José Saramago
1922-2010
  1. [...] ce n'est pas à l'écorce qu'on connaît le fruit mais en y plantant les dents.
    (Le Dieu manchot, trad. Geneviève Leibrich, p.32, Éd. Point P174)
     
  2. Peu manger purifie les humeurs, souffrir un peu nettoie les coutures de l'âme.
    (Le Dieu manchot, trad. Geneviève Leibrich, p.38, Éd. Point P174)
     
  3. [...] ce devrait être un droit de l'homme que de choisir son propre nom et de le changer cent fois le jour, un nom cela n'est rien [...]
    (Le Dieu manchot, trad. Geneviève Leibrich, p.65, Éd. Point P174)
     
  4. [...] je suis le seul à dire que Dieu n'a pas de main gauche, puisque c'est à sa droite, à sa main droite que s'asseyent les élus, jamais on ne parle de la main gauche de Dieu, ni les Saintes Écritures, ni les docteurs de l'Église n'en font état, personne ne s'assied à la gauche de Dieu, c'est le vide, le néant, l'absence, d'où il résulte que Dieu est manchot.
    (Le Dieu manchot, trad. Geneviève Leibrich, p.82, Éd. Point P174)
     
  5. [...] il est impossible d'être tout et encore plus de n'être rien. Car en définitive nous pouvons échapper à tout, sauf à nous-mêmes.
    (Le Dieu manchot, trad. Geneviève Leibrich, p.84, Éd. Point P174)
     
  6. [...] qui vole haut, à tomber de haut se condamne [...]
    (Le Dieu manchot, trad. Geneviève Leibrich, p.122, Éd. Point P174)
     
  7. [...] l'on ment parfois pour sauvegarder des vérités plus hautes.
    (Le Dieu manchot, trad. Geneviève Leibrich, p.126, Éd. Point P174)
     
  8. [...] ils se regardèrent, ce fut tout, se regarder était leur maison à eux.
    (Le Dieu manchot, trad. Geneviève Leibrich, p.133, Éd. Point P174)
     
  9. Mauvais, les hommes le sont tous, la différence réside seulement dans la manière de l'être [...]
    (Le Dieu manchot, trad. Geneviève Leibrich, p.138, Éd. Point P174)
     
  10. Outre la conversation des femmes, ce sont les rêves qui maintiennent le monde sur son orbite.
    (Le Dieu manchot, trad. Geneviève Leibrich, p.141, Éd. Point P174)
     
  11. [...] il n'y a guère de différence entre une centaine d'hommes et une centaine de fourmis, l'on transporte une charge d'ici à là parce que les forces manquent pour aller plus loin, arrive un autre homme qui transporte la charge jusqu'à la prochaine fourmi, jusqu'à ce que, comme toujours, tout finisse dans un trou, pour les fourmis lieu de vie, pour les humains lieu de mort, comme on le voit, il n'y a aucune différence.
    (Le Dieu manchot, trad. Geneviève Leibrich, p.144, Éd. Point P174)
     
  12. Le roman se passe au XVIIIe siècle. [-GGJ]
    [...] encore qu'il ne soit pas difficile de deviner ce que feraient ces trois personnages s'ils arrivaient en vue de la machine [volante], le gentilhomme décréterait que ce sont là travaux mécaniques, le chapelain conjurerait l'oeuvre diabolique ainsi mise en évidence et, face à cette créature du futur, l'académicien se retirerait pour ne revenir que lorsqu'elle serait devenue création du passé.

    (Le Dieu manchot, trad. Geneviève Leibrich, p.189, Éd. Point P174)
     
  13. [...] un défaut commun aux hommes les amène à dire volontiers ce qu'ils pensent qu'autrui souhaite entendre au lieu de s'en tenir à la vérité.
    (Le Dieu manchot, trad. Geneviève Leibrich, p.192, Éd. Point P174)
     
  14. Après la musique et après le sermon il reste le silence, peu importe que le sermon soit loué et la musique applaudie, seul le silence existe véritablement.
    (Le Dieu manchot, trad. Geneviève Leibrich, p.193, Éd. Point P174)
     
  15. Un rien suffit à défaire les réputations, un presque rien les fait et les refait, simplement il faut trouver le chemin le plus sûr vers la crédulité ou vers l'intérêt de ceux qui seront échos innocents ou complices.
    (Le Dieu manchot, trad. Geneviève Leibrich, p.216, Éd. Point P174)
     
  16. [...] peut-être les larmes ne sont-elles que l'adoucissement d'une offense.
    (Le Dieu manchot, trad. Geneviève Leibrich, p.219, Éd. Point P174)
     
