Antoine de Saint-Exupéry
1900-1944
  1. La terre nous en apprend plus long sur nous que tous les livres. Parce qu'elle nous résiste. L'homme se découvre quand il se mesure avec l'obstacle.
    (Terre des hommes, p.7, Livre de Poche n°68)
     
  2. [...] ce que d'autres ont réussi, on peut toujours le réussir.
    (Terre des hommes, p.15, Livre de Poche n°68)
     
  3. Il est vain, si l'on plante un chêne, d'espérer s'abriter bientôt sous son feuillage.
    (Terre des hommes, p.41, Livre de Poche n°68)
     
  4. La grandeur d'un métier est peut-être, avant tout, d'unir des hommes : il n'est qu'un luxe véritable, et c'est celui des relations humaines.
    (Terre des hommes, p.42, Livre de Poche n°68)
     
  5. Ce qui sauve, c'est de faire un pas. Encore un pas. C'est toujours le même pas que l'on recommence...
    (Terre des hommes, p.56, Livre de Poche n°68)
     
  6. [...] une fois pris dans l'événement, les hommes ne s'en effraient plus. Seul l'inconnu épouvante les hommes. Mais, pour quiconque l'affronte, il n'est déjà plus l'inconnu.
    (Terre des hommes, p.58, Livre de Poche n°68)
     
  7. Être homme, c'est précisément être responsable. C'est connaître la honte en face d'une misère qui ne semblait pas dépendre de soi. C'est être fier d'une victoire que les camarades ont remportée. C'est sentir, en posant sa pierre, que l'on contribue à bâtir le monde.
    (Terre des hommes, p.59, Livre de Poche n°68)
     
  8. Ah ! le merveilleux d'une maison n'est point qu'elle vous abrite ou vous réchauffe, ni qu'on en possède les murs. Mais bien qu'elle ait lentement déposé en nous ces provisions de douceur. Qu'elle forme, dans le fond du coeur, ce massif obscur dont naissent, comme des eaux de source, les songes...
    (Terre des hommes, p.84, Livre de Poche n°68)
     
  9. L'empire de l'homme est intérieur.
    (Terre des hommes, p.98, Livre de Poche n°68)
     
  10. L'esclave fait son orgueil de la braise du maître.
    (Terre des hommes, p.126, Livre de Poche n°68)
     
  11. Mais, dans la mort d'un homme, un monde inconnu meurt, et je me demandais quelles étaient les images qui sombraient avec lui.
    (Terre des hommes, p.128, Livre de Poche n°68)
     
  12. On croit que l'homme peut s'en aller droit devant soi. On croit que l'homme est libre... On ne voit pas la corde qui le rattache au puits, qui le rattache, comme un cordon ombilical, au ventre de la terre. S'il fait un pas de plus, il meurt.
    (Terre des hommes, p.197, Livre de Poche n°68)
     
  13. L'essentiel, nous ne savons pas le prévoir. Chacun de nous a connu les joies les plus chaudes là où rien ne les promettait.
    (Terre des hommes, p.210, Livre de Poche n°68)
     
  14. Que savons-nous, sinon qu'il est des conditions inconnues qui nous fertilisent ? Où loge la vérité de l'homme ?
    La vérité, ce n'est point ce qui se démontre. Si dans ce terrain, et non dans un autre, les orangers développent de solides racines, et se chargent de fruits, ce terrain-là c'est la vérité des orangers. Si cette religion, si cette culture, si cette échelle des valeurs, si cette forme d'activité et non telles autres, favorisent chez l'homme cette plénitude, délivrent en lui un grand seigneur qui s'ignorait, c'est que cette échelle des valeurs, cette culture, cette forme d'activité, sont la vérité de l'homme. La logique ? Qu'elle se débrouille pour rendre compte de la vie.

    (Terre des hommes, p.210, Livre de Poche n°68)
     
  15. [...] aimer ce n'est point nous regarder l'un l'autre mais regarder ensemble dans la même direction.
    (Terre des hommes, p.225, Livre de Poche n°68)
     
  16. Si vous voulez convaincre de l'horreur de la guerre celui qui ne refuse pas la guerre, ne le traitez point de barbare : cherchez à le comprendre avant de le juger.
    (Terre des hommes, p.226, Livre de Poche n°68)
     
  17. La vérité pour l'homme, c'est ce qui fait de lui un homme.
    (Terre des hommes, p.228, Livre de Poche n°68)
     
  18. La vérité, ce n'est point ce qui se démontre, c'est ce qui simplifie.
    (Terre des hommes, p.229, Livre de Poche n°68)
     
