Christian Bobin
1951
  1. La joie va toujours avec la frayeur, les livres vont toujours avec le deuil.
    (Une petite robe de fête, coll. folio #2466, p.10)
     
  2. Celui qui est sans argent manque de tout. Celui qui est sans lecture manque du manque.
    (Une petite robe de fête, coll. folio #2466, p. 11)
     
  3. Lire, sommeiller, marcher, ne penser à rien, laisser les lumières du ciel pâlir sur la tapisserie des murs.
    (Une petite robe de fête, coll. folio #2466, p. 16)
     
  4. À quoi reconnaît-on les gens fatigués. À ce qu'ils font des choses sans arrêt. À ce qu'ils rendent impossible l'entrée en eux d'un repos, d'un silence, d'un amour. Les gens fatigués font des affaires, bâtissent des maisons, suivent une carrière. C'est pour fuir la fatigue qu'ils font toutes ces choses, et c'est en la fuyant qu'ils s'y soumettent. Le temps manque à leur temps. Ce qu'ils font de plus en plus, il le font de moins en moins. La vie manque à leur vie.
    (Une petite robe de fête, coll. folio #2466, p. 27)
     
  5. À quoi reconnaît-on ce que l'on aime. À cet accès soudain de calme, à ce coup porté au coeur et à l'hémorragie qui s'ensuit - une hémorragie de silence dans la parole. Ce que l'on aime n'a pas de nom. Cela s'approche de nous et pose sa main sur notre épaule avant que nous ayons trouvé un mot pour l'arrêter, pour le nommer, pour l'arrêter en le nommant.
    (Une petite robe de fête, coll. folio #2466, p. 28)
     
  6. Un grand livre commence longtemps avant le livre. Un livre est grand par la grandeur du désespoir dont il procède, par toute cette nuit qui pèse sur lui et le retient longtemps de naître.
    (Une petite robe de fête, coll. folio #2466, p. 34)
     
  7. Qu'est-ce que c'est, apprendre. Apprendre à jouer, apprendre à vivre. Qu'est-ce que c'est , sinon ça: toucher au plus élémentaire de soi. Au plus vif et rebelle.
    (Une petite robe de fête, coll. folio #2466, p. 45)
     
  8. C'est difficile d'aller de l'inutile, la lecture, à l'utile, le mensonge.
    (Une petite robe de fête, coll. folio #2466, p. 54)
     
  9. À quoi ça sert de lire. À rien ou presque. C'est comme aimer, comme jouer. C'est comme prier. Les livres sont des chapelets d'encre noire, chaque grain roulant entre les doigts, mot après mot. Et c'est quoi, au juste, prier. C'est faire silence. C'est s'éloigner de soi dans le silence.
    (Une petite robe de fête, coll. folio #2466, p. 55)
     
  10. Devant les livres, la nature ou l'amour, vous êtes comme à vingt ans: au tout début du monde et de vous.
    (Une petite robe de fête, coll. folio #2466, p. 56)
     
  11. Il y a besoin de si peu, pour écrire. Il n'y a besoin que d'une vie pauvre, si pauvre que personne n'en veut et qu'elle trouve asile en dieu, ou dans les choses. Une abondance de rien. Une vie à l'inverse de celles qui sont perdues dans leur propre rumeur, pleines de bruits et de portes.
    (Une petite robe de fête, coll. folio #2466, p. 64)
     
  12. On lit comme on aime, on entre en lecture comme on tombe amoureux: par espérance, par impatience. [...] trouver le sommeil dans un seul corps, toucher au silence dans une seule phrase.
    (Une petite robe de fête, coll. folio #2466, p. 76)
     
  13. Un homme sain d'esprit c'est un fou qui tient sa folie dans une poche de sang noir - entre le cerveau et le crâne, entre sa famille et son métier. C'est un fou furieux qui ne saura jamais guérir, n'étant jamais malade. Un fou c'est un homme sain d'esprit, qui n'a plus les moyens de sa folie, qui perd les eaux de sa folie, d'un seul coup.
    (Une petite robe de fête, coll. folio #2466, p. 77)
     
  14. Il n'y a pas de connaissance en dehors de l'amour. Il n'y a dans l'amour que de l'inconnaissable.
    (Une petite robe de fête, coll. folio #2466, p. 86)
     
  15. Qui n'a pas connu l'absence ne sait rien de l'amour. Qui a connu l'absence a pris connaissance de son néant - de cette connaissance lointaine qui fait trembler les bêtes à l'approche de leur mort.
    (Une petite robe de fête, coll. folio #2466, p. 89)
     
  16. Avec la fin de l'amour, apparaissent les rois mages: la mélancolie, le silence et la joie.
    (Une petite robe de fête, coll. folio #2466, p. 91)
     
  17. Si on devait dessiner l'intelligence, la plus fine fleur de la pensée, on prendrait le visage d'une jeune mère, n'importe laquelle. De même si on devait dire la part souffrante de tout amour, la part manquante, arrachée.
    (La part manquante, coll. folio #2554, p. 14)
     
  18. Pour s'éprendre d'une femme, il faut qu'il y ait en elle un désert, une absence, quelque chose qui appelle la tourmente, la jouissance. Une zone de vie non entamée dans sa vie, une terre non brûlée, ignorée d'elle-même comme de vous.
    (La part manquante, coll. folio #2554, p. 17)
     
  19. La lecture c'est la vie sans contraire, c'est la vie épargnée.
    (La part manquante, coll. folio #2554, p. 22)
     
  20. Les enfants sont comme les marins: où que se portent leurs yeux, partout c'est l'immense.
    (La part manquante, coll. folio #2554, p. 22)
     
  21. Ce qu'on apprend dans les livres, c'est la grammaire du silence, la leçon de lumière. Il faut du temps pour apprendre. Il faut tellement plus de temps pour s'atteindre.
    (La part manquante, coll. folio #2554, p. 24)
     
  22. [...] tout se donne à voir, sur le ciel d'un visage.
    (La part manquante, coll. folio #2554, p. 32)
     
  23. [...] le travail c'est d'être où l'on n'a pas choisi d'être, où l'on est contraint de demeurer - loin de soi et de tout.
    (La part manquante, coll. folio #2554, p. 33)
     
  24. On pourrait recenser les livres suivant l'embarras d'en parler.
    (La part manquante, coll. folio #2554, p. 41)
     
  25. Celui qui commande aux autres se met en position de Dieu. Celui qui commande et rit de ses commandements se met en position de diable.
    (La part manquante, coll. folio #2554, p. 51)
     
  26. Il y a une beauté qui n'est atteinte que là, dans cette grande intelligence proposée à l'esprit par le temps vide et le ciel pur.
    (La part manquante, coll. folio #2554, p. 55)
     
  27. Ce qui ne sert à rien sert à tellement de choses.
    (La part manquante, coll. folio #2554, p. 58)
     
  28. On n'apprend que d'une femme. On n'apprend que de l'ignorance où elle nous met quant à nos jours, quant à nos nuits.
    (La part manquante, coll. folio #2554, p. 64)
     
  29. Aimer c'est aimer ce qui est simple, et donc mystérieux. Ce qui est compliqué n'est jamais mystérieux.
    (La part manquante, coll. folio #2554, p. 74)
     
  30. Vous mélangez tout. C'est votre façon à vous d'y voir clair: mélanger toutes sortes de lumières.
    (La part manquante, coll. folio #2554, p. 75)
     
  31. [...] l'amour du temps perdu. Le temps perdu est comme le pain oublié sur la table, le pain sec. On peut le donner aux moineaux. On peut aussi le jeter. On peut encore le manger, comme dans l'enfance le pain perdu: trempé dans du lait pour l'adoucir, recouvert de jaune d'oeuf et de sucre, et cuit dans une poêle. Il n'est pas perdu, le pain perdu, puisqu'on le mange. Il n'est pas perdu, le temps perdu, puisqu'on y touche à la fin des temps et qu'on y mange sa mort, à chaque seconde, à chaque bouchée. Le temps perdu est le temps abondant, nourricier.
    (La part manquante, coll. folio #2554, p. 90)
     
  32. C'est quoi, réussir sa vie, sinon cela, cet entêtement d'une enfance, cette fidélité simple: ne jamais aller plus loin que ce qui vous enchante à ce jour, à cette heure.
    (La part manquante, coll. folio #2554, p. 97)
     
  33. La rupture avec soi est le plus court chemin pour aller à soi.
    (La part manquante, coll. folio #2554, p. 97)
     
  34. Assez seul pour ne plus l'être jamais.
    (Souveraineté du vide, coll. folio #2680 p. 17)
     
  35. La musique, ce qu'elle est: respiration. Marée. Longue caresse d'une main de sable.
    (Souveraineté du vide, coll. folio #2680, p. 25)
     
  36. Je ne peux rien sur ma vie. Surtout pas la mener.
    (Souveraineté du vide, coll. folio #2680, p. 30)
     
  37. Il y a beaucoup d'affinités, de connivences, entre la lecture et la prière: dans les deux cas, marmonnement. Dans les deux cas, silencieux commerce avec l'Autre.
    (Souveraineté du vide, coll. folio #2680, p. 36)
     
  38. L'inachevé, l'incomplétude seraient essentiels à toute perfection.
    (Souveraineté du vide, coll. folio #2680, p. 39)
     
  39. Cette inaliénable égalité devant le vide, l'horreur du vide, la souveraineté du vide. Que nous la reniions ou non, peu importe. C'est là que nous sommes. C'est là qu'adviennent les rencontres.
    (Souveraineté du vide, coll. folio #2680, p. 50)
     
  40. Il y a plus de clarté dans les livres que dans le ciel. Il y a plus de clarté dans le sommeil des amants que dans les livres.
    (Souveraineté du vide, coll. folio #2680, p. 53)
     
  41. Si la vie est immédiate et verte au bord des étangs, pour la rejoindre, il nous faut d'abord rejoindre ce qui en nous est comme de l'eau, comme de l'air, comme du ciel.
    (Souveraineté du vide, coll. folio #2680, p. 53)
     
  42. Se taire: l'avancée en solitude, loin de dessiner une clôture, ouvre la seule et durable et réelle voie d'accès aux autres, à cette altérité qui est en nous et qui est dans les autres comme l'ombre portée d'un astre, solaire, bienveillant.
    (Souveraineté du vide, coll. folio #2680, p. 53)
     
  43. Il y a un temps où ce n'est plus le jour, et ce n'est pas encore la nuit. [...] Ce n'est qu'à cette heure-là que l'on peut commencer à regarder les choses, ou sa vie: c'est qu'il nous faut un peu d'obscur pour bien voir, étant nous-mêmes composés de clair et d'ombre.
    (Lettres d'or, coll. folio # 2680, p. 66)
     
  44. C'est même chose que d'aimer ou d'écrire. C'est toujours se soumettre à la claire nudité d'un silence. C'est toujours s'effacer.
    (Lettres d'or, coll. folio # 2680, p. 78)
     
  45. Comment sortir de soi? Parfois cette chose arrive, qui fait que nous ne sommes plus enfermés: un amour sans mesure. Un silence sans contraire. La contemplation d'un visage infini, fait de ciel et de terre.
    (Lettres d'or, coll. folio #2680, p. 80)
     
  46. [...] écrire, c'est avoir une très haute conscience de soi-même, et c'est avoir conscience que l'on n'est pas à la hauteur, que l'on n'y a jamais été.
    (Lettres d'or, coll. folio # 2680, p. 82)
     
