître
    Ses mœurs, ce qu'il veut dire, et ce qu'il veut celer.

    (Distiques, Livre 4, XX, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.52, Paris, Fuchs, 1802)
     
  116. L'étude en chaque état n'est pas sans avantage :
    De quelque art que tu sois sache en tirer du fruit ;
    De même que la main se forme par l'usage,
    Par l'étude on forme l'esprit.

    (Distiques, Livre 4, XXI, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.53, Paris, Fuchs, 1802)
     
  117. Ne t'abandonne point à la funeste envie
    De savoir le moment décisif de ton sort :
    Quiconque s'accoutume à mépriser la vie,
    Voit sans crainte approcher la mort.

    (Distiques, Livre 4, XXII, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.53, Paris, Fuchs, 1802)
     
  118. D'un plus savant que toi ne cesse point d'apprendre ;
    Toi-même instruis les ignorants.
    La science est un bien qu'il faut partout répandre,
    Et qu'on doit préférer aux trésors les plus grands.

    (Distiques, Livre 4, XXIII, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.54, Paris, Fuchs, 1802)
     
  119. Ne bois du vin qu'autant que le besoin l'exige.
    Si tu veux prudemment conserver la santé :
    Souvent le mal qui nous afflige
    Est l'enfant de la volupté.

    (Distiques, Livre 4, XXIV, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.54, Paris, Fuchs, 1802)
     
  120. As-tu sur certain fait donné quelque louange,
    Qui, dans le monde, ait éclaté,
    Prends garde qu'aussitôt ton langage ne change
    Par esprit de légèreté.

    (Distiques, Livre 4, XXV, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.54, Paris, Fuchs, 1802)
     
  121. Quand tu te vois tranquille au milieu des richesses,
    Prends tes précautions contre l'adversité ;
    Et dans les plus grandes détresses,
    Espère le retour de la prospérité.

    (Distiques, Livre 4, XXVI, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.55, Paris, Fuchs, 1802)
     
  122. Jour et nuit ne cesse d'apprendre :
    La sagesse ne croît que par des soins constants ;
    Et la rare prudence, à laquelle on doit tendre,
    N'est que le fruit tardif du travail et du temps.

    (Distiques, Livre 4, XXVII, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.55, Paris, Fuchs, 1802)
     
  123. Loue avec retenue, évitant de paraître
    Du mérite d’autrui follement entêté ;
    Peut-être un jour viendra qui te fera connaître
    Quel est cet ami tant vanté.

    (Distiques, Livre 4, XXVIII, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.56, Paris, Fuchs, 1802)
     
  124. Fais-toi gloire d'apprendre, étant dans l'ignorance ;
    Et pour croître en savoir, ne néglige aucun soin ;
    C'est vertu d'aimer la science,
    Et vice de rougir de s'instruire au besoin.

    (Distiques, Livre 4, XXIX, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.56, Paris, Fuchs, 1802)
     
  125. Vénus avec Bacchus a souvent des querelles,
    Qui troublent les plaisirs des sens :
    Crains de pareils débats les suites criminelles ;
    Ne te livre jamais qu'aux plaisirs innocents.

    (Distiques, Livre 4, XXX, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.57, Paris, Fuchs, 1802)
     
  126. Sur l'homme taciturne et d'humeur nonchalante,
    Pour la société ne fais jamais de fonds :
    C'est où l’onde paraît dormante
    Qu'elle cache souvent des abymes profonds.

    (Distiques, Livre 4, XXXI, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.57, Paris, Fuchs, 1802)
     
  127. Peu satisfait du train que prennent tes affaires,
    Considère l'état où sont celles d'autrui ;
    S'il a des revers moins contraires,
    Si tu dois l'estimer plus malheureux que lui.

    (Distiques, Livre 4, XXXII, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.58, Paris, Fuchs, 1802)
     
  128. Mesure à ton pouvoir la grandeur de l’ouvrage :
    Le plus sûr, à qui veut fendre les flots amers,
    Est de ramer près du rivage,
    Plutôt que de cingler vers le plus haut des mers.

    (Distiques, Livre 4, XXXIII, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.58, Paris, Fuchs, 1802)
     
  129. Par l’effet d'une haine injuste et criminelle,
    N'entre point en procès contre un homme de bien&nbps;:
    Le ciel, en semblable querelle,
    Du juste qu'on opprime est toujours le soutien.

