Fredrika Bremer
1801-1865
  1. Le foyer domestique n'est-il pas exposé à de petites secousses, à des altercations, des froissements, des vivacités, des bêtises, des négligences, des pertes ? n'importe le nom qu'on donne à ces moustiques de l'esprit dont les morsures produisent l'irritation, le trouble, l'ennui et qui n'épargnent pas leurs visites au foyer domestique le plus heureux.
    Oui, assurément, il n'en est pas exempt. Ils y viennent, mais s'envolent presque aussitôt, et ne laissent jamais de venin dans la blessure, parce que l'on emploie contre eux un baume universel, appelé « pardon, oubli, se corriger. »

    (Le Foyer Domestique, trad. Mlle. R. du Puget, p.400, Paris, 1862)
     
  2. Comme les jours s'écoulent! Lorsque nous éprouvons un grand chagrin, il nous semble que le temps s'arrête ou tourne lentement dans des cercles obscurs. Mais les heures, les jours forment une chaîne non interrompue, montent et descendent comme les vagues de la mer, s'engloutissent les unes dans les autres et emportent la nacelle de notre vie loin, - bien loin des îles de la joie, il est vrai, mais loin aussi des écueils de la tristesse.
    (Le Foyer Domestique, trad. Mlle. R. du Puget, p.334, Paris, 1862)
     
  3. On dit ordinairement que l'amour est un jeu pour l'homme et une affaire capitale pour la femme. S'il en est souvent ainsi, c'est sans doute parce que la vie pratique ayant des prétentions sur les pensées de l'homme, elle lui laisse peu de temps à donner à l'amour. La femme, au contraire, n'a que des besoins intérieurs et personnels; rien ne l'enlève avec force aux chagrins du coeur.
    (Le Foyer Domestique, trad. Mlle. R. du Puget, p.351, Paris, 1862)
     
  4. En vérité, on acquiert une dignité et un rang particuliers en se rapprochant des frontières du royaume de la mort; il semble que le chuchotement des habitants de ce pays atteint l'oreille penchée de leur côté. Aussi les mystérieux sages de la terre écoutent-ils en silence, comme des disciples et de pieux enfants, les inspirations exhalées par des lèvres mourantes.
    (Le Foyer Domestique, trad. Mlle. R. du Puget, p.325, Paris, 1862)
     
  5. C'est une grande jouissance de s'entendre louer et bien louer par une personne dont on fait infiniment de cas, surtout lorsqu'elle est d'ordinaire sobre d'éloges.
    (Le Foyer Domestique, trad. Mlle. R. du Puget, p.325, Paris, 1862)
     
  6. On parle beaucoup de l'amour maternel. L'amour paternel est peut-être plus touchant encore. Celui qui a goûté le bonheur d'être soigné par un père bon, loyal, peut, je crois, élever son coeur vers le ciel avec un sentiment plus complet, une idée plus intime que d'autres dans la prière universelle de l'humanité, et dire : « Notre Père! »
    (Le Foyer Domestique, trad. Mlle. R. du Puget, p.319, Paris, 1862)
     
  7. L'ami véritable ne perd pas de vue l'âme de son ami ; il la voit à travers le voile des circonstances, lors même qu'elle est cachée aux yeux de tous, de la personne égarée elle-même; il croit en elle, l'aime, vit pour elle et dit : « Attendez, patience ! cela passera, il ou elle reviendra! » Et quiconque possède un pareil ami ne manquera pas de revenir.
    (Le Foyer Domestique, trad. Mlle. R. du Puget, p.300, Paris, 1862)
     
  8. On loue ceux qui meurent pour l'amour, la gloire, la religion, pour un but élevé et noble. En devrait-il être ainsi? N'est-ce pas une grâce de Dieu que de mourir de la sorte? c'est la vie dans la mort.
    (Le Foyer Domestique, trad. Mlle. R. du Puget, p.281, Paris, 1862)
     