  47. Aimer quelqu'un, c'est le dépouiller de son âme, et c'est lui apprendre ainsi - dans ce rapt - combien son âme est grande, inépuisable et claire. Nous souffrons tous de cela: de ne pas être assez volés. Nous souffrons des forces qui sont en nous et que personne ne sait piller, pour nous les faire découvrir.
    (Lettres d'or, coll. folio # 2680, p. 88)
     
  48. L'amour est comme un peintre qui oublierait - chaque matin, dans son atelier - la vieille histoire du monde, pour saisir une fleur éternelle dans le tremblé de l'air.
    (Lettres d'or, coll. folio # 2680, p. 88)
     
  49. Il n'y a pas d'autre art que l'art amoureux. C'est l'art souverain de la lenteur et de la vitesse. C'est l'art de susciter un éclair, sans jamais l'arrêter en l'orientant vers nous.
    (Lettres d'or, coll. folio # 2680, p. 89)
     
  50. On peut s'éprendre d'une femme pour une manière de ramener ses cheveux sur sa nuque, pour la négligence dans sa voix, ou la lumière sur ses mains. Pour une raison aussi simple, on abandonne le tout de sa vie.
    (Lettres d'or, coll. folio # 2680, p. 91)
     
  51. Le renoncement est le fruit de tout apprentissage.
    (Lettres d'or, coll. folio # 2680, p. 93)
     
  52. La solitude nous amène vers la plus simple lumière: nous ne connaîtrons jamais d'autre perfection que celle du manque. Nous n'éprouverons jamais d'autre plénitude que celle du vide, et l'amour qui nous dépouille de tout est celui qui nous prodigue le plus.
    (Lettres d'or, coll. folio # 2680, p. 94)
     
  53. C'est une chose étrange que l'absence. Elle contient tout autant d'infini que la présence. J'ai appris cela dans l'attente, j'ai appris à aimer les heures creuses, les heures vides: c'est si beau d'attendre celle que l'on aime.
    (Lettres d'or, coll. folio # 2680, p. 99)
     
  54. Elle [l'attente] nous apprend que l'amour est impossible et que, devant l'impossible, on ne peut réussir ni échouer, seulement maintenir le désir assez pur pour n'être défait par rien.
    (Lettres d'or, coll. folio # 2680, p. 101)
     
  55. Être vivant, c'est être vu, entrer dans la lumière d'un regard aimant.
    (L'inespérée, coll. folio # 2819, p. 12)
     
  56. Jadis les princes sortaient de leurs palais en grand arroi: carrosses, chevaux, valets, étendards, parades de toutes sortes. Le mot désarroi vient de là. Être en désarroi c'est être privé d'escorte, avancer dans une vie dépouillée de tout revêtement de force.
    (L'inespérée,coll. folio # 2819, p. 13)
     
  57. C'est [la mélancolie] la maladie de celui qui, dépité de n'être pas tout, choisit, par un revers enfantin de l'orgueil, de n'être rien, ne gardant du monde que ce qui lui ressemble: le morne et le pluvieux.
    (L'inespérée, coll. folio # 2819, p. 14)
     
  58. La télévision c'est le monde qui s'effondre sur le monde, une brute geignarde et avinée, incapable de donner une seule nouvelle claire, compréhensible. La télévision c'est le monde à temps plein, à ras bord de souffrance, impossible à voir dans ces conditions, impossible à entendre.
    (L'inespérée,coll. folio # 2819, p. 22)
     
  59. Le mal de la télévision, ce n'est pas dans la télévision qu'il est, c'est dans le monde, et si on le confond c'est qu'ils ne font plus qu'une masse perdue, souffrante.
    (L'inespérée, coll. folio # 2819, p. 24)
     
  60. L'intelligence est la force, solitaire, d'extraire du chaos de sa propre vie la poignée de lumière suffisante pour éclairer un peu plus loin que soi - vers l'autre là-bas, comme nous égaré dans le noir.
    (L'inespérée, coll. folio # 2819, p. 25)
     
  61. La vie en société c'est quand tout le monde est là et qu'il n'y a personne. La vie en société c'est quand tous obéissent à ce que personne ne veut.
    (L'inespérée, coll. folio # 2819, p. 43)
     
  62. [...] nous ne sommes faits que de ceux que nous aimons et de rien d'autre.
    (L'inespérée, coll. folio # 2819, p. 52)
     
  63. Vous reconnaissez vos amis à ce qu'ils ne vous empêchent pas d'être seul, à ce qu'ils éclairent votre solitude sans l'interrompre.
    (L'inespérée, coll. folio # 2819, p. 61)
     
  64. On a inventé le travail salarié pour ne pas penser à ce qui nous fait souffrir, pour qu'il y ait, revenant tous les jours, ces heures où ne pas penser à soi, à la solitude, à Dieu, à l'autre, pour ne pas penser à tout ce qu'on devine insoluble, déchirant.
    (L'inespérée, coll. folio # 2819, p. 83)
     
  65. [...] les médecins sont comme les adultes quand ils parlent aux enfants, ils vous parlent pour que vous n'entendiez pas, ce qui fait que vous entendez trop.
    (L'inespérée, coll. folio # 2819, p. 91)
     
  66. [..] tu es, mon amour, la joie qui me reste quand je n'ai plus de joie.
    (L'inespérée, coll. folio # 2819, p. 115)
     
  67. Les maisons sont comme les gens, elles ont leur âge, leurs fatigues, leurs folies. Ou plutôt non: ce sont les gens qui sont comme des maisons, avec leur cave, leur grenier, leurs murs et, parfois, de si claires fenêtres donnant sur de si beaux jardins.
    (Isabelle Bruges, coll. folio # 2820 p. 23)
     
  68. Dans la guerre, on n'a plus besoin de montres. La faim renseigne très bien sur l'heure. La peur fait sonner chaque seconde, mieux que des aiguilles.
    (Isabelle Bruges, coll. folio # 2820, p. 29)
     
  69. Les parents, Isabelle, ne savent jamais ce qu'ils disent à leurs enfants. Jamais. Ils devraient se méfier de leurs rires, plus encore que de leurs colères.
    (Isabelle Bruges, coll. folio # 2820, p. 35)
     
  70. [...] ce qu'on emprisonne nous retient dans la prison. Ce qu'on détruit nous détruit à son tour.
    (Isabelle Bruges, coll. folio # 2820, p. 44)
     
  71. Le bonheur c'est l'absence, c'est d'être enfin absente à soi, rendue à toutes choses alentour.
    (Isabelle Bruges, coll. folio # 2820, p. 82)
     
  72. [...] hier j'étais heureuse. Aujourd'hui je suis amoureuse, et ce n'est pas pareil. Et c'est même tout le contraire.
    (Isabelle Bruges, coll. folio # 2820, p. 89)
     
  73. C'est toujours comme ça les débuts de l'amour, c'est même à ça qu'on reconnaît l'amour nouveau-né: à l'injustice qui l'accompagne, l'oubli soudain du monde entier. Une injustice tranquille, une cruauté sereine qui va si bien avec l'amour, dès ses débuts.
    (Isabelle Bruges, coll. folio # 2820, p. 97)
     
  74. Il y a dans la vie des gens qui croient nécessaire, pour être entendus, d'adopter un ton sérieux, de prendre la voix de Dieu le père. Ces gens-là sont à fuir. On ne peut décemment les écouter plus d'une minute, et d'ailleurs ils ne parlent pas: ils affirment. Ils donnent des leçons de morale, des cours de pédagogie, d'ennuyeuses leçons de maintien. Même quand ils disent vrai ils tuent la vérité de ce qu'ils disent. Et puis, merveille des merveilles, on rencontre ici ou là [..] des gens qui se taisent comme dans les livres. Ceux-là on ne se lasserait pas de les fréquenter. On est avec eux comme on est avec soi: délié, calme, rendu au clair silence qui est la vérité de tout.
    (Isabelle Bruges, coll. folio # 2820, p. 100)
     
  75. La promenade est un art amoureux, un art du tissage. Le mouvement des corps et celui des pensées, le fou rire d'un ruisseau et l'effarouchement des bêtes sous les buissons, tout va ensemble, tout fait une seule étoffe, entrelaçant l'air et le songe, le visible et l'invisible.
    (Isabelle Bruges, coll. folio # 2820, p. 102)
     
  76. Les dos sont les vrais visages des gens, ce sont les visages qu'ils ne pensent pas à cacher, ce sont leurs visages quand ils nous quittent, quand ils s'éloignent de nous.
    (Isabelle Bruges, coll. folio # 2820, p. 108)
     
  77. Ce qu'on sait de quelqu'un empêche de le connaître.
    (Le Très-Bas., coll. folio #2681 p. 14)
     
  78. Très peu de vraies paroles s'échangent chaque jour, vraiment très peu. Peut-être ne tombe-t-on amoureux que pour enfin commencer à parler. Peut-être n'ouvre-t-on un livre que pour enfin commencer à entendre.
    (Le Très-Bas., coll. folio #2681, p. 14)
     
  79. On n'est jamais contemporain de l'invisible.
    (Le Très-Bas., coll. folio #2681, p. 20)
     
  80. La beauté des mères dépasse infiniment la gloire de la nature.
    (Le Très-Bas., coll. folio #2681, p. 23)
     
  81. Les hommes tiennent le monde. Les mères tiennent l'éternel qui tient le monde et les hommes.
    (Le Très-Bas., coll. folio #2681, p. 25)
     
  82. [...] il n'y a pas de saints. Il n'y a que de la sainteté. La sainteté c'est la joie.
    (Le Très-Bas., coll. folio #2681, p. 26)
     
  83. Une femme pour un homme, c'est ce qu'il y a de plus loin au monde.
    (Le Très-Bas., coll. folio #2681, p. 27)
     
  84. On voit à la mesure de son espérance.
    (Le Très-Bas., coll. folio #2681, p. 37)
     
  85. L'enfant est à l'adulte ce que la fleur est au fruit. La fleur n'est pas certitude du fruit.
    (Le Très-Bas., coll. folio #2681, p. 38)
     
  86. La croissance de l'esprit est à l'inverse de la croissance de la chair. Le corps grandit en prenant de la taille. L'esprit grandit en perdant de la hauteur. La sainteté renverse les lois de maturité: l'homme y est la fleur, l'enfance y est le fruit.
    (Le Très-Bas., coll. folio #2681, p. 39)
     
  87. La beauté, voilà un vrai mystère, bien plus intéressant que celui de l'âme.
    (Le Très-Bas., coll. folio #2681, p. 45)
     
  88. L'amour de soi est à l'amour de Dieu ce que le blé en herbe est au blé mûr.
    (Le Très-Bas., coll. folio #2681, p. 46)
     
  89. Comment dire à ceux qui vous aiment qu'ils ne vous aiment pas.
    (Le Très-Bas., coll. folio #2681, p. 52)
     
  90. Quelques mots pleins d'ombre peuvent changer une vie. Un rien peut vous donner à votre vie, un rien peut vous en enlever. Un rien décide de tout.
    (Le Très-Bas., coll. folio #2681, p. 54)
     
  91. On peut très bien faire une chose sans y être. On peut même passer le clair de sa vie, parler, travailler, aimer, sans y être jamais.
    (Le Très-Bas., coll. folio #2681, p. 55)
     
  92. Les bourgeois rêvent d'un pauvre conforme à leurs intérêts. Les prêtres rêvent d'un pauvre conforme à leurs espérances.
    (Le Très-Bas., coll. folio #2681, p. 57)
     
  93. Ce qu'on éloigne, l'éloignement le protège.
    (Le Très-Bas., coll. folio #2681, p. 64)
     
  94. Il est bon pour un enfant d'avoir ses deux parents, chacun le protégeant de l'autre: le père pour le garder d'une mère trop dévorante, la mère pour le garder d'un père trop souverain.
    (Le Très-Bas., coll. folio #2681, p. 66)
     