  17. [...] rien qui conserve la jeunesse comme de garder un secret.
    (Le Dieu manchot, trad. Geneviève Leibrich, p.316, Éd. Point P174)
     
  18. Écoute-moi bien, ma fille, les hommes sont toujours des brutes la première nuit, les autres nuits aussi d'ailleurs, mais celle-là est la pire, ils jurent leurs grands dieux qu'ils seront pleins de ménagements, que cela ne fera pas le moindre mal, mais ensuite, Dieu du ciel, je ne sais ce qui leur passe par la tête, ils se mettent à grogner comme des dogues, le Seigneur prenne pitié de nous, pauvres de nous qui n'avons d'autre remède que de supporter leurs assauts jusqu'à ce qu'ils parviennent à leurs fins, mais nous ne devons pas nous moquer d'eux, il n'y a rien qui les offense davantage, le mieux est de feindre que nous ne nous apercevons de rien, car si cela ne se produit pas la première nuit, cela se produira la deuxième, ou la troisième, personne n'échappe à la souffrance [...]
    (Le Dieu manchot, trad. Geneviève Leibrich, p.362, Éd. Point P174)
     
  19. [...] plus longtemps tu vivras mieux tu verras que le monde est comme une grande ombre qui se glisse dans notre coeur, ce qui explique que le monde devienne vide et que le coeur ne résiste pas.
    (Le Dieu manchot, trad. Geneviève Leibrich, p.370, Éd. Point P174)
     
  20. Chaque chose au monde porte en elle sa réponse, ce qui prend du temps ce sont les questions.
    (Le Dieu manchot, trad. Geneviève Leibrich, p.389, Éd. Point P174)
     
  21. [...] la plus grande sagesse de l'homme c'est encore de savoir se contenter de ce que l'on a en attendant qu'on invente mieux [...]
    (Le Dieu manchot, trad. Geneviève Leibrich, p.414, Éd. Point P174)
     
  22. On rencontre partout des gens comme ce monsieur José, ils occupent leur temps, ou celui qu'ils croient que la vie leur laisse, à collectionner des timbres, des monnaies, des médailles, des potiches, des cartes postales, des boîtes d'allumettes, des livres, des montres, des chandails de sport, des autographes, des pierres, des personnages en terre cuite, des cannettes vides de boissons rafraîchissantes, des petits anges, des cactus, des programmes d'opéra, des briquets, des stylos, des hiboux, des boîtes à musique, des bouteilles, des bonsaïs, des tableaux, des gobelets, des obélisques en cristal, des canards en porcelaine, des jouets anciens, des masques de carvanal, poussés probablement par quelque chose que nous pourrions appeler angoisse métaphysique, peut-être parce qu'ils n'acceptent pas l'idée que le chaos soit le seul arbitre de l'univers, et donc avec leurs faibles forces et sans aide divine, ils tentent d'introduire un peu d'ordre dans le monde, ils y réussissent pendant un certain temps, mais seulement aussi longtemps qu'ils parviennent à défendre leur collection car quand vient le jour de la disperser et ce jour arrive inéluctablement, à cause de la mort ou de la lassitude du collectionneur, tout retourne au chaos originel, tout replonge dans le désordre.
    (Tous les noms, trad. Geneviève Leibrich, p.21, Points/Seuil n°P826)
     
  23. Seuls les dieux morts sont dieux à tout jamais.
    (Tous les noms, trad. Geneviève Leibrich, p.24, Points/Seuil n°P826)
     
  24. Pour annoncer le commencement de quelque chose, on parle toujours du premier jour, alors que c'est la première nuit qui devrait compter, c'est elle qui est la condition du jour, le jour serait éternel s'il n'y avait pas la nuit.
    (Tous les noms, trad. Geneviève Leibrich, p.26, Points/Seuil n°P826)
     
  25. Le hasard ne choisit pas, il propose [...].
    (Tous les noms, trad. Geneviève Leibrich, p.47, Points/Seuil n°P826)
     
  26. [...] c'est la quête qui donne son vrai sens à la rencontre et [...] il faut beaucoup marcher pour atteindre ce qui est tout près.
    (Tous les noms, trad. Geneviève Leibrich, p.68, Points/Seuil n°P826)
     
  27. [...] les vies sont comme les tableaux, il faut toujours les regarder à quatre pas de distance, même si on arrive un jour à en toucher la peau, à en humer le parfum, à en goûter la saveur.
    (Tous les noms, trad. Geneviève Leibrich, p.73, Points/Seuil n°P826)
     