  9. Lorsqu'on a des filles presque élevées et agréables, au moment où elles devraient donner de l'agrément à leurs parents, il faut s'en séparer, les laisser partir pour la Chine si ceux qui les demandent sont Chinois. C'est intolérable ! Je ne souhaite pas à mon plus cruel ennemi la torture d'avoir des filles à marier.
    (Le Foyer Domestique, trad. Mlle. R. du Puget, p.244, Paris, 1862)
     
  10. Le monde entier s'ouvre au regard de l'homme, et des richesses infinies sont offertes à son âme, leur nombre dépasse de beaucoup, hélas! sa capacité.
    (Le Foyer Domestique, trad. Mlle. R. du Puget, p.253, Paris, 1862)
     
  11. Travailler pour ceux que l'on estime, que l'on aime profondément, c'est une joie.
    (Le Foyer Domestique, trad. Mlle. R. du Puget, p.240, Paris, 1862)
     
  12. Heureux celui dont l'extérieur est séduisant! on est bienveillant pour lui dès qu'il se montre, il lui est facile d'être aimable et aimé.
    (Le Foyer Domestique, trad. Mlle. R. du Puget, p.185, Paris, 1862)
     
  13. L'intérêt, le misérable égoïsme de l'homme, dans quel coin ne se sont-ils pas glissés? Comme le pauvre petit « moi » pénètre partout! Combien de pensées appelées bonnes sont entachées d'égoïsme !
    (Le Foyer Domestique, trad. Mlle. R. du Puget, p.236, Paris, 1862)
     
  14. Les personnes âgées qui ont amassé des souvenirs purs pour leur tenir compagnie durant le soir de la vie sont presque toujours plus heureuses que la jeunesse, dont le coeur bat avec inquiétude au moment de commencer le voyage de la vie.
    (Le Foyer Domestique, trad. Mlle. R. du Puget, p.179, Paris, 1862)
     
  15. On oppose l'une à l'autre la jeunesse et la vieillesse comme la figure de la partie légère et de la partie pesante de ce jour qu'on appelle la vie. Mais tous les moments du jour, comme tous les âges, n'ont-ils pas une jeunesse, des jouissances qui leur sont propres, pourvu que l'on sache rester dans leur esprit?
    (Le Foyer Domestique, trad. Mlle. R. du Puget, p.179, Paris, 1862)
     
  16. C'est la foi aveugle dans notre propre infaillibilité, c'est la manière dure, sentencieuse avec laquelle on reprend son prochain, qui irrite les esprits et rend la vérité stérile. Elle est par sa nature si pure, si belle, pourquoi la revêtir d'un costume qui la défigure?
    (Le Foyer Domestique, trad. Mlle. R. du Puget, p.176, Paris, 1862)
     
  17. Pourquoi suis-je une femme? Si j'étais homme, la vie et l'action me seraient faciles. Comme femme, je suis obligée de m'incliner pour conquérir la liberté. Misérable dépendance ! misérable condition de la femme !
    (Le Foyer Domestique, trad. Mlle. R. du Puget, p.153, Paris, 1862)
     
  18. « La vie! Qu'est-ce que vivre? Quand l'ouragan porté sur ses ailes puissantes et libres traverse l'espace, ses chants rencontrent de l'écho dans mon âme. Quand le tonnerre gronde, quand les éclairs brillent, je pressens la vie, la grandeur, la force. Mais cette vie domestique de tous les jours, qui se compose de petites vertus, de petits défauts, de petits chagrins, de petites joies, de petits efforts, - elle comprime, elle étouffe mon esprit.
    (Le Foyer Domestique, trad. Mlle. R. du Puget, p.152, Paris, 1862)
     
  19. Ce que le coeur des jeunes gens renferme de plus beau, un enthousiasme pur pour la vertu et la patrie, une volonté brûlante de vivre pour elles.
    (Le Foyer Domestique, trad. Mlle. R. du Puget, p.137, Paris, 1862)
     