  95. Le monde de l'esprit n'est que le monde matériel enfin remis d'aplomb.
    (Le Très-Bas., coll. folio #2681, p. 67)
     
  96. Le vrai père c'est celui qui ouvre les chemins par sa parole, pas celui qui retient dans les filets de sa rancoeur.
    (Le Très-Bas., coll. folio #2681, p. 75)
     
  97. Au départ le fou et le saint ont cette même insensée prétention de dire la vérité. C'est après que cela se gâte. Le fou est celui qui, énonçant la vérité, la rabat sur lui, la capte à son profit. Le saint est celui qui, énonçant la vérité, la renvoie aussitôt à son vrai destinataire, comme on rajoute sur une enveloppe l'adresse qui manquait.
    (Le Très-Bas., coll. folio #2681, p. 76)
     
  98. [...] tout a puissance de parole dans l'amour [...] tout est doué de sens dans l'amour insensé.
    (Le Très-Bas., coll. folio #2681, p. 87)
     
  99. N'importe quoi peut servir de Dieu quand Dieu manque.
    (Le Très-Bas., coll. folio #2681, p. 88)
     
  100. La vérité tient sa lumière en elle-même, non dans celui qui la dit.
    (Le Très-Bas., coll. folio #2681, p. 90)
     
  101. [...] la vérité n'est jamais si grande que dans l'humiliation de celui qui l'annonce.
    (Le Très-Bas., coll. folio #2681, p. 90)
     
  102. [...] ce nom que toute les femmes pourraient donner à leur mari: le loin-près. Ni jamais là, ni jamais ailleurs. Ni vraiment absent, ni vraiment présent.
    (Le Très-Bas., coll. folio #2681, p. 96)
     
  103. La parole qui adore comme celle qui maudit ignorent tout de ce qu'elles nomment, et d'ailleurs souvent se succèdent en une seconde sur les mêmes lèvres, à propos du même objet, de la même personne.
    (Le Très-Bas., coll. folio #2681, p. 97)
     
  104. [...] les mariages usent l'amour, le fatiguent, le tirent vers le sérieux et le lourd qui est le lieu du monde.
    (Le Très-Bas., coll. folio #2681, p. 100)
     
  105. Si l'on veut connaître un homme, il faut chercher celui vers lequel sa vie est secrètement tournée, celui à qui, de préférence à tout autre, il parle, même quand apparemment il s'adresse à nous.
    (Le Très-Bas., coll. folio #2681, p. 105)
     
  106. [...] prier, parler au vide pour que le vide nettoie votre parole.
    (Le Très-Bas., coll. folio #2681, p. 109)
     
  107. Il n'y a pas d'amour adulte, mûr et raisonnable. Il n'y a devant l'amour aucun adulte, que des enfants, que cet esprit d'enfance qui est abandon, insouciance, esprit de la perte d'esprit.
    (Le Très-Bas., coll. folio #2681, p. 110)
     
  108. Dieu c'est ce que savent les enfant, pas les adultes.
    (Le Très-Bas., coll. folio #2681, p. 111)
     
  109. La religion c'est ce qui relie et rien n'est plus religieux que la haine: elle rassemble les hommes en foule sous la puissance d'une idée ou d'un nom quand l'amour les délivre un à un par la faiblesse d'un visage ou d'une voix.
    (Le Très-Bas., coll. folio #2681, p. 115)
     
  110. [...] ce qui est impossible à comprendre est tellement simple à vivre.
    (Le Très-Bas., coll. folio #2681, p. 117)
     
  111. [...] la mort, cette extase du sommeil.
    (Le Très-Bas., coll. folio #2681, p. 119)
     
  112. La joie c'est de n'être plus jamais chez soi, toujours dehors, affaibli de tout, affamé de tout, partout dans le dehors du monde comme au ventre de Dieu.
    (Le Très-Bas., coll. folio #2681, p. 120)
     
  113. Je t'aime - cette parole est la plus mystérieuse qui soit, la seule digne d'être commentée pendant des siècles.
    (La plus que vive, coll. L'un et l'autre chez Gallimard, p. 12)
     
  114. Il nous faut naître deux fois pour vivre un peu, ne serait-ce qu'un peu. Il nous faut naître par la chair et ensuite par l'âme. Les deux naissances sont comme un arrachement. La première jette le corps dans le monde, la seconde balance l'âme jusqu'au ciel.
    La plus que vive, coll. L'un et l'autre chez Gallimard, p.15)
     
  115. [...] le génie est composé d'amour, d'enfance et encore d'amour [...]
    (La plus que vive, coll. L'un et l'autre chez Gallimard., p.16)
     
  116. [...] je cherche matière de louange partout, même dans le pire.
    (La plus que vive, coll. L'un et l'autre chez Gallimard., p. 18)
     
  117. [...] les enfants, ce n'est pas sorcier, ça pousse à travers nos erreurs.
    (La plus que vive, coll. L'un et l'autre chez Gallimard., p. 20)
     
  118. [...] plus on s'approche de la lumière, plus on se connaît plein d'ombres.
    (La plus que vive, coll. L'un et l'autre chez Gallimard., p. 31)
     
  119. La mort ne change pas une vie en destin. Mourir ne referme pas le livre à sa dernière page, texte enfin déchiffrable.
    (La plus que vive, coll. L'un et l'autre chez Gallimard., p. 35)
     
  120. Peu de livres changent une vie. Quand ils la changent c'est pour toujours, des portes s'ouvrent que l'on ne soupçonnait pas, on entre et on ne reviendra plus en arrière.
    (La plus que vive, coll. L'un et l'autre chez Gallimard., p. 46)
     
  121. Désespoir, amour, gaieté. Qui a ces trois roses enfoncées dans le coeur a la jeunesse pour lui, avec lui.
    (La plus que vive, coll. L'un et l'autre chez Gallimard., p. 46)
     
  122. [...] le plus bel usage de cette vie c'est de n'en rien faire [...]
    (La plus que vive, coll. L'un et l'autre chez Gallimard p. 53)
     
  123. Avec le temps bien des gens lâchent. Ils disparaissent de leur vivant et ne désirent plus que des choses raisonnables.
    (La plus que vive, coll. L'un et l'autre chez Gallimard p. 61)
     
  124. [...] l'intelligence c'est proposer à l'autre ce qu'on a de plus précieux, en faisant tout pour qu'il puisse en disposer - s'il le souhaite, quand il le souhaite. L'intelligence, c'est l'amour avec la liberté.
    (La plus que vive, coll. L'un et l'autre chez Gallimard p. 64)
     
  125. [...] je n'aime que cette musique que je n'ai plus besoin d'entendre [...]
    (La plus que vive, coll. L'un et l'autre chez Gallimard p. 67)
     
  126. Mon pays fait vingt et un centimètres de large, sur vingt-neuf de long: une feuille de papier blanc.
    (La plus que vive, coll. L'un et l'autre chez Gallimard p. 69)
     
  127. Les terres où nous vivons sont comme les personnes, identifiables à des riens, à telle couleur d'un ciel, tel accident d'un sol.
    (La plus que vive, coll. L'un et l'autre chez Gallimard p. 70)
     
  128. Nous n'habitons pas des régions. Nous n'habitons même pas la terre. Le coeur de ceux que nous aimons est notre vraie demeure.
    (La plus que vive, coll. L'un et l'autre chez Gallimard p. 70)
     
  129. Dans les choses que nous voulons il y a toujours plus que les choses elles-mêmes.
    (La plus que vive, coll. L'un et l'autre chez Gallimard p. 71)
     
  130. La solitude peut être un abandon et elle peut être une force. Dans le mariage les femmes découvrent les deux. Le mariage est une histoire très souvent voulue par les femmes et par elles seules, rêvée en profondeur par elles seules, portée par elles seules, ce qui fait que parfois elles se lassent et désertent: quitte à être seules, autant l'être pleinement.
    (La plus que vive, coll. L'un et l'autre chez Gallimard p. 74)
     
  131. À part les saints et quelques chiens errants, nous sommes tous plus ou moins contaminés par la maladie de la tristesse.
    (La plus que vive, coll. L'un et l'autre chez Gallimard p. 77)
     
  132. [...] il y a quelque chose de calmant dans la philosophie, une manière de parler du vivant comme si on était déjà mort [...]
    (La plus que vive, coll. L'un et l'autre chez Gallimard p. 81)
     
  133. [...] si éclairants soient les grands textes, ils donnent moins de lumière que les premiers flocons de neige.
    (La plus que vive, coll. L'un et l'autre chez Gallimard p. 82)
     
  134. Le monde n'est si meurtrier que parce qu'il est aux mains de gens qui ont commencé par se tuer eux-mêmes, par étrangler en eux toute confiance instinctive, toute liberté donnée de soi à soi. Je suis toujours étonné de voir le peu de liberté que chacun s'autorise, cette manière de coller sa respiration à la vitre des conventions, et la buée que cela donne, l'empêchement de vivre, d'aimer.
    (La plus que vive, coll. L'un et l'autre chez Gallimard p. 85)
     
  135. La maladie n'est jamais une cause. La maladie est une réponse, une pauvre réponse que l'on invente à une souffrance.
    (La plus que vive, coll. L'un et l'autre chez Gallimard p. 88)
     
  136. Même les femmes libres ne sont jamais tout à fait libres. Elles vivent toujours entre deux guerres.
    (La plus que vive, coll. L'un et l'autre chez Gallimard p. 89)
     
  137. [...] tu veux savoir qui tu es pour moi, eh bien voilà: tu es celle qui m'empêche de me suffire.
    (La plus que vive, coll. L'un et l'autre chez Gallimard p. 93)
     
  138. [...] il ne faut jamais faire de littérature, il faut écrire et ce n'est pas pareil [...]
    (La plus que vive, coll. L'un et l'autre chez Gallimard p. 96)
     
  139. Nous vivons dans le vide ouvert par un événement, nous allons d'un événement à l'autre et il faut parfois des années pour qu'un événement succède à un autre. Entre les deux, le vide. Enfin, pas tout à fait: survient parfois la belle lumière d'un visage, d'une parole, d'un geste.
    (La plus que vive, coll. L'un et l'autre chez Gallimard p. 97)
     
  140. [...] l'amour - ce versant escarpé de la solitude.
    (L'éloignement du monde, p.13, Éditions Lettres Vives 1993)
     
  141. Qui sait nous donner une joie aussi pure que celle prodiguée par la vue d'un petit nuage blanc dans le ciel bleu ?
    (L'éloignement du monde, p.14, Éditions Lettres Vives 1993)
     
  142. [...] la vie est parfois grave, souvent légère - jamais sérieuse.
    (L'éloignement du monde, p.16, Éditions Lettres Vives 1993)
     
  143. Ceux qui savent nous aimer nous accompagnent jusqu'au seuil de notre solitude puis restent là, sans faire un pas de plus. Ceux qui prétendent aller plus loin dans notre compagnie restent en fait bien plus en arrière.
    (L'éloignement du monde, p.17, Éditions Lettres Vives 1993)
     
  144. Légèreté de l'oiseau qui n'a pas besoin pour chanter de posséder la forêt, pas même un seul arbre.
    (L'éloignement du monde, p.19, Éditions Lettres Vives 1993)
     
  145. L'amour ne vient que par grâce et sans tenir aucun compte de ce que nous sommes.
    (L'éloignement du monde, p.25, Éditions Lettres Vives 1993)
     