  28. [Il] aime être au courant de tout, c'est sa façon de faire semblant de ne donner d'importance à rien.
    (Tous les noms, trad. Geneviève Leibrich, p.128, Points/Seuil n°P826)
     
  29. [...] le sens de chaque mot ressemble à une étoile qui projette des marées vives dans tout l'espace, des vents cosmiques, des perturbations magnétiques, des malheurs.
    (Tous les noms, trad. Geneviève Leibrich, p.131, Points/Seuil n°P826)
     
  30. [...] il est des poisons si lents qu'ils ne produisent un effet que lorsqu'on en a oublié l'origine.
    (Tous les noms, trad. Geneviève Leibrich, p.239, Points/Seuil n°P826)
     
  31. C'est ma faute, pleurait-elle, et c'était la vérité, impossible de le nier, mais il était vrai aussi, si cela pouvait lui servir de consolation, que si avant chaque acte nous nous mettions à y réfléchir sérieusement, à en prévoir toutes les conséquences, d'abord les conséquences immédiates, puis les conséquences probables, puis les conséquences éventuelles, puis les conséquences imaginables, nous n'arriverions jamais à bouger de l'endroit où la première pensée nous aurait cloués sur place. Les bons et les mauvais résultats de nos paroles et de nos oeuvres se répartissent, sans doute de façon relativement uniforme et équilibrée, tout au long des jours futurs, y compris les plus lointains où nous ne serons plus là pour pouvoir le vérifier, pour nous féliciter ou nous excuser, d'ailleurs d'aucuns prétendent que c'est précisément ça l'immortalité dont on parle tant, [...]
    (L'aveuglement, trad. Geneviève Leibrich, p.96, Points/Seuil n°P722)
     
  32. [...] un labyrinthe rationnel comme l'est par définition un hospice de fous [...]
    (L'aveuglement, trad. Geneviève Leibrich, p.245, Points/Seuil n°P722)
     
  33. [...] en définitive ce qui est clair c'est que toutes les vies s'achèvent prématurément.
    (L'aveuglement, trad. Geneviève Leibrich, p.246, Points/Seuil n°P722)
     
  34. [...] c'est comme tout dans la vie, donnez du temps au temps et il se charge de résoudre les problèmes.
    (L'aveuglement, trad. Geneviève Leibrich, p.270, Points/Seuil n°P722)
     
  35. Ils vont comme des fantômes, être un fantôme ça doit être ça, avoir la certitude que la vie existe, car vos quatre sens vous le disent, et ne pas pouvoir la voir, [...]
    (L'aveuglement, trad. Geneviève Leibrich, p.271, Points/Seuil n°P722)
     
  36. [...] les réponses ne viennent pas toujours quand elles le devraient, et il arrive même souvent que la seule réponse possible soit de rester simplement à les attendre.
    (L'aveuglement, trad. Geneviève Leibrich, p.292, Points/Seuil n°P722)
     
  37. Il y a en chacun de nous une chose qui n'a pas de nom, et cette chose est ce que nous sommes.
    (L'aveuglement, trad. Geneviève Leibrich, p.309, Points/Seuil n°P722)
     
  38. [...] mais c'est ainsi que le destin en use d'habitude avec nous, il est sur nos talons et déjà il tend la main pour nous toucher l'épaule, alors que nous sommes sur le point de marmonner, Tout est fini, il n'y a plus rien à faire, c'est toujours pareil.
    (Le conte de l'Île Inconnue, trad. Geneviève Leibrich, p.23, Seuil, 2001)
     
  39. Aimer est probablement la meilleure façon d'avoir, avoir est sûrement la pire façon d'aimer.
    (Le conte de l'Île Inconnue, trad. Geneviève Leibrich, p.31, Seuil, 2001)
     
  40. [...] je veux trouver l'île inconnue, je veux savoir qui je suis quand j'y aborderai [...]
    (Le conte de l'Île Inconnue, trad. Geneviève Leibrich, p.40, Seuil, 2001)
     
  41. [...] tu travailles, travailles et travailles et un jour tu sors de ton rêve ou de ton cauchemar et on t'annonce que ce que tu as fait n'a servi à rien.
    (La caverne, trad. Geneviève Leibrich, p.43, Seuil, 2002)
     
