Marquise de Sablé
1599-1678
  1. Comme rien n'est plus faible et moins raisonnable que de soumettre son jugement à celui d'autrui, sans nulle application du sien, rien n'est plus grand et plus sensé que de le soumettre aveuglément à Dieu, en croyant sur sa parole tout ce qu'il dit.
    (Maximes (1), in Moralistes du XVIIe siècle, p. 246-255, Éd. Bouquins)
     
  2. Au lieu d'être attentifs à connaître les autres, nous ne pensons qu'à nous faire connaître nous-mêmes. Il vaudrait mieux écouter pour acquérir de nouvelles lumières que de parler trop pour montrer celles que l'on a acquises.
    (Maximes (3), in Moralistes du XVIIe siècle, p. 246-255, Éd. Bouquins)
     
  3. Il est quelquefois bien utile de feindre que l'on est trompé. Car lorsque l'on fait voir à un homme artificieux qu'on reconnaît ses artifices, on lui donne sujet de les augmenter.
    (Maximes (4), in Moralistes du XVIIe siècle, p. 246-255, Éd. Bouquins)
     
  4. Être trop mécontent de soi est une faiblesse. Être trop content de soi est une sottise.
    (Maximes (6), in Moralistes du XVIIe siècle, p. 246-255, Éd. Bouquins)
     
  5. La plus grande sagesse de l'homme consiste à connaître ses folies.
    (Maximes (8), in Moralistes du XVIIe siècle, p. 246-255, Éd. Bouquins)
     
  6. C'est une occupation bien pénible aux fourbes d'avoir toujours à couvrir le défaut de leur sincérité et à réparer le manquement de leur parole.
    (Maximes (10), in Moralistes du XVIIe siècle, p. 246-255, Éd. Bouquins)
     
  7. Il n'y a que les petits esprits qui ne peuvent souffrir qu'on leur reproche leur ignorance parce que, comme ils sont ordinairement fort aveugles en toutes choses, fort sots, et fort ignorants, ils ne doute jamais de rien et sont persuadés qu'ils voient clairement ce qu'ils ne voient qu'au travers de l'obscurité de leur esprit.
    (Maximes (15), in Moralistes du XVIIe siècle, p. 246-255, Éd. Bouquins)
     
  8. Il n'y a pas plus de raison de trop s'accuser de ses défauts, que de s'en trop excuser. Ceux qui s'accusent par excès le font souvent pour ne pouvoir souffrir qu'on les accuse ou par vanité de faire croire qu'ils savent confesser leurs défauts.
    (Maximes (16), in Moralistes du XVIIe siècle, p. 246-255, Éd. Bouquins)
     
  9. On peut bien se connaître soi-même mais on ne s'examine point assez pour cela, et l'on se soucie d'avantage de paraître tel qu'on doit être que d'être en effet ce qu'on doit.
    (Maximes (19), in Moralistes du XVIIe siècle, p. 246-255, Éd. Bouquins)
     
  10. Si l'on avait autant de soin d'être ce qu'on doit être que de tromper les autres en déguisant ce que l'on est, on pourrait se montrer tel qu'on est, sans avoir la peine de se déguiser.
    (Maximes (20), in Moralistes du XVIIe siècle, p. 246-255, Éd. Bouquins)
     
  11. On a souvent plus d'envie de passer pour officieux que de réussir dans les offices, et souvent on aime mieux pouvoir dire à ses amis qu'on a bien fait pour eux que de bien faire en effet.
    (Maximes (23), in Moralistes du XVIIe siècle, p. 246-255, Éd. Bouquins)
     
  12. Les bons succès dépendent quelquefois du défaut de jugement parce que le jugement empêche souvent d'entreprendre plusieurs choses que l'inconsidération fait réussir.
    (Maximes (24), in Moralistes du XVIIe siècle, p. 246-255, Éd. Bouquins)
     
  13. On loue quelquefois les choses passées pour blâmer les présentes, et pour mépriser ce qui est, on estime ce qui n'est plus.
    (Maximes (25), in Moralistes du XVIIe siècle, p. 246-255, Éd. Bouquins)
     
  14. Tout le monde est si occupé de ses passions et de ses intérêts que l'on en veut toujours parler sans jamais entrer dans la passion et dans l'intérêt de ceux à qui on en parle, encore qu'ils aient le même besoin qu'on écoute et qu'on les assiste.
    (Maximes (29), in Moralistes du XVIIe siècle, p. 246-255, Éd. Bouquins)
     
  15. Une des choses qui fait que l'on trouve si peu de gens agréables et qui paraissent raisonnables dans la conversation, c'est qu'il n'y en a quasi point qui ne pensent plutôt à ce qu'ils veulent dire qu'à répondre précisément à ce qu'on leur dit. Les plus complaisants se contentent de montrer une mine attentive, au même temps qu'on voit dans leurs yeux et dans leur esprit un égarement et une précipitation de retourner à ce qu'ils veulent dire, au lieu qu'on devrait juger que c'est un mauvais moyen de plaire que de chercher à se satisfaire si fort, et que bien écouter et bien répondre est une plus grande perfection que de parler bien et beaucoup, sans écouter et sans répondre aux choses qu'on nous dit.
    (Maximes (31), in Moralistes du XVIIe siècle, p. 246-255, Éd. Bouquins)
     
  16. Il faut s'accoutumer aux folies d'autrui et ne se point choquer des niaiseries qui se disent en notre présence.
    (Maximes (33), in Moralistes du XVIIe siècle, p. 246-255, Éd. Bouquins)
     
  17. Savoir bien découvrir l'intérieur d'autrui et cacher le sien est une grande marque de supériorité d'esprit.
    (Maximes (35), in Moralistes du XVIIe siècle, p. 246-255, Éd. Bouquins)
     