  146. Nous passons notre vie devant une porte sans voir qu'elle est déjà ouverte et que ce qui est derrière est déjà là, devant nos yeux.
    (L'éloignement du monde, p.29, Éditions Lettres Vives 1993)
     
  147. Qu'espérer d'un amour pur sinon qu'il rende notre solitude pure ?
    (L'éloignement du monde, p.37, Éditions Lettres Vives 1993)
     
  148. Il nous manque d'aller dans notre vie comme si nous n'y étions plus [...]
    (L'éloignement du monde, p.38, Éditions Lettres Vives 1993)
     
  149. [...] l'essentiel n'est rien d'autre que ce que l'on néglige.
    (L'éloignement du monde, p.40, Éditions Lettres Vives 1993)
     
  150. [...] pas plus qu'on ne raisonne le besoin de manger ou dormir, on ne doit justifier le besoin d'être seul.
    (L'éloignement du monde, p.45, Éditions Lettres Vives 1993)
     
  151. L'ironie est une manifestation de l'avarice, une crispation de l'intelligence serrant les dents plutôt que de lâcher un seul mot de louange. L'humour, à l'inverse, est une manifestation de la générosité : sourire de ce qu'on aime c'est l'aimer deux fois plus.
    (L'éloignement du monde, p.50, Éditions Lettres Vives 1993)
     
  152. La perfection est la petite sœur gâtée de la mort. La sainteté est le goût puissant de cette vie comme elle va - une capacité enfantine à se réjouir de ce qui est sans rien demander d'autre.
    (L'éloignement du monde, p.56, Éditions Lettres Vives 1993)
     
  153. La beauté est une guérison de l'esprit par aggravation de son mal - du sel lancé sur une blessure franche.
    (L'éloignement du monde, p.57, Éditions Lettres Vives 1993)
     
  154. Lire : prier au désert.
    (L'enchantement simple, p.15, Éditions Lettres Vives 1986)
     
  155. Je crois qu'on ne peut rien faire de vous, sinon ça : passer outre à toute compréhension, à toute prévision, et vous aimer, inlassablement vous aimer.
    (L'enchantement simple, p.21, Éditions Lettres Vives 1986)
     
  156. Votre visage est unique : je peux le voir partout.
    (L'enchantement simple, p.38, Éditions Lettres Vives 1986)
     
  157. [...] la musique rend bête, incomparablement. Elle enlève l'âme de la bouche. Elle se produit dans un temps blanchi, dévasté. Elle danse sur notre disposition, elle donne ses fêtes pour le jour où nous n'y sommes plus.
    (L'enchantement simple, p.40, Éditions Lettres Vives 1986)
     
  158. Celui qui parle est sans absence.
    (Le huitième jour de la semaine, p.16, Éditions Lettres Vives 1986)
     
  159. Il y a une pureté du mal, une lumière du noir.
    (Le huitième jour de la semaine, p.21, Éditions Lettres Vives 1986)
     
  160. [...] cette plus haute forme de la connaissance : le rêve, l'adoration du silence.
    (Le huitième jour de la semaine, p.25, Éditions Lettres Vives 1986)
     
  161. Le silence est la plus haute forme de la pensée, et c'est en développant en nous cette attention muette au jour, que nous trouverons notre place dans l'absolu qui nous entoure.
    (Le huitième jour de la semaine, p.25, Éditions Lettres Vives 1986)
     
  162. Je lui parle en souriant, comme il convient de parler à ceux que l'on aime.
    (Le huitième jour de la semaine, p.30, Éditions Lettres Vives 1986)
     
  163. Devenir adulte, c'est oublier ce que l'on ne peut s'empêcher de savoir et dans quoi l'enfant - parce que la force lui est donnée avec sa faiblesse - passe ses heures : le désarroi des mots, la carence des amours et la lente corruption des rêves, soumis à tous les vents.
    (Le huitième jour de la semaine, p.38, Éditions Lettres Vives 1986)
     
  164. [...] ce goût têtu de l'oisiveté - c'est-à-dire de l'amour - [...]
    (Le huitième jour de la semaine, p.42, Éditions Lettres Vives 1986)
     
  165. [Aimer et mourir] sont deux lueurs qui ne font qu'un seul feu, et sans doute est-ce pour cela que nous aimons si peu, si mal : il nous faudrait consentir à notre propre défaite.
    (Le huitième jour de la semaine, p.45, Éditions Lettres Vives 1986)
     
  166. [...] c'est dans l'épuisement que l'on augmente ses forces. C'est dans l'abandon que l'on devient prince, et dans l'éclat de mourir que l'on découvre ce plus noble éclat de l'amour.
    (Le huitième jour de la semaine, p.48, Éditions Lettres Vives 1986)
     
  167. Est beau tout ce qui s'éloigne de nous après nous avoir frôlés. Est beau le déséquilibre profond - le manque d'aplomb et de voix - que cause en nous ce léger heurt d'une aile blanche. La beauté est l'ensemble de ces choses qui nous traversent et nous ignorent, aggravant soudain la légèreté de vivre.
    (Le huitième jour de la semaine, p.53, Éditions Lettres Vives 1986)
     
  168. Combien de mois, combien de vies faut-il pour écrire une phrase qui égale en puissance la beauté des choses ?
    (Le huitième jour de la semaine, p.58, Éditions Lettres Vives 1986)
     
  169. Il faut [...] vouloir ce que l'on aime, et il faut le vouloir d'une volonté profonde, pure de toute impatience, comme obscure à elle-même.
    (Le huitième jour de la semaine, p.60, Éditions Lettres Vives 1986)
     
  170. Dans le monde, on ne dit rien, avec beaucoup de mots. Dans les livres on n'en dit pas plus, mais avec d'autres mots.
    (Le huitième jour de la semaine, p.60, Éditions Lettres Vives 1986)
     
  171. Il y a une joie élémentaire de l'univers, que l'on assombrit chaque fois que l'on prétend être quelqu'un, ou savoir quelque chose.
    (Le huitième jour de la semaine, p.61, Éditions Lettres Vives 1986)
     
  172. Le solitaire est celui qui n'est plus jamais seul parce que toutes choses viennent à lui, trouver leur nom.
    (Le huitième jour de la semaine, p.62, Éditions Lettres Vives 1986)
     
  173. Oui, c'est un pur miracle, que par des mots enterrés dans des livres, l'on puisse raviver une source, rafraîchir un jardin.
    (Le huitième jour de la semaine, p.65, Éditions Lettres Vives 1986)
     
  174. Le sommeil est un mystère et, en tant que tel, il touche la mort d'un côté, et l'amour de l'autre.
    (Le huitième jour de la semaine, p.73, Éditions Lettres Vives 1986)
     
  175. Leçon ancestrale, coutume venue de la nuit des temps : attendre infiniment, mais sans rien attendre de personne.
    (Le huitième jour de la semaine, p.78, Éditions Lettres Vives 1986)
     
  176. Ce sont les noms qui font peur. Les choses sans les noms ce n'est rien, pas même des choses.
    (La folle allure, p. 10, Éditions Gallimard 1995)
     
  177. [...] les gens on les aime tout de suite ou jamais.
    (La folle allure, p. 16, Éditions Gallimard 1995)
     
  178. Tu sais ce que c'est la mélancolie ? Tu as déjà vu une éclipse ? Eh bien c'est ça : la lune qui se glisse devant le cœur, et le cœur qui ne donne plus sa lumière.
    (La folle allure, p. 17, Éditions Gallimard 1995)
     
  179. Le temps, j'en ai toujours eu besoin pour faire ce que j'avais à faire : rien.
    (La folle allure, p. 23, Éditions Gallimard 1995)
     
  180. [...] les dalles mortuaires ressemblent aux couvertures des livres. Même format rectangulaire. Même brièveté des informations données.
    (La folle allure, p. 24, Éditions Gallimard 1995)
     
  181. C'est fou ce qu'on peut dire comme bêtises pour retenir les gens - et c'est fou comme les gens croient aux bêtises qu'on leur dit.
    (La folle allure, p. 25, Éditions Gallimard 1995)
     
  182. [...] le droit élémentaire de toute personne vivant sur cette terre : disparaître sans rendre compte de sa disparition.
    (La folle allure, p. 25, Éditions Gallimard 1995)
     
  183. Le besoin de créer est dans l'âme comme le besoin de manger dans le corps.
    (La folle allure, p. 26, Éditions Gallimard 1995)
     
  184. J'ai appris ça en écoutant le gros [Bach] : le bonheur, ce n'est pas une note séparée, c'est la joie que deux notes ont à rebondir l'une contre l'autre. Le malheur c'est quand ça sonne faux, parce que votre note et celle de l'autre ne s'accordent pas. La séparation la plus grave entre les gens, elle est là, nulle part ailleurs : dans les rythmes.
    (La folle allure, p. 33, Éditions Gallimard 1995)
     
  185. J'ai toujours craint ceux qui partent à l'assaut de leur vie comme si rien n'était plus important que de faire des choses, vite, beaucoup.
    (La folle allure, p. 33, Éditions Gallimard 1995)
     
  186. Mourir doit ressembler à ça : nager dans le noir et que personne ne vous appelle.
    (La folle allure, p. 38, Éditions Gallimard 1995)
     
  187. Ce qui est fait pour tout le monde n'est fait pour personne.
    (La folle allure, p. 40, Éditions Gallimard 1995)
     
  188. L'enfant est celui auquel on annonce jour et nuit sa fin prochaine, certaine, voulue : grandis.
    (La folle allure, p. 42, Éditions Gallimard 1995)
     
  189. Écouter c'est quand on aime.
    (La folle allure, p. 45, Éditions Gallimard 1995)
     
  190. Il y a très peu de gens qui savent rire de leur folie.
    (La folle allure, p. 63, Éditions Gallimard 1995)
     
  191. [...] une seule chose compte [...] c'est la gaieté, ne laisse jamais personne te l'enlever.
    (La folle allure, p. 64, Éditions Gallimard 1995)
     
  192. Passé un certain temps, l'enfant ne peut plus qu'en partir [de la famille] : il lui est devenu impossible de s'y faire entendre - parce qu'on le connaît trop et parce qu'on ne le connaît plus.
    (La folle allure, p. 65, Éditions Gallimard 1995)
     
  193. [...] qu'avons-nous à nous dire dans la vie, sinon bonjour, bonsoir, je t'aime et je suis là encore, pour un peu de temps vivante sur la même terre que toi.
    (La folle allure, p. 74, Éditions Gallimard 1995)
     
  194. Moins aimer, c'est ne plus aimer du tout.
    (La folle allure, p. 81, Éditions Gallimard 1995)
     
  195. Le mariage est encore la meilleure façon pour une femme de devenir invisible.
    (La folle allure, p. 89, Éditions Gallimard 1995)
     
  196. Sage, ce n'est pas une question de temps, c'est une question de cœur et le cœur n'est pas dans le temps.
    (La folle allure, p. 95, Éditions Gallimard 1995)
     
  197. [...] tout ce qu'on vit vraiment est secret, clandestin et volé [...]
    (La folle allure, p. 98, Éditions Gallimard 1995)
     
  198. [...] les rires ce sont les larmes qui se consolent toutes seules [...]
    (La folle allure, p. 99, Éditions Gallimard 1995)
     
  199. Ce qu'on pressent d'une chose est bien plus éprouvant que la chose elle-même.
    (La folle allure, p. 108, Éditions Gallimard 1995)
     