  42. Autoritaires, paralysantes, circulaires, parfois elliptiques, les phrases à effet, appelées aussi dans un esprit facétieux pépites d'or, sont un des fléaux les plus pernicieux qui aient ravagé le monde. Nous disons aux irréfléchis, Connais-toi toi-même, comme si se connaître n'était pas la cinquième opération de l'arithmétique humaine et la plus ardue, nous disons aux abouliques, Vouloir c'est pouvoir, comme si les réalités bestiales du monde ne s'amusaient pas à intervertir la position relative de ces verbes, nous disons aux indécis, Il faut commencer par le commencement, comme si ce commencement était l'extrémité toujours visible d'un fil mal enroulé, qu'il suffirait de tirer et de continuer à tirer jusqu'à parvenir à l'autre extrémité, celle de la fin, et comme si, entre la première et la seconde, nous avions eu entre les mains un fil lisse et continu le long duquel il n'avait pas été nécessaire de défaire les noeuds ni de débrouiller les étranglements [...]
    (La caverne, trad. Geneviève Leibrich, p.71, Seuil, 2002)
     
  43. Les encyclopédies sont comme des cycloramas immuables, de prodigieux appareils de projection dont les bobines se sont bloquées et qui montrent avec une sorte de fixité maniaque un paysage condamné à être pour toute l'éternité ce qu'il fut et qui devient en même temps plus vieux, plus suranné et plus inutile.
    (La caverne, trad. Geneviève Leibrich, p.74, Seuil, 2002)
     
  44. La veille est ce que nous apportons à chaque jour que nous vivons, la vie consiste à charrier des veilles comme on charrie des pierres, quand on n'est plus capable de les charrier, le charroi s'arrête et le dernier jour est le seul qu'on ne puisse qualifier de veille.
    (La caverne, trad. Geneviève Leibrich, p.76, Seuil, 2002)
     
  45. La même façon ne sert pas à tout le monde, chacun invente sa propre façon, certains passent toute leur vie à lire sans jamais réussir à dépasser le stade de la lecture, ils restent collés à la page, ils ne comprennent pas que les mots sont comme des pierres placées en travers d'une rivière pour en faciliter la traversée, elles sont là pour que nous puissions parvenir sur l'autre rive, c'est l'autre rive qui importe, Sauf si, Sauf si quoi, Sauf si ces fameuses rivières ont plus de deux rives, sauf si chaque personne qui lit est elle-même sa propre rive et si la rive qu'elle doit atteindre lui appartient en propre.
    (La caverne, trad. Geneviève Leibrich, p.77, Seuil, 2002)
     
  46. [...] il faut comprendre que dans les circumnavigations de la vie ce qui est brise plaisante pour les uns peut être tempête fatale pour les autres, tout dépend du tirant d'eau de l'embarcation et de l'état des voiles.
    (La caverne, trad. Geneviève Leibrich, p.14, Seuil, 2002)
     
  47. [...] nous ne devrions jamais nous sentir sûrs de ce que nous croyons être car en cet instant nous pourrions très bien être déjà quelque chose de différent.
    (La caverne, trad. Geneviève Leibrich, p.120, Seuil, 2002)
     
  48. Ce qui est mauvais ce n'est pas de caresser une illusion c'est de se faire des illusions.
    (La caverne, trad. Geneviève Leibrich, p.150, Seuil, 2002)
     
  49. [...] on dit que chaque personne est une île, ce n'est pas vrai, chaque personne est un silence, oui, chacune avec son silence, chacune avec le silence qu'elle est.
    (La caverne, trad. Geneviève Leibrich, p.188, Seuil, 2002)
     
  50. [...] le mot boue. Maints dieux parmi les plus connus ne voulurent pas d'autre matériau pour leur création, mais on peut se demander si cette prédilection représente aujourd'hui pour la boue un point positif ou négatif.
    (La caverne, trad. Geneviève Leibrich, p.212, Seuil, 2002)
     
  51. [...] incohérence et contradiction ne sont pas synonymes. C'est à l'intérieur de sa propre cohérence qu'une personne ou un personnage se contredit, tandis que l'incohérence, qui, bien plus que la contradiction, est une constante du comportement, refoule la contradiction, l'élimine, se refuse à faire bon ménage avec elle. De ce point de vue et au risque de tomber dans les rets paralysants du paradoxe, il ne faudra pas exclure l'hypothèse que la contradiction soit précisément et finalement un des contraires les plus cohérents de l'incohérence.
    (La caverne, trad. Geneviève Leibrich, p.215, Seuil, 2002)
     
  52. On s'habitue, Oui, nous entendons souvent dire ou nous disons nous-mêmes, On s'habitue, nous le disons ou on nous le dit avec une sérénité qui paraît authentique car réellement il n'y a pas, ou alors on ne l'a pas encore découverte, d'autre façon de montrer dignement sa résignation, et ce que personne ne demande c'est à quel prix on s'habitue.
    (La caverne, trad. Geneviève Leibrich, p.245, Seuil, 2002)
     
