Jean-Marie Frey
1961
  1. [...] pour comprendre une théorie, il faut percevoir l'adversaire qu'elle se donne.
    (L'obéissance à la loi qu'on s'est prescrite est liberté (Rousseau), p.14, Pleins Feux (coll. Variations), 2001)
     
  2. Apprendre la liberté, c'est faire soi-même oeuvre de liberté. Aussi le maître doit-il respecter son élève, en percevant en lui un être perfectible qui a droit à la vérité et qui doit travailler à la réalisation de sa liberté. Ce maître doit en outre tenir devant sa classe un discours cohérent et exigeant envers lui-même, car en cette voie, c'est l'exercice même de la raison qui est donné en exemple. Enfin, il doit être à même de s'engager devant ses élèves, parce que cet engagement est le propre d'une raison qui, en s'exerçant, assume les conséquences de ce qu'elle pense. On perçoit de la sorte pourquoi le maître est bien face à ses élèves et non parmi eux. Il ne regarde pas dans la même direction qu'eux.
    (L'obéissance à la loi qu'on s'est prescrite est liberté (Rousseau), p.22, Pleins Feux (coll. Variations), 2001)
     
  3. Imagine-t-on un seul instant qu'un enfant sera préparé à la liberté par un être servile, un exécutant docile ? Qui voudrait confier son enfant à un tel éducateur ?
    (L'obéissance à la loi qu'on s'est prescrite est liberté (Rousseau), p.24, Pleins Feux (coll. Variations), 2001)
     
  4. Préparer l'élève à l'autonomie, ce n'est pas le préparer seulement à s'adapter à ce qui est ; c'est aussi le préparer à transformer ce qui est.
    (L'obéissance à la loi qu'on s'est prescrite est liberté (Rousseau), p.24, Pleins Feux (coll. Variations), 2001)
     
  5. [...] au nom du bonheur, le nationalisme exprime toujours une logique de purification ethnique, de violence, de souffrance, et de mort.
    (L'obéissance à la loi qu'on s'est prescrite est liberté (Rousseau), p.32, Pleins Feux (coll. Variations), 2001)
     
  6. On pourrait enfin ironiser sur la substitution de la notion de communauté à celle de la classe sociale, et penser que la valorisation de la première par ceux qui, hier, mettaient la seconde au premier plan, manifeste une propension à toujours rattacher l'individu à un être collectif. Ainsi s'expliquerait le passage du collectivisme révolutionnaire au communautarisme politiquement correct.
    (L'obéissance à la loi qu'on s'est prescrite est liberté (Rousseau), p.35, Pleins Feux (coll. Variations), 2001)
     
  7. Religion, sexualité, origine ethnique, etc., ne définissent en rien le citoyen. Il n'y a en ces domaines que des éléments de différenciation, qui ne regardent que celui qui en hérite ou qui les choisit. En un mot, il faut dire que dans l'espace public, la différence doit être indifférente.
    (L'obéissance à la loi qu'on s'est prescrite est liberté (Rousseau), p.40, Pleins Feux (coll. Variations), 2001)
     
  8. Le moi s'égare lorsqu'il croit saisir et maîtriser tous les ressorts de l'âme. Par conséquent, la tâche qui échoit à la psychanalyse est de lui enseigner que rien d'étranger ne s'est introduit chez lui. En invitant le moi à distinguer « psychique » et « conscient », Freud lui prescrit un singulier travail : « Rentre en toi-même profondément, et apprends d'abord à te connaître, alors tu comprendras pourquoi tu vas tomber malade, et peut-être éviteras-tu de le devenir. »
    (Le moi n'est pas maître dans sa propre maison (Freud), p.11, Pleins Feux coll. Variations, n°13)
     
  9. Être chez soi, c'est avoir autour de soi des traces de son passé. De la même manière, l'âme s'inscrit dans le temps. Le moi réside en elle le temps d'une vie, et il y rencontre des empreintes de son histoire.
    (Le moi n'est pas maître dans sa propre maison (Freud), p.24, Pleins Feux coll. Variations, n°13)
     
  10. Prendre soin de son âme, faire en sorte que chaque chose y soit à sa place, parvenir à ce que la souffrance ne s'approprie pas tout son être, telle est finalement la visée de la psychanalyse. Ne serait-ce pas la liberté qu'un tel projet permet de rencontrer ?
    (Le moi n'est pas maître dans sa propre maison (Freud), p.28, Pleins Feux coll. Variations, n°13)
     
  11. Comment ne pas relever une corrélation entre l'instabilité de la vie maritale de nos contemporains, et l'inconstance de nos sentiments ?
    (Le moi n'est pas maître dans sa propre maison (Freud), p.31, Pleins Feux coll. Variations, n°13)
     
  12. Personne n'éprouve de l'affection pour un individu considéré en lui-même. Une substance abstraite, indépendante de toute qualité perceptible, n'a rien de désirable pour nous. Celui qui ambitionne d'être aimé pour son être même est injuste. Il ne voit pas, pour reprendre la célèbre formule de Pascal, que « le moi est haïssable ». Seul le paraître suscite le désir. C'est peut-être regrettable. Pourtant c'est ainsi « On n'aime donc jamais personne, lit-on dans les Pensées, mais seulement des qualités. » Cela ne signifie pas que l'amour n'existe pas. Simplement, au moment où un sentiment nous porte vers l'intelligence d'une personne, ou au-devant de sa beauté, etc., ce n'est pas à la personne elle-même que nous sommes attachés. Seules les qualités périssables qu'elle manifeste constituent les objets de notre tendresse. Pourquoi le moi serait-il digne d'un amour qu'il n'est pas capable d'éprouver pour autrui ? Le moi doit se rendre à l'évidence : il est seul. Radicalement. Il est perdu au milieu du monde. Pour toujours.
    (Le moi n'est pas maître dans sa propre maison (Freud), p.32, Pleins Feux coll. Variations, n°13)
     
  13. Aimer, c'est être fécond.
    (Le moi n'est pas maître dans sa propre maison (Freud), p.35, Pleins Feux coll. Variations, n°13)
     
  14. Être au monde, c'est être en situation.
    (Le moi n'est pas maître dans sa propre maison (Freud), p.36, Pleins Feux coll. Variations, n°13)
     
  15. « La liberté, écrit Épictète, consiste à vouloir que les choses arrivent, non comme il te plaît, mais comme elles arrivent. » La liberté du sage est une maîtrise du moi intérieur. L'enseignement des stoïciens peut être ramené à cette idée : nous sommes tous sur un navire qui sombre. Nous sommes mortels et nous n'y pouvons rien. Toutefois, il est possible d'être libre et heureux sur le pont de notre embarcation.
    (Le moi n'est pas maître dans sa propre maison (Freud), p.37, Pleins Feux coll. Variations, n°13)