  200. [...] mon Dieu qui n'êtes personne, donnez-moi chaque jour ma chanson quotidienne, mon Dieu qui êtes un clown, je vous salue, je ne pense jamais à vous, je pense à tout le reste, c'est déjà bien assez de travail, amen.
    (La folle allure, p. 109, Éditions Gallimard 1995)
     
  201. Il y a d'ailleurs quelque chose de commun à ces trois figures-là : celle du père, celle de l'enseignant et celle du mari. Mon Dieu, protégez-nous des examens et de ceux qui nous les font passer.
    (La folle allure, p. 112, Éditions Gallimard 1995)
     
  202. Le travail des mères, c'est de protéger les enfants de la noire humeur des pères. Et les pères ? Leur travail est, je crois, de même nature : ils sont là pour garder les enfants de la trop vive folie des mères.
    (La folle allure, p. 120, Éditions Gallimard 1995)
     
  203. Ceux qui nous aiment sont bien plus redoutables que ceux qui nous détestent. Il est bien plus difficile de leur résister, et je ne sais rien de mieux que des amis pour vous amener à faire le contraire de ce que vous souhaitez faire.
    (La folle allure, p. 125, Éditions Gallimard 1995)
     
  204. Peut-être ne fait-on jamais une chose pour elle-même, mais pour se donner le temps d'en venir à une autre qui, seule, nous ressemblera.
    (La folle allure, p. 132, Éditions Gallimard 1995)
     
  205. Ce qui ne peut danser au bord des lèvres - s'en va hurler au fond de l'âme.
    (L'autre visage, p. 17, Éditions Lettres Vives 1991)
     
  206. [...] pour bien écrire le mot amour, il y faudrait plus d'encre qu'il n'y a au monde.
    (L'autre visage, p. 20, Éditions Lettres Vives 1991)
     
  207. Celui qui donne la mort, c'est qu'il est déjà mort. Celui qui tue, c'est par manque d'air.
    (L'autre visage, p. 23, Éditions Lettres Vives 1991)
     
  208. Tristesse - la fatigue qui entre dans l'âme.
    Fatigue - la tristesse qui entre dans la chair.

    (L'autre visage, p. 32, Éditions Lettres Vives 1991)
     
  209. Car chez nous le contraire de la folie ce n'est pas la sagesse, mais la joie.
    (L'autre visage, p. 35, Éditions Lettres Vives 1991)
     
  210. Les tombes nous ont appris - tellement de marbre sur tant de vide.
    (L'autre visage, p. 39, Éditions Lettres Vives 1991)
     
  211. La plupart hésitent, tâtonnent, trébuchent. Ils cherchent dans les livres, ils cherchent auprès d'une femme, ils cherchent auprès d'un dieu, partout ils cherchent ce qui n'est qu'en eux-mêmes, cette alliance de lenteur et de force, cette cadence la plus profonde du coeur, ce mélange le plus secret de l'eau avec le vin - l'eau de la lenteur, le vin de la vitesse.
    (L'autre visage, p. 46, Éditions Lettres Vives 1991)
     
  212. Celui qui attend est comme un arbre avec ses deux oiseaux, solitude et silence. Il ne commande pas à son attente. Il bouge au gré du vent, docile à ce qui s'approche, souriant à ce qui s'éloigne.
    [...] dans l'attente le commencement est comme la fin, la fleur est comme le fruit, le temps comme l'éternel.

    (L'autre visage, p. 52, Éditions Lettres Vives 1991)
     
  213. Qu'est-ce qui distingue les anges de nous? Leur très grand naturel.

    Comment s'appelle le chien qui mord son maître? La gloire.

    Qui rit après sa mort? La pluie dans le feuillage.
    (L'autre visage, p. 57, Éditions Lettres Vives 1991)
     

  214. Vos paroles sont douces. Vos mains sont ouvertes. Vous dites que vous venez nous aider. Nous avons toujours craint ceux qui parlaient comme vous. Celui qui nous veut du mal est comme un loup: un feu suffit à l'écarter. Celui qui nous veut du bien est comme un frère. Son bien n'est pas le nôtre. Il nous le fait manger à notre insu dans la pain du partage.
    (L'autre visage, p. 62, Éditions Lettres Vives 1991)
     
  215. [...] ce qui meurt ne méritait pas de durer.
    (L'autre visage, p. 64, Éditions Lettres Vives 1991)
     
  216. L'enfance est ce que le monde abandonne pour continuer d'être monde.
    (Mozart et la pluie, p. 10, Éditions Lettres Vives 1997)
     
  217. Pour me détacher du monde, il me suffit de porter mon attention du côté de ce qui résonne - la vérité, la pluie sur le toit d'une voiture, les mots d'amour ou les pianos de Mozart.
    (Mozart et la pluie, p. 13, Éditions Lettres Vives 1997)
     
  218. Qu'il y ait, en cet instant où j'écris, deux personnes qui s'aiment dans une chambre, deux notes qui bavardent en riant, c'est assez pour me rendre la terre habitable.
    (Mozart et la pluie, p. 14, Éditions Lettres Vives 1997)
     
  219. Le plus beau don que l'on puisse nous faire dans cette vie ténébreuse est celui de la clarté - quand bien même cette clarté nous tue.
    (Mozart et la pluie, p. 14, Éditions Lettres Vives 1997)
     
  220. Entre moi et le monde, une vitre. Écrire est une façon de la traverser sans la briser.
    (Mozart et la pluie, p. 18, Éditions Lettres Vives 1997)
     
  221. [...] mon Dieu, protégez-nous de la perfection, délivrez-nous d'un tel désir.
    (Mozart et la pluie, p. 19, Éditions Lettres Vives 1997)
     
  222. Un tête-à-tête permanent avec Dieu, dans cette vie, serait accablant. Il faut à l'amour un peu d'absence.
    (Mozart et la pluie, p. 24, Éditions Lettres Vives 1997)
     
  223. Dieu descend à terre aussi naturellement que la musique de Mozart monte au ciel, mais il nous manque l'oreille pour l'entendre.
    (Mozart et la pluie, p. 34, Éditions Lettres Vives 1997)
     
  224. Il faut autant de génie  - c'est-à-dire de courage, de songe, de patience et d'impatience, d'innocence et de ruse - pour trouver l'argent du loyer et de quoi vêtir des enfants que pour bâtir un chef-d'oeuvre.
    (Mozart et la pluie, p. 35, Éditions Lettres Vives 1997)
     
  225. La beauté est l'antichambre de l'amour, la beauté est la lisière d'un amour dont je ne désespérerai jamais.
    (Mozart et la pluie, p. 37, Éditions Lettres Vives 1997)
     
  226. L'amour comme la mort simplifie. Le vrai nom de l'amour est la simplicité.
    (Mozart et la pluie, p. 39, Éditions Lettres Vives 1997)
     
  227. Les heures silencieuses sont celles qui chantent le plus clair.
    (Mozart et la pluie, p. 41, Éditions Lettres Vives 1997)
     
  228. Un écrivain est grand non par lui-même mais par la grandeur de ce qu'il nomme, et je ne sais pas d'autre grandeur que celle de la vie faible, humiliée par le monde.
    (Un désordre de pétales rouges, p. 46, Éditions Lettres Vives 1997)
     
  229. Je crois que c'est une infirmité d'époque, une infirmité profonde, une infirmité grave que de se croire supérieur à ce dont on parle.
    (Un désordre de pétales rouges, p. 50, Éditions Lettres Vives 1997)
     
  230. Pour être dans une solitude absolue, il faut aimer d'un amour absolu.
    (Un désordre de pétales rouges, p. 51, Éditions Lettres Vives 1997)
     
  231. L'indifférence est une épreuve. Le succès est une épreuve que l'on réserve à ceux que l'indifférence n'a pas su tuer.
    (Un désordre de pétales rouges, p. 54, Éditions Lettres Vives 1997)
     
  232. Ce qui fait événement, c'est ce qui est vivant, et ce qui est vivant, c'est ce qui ne se protège pas de sa perte.
    (Autoportrait au radiateur, p.11, Gallimard NRF 1997)
     
  233. Ce qui croit commencer ne fait que poursuivre.
    (Autoportrait au radiateur, p.22, Gallimard NRF 1997)
     
  234. Pour avoir un peu de cette vie, il faut commencer par en oublier beaucoup. C'est la règle : pas de vision sans point aveugle - à moins d'être saint, bien sûr.
    (Autoportrait au radiateur, p.28, Gallimard NRF 1997)
     
  235. Je n'aime pas ceux qui parlent de Dieu comme d'une valeur sûre. Je n'aime pas non plus ceux qui en parlent comme d'une infirmité de l'intelligence. Je n'aime pas ceux qui savent, j'aime ceux qui aiment.
    (Autoportrait au radiateur, p.33, Gallimard NRF 1997)
     
  236. La souffrance sécrète du noir, l'inconnu engendre la lumière.
    (Autoportrait au radiateur, p.43, Gallimard NRF 1997)
     
  237. Ce qu'on appelle le " charme " d'une personne, c'est la liberté dont elle use vis-à-vis d'elle-même, quelque chose qui, dans sa vie, est plus libre que sa vie.
    (Autoportrait au radiateur, p.47, Gallimard NRF 1997)
     
  238. L'angoisse suscite la beauté - comme la question réveille sa réponse.
    (Autoportrait au radiateur, p.49, Gallimard NRF 1997)
     
  239. L'art de la conversation est le plus grand art. Ceux qui aiment briller n'y entendent rien. Parler vraiment, c'est aimer, et aimer vraiment, ce n'est pas briller, c'est brûler.
    (Autoportrait au radiateur, p.54, Gallimard NRF 1997)
     
  240. La création, par l'invention d'une forme close, protège, recueille le réel. L'industrie - et la télévision n'est que cela - détruit, et avec elle grandit, non pas une civilisation, mais bien une barbarie de l'image.
    (Autoportrait au radiateur, p.61, Gallimard NRF 1997)
     
  241. Prouver est un désir de savant ou de policier. Accueillir est un désir d'amoureux.
    (Autoportrait au radiateur, p.71, Gallimard NRF 1997)
     
  242. Le livre est la mère du lecteur.
    (Autoportrait au radiateur, p.72, Gallimard NRF 1997)
     
  243. La merveille, c'est d'exister. Il n'y en a pas d'autre.
    (Autoportrait au radiateur, p.74, Gallimard NRF 1997)
     
  244. Faire au moins une fois ce qu'on ne fait jamais. Suivre, ne serait-ce qu'un jour, une heure, un autre chemin que celui où le caractère nous a mis.
    (Autoportrait au radiateur, p.77, Gallimard NRF 1997)
     
  245. Une des plus fines expériences de la vie est de cheminer avec quelqu'un dans la nature, parlant de tout et de rien.
    (Autoportrait au radiateur, p.93, Gallimard NRF 1997)
     
  246. Un livre, un vrai livre, ce n'est pas quelqu'un qui nous parle, c'est quelqu'un qui nous entend, qui sait nous entendre.
    (Autoportrait au radiateur, p.99, Gallimard NRF 1997)
     
  247. La beauté est une manière de résister au monde, de tenir devant lui et d'opposer à sa fureur une patience active.
    (Autoportrait au radiateur, p.107, Gallimard NRF 1997)
     
  248. Car il en va des sociétés comme des individus : le réel est toujours du côté du réfractaire, du fugitif, du résistant, de tout ce qu'on cherche à calmer, ordonner, faire taire et qui revient quand même, et qui revient encore, et qui revient sans cesse - incorrigible.
    (Autoportrait au radiateur, p.125, Gallimard NRF 1997)
     
  249. [...] l'amour donné un jour, c'est pour toujours qu'il est donné.
    (Autoportrait au radiateur, p.130, Gallimard NRF 1997)
     