  20. [Une grande simplicité, une humilité pure sont des] vertus dont rien ne surpasse le charme dans la vie privée. Quand on s'approche d'une personne de ce caractère, on croit passer de l'ardeur du soleil à une ombre rafraîchissante, un doux zéphyr glisse sur l'âme, et elle se calme, se repose.
    (Le Foyer Domestique, trad. Mlle. R. du Puget, p.149, Paris, 1862)
     
  21. La société donne-t-elle le moindre plaisir ? non. Qu'est-ce que la société, sinon un effort pour faire partie du monde et le trouver insoutenable, pour travailler à se faire inviter et se piquer, être de méchante humeur, si on ne vous invite pas? On se plaint d'un ennui fastidieux, et l'on finit par donner soi-même de la vérité à cette plainte. On invite chez soi une foule de gens que l'on souhaite à tous les diables, on se donne du mal uniquement pour s'appauvrir, gâter son humeur, altérer sa santé, en un mot, pour se faire une position complètement fausse sous le rapport du bonheur...
    (Le Foyer Domestique, trad. Mlle. R. du Puget, p.88, Paris, 1862)
     
  22. Les enfants ! quel univers de plaisirs et de déplaisirs ils apportent dans une maison ! Avec eux, tout n'est pas, en vérité, couleur de rose comme leurs joues.
    (Le Foyer Domestique, trad. Mlle. R. du Puget, p.97, Paris, 1862)
     
  23. Il faut toujours se proposer une idée, un but, même dans ses plaisirs.
    (Le Foyer Domestique, trad. Mlle. R. du Puget, p.23, Paris, 1862)
     
  24. Ordinairement Le mal fait du bruit, il retentit de tous côtés, les journaux en sont remplis, on en parle dans toutes les réunions. Le bien, au contraire, passe de préférence - comme la lumière du soleil - sans bruit sur le monde.
    (Le Foyer Domestique, trad. Mlle. R. du Puget, p.45, Paris, 1862)
     
  25. Les enfants ont une mémoire sans égale pour les promesses [...]
    (Le Foyer Domestique, trad. Mlle. R. du Puget, p.50, Paris, 1862)
     
  26. Comme tous les états de la vie, il a ses difficultés; mais je suis certain qu'on doit, qu'on peut les surmonter. Il faut pour cela que les époux apportent dans la communauté l'affection nécessaire. Alors, si le besoin, les chagrins, les instants de troubles, et même de troubles amers, se présentent, ils disparaîtront, et le lien de l'amour, de la fidélité se fortifiera malgré eux.
    (Le Foyer Domestique, trad. Mlle. R. du Puget, p.82, Paris, 1862)
     
  27. Nous ne redoutons pas la peine lorsque nous en espérons un grand bien.
    (Le Foyer Domestique, trad. Mlle. R. du Puget, p.2, Paris, 1862)
     
  28. Rien n'est plus impatientant que dé perdre du temps à attendre; rien n'est plus inutile, plus insupportable; et cependant, de tous les inconvénients, c'est le moins difficile à éviter quand on le veut sincèrement. En vérité, la vie est trop courte pour en perdre la moitié dans l'attente.
    (Le Foyer Domestique, trad. Mlle. R. du Puget, p.2, Paris, 1862)
     
  29. Hélas ! pourquoi la vie est-elle si courte quand il y a tant de choses à apprendre? Mais, c'est le fait de l'ignorance de représenter le temps de l'instruction comme limité.
    (Le Foyer Domestique, trad. Mlle. R. du Puget, p.402, Paris, 1862)
     
  30. S'il est un amour naturel et raisonnable, c'est celui de la patrie. N'ai-je pas obligation à ma patrie de ce que je suis? Ne sont-ce pas ses lois, ses institutions, sa vie intellectuelle, qui ont développé mon existence comme homme et comme citoyen? Ne sont-ce pas nos pères qui les ont formées, leur ont donné la vie, la force individuelle? En vérité, l'amour et la recon-naissance pour les parents ne sont pas un devoir plus impérieux que l'amour et la reconnaissance envers la patrie.
    (Le Foyer Domestique, trad. Mlle. R. du Puget, p.443, Paris, 1862)
     