  53. Certains sons inarticulés qui nous sortent parfois involontairement de la bouche ne sont en vérité que les gémissements irrépressibles d'une douleur ancienne qui se rappelle soudain à nous, à l'instar d'une cicatrice.
    (L'autre comme moi, trad. Geneviève Leibrich , p.12, Seuil, 2005)
     
  54. [...] la manie qu'ont certaines personnes de donner des conseils sans qu'on leur en demande.
    (L'autre comme moi, trad. Geneviève Leibrich , p.13, Seuil, 2005)
     
  55. [Au cinéma] ces fameux effets spéciaux sont les pires ennemis de l'imagination, cette habileté mystérieuse, énigmatique que les êtres humains ont eu tant de mal à inventer.
    (L'autre comme moi, trad. Geneviève Leibrich , p.15, Seuil, 2005)
     
  56. Les gens équilibrés sont ainsi, ils ont l'habitude de tout simplifier et après, mais toujours trop tard, on les voit s'étonner de l'inépuisable diversité de la vie [...]
    (L'autre comme moi, trad. Geneviève Leibrich , p.24, Seuil, 2005)
     
  57. Les meilleures inventions, on ne saurait trop insister, sont celles de l'homme qui ne sait pas qu'il invente.
    (L'autre comme moi, trad. Geneviève Leibrich , p.36, Seuil, 2005)
     
  58. [...] être d'accord ne signifie pas toujours partager une raison, ce qui se passe habituellement c'est que les gens se regroupent à l'ombre d'une opinion, comme ils le feraient sous un parapluie.
    (L'autre comme moi, trad. Geneviève Leibrich , p.55, Seuil, 2005)
     
  59. Ce qu'une certaine littérature paresseuse qualifia longtemps de silence éloquent n'existe pas, les silences éloquents sont simplement les paroles qui nous sont restées dans la gorge, les paroles étouffées qui n'ont pas pu échapper à un resserrement de la glotte.
    (L'autre comme moi, trad. Geneviève Leibrich , p.63, Seuil, 2005)
     
  60. [...] le savoir est vraiment une belle chose, Cela dépend ce que l'on sait, Cela doit déprendre aussi de qui sait, j'imagine [...]
    (L'autre comme moi, trad. Geneviève Leibrich , p.68, Seuil, 2005)
     
  61. Ce que vous venez de dire est admirable, je crois que votre éloquence convaincrait même le ministre, J'en doute, monsieur le directeur, les ministres sont là pour nous convaincre nous, [...]
    (L'autre comme moi, trad. Geneviève Leibrich , p.73, Seuil, 2005)
     
  62. Lire est probablement aussi une façon d'être présent sur les lieux.
    (L'autre comme moi, trad. Geneviève Leibrich , p.74, Seuil, 2005)
     
  63. Étrange relation que celle que nous entretenons avec les mots. Nous en apprenons quelques-uns quand nous sommes petits, tout au long de notre existence nous en recueillons d'autres qui viennent jusqu'à nous par le biais de l'instruction, de la conversation, de la fréquentation des livres et pourtant, en comparaison, il y en a fort peu dont la signification, les acceptions et les sens ne suscitent aucun doute dans notre esprit si un jour nous nous posions sérieusement la question. C'est ainsi que nous affirmons et que nous nions, c'est ainsi que nous convainquons et que nous sommes convaincus, c'est ainsi que nous argumentons, déduisons et concluons, discourant imperturbablement en nous en tenant à la surface de concepts sur lesquels nous n'avons que des idées très floues, et malgré la fausse assurance que nous feignons d'avoir en avançant à tâtons au milieu du brouillard verbal, nous finissons parfois même par nous rencontrer.
    (L'autre comme moi, trad. Geneviève Leibrich , p.79, Seuil, 2005)
     
  64. Le chaos est un ordre à déchiffrer. [Note: Cette phrase est aussi posée en épigraphe du livre - GGJ]
    (L'autre comme moi, trad. Geneviève Leibrich , p.92, Seuil, 2005)
     
  65. [...] ce n'est qu'après avoir eu les idées qui les ont rendus intelligents que nos ancêtres ont commencé à être suffisamment intelligents pour avoir des idées.
    (L'autre comme moi, trad. Geneviève Leibrich , p.93, Seuil, 2005)
     
  66. [...] je pense qu'en matière de subtilités et de nuances, la Littérature est presque comme la Mathématique.
    (L'autre comme moi, trad. Geneviève Leibrich , p.131, Seuil, 2005)
     