  250. Le mal, c'est ce à quoi je prends part. Le bien, c'est ce que je laisse venir.
    (Autoportrait au radiateur, p.131, Gallimard NRF 1997)
     
  251. Ceux qui recueillent les faveurs de la foule sont comme des esclaves qui auraient des millions de maîtres.
    (Autoportrait au radiateur, p.133, Gallimard NRF 1997)
     
  252. [...] penser n'est jamais qu'une manière un peu austère de raconter.
    (Autoportrait au radiateur, p.136, Gallimard NRF 1997)
     
  253. La lecture, mes amis, c'est comme la parole d'amour ou comme Dieu le Père : jouissif en diable, charnel d'abord.
    (Autoportrait au radiateur, p.143, Gallimard NRF 1997)
     
  254. Le sentiment que j'ai de la vie est un sentiment musical - la musique, comme chacun sait, accomplissant ce prodige de disparaître dans le même temps où elle apparaît.
    (Autoportrait au radiateur, p.145, Gallimard NRF 1997)
     
  255. Les braves gens tristes ont toujours prétendu que les choses étaient très compliquées et qu'il fallait beaucoup mûrir avant de les saisir. Ce discours sur la complexité des choses est, il n'y a pas d'autre mot, le discours d'un salaud, de celui qui s'adresse à l'enfant pour lui dire : tais-toi.
    (Autoportrait au radiateur, p.151, Gallimard NRF 1997)
     
  256. L'écriture est la soeur cadette de la parole. L'écriture est la soeur tardive de la parole où un individu, voyageant de sa solitude à la solitude de l'autre, peuple l'espace entre les deux solitudes d'une Voie lactée de mots.
    (Autoportrait au radiateur, p.158, Gallimard NRF 1997)
     
  257. Le désenchantement est plus à craindre que le désespoir. Le désenchantement est un rétrécissement de l'esprit, une maladie des artères de l'intelligence qui peu à peu s'obstruent, ne laissent plus passer la lumière.
    (Autoportrait au radiateur, p.162, Gallimard NRF 1997)
     
  258. Un sourire est comme une armée d'avant-garde, une modification de la chair qui survit à la chair, qui se sépare d'elle et vole très loin, bien plus loin que le visage d'où ce sourire est monté, où il s'est conçu.
    (Geai, p.16, Gallimard NRF 1998)
     
  259. Être amoureux, c'est souvent l'être " vaguement ".
    (Geai, p.19, Gallimard NRF 1998)
     
  260. La vérité, vous la dites, et elle vous attire des claques ou des félicitations. Et le pire c'est que, dans un cas comme dans l'autre, personne ne vous croit.
    La vérité, c'est incroyable.

    (Geai, p.20, Gallimard NRF 1998)
     
  261. Une seule femme quand elle est amoureuse suffit pour remplir le ciel et la terre [...].
    (Geai, p.21, Gallimard NRF 1998)
     
  262. Un secret, c'est comme de l'or. Ce qui est beau dans l'or, c'est que ça brille. Pour que ça brille, il ne faut pas le laisser dans une cachette, il faut le sortir dans le plein jour. Un secret, c'est pareil. Si on est le seul à l'avoir, ce n'est rien. Il faut le dire pour que cela devienne un secret.
    (Geai, p.24, Gallimard NRF 1998)
     
  263. Les secrets sont des piments sur le bout de la langue. Tôt ou tard ils mettent la bouche en feu.
    (Geai, p.31, Gallimard NRF 1998)
     
  264. Mon Dieu, protégez-nous de ceux qui nous aiment.
    (Geai, p.32, Gallimard NRF 1998)
     
  265. Quand on aime quelqu'un, on a toujours quelque chose à lui dire ou à lui écrire, jusqu'à la fin des temps.
    (Geai, p.37, Gallimard NRF 1998)
     
  266. C'est une vieille loi du monde, une loi non écrite : celui qui a quelque chose en plus a, dans le même temps, quelque chose en moins.
    [...]
    Les vieilles lois du monde se lisent à l'envers aussi bien qu'à l'endroit : celui qui a quelque chose en moins a, dans le même temps, quelque chose en plus.

    (Geai, p.44 et 47, Gallimard NRF 1998)
     
  267. La vie ressemble à un film de Laurel et Hardy. Une chaîne de douleurs reçues et puis transmises.
    (Geai, p.45, Gallimard NRF 1998)
     
  268. Certaines choses et certains êtres ont besoin de la distance qui les sépare de nous, et que cette distance demeure infranchissable. Ils y puisent leur nourriture.
    (Geai, p.49, Gallimard NRF 1998)
     
  269. On ne transmet que ce qu'on aime.
    (Geai, p.55, Gallimard NRF 1998)
     
  270. Oui, oui, oui. Je dis oui à qui veut entendre oui. Au début, ça les rassure, ensuite, ça les énerve. Ils me reprochent de dire oui et de ne tenir aucun compte de leurs conseils.
    (Geai, p.60, Gallimard NRF 1998)
     
  271. Là où il n'y a qu'un fou, tout le monde est certain de ne pas l'être. Là où il y en a deux, trois, cinq, douze, plus personne n'est à l'abri, plus moyen de savoir qui est qui.
    (Geai, p.60, Gallimard NRF 1998)
     
  272. Le vrai bonheur, c'est ça : un visage inconnu, et comment la parole peu à peu l'éclaire, le fait devenir familier, proche, magnifique, pur.
    (Geai, p.72, Gallimard NRF 1998)
     
  273. Il vaut mieux faire peu de choses et bien les savourer. On s'habitue si vite.
    (Geai, p.85, Gallimard NRF 1998)
     
  274. On croit aimer des gens. En vérité, on aime des mondes.
    (Geai, p.100, Gallimard NRF 1998)
     
  275. [...] toute vraie présence est épuisante.
    (L'épuisement, p.20, Éd. Le temps qu'il fait, 1994)
     
  276. La solitude est une maladie dont on ne guérit qu'à condition de la laisser prendre ses aises et de ne surtout pas en chercher le remède nulle part. J'ai toujours craint ceux qui ne supportent pas d'être seuls et demandent au couple, au travail, à l'amitié voire, même au diable ce que ni le couple, ni le travail, ni l'amitié ni le diable ne peuvent donner : une protection contre soi-même, une assurance de ne jamais avoir affaire à la vérité solitaire de sa propre vie. Ces gens-là sont infréquentables. Leur incapacité d'être seuls fait d'eux les personnes les plus seules au monde.
    (L'épuisement, p.29, Éd. Le temps qu'il fait, 1994)
     
  277. [...] écrire c'est ne rien oublier de ce que le monde oublie.
    (L'épuisement, p.38, Éd. Le temps qu'il fait, 1994)
     
  278. Le travail c'est du temps transmué en argent, l'écriture c'est le même temps changé en or.
    (L'épuisement, p.46, Éd. Le temps qu'il fait, 1994)
     
  279. L'ennui c'est de l'amour qui s'apprête en silence.
    (L'épuisement, p.51, Éd. Le temps qu'il fait, 1994)
     
  280. La voix claire d'aucun ennui : la poésie c'est suivre son coeur en allant à la fête.
    (L'épuisement, p.61, Éd. Le temps qu'il fait, 1994)
     
  281. L'écriture c'est le coeur qui éclate en silence.
    (L'épuisement, p.63, Éd. Le temps qu'il fait, 1994)
     
  282. Ne jamais exiger quoi que ce soit - attendre.
    Ne jamais, à personne, rendre compte de ce que tu vis - rire.
    Ne jamais t'imaginer cause d'un bien - rire, encore.
    Ne jamais chercher une aide - attendre, encore.

    (L'épuisement, p.65, Éd. Le temps qu'il fait, 1994)
     
  283. [...] c'est bien trop peu d'être quelqu'un. Parce que c'est moins que rien. J'ai quarante-trois ans et je continue à vouloir être tout.
    (L'épuisement, p.77, Éd. Le temps qu'il fait, 1994)
     
  284. Écrire, c'est se découvrir hémophile, saigner de l'encre à la première écorchure, perdre ce qu'on est au profit de ce qu'on voit.
    (L'épuisement, p.80, Éd. Le temps qu'il fait, 1994)
     
  285. [...] être infidèle à soi-même pour mieux rester fidèle à la vie dans notre vie.
    (L'épuisement, p.85, Éd. Le temps qu'il fait, 1994)
     
  286. Lire pour se cultiver, c'est l'horreur. Lire pour rassembler son âme dans la perspective d'un nouvel élan, c'est la merveille.
    (L'épuisement, p.87, Éd. Le temps qu'il fait, 1994)
     
  287. [...] pas un seul éclat de rire dans les Évangiles.
    (L'épuisement, p.88, Éd. Le temps qu'il fait, 1994)
     
  288. [...] quand on lit Shakespeare ou quand on contemple une couleur dans le ciel, c'est toujours avec l'espérance d'y trouver notre vrai visage. Quand on tombe amoureux c'est pareil, sauf que là on est au plus près de découvrir enfin la pureté de nos traits, là, sur le visage de l'autre.
    (L'épuisement, p.92, Éd. Le temps qu'il fait, 1994)
     
  289. Lire c'est faire l'épreuve de soi dans la parole d'un autre, faire venir de l'encre par voie de sang jusqu'au fond de l'âme et que cette âme en soit imprégnée, manger ce qu'on lit, le transformer en soi et se transformer en lui.
    (L'épuisement, p.95, Éd. Le temps qu'il fait, 1994)
     
  290. Les livres qui échappent à la maîtrise de leur auteur sont les plus beaux des livres.
    (L'épuisement, p.112, Éd. Le temps qu'il fait, 1994)
     
  291. Ceux que j'aime, je ne leur demande que d'être libres de moi et ne jamais me rendre compte de ce qu'ils font ou de ce qu'ils ne font pas, et bien sûr, de ne jamais exiger une telle chose de moi. L'amour ne va qu'avec la liberté. La liberté ne va qu'avec l'amour.
    (L'épuisement, p.116, Éd. Le temps qu'il fait, 1994)
     
  292. Pour vivre, il faut avoir été regardé au moins une fois, avoir été aimé au moins un fois, avoir été porté au moins un fois. Et après, quand cette chose-là a été donnée, vous pouvez être seul.
    (In La grâce de solitude de Marie de Solemne, p.16, Éd. Dervy,1998)
     
  293. [...] l'amour la solitude sont comme les deux yeux d'un même visage.
    (In La grâce de solitude de Marie de Solemne, p.19, Éd. Dervy,1998)
     
  294. Vivre dans la solitude est un luxe. Vivre dans le silence est un luxe.
    (In La grâce de solitude de Marie de Solemne, p.22, Éd. Dervy,1998)
     
  295. Le livre est une chose fermée que l'oeil, le songe et l'esprit vont ouvrir. Comme une fleur.
    (In La grâce de solitude de Marie de Solemne, p.22, Éd. Dervy,1998)
     
  296. Je crois que ce qu'on ressent, ce qu'on perçoit chez l'autre, c'est souvent soi même.
    (In La grâce de solitude de Marie de Solemne, p.31, Éd. Dervy,1998)
     
  297. Si on veut transmettre quelque chose dans cette vie, c'est par la présence bien plus que par la langue et par la parole. La parole doit venir à certains moments, mais ce qui instruit et ce qui donne, c'est la présence. C'est elle qui est silencieusement agissante.
    (In La grâce de solitude de Marie de Solemne, p.39, Éd. Dervy,1998)
     