    (Distiques, Livre 4, XXXIV, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.58, Paris, Fuchs, 1802)
     
  130. Si la perte des biens te met dans la détresse,
    En ton affliction sois sage et retenu ;
    Mais montre une juste allégresse,
    Si tu vois par hasard grossir ton revenu.

    (Distiques, Livre 4, XXXV, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.59, Paris, Fuchs, 1802)
     
  131. Souvent il arrive des pertes,
    Qu'on ne peut supporter d'un esprit bien soumis,
    Mais qui par point d'honneur doivent être souffertes,
    Lorsqu'il faut ménager quelqu'un de ses amis.

    (Distiques, Livre 4, XXXVI, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.59, Paris, Fuchs, 1802)
     
  132. N’étant point assuré du temps que tu dois vivre,
    Envisage de près le moment du trépas :
    Comme vois ton ombre attachée à te suivre,
    La mort te suit à chaque pas.

    (Distiques, Livre 4, XXXVII, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.60, Paris, Fuchs, 1802)
     
  133. Viens offrir à ton Dieu l'encens et la prière ;
    Laisse pour le travail croître les animaux,
    Et ne crois pas du Ciel apaiser la colère,
    En versant le sang des taureaux.

    (Distiques, Livre 4, XXXVIII, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.60, Paris, Fuchs, 1802)
     
  134. Cède à la force ouverte, et supporte l'empire
    D'un grand que tu dois ménager :
    S'il a le pouvoir de te nuire,
    Peut-être dans la suite il saura t'obliger.

    (Distiques, Livre 4, XXXIX, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.61, Paris, Fuchs, 1802)
     
  135. As-tu fais quelque faute, en juge inexorable
    Toi-même tu dois te punir :
    Ainsi que le malade, il faut que le coupable
    Prenne un remède amer, et souffre pour guérir.

    (Distiques, Livre 4, XL, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.61, Paris, Fuchs, 1802)
     
  136. Ne vas pas en public censurer la conduite
    D'un homme qui longtemps fut un de tes amis ;
    Bien qu'il ait changé dans la suite,
    Pense toujours aux nœuds qui vous avaient unis.

    (Distiques, Livre 4, XLI, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.62, Paris, Fuchs, 1802)
     
  137. Montre-toi vivement sensible aux bons offices
    Que dans l'occasion quelqu'un t'aura rendus,
    Et n'imite pas ceux près de qui les services
    Et les plus grands soins sont perdus.

    (Distiques, Livre 4, XLII, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.62, Paris, Fuchs, 1802)
     
  138. Ne sois point d'une humeur soupçonneuse et timide.
    Les hommes les plus malheureux
    Sont ceux en qui la crainte et le soupçon réside ;
    La mort, en quelque sorte, est moins triste pour eux.

    (Distiques, Livre 4, XLIII, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.62, Paris, Fuchs, 1802)
     
  139. Commandant aux valets qui soignent ton ménage,
    Épargne-les dans leur emploi :
    Pense, quand tu les vois gémir dans l'esclavage,
    Qu'ils sont tes serviteurs, mais hommes comme toi.

    (Distiques, Livre 4, XLIV, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.63, Paris, Fuchs, 1802)
     
  140. Dès que l'occasion devant toi se présente,
    Apporte tous tes soins pour pouvoir la saisir :
    Quelquefois vainement on tente
    Ce qu'on a négligé de faire réussir.

    (Distiques, Livre 4, XLV, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.63, Paris, Fuchs, 1802)
     
  141. Ne fais point éclater ta joie
    Quand tu vois les méchants surpris par le trépas.
    Heureux qui vit sans crime, et dans la douce voie
    Termine sa course ici-bas.

    (Distiques, Livre 4, XLVI, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.64, Paris, Fuchs, 1802)
     
  142. Ton destin malheureux t'a fait prendre une femme
    Qui n'a ni grand bien, ni pudeur :
    D’ami de tes amants fuis le surnom infâme,
    De crainte d'ajouter le crime au déshonneur.

    (Distiques, Livre 4, XLVII, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.64, Paris, Fuchs, 1802)
     
  143. Quelque instruit que tu sois, pense que la science
    Doit augmenter chez toi de toutes les façons :
    Fuis cette vaine suffisance
    Qui ne veut pas d'autrui recevoir les leçons.

    (Distiques, Livre 4, XLIII, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.64, Paris, Fuchs, 1802)