  67. Apparemment, pour être qui tu es, la seule possibilité qui te reste c'est d'avoir l'air d'un autre.
    (L'autre comme moi, trad. Geneviève Leibrich , p.140, Seuil, 2005)
     
  68. Donner du temps au temps a toujours été le meilleur remède pour tout depuis que le monde est monde.
    (L'autre comme moi, trad. Geneviève Leibrich , p.155, Seuil, 2005)
     
  69. [...] le pire de tous les murs est une porte dont on n'a pas la clé [...].
    (L'autre comme moi, trad. Geneviève Leibrich , p.179, Seuil, 2005)
     
  70. Les mots sont diaboliques, on croit ne laisser sortir de sa bouche que ceux qui nous conviennent et soudain il y en a qui se met en travers du chemin, on n'a pas vu d'où il a surgi, on ne l'a pas convoqué et à cause de lui, très souvent on ne s'en souvient même plus, le cours de la conversation change brusquement de quadrant, on se met à affirmer ce qu'on niait avant ou inversement [...]
    (L'autre comme moi, trad. Geneviève Leibrich , p.187, Seuil, 2005)
     
  71. [...] seul un sens commun avec une imagination de poète aurait pu inventer la roue.
    (L'autre comme moi, trad. Geneviève Leibrich , p.200, Seuil, 2005)
     
  72. [...] il est impossible de ne pas avoir d'ennemis, que les ennemis ne naissent pas de notre volonté d'en avoir, mais du désir irrésistible qu'eux éprouvent de nous avoir.
    (L'autre comme moi, trad. Geneviève Leibrich , p.203, Seuil, 2005)
     
  73. [...] il est des moments dans la vie où le besoin impérieux de s'arracher au marasme de l'indécision, de faire quelque chose, n'importe quoi, même d'inutile, même de superflu, est le dernier signe de la capacité volitive qui nous reste encore [...]
    (L'autre comme moi, trad. Geneviève Leibrich , p.209, Seuil, 2005)
     
  74. L'âme humaine est une boîte d'où peut toujours sortir un clown grimaçant qui nous tire la langue, mais parfois ce même clown se borne à nous regarder par-dessus le bord de la boîte et s'il voit que nous agissons selon ce qui est juste et honnête, il nous adresse un signe d'approbabion avec la tête et il disparaît en se disant que nous ne sommes pas un cas entièrement désespéré.
    (L'autre comme moi, trad. Geneviève Leibrich , p.262, Seuil, 2005)
     
  75. L'on dit souvent, Donnons du temps au temps, mais on oublie toujours de demander, Y a-t-il du temps à donner.
    (L'autre comme moi, trad. Geneviève Leibrich , p.263, Seuil, 2005)
     
  76. On dit que celui qui se hait lui-même hait l'autre, mais la pire de toutes les haines doit être celle qui incite à ne pas supporter l'égalité de l'autre et encore moins si cette égalité est absolue.
    (L'autre comme moi, trad. Geneviève Leibrich , p.266, Seuil, 2005)
     
  77. [...] il fuit la difficulté en invitant ses subordonnées à s'exprimer, ce qui est, comme nous le savons aussi, une autre manière, plus moderne, d'être chef.
    (La Lucidité, trad. Geneviève Leibrich , p.20, Éd. du Seuil, 2006)
     
  78. C'est cela qui est sympathique dans les mots simples, ils sont incapables de tromper.
    (La Lucidité, trad. Geneviève Leibrich , p.41, Éd. du Seuil, 2006)
     
  79. Habitués à la rhétorique du premier ministre, du genre trois pas en avant, deux en arrière, ou comme on dit plus populairement, grand praticien du surplace, les ministres attendaient patiemment le dernier, l'ultime mot, celui de la fin qui renfermerait la clé de tout.
    (La Lucidité, trad. Geneviève Leibrich , p.73, Éd. du Seuil, 2006)
     
  80. Le diable a l'ouïe si fine qu'il n'a pas besoin qu'on lui dise les choses à haute voix.
    (La Lucidité, trad. Geneviève Leibrich , p.122, Éd. du Seuil, 2006)
     
  81. À demain. Nous passons tous les jours de notre vie à prendre congé, à dire et à entendre dire à demain, et fatalement, un jour ou l'autre sera le dernier pour quelqu'un, soit celui à qui nous avons dit à demain ne sera plus là, soit nous qui avons dit à demain ne serons plus là.
    (La Lucidité, trad. Geneviève Leibrich , p.128, Éd. du Seuil, 2006)
     