  298. Je crois qu'on est contagieux de soi-même. C'est même ce que je sens dans les livres. Les livres transmettent la personne qui les a écrits. Ils transmettent leur souffle.
    (In La grâce de solitude de Marie de Solemne, p.39, Éd. Dervy,1998)
     
  299. Dans la solitude on rejoint Quelqu'un d'autre que soi.
    (In La grâce de solitude de Marie de Solemne, p.43, Éd. Dervy,1998)
     
  300. On regarde, c'est difficile de regarder un nouveau-né, c'est comme un mort : on ne sait pas voir.
    (La femme à venir, p.11, Folio n° 3254)
     
  301. À vingt ans, on danse au centre du monde. À trente, on erre dans le cercle. À cinquante, on marche sur la circonférence, évitant de regarder vers l'extérieur comme vers l'intérieur. Plus tard, c'est sans importance, privilège des enfants et des vieillards, on est invisible.
    (La femme à venir, p.21, Folio n° 3254)
     
  302. C'est une chose fragile que la lumière du jour. On y grandit. On y marche. On y attend quelque chose, on se sait trop quoi. Oui, mais voilà : où trouver la force d'attendre, quand le visage aimé est recouvert de terre ?
    (La femme à venir, p.25, Folio n° 3254)
     
  303. Il y a un don des larmes. Il y a un abîme du monde -  et de soi - qui n'est donné que dans les larmes, qui brille au travers d'elles.
    (La femme à venir, p.30, Folio n° 3254)
     
  304. Vers la mort, très chère, nous allons. Tous. En dansant ou en boitant, en riant ou en geignant, peu importe, puisque c'est là que nous allons.
    (La femme à venir, p.48, Folio n° 3254)
     
  305. C'est la voix qui donne l'âge vrai. C'est la flamme d'une parole qui renseigne le mieux sur l'âge des gens.
    (La femme à venir, p.50, Folio n° 3254)
     
  306. [...] c'est ce qu'elle est : indifférente, avec passion.
    (La femme à venir, p.50, Folio n° 3254)
     
  307. Ce qui est vraiment dit, ce n'est jamais avec des mots que c'est dit. Et on l'entend quand même. Très bien.
    (La femme à venir, p.59, Folio n° 3254)
     
  308. Faire l'amour en cachette, c'est comme voler des bonbons à l'épicerie. C'est délicieux.
    (La femme à venir, p.72, Folio n° 3254)
     
  309. Il y a deux manières de mentir. On peut inventer. On peut dire aussi la vérité en passant, d'une voix menue, comme une chose parmi tant d'autres sans importance. C'est la plus élégante façon de mentir.
    (La femme à venir, p.73, Folio n° 3254)
     
  310. La douleur comme l'amour sont de mauvais ouvriers. Ils ne savent jamais entrer dans l'âme jusqu'en son fond. Mais y a-t-il un fond.
    (La femme à venir, p.79, Folio n° 3254)
     
  311. C'est facile de mener plusieurs vies. Il suffit de n'en avoir aucune à soi.
    (La femme à venir, p.99, Folio n° 3254)
     
  312. [L'ennui] est une douleur, la plus minutieuse. Elle se glisse au fond de l'âme, elle se niche entre les dents. On mange sans goût, on vit sans voir. [...] Expliquez-moi qui je suis. Donnez-moi de mes nouvelles.
    (La femme à venir, p.104, Folio n° 3254)
     
  313. Ce grand charme de ne pas chercher à plaire.
    (La femme à venir, p.111, Folio n° 3254)
     
  314. Si vous voulez vous faire aimer des hommes, Albe, commencez donc par les quitter : vous verrez comme alors ils sont doux. De vrais agneaux, de grands enfants perdus.
    (La femme à venir, p.114, Folio n° 3254)
     
  315. Comment se quitter soi-même - ce qui serait la seule manière de tout quitter.
    (La femme à venir, p.126, Folio n° 3254)
     
  316. Voyager, c'est une fête : on met la clef sous la porte, on se laisse à l'intérieur. On se donne rendez-vous à l'étranger. On regarde les rues, le ciel et les maisons. On se regarde soi-même dans les vitrines, étonné d'être où l'on est - c'est à dire ailleurs. On a changé. On est aussi neuf que ce qu'on voit.
    (La femme à venir, p.128, Folio n° 3254)
     
  317. Il n'y a pas d'autre attente que de vivre.
    (La femme à venir, p.134, Folio n° 3254)
     
  318. Bien peu de gens savent aimer, parce que bien peu savent tout perdre. Ils pensent que l'amour amène la fin de toutes misères. Ils ont raison de le penser, mais ils ont tort de vivre dans l'éloignement des vraies misères. Là où ils sont, rien ni personne ne viendra. Il leur faudrait d'abord atteindre cette solitude qu'aucun bonheur ne peut corrompre.
    (La femme à venir, p.134, Folio n° 3254)
     
  319. Il y a des fous tellement fous que rien ne pourra jamais leur enlever des yeux la jolie fièvre d'amour. Qu'ils soient bénis. C'est grâce à eux que la terre est ronde et que l'aube chaque fois se lève, se lève, se lève.
    (Tout le monde est occupé, p.17 (et p.127)
     
  320. Il y a ainsi des gens qui vous délivrent de vous-même - aussi naturellement que peut le faire la vue d'un cerisier en fleur ou d'un chaton jouant à attraper sa queue. Ces gens, leur vrai travail, c'est leur présence.
    (Tout le monde est occupé, p.19, Mercure de France, 1999)
     
  321. Les vivants sont un peu durs d'oreille. Ils sont souvent remplis de bruit. Il n'y a que les morts et ceux qui vont naître qui peuvent absolument tout entendre.
    (Tout le monde est occupé, p.24, Mercure de France, 1999)
     
  322. Il n'y a que du naturel dans ce monde. Ou si vous voulez, et c'est pareil : il n'y a que des miracles dans ce monde.
    (Tout le monde est occupé, p.34, Mercure de France, 1999)
     
  323. Il est très difficile de soutenir le regard fixe d'un tout-petit - c'est comme si Dieu était en face de vous et vous dévisageait sans pudeur, en prenant tout son temps, un peu étonné de vous voir là.
    (Tout le monde est occupé, p.35, Mercure de France, 1999)
     
  324. Le bout du monde et le fond du jardin contiennent la même quantité de merveilles.
    (Tout le monde est occupé, p.46, Mercure de France, 1999)
     
  325. Je n'avais jamais vu un aussi bel homme. Il était seul et la solitude fait beaucoup pour la beauté.
    (Tout le monde est occupé, p.47, Mercure de France, 1999)
     
  326. Tout le monde est occupé. Tout le monde, partout, tout le temps, est occupé, et par une seule chose à la fois.
    (Tout le monde est occupé, p.49, Mercure de France, 1999)
     
  327. Je trouve mes lectures dans la lumière du ciel. C'est le livre le plus profond qui soit - et ce n'est pas moi qui en tourne les pages.
    (Tout le monde est occupé, p.53, Mercure de France, 1999)
     
  328. L'amour est une guerre et un repos, une science et un artisanat. L'amour est tout, et même rien avec le tout. Innocence et ruse, innocence avec ruse. Apparaître et disparaître.
    (Tout le monde est occupé, p.55, Mercure de France, 1999)
     
  329. Les mots sont comme les gens. Leur manière de venir à nous en dit long sur leurs intentions.
    (Tout le monde est occupé, p.65, Mercure de France, 1999)
     
  330. Un jaloux ne peut trouver la paix que dans la mort de ce qu'il aime : là, enfin, il est sûr de ce qu'il possède.
    (Tout le monde est occupé, p.67, Mercure de France, 1999)
     
  331. Ce ne sont pas les histoires qui importent, mais le ton sur lequel elles sont racontées.
    (Tout le monde est occupé, p.74, Mercure de France, 1999)
     
  332. Faire trop longtemps la même chose, au même endroit, à la même heure, cela rend vieux.
    (Tout le monde est occupé, p.98, Mercure de France, 1999)
     
  333. Rien n'est plus contagieux que la liberté.
    (Tout le monde est occupé, p.105, Mercure de France, 1999)
     
  334. Dieu, mon petit bonhomme, c'est aussi simple que le soleil. Le soleil ne nous demande pas de l'adorer. Il nous demande seulement de ne pas lui faire obstacle et de le laisser passer, laisser faire.
    (Tout le monde est occupé, p.126, Mercure de France, 1999)
     
  335. [...] soigner c'est aussi dévisager, parler - reconnaître par le regard et la parole la souveraineté intacte de ceux qui ont tout perdu.
    (La présence pure, p.13, Le temps qu'il fait, 1999)
     
  336. Ce qui est blessé en nous demande asile aux plus petites choses de la terre et le trouve.
    (La présence pure, p.16, Le temps qu'il fait, 1999)
     
  337. Deux biens sont pour nous aussi précieux que l'eau ou la lumière pour les arbres : la solitude et les échanges.
    (La présence pure, p.17, Le temps qu'il fait, 1999)
     
  338. Il y a une naissance simultanée de nos yeux et du monde, un sentiment de " première fois " où ce qui regarde et ce qui est regardé se donnent le jour.
    (La présence pure, p.19, Le temps qu'il fait, 1999)
     
  339. J'aime appuyer ma main sur le tronc d'un arbre devant lequel je passe, non pour m'assurer de l'existence de l'arbre - dont je ne doute pas - mais de la mienne.
    (La présence pure, p.25, Le temps qu'il fait, 1999)
     
  340. Il est impossible de protéger du malheur ceux qu'on aime : j'aurai mis longtemps pour apprendre une chose aussi simple. Apprendre est toujours amer, toujours à nos dépens. Je ne regrette pas cette amertume.
    (La présence pure, p.42, Le temps qu'il fait, 1999)
     
  341. La maladie d'Alzheimer enlève ce que l'éducation a mis dans la personne et fait remonter le coeur en surface.
    (La présence pure, p.46, Le temps qu'il fait, 1999)
     
  342. La vérité est ce qui brûle. La vérité est moins dans la parole que dans les yeux, les mains et le silence. La vérité, ce sont des yeux et des mains qui brûlent en silence.
    (La présence pure, p.62, Le temps qu'il fait, 1999)
     
  343. Ceux qui ont très peu de jours et ceux qui sont très vieux sont dans un autre monde que le nôtre. En se liant à nous ils nous font un présent inestimable.
    (La présence pure, p.64, Le temps qu'il fait, 1999)
     
  344. Il y a une étoile mise dans le ciel pour chacun de nous, assez éloignée pour que nos erreurs ne viennent jamais la ternir.
    (Ressusciter, p.15, Gallimard nrf, 2001)
     
  345. Le jour où nous consentons à un peu de bonté est un jour que la mort ne pourra plus arracher au calendrier.
    (Ressusciter, p.18, Gallimard nrf, 2001)
     
  346. Il y a une heure où, pour chacun de nous, la connaissance inconsolable entre dans notre âme et la déchire. C'est dans la lumière de cette heure-là, qu'elle soit déjà venue ou non, que nous devrions tous nous parler, nous aimer et même le plus possible rire ensemble.
    (Ressusciter, p.20, Gallimard nrf, 2001)
     
  347. L'amour est le miracle d'être un jour entendu jusque dans nos silences, et d'entendre en retour avec la même délicatesse : la vie à l'état pur, aussi fine que l'air qui soutient les ailes des libellules et se réjouit de leur danse.
    (Ressusciter, p.27, Gallimard nrf, 2001)
     
  348. Il n'y a pas de plus grand malheur sur cette terre que de n'y trouver personne à qui parler et nos bavardages, loin de remédier à ce silence, ne font la plupart du temps que l'alourdir.
    (Ressusciter, p.39, Gallimard nrf, 2001)
     