  31. Pauvres humains ! que sont nos bonnes résolutions, quand nous n'avons pas de pouvoir sur nous?
    (Les Voisins, p.14, trad. Mlle. De Puget, Paris, 1853)
     
  32. Quelle multitude de souffrances leur [en parlant des animaux - GGJ] seraient épargnées si nous les traitions humainement dans les ressemblances qu'ils ont avec les hommes, si nous prenions pitié de leur faiblesse quand ils sont vieux, de leurs souffrances dans les maladies et dans la mort!
    (Les Voisins, p.32, trad. Mlle. De Puget, Paris, 1853)
     
  33. Une jeune femme - vous le reconnaîtrez un jour - ne peut être trop prudente dans sa conduite, afin de ne pas donner prise contre elle.
    (Les Voisins, p.37, trad. Mlle. De Puget, Paris, 1853)
     
  34. La paresse est l'oreiller du démon.
    (Les Voisins, p.97, trad. Mlle. De Puget, Paris, 1853)
     
  35. La raison est une bonne chose; mais elle ne suffit pas avec les enfants. Celui qui ne veut pas obéir à père et mère doit obéir au « tambour. »
    (Les Voisins, p.142, trad. Mlle. De Puget, Paris, 1853)
     
  36. C'est aux petites choses ; qu'il faut faire attention, car ce proverbe est vrai : « Une étincelle devient souvent un grand feu. »
    (Les Voisins, p.185, trad. Mlle. De Puget, Paris, 1853)
     
  37. Vous vous préparez, jeune fille de dix sept ans, à résister aux tempêtes de la vie; hélas! vous aurez probablement à lutter davantage contre son calme. Mais ne vous laissez pas abattre.
    (Les Voisins, p.280, trad. Mlle. De Puget, Paris, 1853)
     
  38. On trouve sur la terre une riche moisson d'amour, mais rarement sous la forme présentée par le roman. Le roman distille la vie; de dix années il fait un jour, il tire une goutte d'esprit de cent grains de blé. C'est son occupation. La réalité procède autrement. Les grands événements, les scènes d'amour violentes sont rares. Ce n'est pas la règle, mais l'exception dans la vie journalière. C'est pourquoi, bonne jeune fille, ne reste pas là à les attendre; tu pourrais t'ennuyer. Ne cherche pas autour de toi la richesse de la vie ; crée-la dans ton propre coeur. Aime ! aime le ciel, la nature, la sagesse, tout ce qu'il y a de bon autour de loi, et la vie sera riche; son navire aérien sera rempli de frais zéphyrs, et s'élèvera ainsi peu à peu vers la demeure de la lumière et de l'amour.Ne cherche pas autour de toi la richesse de la vie ; crée-la dans ton propre coeur. Aime ! aime le ciel, la nature, la sagesse, tout ce qu'il y a de bon autour de loi, et la vie sera riche; son navire aérien sera rempli de frais zéphyrs, et s'élèvera ainsi peu à peu vers la demeure de la lumière et de l'amour.
    (Les Voisins, p.281, trad. Mlle. De Puget, Paris, 1853)
     
  39. La vieillesse a aussi des tentations à combattre, et peut-être d'une nature plus fâcheuse que celles de la jeunesse. Le sang en vieillissant devient si lent! les sentiments s'engourdissent et le refroidissement du coeur veut pénétrer dans l'âme. On sent combien les soins sont nécessaires, on devient exigeant. On a une foule de petits maux, et l'on oublie pour eux de prendre part aux souffrances et aux plaisirs des autres.
    (Les Voisins, p.401, trad. Mlle. De Puget, Paris, 1853)