  82. L'étude du mauvais goût, monsieur le premier ministre, devrait être un des chapitres les plus étoffés et les plus succulents de l'histoire des cultures.
    (La Lucidité, trad. Geneviève Leibrich , p.187, Éd. du Seuil, 2006)
     
  83. [...] la différence la plus juste que nous pourrions établir entre les gens ne serait pas de les diviser entre malins et stupides, mais entre malins et trop malins, nous faisons ce que nous voulons des gens stupides, la solution avec les gens malins consiste à les enrôler à notre service, mais les gens trop malins, même quand ils sont de notre bord, sont intrinsèquement dangereux [...]
    (La Lucidité, trad. Geneviève Leibrich , p.207, Éd. du Seuil, 2006)
     
  84. [...] la preuve qu'il existe une conspiration c'est précisément que personne n'en parle, le silence en l'occurrence ne nie pas l'existence d'un complot, il la confirme.
    (La Lucidité, trad. Geneviève Leibrich , p.240, Éd. du Seuil, 2006)
     
  85. Il n'y a pas de personnes innocentes, quand on n'est pas coupable d'un crime on est immanquablement coupable d'une faute.
    (La Lucidité, trad. Geneviève Leibrich , p.248, Éd. du Seuil, 2006)
     
  86. Les langues sont conservatrices, elles se baladent toujours avec leurs archives sur le dos et elles ont horreur des mises à jour.
    (La Lucidité, trad. Geneviève Leibrich , p.281, Éd. du Seuil, 2006)
     
  87. [...] les demi-mots existent pour dire ce que les mots entiers ne peuvent pas dire.
    (La Lucidité, trad. Geneviève Leibrich , p.297, Éd. du Seuil, 2006)
     
  88. [...] ceux qui gouvernent non seulement ne s'arrêtent pas devant ce que nous appelons des absurdités, mais encore qu'ils s'en servent pour assoupir les consciences et annihiler la raison.
    (La Lucidité, trad. Geneviève Leibrich , p.313, Éd. du Seuil, 2006)
     
  89. [...] peut-être le monde serait-il un peu plus vivable si nous savions comment réunir des mots qui errent de-ci de-là.
    (La Lucidité, trad. Geneviève Leibrich , p.314, Éd. du Seuil, 2006)
     
  90. Comme c'est toujours le cas et comme ce sera toujours le cas, la question centrale de toute organisation sociale humaine, dont découlent toutes les autres et à laquelle toutes finissent par concourir, est la question du pouvoir, et le problème théorique et pratique qui se pose à nous consiste à identifier qui le détient, à vérifier comment il y est arrivé, à contrôler l'usage qu'il en fait, les moyens dont il se sert et les fins qu'il vise.
    (Le Cahier, trad. Marie Hautbergue, p.41, le Cherche Midi, 2010)
     
  91. Il est temps [que l'impatience] soit remarquée dans le monde pour qu'apprennent quelque chose ceux qui préfèrent que nous nous nourrissions d'espérance. Ou d'utopies.
    (Le Cahier, trad. Marie Hautbergue, p.46, le Cherche Midi, 2010)
     
  92. En vérité, le seul vrai péché mortel est l'hypocrisie.
    (Le Cahier, trad. Marie Hautbergue, p.59, le Cherche Midi, 2010)
     
  93. [...] Dieu est le silence de l'univers et l'homme le cri qui donne du sens à ce silence.
    (Le Cahier, trad. Marie Hautbergue, p.59, le Cherche Midi, 2010)
     
  94. Permettez-nous donc de redire que Dieu, depuis toujours un problème, est, maintenant, le problème.
    (Le Cahier, trad. Marie Hautbergue, p.76, le Cherche Midi, 2010)
     
  95. « Et je demande aux économistes politiques, aux moralistes, s'ils ont déjà calculé le nombre d'individus qu'il faut forcément condamner à la misère, au travail disproportionné, à la démoralisation, à l'enfance, à l'ignorance crapuleuse, au malheur insurmontable, à la pénurie absolue, pour produire un riche ? » Almeida Garrett (1799-1854)
    (Le Cahier, trad. Marie Hautbergue, p.103, le Cherche Midi, 2010)
     
  96. Parce que, qu'on le veuille ou non, s'il est vrai que l'habit ne fait pas le moine, l'uniforme, lui, fait toujours le général.
    (Le Cahier, trad. Marie Hautbergue, p.108, le Cherche Midi, 2010)
     
  97. Si on me demande de classer par ordre de priorité la charité, la justice et la bonté, je donnerais la première place à la bonté, la deuxième à la justice et la troisième à la charité. Parce que la bonté, à elle seule, dispense déjà la justice et la charité, parce que la justice juste contient en soi déjà une charité suffisante. La charité est ce qui reste quand il n'y a ni bonté ni justice.
    (Le Cahier, trad. Marie Hautbergue, p.112, le Cherche Midi, 2010) ?
     