  19. Il se forme une piètre opinion sur la culture celui qui croit qu'elle repose sur la mémoire de formules.
    (Terre des hommes, p.231, Livre de Poche n°68)
     
  20. Pourquoi nous haïr ? Nous sommes solidaires, emportés sur la même planète, équipage d'un même navire. Et s'il est bon que des civilisations s'opposent pour favoriser des synthèses nouvelles, il est monstrueux qu'elles s'entredévorent.
    (Terre des hommes, p.233, Livre de Poche n°68)
     
  21. Quand nous prendrons conscience de notre rôle, même le plus effacé, alors seulement nous serons heureux. Alors seulement nous pourrons vivre en paix, car ce qui donne un sens à la vie donne un sens à la mort.
    (Terre des hommes, p.234, Livre de Poche n°68)
     
  22. D'une lave en fusion, d'une pâte d'étoile, d'une cellule vivante germée par miracle nous sommes issus, et, peu à peu, nous nous sommes élevés jusqu'à écrire des cantates et à peser des voies lactées.
    (Terre des hommes, p.237, Livre de Poche n°68)
     
  23. [...] on est riche aussi de ses misères [...].
    (Vol de nuit, p.20, Livre de Poche n°3)
     
  24. Cet homme éprouvait, en face de sa vie passée, le tranquille contentement du menuisier qui vient de polir une belle planche : " Voilà, c'est fait. "
    (Vol de nuit, p.31, Livre de Poche n°3)
     
  25. Il y a dans toute foule [...] des hommes que l'on ne distingue pas, et qui sont de prodigieux messagers. Et sans le savoir eux-mêmes.
    (Vol de nuit, p.42, Livre de Poche n°3)
     
  26. [...] il étalait [...] sa misère. Un eczéma moral. Il montrait sa prison.
    (Vol de nuit, p.59, Livre de Poche n°3)
     
  27. Si les insomnies d'un musicien lui font créer de belles oeuvres, ce sont de belles insomnies.
    (Vol de nuit, p.62, Livre de Poche n°3)
     
  28. Aimez ceux que vous commandez. Mais sans le leur dire.
    (Vol de nuit, p.64, Livre de Poche n°3)
     
  29. Je suis semblable au père d'un enfant malade, qui marche dans la foule à petits pas. Il porte en lui le grand silence de sa maison.
    (Vol de nuit, p.73, Livre de Poche n°3)
     
  30. Pour se faire aimer, il suffit de plaindre.
    (Vol de nuit, p.99, Livre de Poche n°3)
     
  31. Les échecs fortifient les forts.
    (Vol de nuit, p.115, Livre de Poche n°3)
     
  32. [...] si la vie humaine n'a pas de prix, nous agissons toujours comme si quelque chose dépassait, en valeur, la vie humaine... Mais quoi ?
    (Vol de nuit, p.128, Livre de Poche n°3)
     
  33. [...] dans la vie il n'y a pas de solutions. Il y a des forces en marche : il faut les créer et les solutions suivent.
    (Vol de nuit, p.151, Livre de Poche n°3)
     
  34. Nous ne demandons pas à être éternels, mais à ne pas voir les actes et les choses tout à coup perdre leur sens. Le vide qui nous entoure se montre alors...
    (Vol de nuit, p.156, Livre de Poche n°3)
     
  35. Le but peut-être ne justifie rien, mais l'action délivre de la mort.
    (Vol de nuit, p.158, Livre de Poche n°3)
     
  36. Les grandes personnes ne comprennent jamais rien toutes seules, et c'est fatigant, pour les enfants, de toujours et toujours leur donner des explications.
    (Le Petit Prince, p.4, Harbrace Paperbound Library n° 39)
     
  37. [...] c'est tellement petit, chez moi ! [...] Droit devant soi on ne peut pas aller bien loin...
    (Le Petit Prince, p.14, Harbrace Paperbound Library n° 39)
     
  38. Les épines, ça ne sert à rien, c'est de la pure méchanceté de la part des fleurs !
    (Le Petit Prince, p.28, Harbrace Paperbound Library n° 39)
     
  39. Si quelqu'un aime une fleur qui n'existe qu'à un exemplaire dans les millions et les millions d'étoiles, ça suffit pour qu'il soit heureux quand il les regarde. Il se dit : " Ma fleur est là quelque part... ".
    (Le Petit Prince, p.29, Harbrace Paperbound Library n° 39)
     
  40. C'est tellement mystérieux, le pays des larmes !
    (Le Petit Prince, p.31, Harbrace Paperbound Library n° 39)
     
  41. Il est bien plus difficile de se juger soi-même que de juger autrui. Si tu réussis à bien te juger, c'est que tu es un véritable sage.
    (Le Petit Prince, p.46, Harbrace Paperbound Library n° 39)
     
  42. Les vaniteux n'entendent jamais que les louanges.
    (Le Petit Prince, p.48, Harbrace Paperbound Library n° 39)
     
  43. - Où sont les hommes ? reprit enfin le petit prince. On est un peu seul dans le désert...
    - On est seul aussi chez les hommes, dit le serpent.