  18. Le trop parler est un si grand défaut qu'en matière d'affaires et de conversation, si ce qui est bon est court, il est doublement bon, et l'on gagne par la brièveté ce qu'on perd souvent par l'excès des paroles.
    (Maximes (36), in Moralistes du XVIIe siècle, p. 246-255, Éd. Bouquins)
     
  19. L'étude et la recherche de la vérité ne sert souvent qu'à nous faire voir par expérience l'ignorance qui nous est naturelle.
    (Maximes (38), in Moralistes du XVIIe siècle, p. 246-255, Éd. Bouquins)
     
  20. Souvent le désir de paraître capable empêche de le devenir, parce que l'on a plus d'envie de faire voir ce que l'on sait que l'on n'a de désir d'apprendre ce que l'on ne sait pas.
    (Maximes (40), in Moralistes du XVIIe siècle, p. 246-255, Éd. Bouquins)
     
  21. La petitesse de l'esprit, l'ignorance et la présomption font l'opiniâtreté, parce que les opiniâtres ne veulent croire que ce qu'ils conçoivent et qu'ils ne conçoivent que fort peu de choses.
    (Maximes (41), in Moralistes du XVIIe siècle, p. 246-255, Éd. Bouquins)
     
  22. C'est augmenter ses défauts que de les désavouer quand on nous les reproche.
    (Maximes (42), in Moralistes du XVIIe siècle, p. 246-255, Éd. Bouquins)
     
  23. Il ne faut pas regarder quel bien nous fait un ami mais seulement le désir qu'il a de nous en faire.
    (Maximes (43), in Moralistes du XVIIe siècle, p. 246-255, Éd. Bouquins)
     
  24. C'est une chose bien vaine et bien inutile de faire l'examen de tout ce qui se passe dans le monde si cela ne sert à se redresser soi-même.
    (Maximes (47), in Moralistes du XVIIe siècle, p. 246-255, Éd. Bouquins)
     
  25. On aime beaucoup mieux ceux qui tendent à nous imiter que ceux qui tâchent à nous égaler. Car l'imitation est une marque d'estime et le désir d'être égal aux autres est une marque d'envie.
    (Maximes (52), in Moralistes du XVIIe siècle, p. 246-255, Éd. Bouquins)
     
  26. La contradiction doit éveiller l'attention, et non pas la colère. Il faut écouter, et non fuir celui qui contredit. Notre cause doit toujours être celle de la vérité, de quelque façon qu'elle nous soit montrée.
    (Maximes (59), in Moralistes du XVIIe siècle, p. 246-255, Éd. Bouquins)
     
  27. Il y a une certaine manière de s'écouter en parlant qui rend toujours désagréable. Car c'est une aussi grande folie de s'écouter soi-même quand on s'entretient avec les autres que de parler tout seul.
    (Maximes (62), in Moralistes du XVIIe siècle, p. 246-255, Éd. Bouquins)
     
  28. Il y a peu d'avantage de se plaire à soi-même quand on ne plaît à personne. Car souvent le trop grand amour que l'on a pour soi est châtié par le mépris d'autrui.
    (Maximes (63), in Moralistes du XVIIe siècle, p. 246-255, Éd. Bouquins)
     
  29. Il y a des gens tellement aveuglés, et qui se flattent tellement en toutes choses, qu'ils croient toujours comme ils désirent et pensent aussi faire croire aux autres tout ce qu'ils veulent ; quelque méchante raison qu'ils emploient pour persuader, ils en sont si préoccupés qu'il leur semble qu'ils n'ont qu'à le dire d'un ton fort haut et affirmatif pour en convaincre tout le monde.
    (Maximes (65), in Moralistes du XVIIe siècle, p. 246-255, Éd. Bouquins)
     
  30. C'est une défaut bien commun de n'être jamais content de sa fortune, ni mécontent de son esprit.
    (Maximes (67), in Moralistes du XVIIe siècle, p. 246-255, Éd. Bouquins)
     
  31. Il y a de la bassesse à tirer avantage de sa qualité et de sa grandeur pour se moquer de ceux qui nous sont soumis.
    (Maximes (68), in Moralistes du XVIIe siècle, p. 246-255, Éd. Bouquins)
     
  32. Quand un opiniâtre a commencé à contester quelque chose, son esprit se ferme à tout ce qui le peut éclaircir. La contestation l'irrite, quelque juste qu'elle soit, et il semble qu'il ait peur de trouver la vérité.
    (Maximes (69), in Moralistes du XVIIe siècle, p. 246-255, Éd. Bouquins)
     
  33. La honte qu'on a de se voir louer sans fondement donne souvent sujet de faire des choses qu'on n'aurait jamais faites sans cela.
    (Maximes (70), in Moralistes du XVIIe siècle, p. 246-255, Éd. Bouquins)
     
  34. La société, et même l'amitié de la plupart des hommes, n'est qu'un commerce qui ne dure qu'autant que le besoin.
    (Maximes (77), in Moralistes du XVIIe siècle, p. 246-255, Éd. Bouquins)
     
  35. L'amour, partout où il est, est toujours le maître. Il forme l'âme, le coeur et l'esprit, selon ce qu'il est. Il n'est ni petit ni grand selon le coeur et l'esprit qu'il occupe, mais selon ce qu'il est en lui-même. Et il semble véritablement que l'amour est à l'âme de celui qui aime ce que l'âme est au corps de celui qu'elle anime.
    (Maximes (79), in Moralistes du XVIIe siècle, p. 246-255, Éd. Bouquins)
     
  36. L'amour a un caractère si particulier qu'on ne peut le cacher où il est, ni le feindre où il n'est pas.
    (Maximes (80), in Moralistes du XVIIe siècle, p. 246-255, Éd. Bouquins)