  98. [...] l'auteur de Fictions, que je continue à considérer comme l'inventeur de la littérature virtuelle, cette littérature à lui qui semble s'être dégagée de la réalité pour mieux en révéler les invisibles mystères.
    (Le Cahier, trad. Marie Hautbergue, p.148, le Cherche Midi, 2010)
     
  99. Si le ridicule tuait, il ne resterait plus un seul homme politique ou un seul soldat israélien debout, ces spécialistes en cruauté, ces docteurs en mépris qui regardent le monde du haut de l'insolence qui est la base de leur éducation. Nous comprenons mieux le Dieu biblique quand nous connaissons ceux qui le suivent. Jéhovah, ou Yahvé, ou quel que soit le nom qu'on lui donne, est un Dieu rancunier et féroce que les Israéliens gardent en permanence actualisé.
    (Le Cahier, trad. Marie Hautbergue, p.154, le Cherche Midi, 2010)
     
  100. J'ai l'habitude de dire que celui qui n'a pas la patience de lire mes livres devrait survoler au moins les épigraphes parce que par elles il saura tout.
    (Le Cahier, trad. Marie Hautbergue, p.160, le Cherche Midi, 2010)
     
  101. [...] la planète serait bien plus pacifique si nous étions tous athées. La nature humaine étant ce qu'elle est, il est clair que d'autres prétextes ne manqueraient pas à toutes les bisbilles possibles et imaginables, mais nous serions libérés de cette idée infantile et ridicule de croire que notre Dieu est le meilleur de tous les dieux qu'on trouve par ici et que le paradis qui nous attend est un hôtel cinq étoiles. Plus encore, je crois que nous réinventerions la philosophie.
    (Le Cahier, trad. Marie Hautbergue, p.205, le Cherche Midi, 2010)
     
  102. [...] Être informé sera toujours préférable à ignorer, surtout dans des domaines aussi délicats que le bien et le mal, où n'importe qui risque, à son insu, une condamnation éternelle à un enfer qui restait encore à inventer.
    (Caïn, trad. Geneviève Leibrich, p.14, Seuil, 2011)
     
  103. Ces paroles [«vos desseins sont impénétrables»] n'ont été prononcées par aucun dieu de ma connaissance, il ne nous viendrait jamais à l'esprit de dire que nos desseins sont impénétrables, c'est une formule qui a été inventée par des hommes qui prétendent être à tu et à toi avec la divinité.
    (Caïn, trad. Geneviève Leibrich, p.36, Seuil, 2011)
     
  104. [...] Douter est le privilège de celui qui a vécu longtemps.
    (Caïn, trad. Geneviève Leibrich, p.46, Seuil, 2011)
     
  105. [...] Nous sommes des muletiers et nous avançons sur la route. Tous autant que nous sommes, savants comme ignorants.
    (Caïn, trad. Geneviève Leibrich, p.47, Seuil, 2011)
     
  106. [...] Le temps, ce grand égalisateur [...]
    (Caïn, trad. Geneviève Leibrich, p.71, Seuil, 2011)
     
  107. [...] Jamais n'est pas le contraire de tard, le contraire de tard c'est trop tard.
    (Caïn, trad. Geneviève Leibrich, p.81, Seuil, 2011)
     
  108. [...] Je ne comprends pas comment tous les peuples du monde seront bénis simplement parce que abraham a obéi à un ordre stupide.
    (Caïn, trad. Geneviève Leibrich, p.82, Seuil, 2011)
     
  109. [...] La jalousie est [au seigneur] son grand défaut, au lieu d'être fier de ses enfants, il a préféré donner voix à l'envie, et il est clair que le seigneur ne supporte pas de voir les gens heureux [...]
    (Caïn, trad. Geneviève Leibrich, p.87, Seuil, 2011)
     
  110. L'histoire des hommes est l'histoire de leurs mésententes avec dieu, il ne nous comprend pas et nous ne le comprenons pas.
    (Caïn, trad. Geneviève Leibrich, p.88, Seuil, 2011)
     
  111. [...] D'où provient l'idée extravagante que dieu, du seul fait qu'il est dieu, doive régenter la vie intime de ses fidèles en établissant des règles, des prohibitions, des interdits et autres fariboles du même tonneau. [...]
    (Caïn, trad. Geneviève Leibrich, p.157, Seuil, 2011)