    (Le Petit Prince, p.72, Harbrace Paperbound Library n° 39)
     
  44. On ne connaît que les choses que l'on apprivoise [...].
    (Le Petit Prince, p.83, Harbrace Paperbound Library n° 39)
     
  45. Le langage est source de malentendus.
    (Le Petit Prince, p.84, Harbrace Paperbound Library n° 39)
     
  46. Voici mon secret. Il est très simple : on ne voit bien qu'avec le coeur. L'essentiel est invisible pour les yeux.
    (Le Petit Prince, p.87, Harbrace Paperbound Library n° 39)
     
  47. Tu deviens responsable pour toujours de ce que tu as apprivoisé.
    (Le Petit Prince, p.88, Harbrace Paperbound Library n° 39)
     
  48. J'ai toujours aimé le désert. On s'assoit sur une dune de sable. On ne voit rien. On n'entend rien. Et cependant quelque chose rayonne en silence...
    - Ce qui embellit le désert, dit le petit prince, c'est qu'il cache un puits quelque part...

    (Le Petit Prince, p.92, Harbrace Paperbound Library n° 39)
     
  49. Mais les yeux sont aveugles. Il faut chercher avec le coeur.
    (Le Petit Prince, p.97, Harbrace Paperbound Library n° 39)
     
  50. On risque de pleurer un peu si l'on s'est laissé apprivoiser.
    (Le Petit Prince, p.99, Harbrace Paperbound Library n° 39)
     
  51. Pour vous qui aimez aussi le petit prince, comme pour moi, rien de l'univers n'est semblable si quelque part, on ne sait où, un mouton que nous ne connaissons pas a, oui ou non, mangé une rose...
    Regardez le ciel. Demandez-vous : le mouton oui ou non a-t-il mangé la fleur ? Et vous verrez comme tout change...
    Et aucune grande personne ne comprendra jamais que ça a tellement d'importance !

    (Le Petit Prince, p.111, Harbrace Paperbound Library n° 39)
     
  52. [Dans le Sahara] On y baigne en permanence dans les conditions mêmes de l'ennui. Et cependant d'invisibles divinités lui bâtissent un réseau de directions, de pentes et de signes, une musculature secrète et vivante. Il n'est plus d'uniformité. Tout s'oriente. Un silence même n'y ressemble pas à l'autre silence.
    (Lettre à un otage, p.40, Folio n°4104)
     
  53. L'homme est gouverné par l'Esprit. Je vaux, dans le désert, ce que valent mes divinités.
    (Lettre à un otage, p.43, Folio n°4104)
     
  54. Le Sahara est plus vivant qu'une capitale et la ville la plus grouillante se vide si les pôles essentiels de la vie sont désaimantés.
    (Lettre à un otage, p.45, Folio n°4104)
     
  55. Les miracles véritables, qu'ils font peu de bruit ! Les événements essentiels, qu'ils sont simples !
    (Lettre à un otage, p.47, Folio n°4104)
     
  56. L'essentiel, le plus souvent, n'a point de poids. L'essentiel ici, en apparence, n'a été qu'un sourire. Un sourire est souvent l'essentiel.
    (Lettre à un otage, p.52, Folio n°4104)
     
  57. Les avant-gardes révolutionnaires, de quelque parti qu'elles soient, font la chasse, non aux hommes (elles ne pèsent pas l'homme dans sa substance), mais aux symptômes. La vérité adverse leur apparaît comme une maladie épidémique. Pour un symptôme douteux on expédie le contagieux au lazaret d'isolement. Le cimetière.
    (Lettre à un otage, p.57, Folio n°4104)
     
  58. L'ordre pour l'ordre châtre l'homme de son pouvoir essentiel, qui est de transformer et le monde et soi-même. La vie crée l'ordre, mais l'ordre ne crée pas la vie.
    (Lettre à un otage, p.64, Folio n°4104)
     
  59. Si je diffère de toi, loin de te léser, je t'augmente.
    (Lettre à un otage, p.70, Folio n°4104)
     
  60. C'est toujours dans les caves de l'oppression que se préparent les vérités nouvelles [...].
    (Lettre à un otage, p.72, Folio n°4104)
     
  61. La polémique ne fait qu'aigrir les rapports aigris, car chacun croit en sa propre noblesse. Personne n'a le sentiment (pourtant très simple) de la multiplicité des systèmes conceptionnels.
    (Carnets, p.18, Gallimard/nrf, 1953)
     
  62. À la pédagogie normale, s'ajoute une pédagogie incessante et d'une efficacité extraordinaire, et qui est la publicité. Une industrie basée sur le profit tend à créer - par l'éducation - des hommes pour le chewing-gum et non du chewing-gum pour les hommes.
    (Carnets, p.28, Gallimard/nrf, 1953)
     
  63. Dieu est vrai, mais créé peut-être par nous.
    (Carnets, p.34, Gallimard/nrf, 1953)
     
  64. Que m'importe que Dieu n'existe pas : Dieu donne à l'homme de la divinité.
    (Carnets, p.40, Gallimard/nrf, 1953)
     
  65. Les hommes. Non pas se sacrifier à ce qu'ils sont mais à ce qu'ils peuvent devenir.
    (Carnets, p.47, Gallimard/nrf, 1953)
     
  66. [...] la civilisation consiste à garder longtemps une seule chose.
    (Carnets, p.50, Gallimard/nrf, 1953)
     
  67. Espagne. Cet enfant joue. À partir de quel instant a-t-il des opinions qui vaillent la mort ?
    (Carnets, p.64, Gallimard/nrf, 1953)
     
  68. L'injustice c'est le garde-chiourme qui méprise son prisonnier, peut-être dix fois plus noble. C'est Marie-Antoinette insultée.

    Et on le sait bien quand l'on veut vexer, c'est-à-dire être injuste. On dénigrera le point même qui fait la noblesse de l'antagoniste.

    (Carnets, p.68, Gallimard/nrf, 1953)
     
  69. Et puis, ce que vaut un homme c'est tellement ce qu'il devient. Moi je ne sais pas ce qu'il est.
    (Carnets, p.69, Gallimard/nrf, 1953)
     
  70. La justice est l'ensemble des règles qui perpétuent un type humain dans une civilisation.

    Ce que je ne puis supporter dans l'injustice, ce n'est point la non-soumission à tel ou tel rite. Il est toujours un rite en fonction duquel un acte est injuste. Ce qui me touche dans l'injustice c'est ce drame du langage. Le drame des communications humaines.

    (Carnets, p.71, Gallimard/nrf, 1953)
     
  71. Je dois me gouverner selon une loi absolue : exprimer toujours la coupe la plus haute de la pensée de l'adversaire, tenant compte de ce fait que si cette pensée a été non seulement exprimée (le fou peut exprimer) mais entendue, c'est qu'elle contient, plus ou moins imparfaite, l'image de quelque chose d'universel. De simple. Donc de vrai.
    (Carnets, p.73, Gallimard/nrf, 1953)
     
  72. Il y a deux morales : celle des amitiés, celle de la pensée - et les deux sont incompatibles. (Au fond : celle de l'individu, celle de l'homme.)
    (Carnets, p.74, Gallimard/nrf, 1953)
     
  73. Patrie, c'est patrimoine spirituel.
    (Carnets, p.77, Gallimard/nrf, 1953)
     
  74. L'hypocrisie n'est souvent qu'une pudeur qui ne sait même pas se définir.
    (Carnets, p.77, Gallimard/nrf, 1953)
     
  75. Si les brevets rapportent moins que l'exploitation des brevets, n'est-ce pas qu'au lieu de signifier une exploitation de l'intelligence par les marchands, cet état de choses signifie que l'administration prime l'invention et que le génie le plus rare est le génie de l'administrateur ?
    (Carnets, p.77, Gallimard/nrf, 1953)
     
  76. [...] l'équation différentielle est une façon de regarder.
    (Carnets, p.91, Gallimard/nrf, 1953)
     
  77. On ne sait prévoir que des répétitions et comprendre, c'est dégager le quelque chose qui se répète.
    (Carnets, p.100, Gallimard/nrf, 1953)
     
  78. L'opération créatrice réside dans la possibilité de changer de type de structure, ce qui, sur le plan verbal, exige du créateur qu'il ne soit pas dupe des mots, et, sur le plan conceptuel, qu'il ne le soit pas des concepts. Les relations seules sont vérités. Mais tout réseau complexe peut être vu sous des jours divers.
    (Carnets, p.102, Gallimard/nrf, 1953)
     
  79. Le concept contient la définition, mais lui est antérieur. Le concept, c'est l'idée de définir ça. (Ça, qui n'était antérieurement qu'un ensemble. Et qui devient un être.)
    (Carnets, p.103, Gallimard/nrf, 1953)
     
  80. L'homme, c'est ce qui tend à surmonter.
    La connaissance : ce n'est point la possession de la vérité, mais d'un langage cohérent.
    La béatitude, c'est la possession du concept souverain, l'accession à un point de vue qui unifie l'univers. Je ne sais rien de plus sur l'univers en soi. Mais il n'est plus de litige entre l'univers et moi.

    (Carnets, p.113, Gallimard/nrf, 1953)
     
  81. L'éducation passe avant l'instruction : elle fonde l'homme.
    (Carnets, p.118, Gallimard/nrf, 1953)
     
  82. Stupide éducation visuelle moderne qui, en effet, découvre d'admirables trucs pour enseigner sans effort et livrer ainsi à l'enfant, réduit au rôle de formulaire, un bagage de connaissances, au lieu de lui forger un style - et partant une âme.
    (Carnets, p.119, Gallimard/nrf, 1953)
     
  83. Je prends possession du monde par les mots.
    (Carnets, p.121, Gallimard/nrf, 1953)
     
  84. Expliquer par d'autres points de vue un processus ne ruine en rien la valeur du processus. C'est le vent dans les voiles qui conduit au pays. Mais le vent n'est point le pays ni la voile.
    (Carnets, p.128, Gallimard/nrf, 1953)
     
  85. Une grande erreur consiste à croire que l'on a épuisé un sujet quand on en a donné une explication (ainsi la douleur quand on a expliqué les larmes).
    (Carnets, p.130, Gallimard/nrf, 1953)
     
  86. Quiconque craint la contradictoin et demeure logique tue ne lui la vie (quiconque ne fait point l'effort douloureux de surmonter ce malaise de genèse, quiconque refuse d'être accoucheur), quiconque craint en lui la genèse obscur qui le relie à l'univers, lequel n'est point encore formulable, puisque le langage limité ne le peut saisir qu'à tâtons et découvrir là un pan, là une arête, ici un socle et non l'immense cathédrale qui est transcendante aux matérieux, quiconcque ne cherche que la formule, n'use que du formidable, celui-là est déjà un mort.
    (Carnets, p.133, Gallimard/nrf, 1953)
     
  87. On ne découvre pas la vérité : on la crée.
    (Carnets, p.135, Gallimard/nrf, 1953)
     
  88. Triomphe d'une thèse sur la thèse inverse n'est pas synthèse.
    (Carnets, p.138, Gallimard/nrf, 1953)
     
  89. Je crois tellement en la vérité de la poésie. Le poète n'est pas plus futile que le physicien. L'un et l'autre recoupent des vérités mais celle du poète est plus urgente car il s'agit de sa propre conscience.
    (Carnets, p.152, Gallimard/nrf, 1953)
     
  90. La formule : « il faut mieux une mauvaise décision qu'une absence de décision » ne signifie rien. Une décision ne peut être mauvaise : elle crée bien ou mal sa vérité.
    Il ne s'agit pas de savoir si je préfère l'homme libre ou non mais si je préfère l'homme qui est libre.

    (Carnets, p.153, Gallimard/nrf, 1953)
     
  91. J'appelle phénomène de conscience le quelque chose qui fait apparaître la glace en été et le feu en hiver - ou l'élévation de l'arbre contre la gravitation.
    (Carnets, p.172, Gallimard/nrf, 1953)
     
  92. La vie, c'est ce qui tend vers les états les moins probables.
    (Carnets, p.176, Gallimard/nrf, 1953)
     
  93. En fin de compte, ce que j'appelle liberté, c'est le pouvoir d'agir contre la statistique (et il n'est de cause que statistique) ; et ce serait un attribut de toute la matière vivante.
    (Carnets, p.177, Gallimard/nrf, 1953)
     
  94. Faire élire le peintre par le peuple, quel paradoxe monstrueux quand la peinture nouvelle n'a jamais été comprise qu'après éducation de l'oeil.
    (Carnets, p.201, Gallimard/nrf, 1953)
     
  95. Si l'on veut définir l'exploitation de l'homme par l'homme il faut la chercher un peu partout et se scandaliser de ce que celui dont le temps vaut cher a consommé (voiture) le temps de ceux dont ledit temps ne vaut pas cher.
    (Carnets, p.215, Gallimard/nrf, 1953)