  349. Le coeur des morts est une boîte à musique. À peine commence-t-on à penser à eux qu'il en sort un air léger et déchirant.
    (Ressusciter, p.49, Gallimard nrf, 2001)
     
  350. J'ai trouvé Dieu dans les flaques d'eau, dans le parfum du chèvrefeuille, dans la pureté de certains livres et même chez des athées. Je ne l'ai presque jamais trouvé chez ceux dont le métier est d'en parler.
    (Ressusciter, p.60, Gallimard nrf, 2001)
     
  351. Rien ne préserve mieux la fraîcheur de la vie que le calme d'un coeur brûlant.
    (Ressusciter, p.64, Gallimard nrf, 2001)
     
  352. Quand on regarde hâtivement une chose belle - et toutes les choses vivantes sont belles parce qu'elles portent en elles le secret de leur prochaine disparition - on a envie de la prendre pour soi. Quand on la contemple avec la lenteur qu'elle mérite, qu'elle appelle et qui la protège un instant de sa fin, alors elle s'illumine et on n'a plus envie de la posséder : la gratitude est le seul sentiment qui réponde à cette clarté qui entre en nous.
    (Ressusciter, p.67, Gallimard nrf, 2001)
     
  353. [...] personne ne flaire la sainteté aussi vite que le diable.
    (Ressusciter, p.75, Gallimard nrf, 2001)
     
  354. On ne peut bien voir qu'à condition de ne pas chercher son intérêt dans ce qu'on voit.
    (Ressusciter, p.93, Gallimard nrf, 2001)
     
  355. Devant ce que la vie a de plus cruel, toutes les pensées parfois s'effondrent, privées d'appui, et il ne nous reste plus qu'à demander aux arbres qui tremblent sous le vent de nous apprendre cette compassion que le monde ignore.
    (Ressusciter, p.95, Gallimard nrf, 2001)
     
  356. La vérité est sur la terre comme un miroir brisé dont chaque éclat reflète la totalité du ciel.
    (Ressusciter, p.96, Gallimard nrf, 2001)
     
  357. [...] un intellectuel, c'est-à-dire quelqu'un que sa propre intelligence empêche de penser.
    (Ressusciter, p.126, Gallimard nrf, 2001)
     
  358. Que les gens disparaissent est au fond moins surprenant que de les voir apparaître soudain devant nous, proposés à notre coeur et à notre intelligence. Ces apparitions sont d'autant plus précieuses qu'elles sont infiniment rares. La plupart des gens sont aujourd'hui si parfaitement adaptés au monde qu'ils en deviennent inexistants.
    (Ressusciter, p.136, Gallimard nrf, 2001)
     
  359. Les écureuils, dit-on, amassent leur nourriture dans des cachettes qu'ensuite ils ne savent plus retrouver. Un tel oubli me semble lumineux et mystérieusement sage.
    (Ressusciter, p.137, Gallimard nrf, 2001)
     
  360. J'ai toujours eu un léger dégoût pour ceux qui sont capables de commenter pendant des heures la finesse ou l'arôme d'un vin, amenant dans leur parole, pour des choses sans importance, une délicatesse qu'ils ne mettent pas dans leur vie.
    (Ressusciter, p.145, Gallimard nrf, 2001)
     
  361. Par instants je pense que nous ne mourrons jamais. À d'autres instants je pense que nous sommes plus perdus que des jouets dont un enfant ne se sert plus. La vérité, qui peut la dire ?
    (Ressusciter, p.163, Gallimard nrf, 2001)
     
  362. Écrire et voir, c'est pareil, et pour voir il faut la lumière. Le paradoxe, c'est qu'on peut trouver la lumière dans le noir de l'encre. C'est comme de la nuit sur la page, et c'est pourtant là-dedans qu'on voit clair.
    (La lumière du monde, p.24, Gallimard nrf, 2001)
     
  363. Ce qui est douloureux, c'est qu'il est impossible d'expliquer quelque chose à quelqu'un qui ne l'a pas déjà compris. On peut seulement parler à quelqu'un qui en a le pressentiment et qui souffre de ne pas avoir de lumières là-dessus.
    (La lumière du monde, p.28, Gallimard nrf, 2001)
     
  364. C'est attristant d'ignorer le nom de ce qu'on aime. C'est un rien de mélancolie pure.
    (La lumière du monde, p.31, Gallimard nrf, 2001)
     
  365. Marcher dans la nature, c'est comme se trouver dans une immense bibliothèque où chaque livre ne contiendrait que des phrases essentielles.
    (La lumière du monde, p.33, Gallimard nrf, 2001)
     
  366. Le courage n'est pas de peindre cette vie comme un enfer puisqu'elle en est si souvent un : c'est de la voir telle et de maintenir malgré tout l'espoir du paradis.
    (La lumière du monde, p.40, Gallimard nrf, 2001)
     
  367. [...] l'intelligence cherche toujours quelque chose à aimer, le but étant de devenir soi-même comme le ciel étoilé. La vie est une fête de sa propre disparition : la neige, c'est comme des milliers de mots d'amour qu'on reçoit et qui vont fondre, les roses sont comme des petites paroles brûlantes qui vont s'éteindre, et celui qui arrive à les déchiffrer doit être d'une précision hallucinante s'il veut être cru, s'il veut parvenir à faire voir à d'autres ce qu'il a vu.
    (La lumière du monde, p.43, Gallimard nrf, 2001)
     
  368. Un vrai livre, c'est toujours quelqu'un qui entre dans notre solitude.
    (La lumière du monde, p.44, Gallimard nrf, 2001)
     
  369. Aimer quelqu'un, c'est le lire. C'est savoir lire toutes les phrases qui sont dans le coeur de l'autre, et en lisant le délivrer.
    (La lumière du monde, p.55, Gallimard nrf, 2001)
     
  370. Quand la vérité éclaire partout, c'est l'amour.
    (La lumière du monde, p.56, Gallimard nrf, 2001)
     
  371. [...] ce mélange de vouloir instruire et mépriser à la fois qui est si fréquent chez les intellectuels : on parle à quelqu'un qui est à un mètre de soi et on est envoyé à des années-lumières.
    (La lumière du monde, p.63, Gallimard nrf, 2001)
     
  372. Vouloir expliquer le monde, c'est comme vouloir faire entrer des roses dans un vase à coups de marteau. [...] Ce que j'attends d'une conversation, c'est de l'air.
    (La lumière du monde, p.76, Gallimard nrf, 2001)
     
  373. La vérité nous rend cette candeur première, la beauté de celui qui entre dans une église pour prier sans être vu, ou de celui qui ouvre un livre dans un jardin public : le visage devient alors comme une petite chapelle. C'est beau : on dirait un départ sur place.
    (La lumière du monde, p.95, Gallimard nrf, 2001)
     
  374. Quelle que soit la férocité des hommes, le sourire apparaît chaque fois que quelqu'un est mis au monde. Un sourire peut être angélique ou faux, mais un vrai sourire, c'est le sourire de quelqu'un qui a tout trouvé : il n'y a plus ni calcul ni séduction.
    (La lumière du monde, p.107, Gallimard nrf, 2001)
     
  375. Il y a un critère de la vérité, c'est qu'elle vous change : ça bouleverse comme un amour, la vérité.
    (La lumière du monde, p.135, Gallimard nrf, 2001)
     
  376. Voir un vrai visage, c'est voir quelqu'un qui a vu quelque chose de plus grand que lui.
    (La lumière du monde, p.140, Gallimard nrf, 2001)
     
  377. Penser, c'est regarder au fond d'un puits et y laisser filer un seau relié à une chaîne, et avoir le plaisir de le ramener plein à ras bord d'une eau noire où se reflètent toutes les étoiles.
    (La lumière du monde, p.141, Gallimard nrf, 2001)
     
  378. [...] ce qui me paraît être le plus proche d'un livre, jusque dans sa forme même, c'est une tombe. Sous la couverture du livre comme sous la pierre tombale, il y a une âme qui attend une résurrection.
    (La lumière du monde, p.161, Gallimard nrf, 2001)
     
  379. Deux choses nous éclairent, qui sont toutes les deux imprévisibles : un amour et une mort. C'est par ces événements seuls qu'on peut devenir intelligents, parce qu'ils nous rendent ignorants. Ces moments, où il n'y a plus de social, plus de vie ordinaire, sont peut-être les seuls où on apprend vraiment, parce qu'ils amènent une question qui excède toutes les réponses.
    (La lumière du monde, p.162, Gallimard nrf, 2001)
     
  380. Je suis trop ambitieux pour l'être. Je voudrais être un fou qui ne possèderait plus qu'une seule chose : un coeur.
    (Le Christ aux coquelicots, p.12, Lettres Vives, 2002)
     
  381. Un jour on sort du paradis et on voit ce qu'est le monde : un palais pour les menteurs, un désert pour les purs.
    (Le Christ aux coquelicots, p.16, Lettres Vives, 2002)
     
  382. Quand la vérité entre dans un coeur, elle est comme une petite fille qui, entrant dans une pièce, fait aussitôt paraître vieux tout ce qui s'y trouve.
    (Le Christ aux coquelicots, p.18, Lettres Vives, 2002)
     
  383. L'art suprême, ce qui manque à tant de petits maîtres, c'est de savoir donner sa langue au chat.
    (Le Christ aux coquelicots, p.44, Lettres Vives, 2002)
     
  384. Mourir, c'est comme tomber amoureux : on disparaît, et on ne donne plus de nouvelles à personne.
    (Le Christ aux coquelicots, p.45, Lettres Vives, 2002)
     
  385. [...] il y a une chose plus redoutable encore [que la mort] : une vie sans amour.
    (Le Christ aux coquelicots, p.47, Lettres Vives, 2002)
     
  386. Il y a un instant où la mort a toutes les cartes et où elle abat d'un seul coup les quatre as sur la table.
    (Le Christ aux coquelicots, p.48, Lettres Vives, 2002)
     
  387. Un visage trop souvent photographié perd peu à peu son secret, et la gloire signe la disparition des personnes : triompher dans le monde, c'est avoir tout perdu.
    (Louise Amour, p.12, Gallimard/nrf, 2004)
     
  388. Je refusais obstinément de vivre dans l'antarctique des gens normaux.
    (Louise Amour, p.15, Gallimard/nrf, 2004)
     
  389. Les louanges sont des flèches dont la petite pointe d'or est trempée dans du poison.
    (Louise Amour, p.18, Gallimard/nrf, 2004)
     
  390. Ce n'est pas Dieu qui est au centre de l'univers et ce n'est pas nous non plus. Ce sont seulement nos gestes quand ils sont appliqués au simple et à l'utile.
    (Louise Amour, p.22, Gallimard/nrf, 2004)
     
  391. Le visage d'une mère est pour l'enfant son premier livre d'images.
    (Louise Amour, p.23, Gallimard/nrf, 2004)
     
  392. [...] le sourire de Louise Amour survint, balayant toutes mes réticences et je fis taire en moi celui qui, depuis toujours, savait que la plus grande gloire est de n'être connu de personne.
    (Louise Amour, p.39, Gallimard/nrf, 2004)
     
  393. Un troubadour est un homme qui chante au monde entier la grâce d'une femme inaccessible, mariée à un autre que lui, mariée, pourrait-on dire, à tous sauf à lui.
    (Louise Amour, p.44, Gallimard/nrf, 2004)
     
  394. [...] personne, jamais, ne fera voir à un homme amoureux ce qu'il ne veut pas voir.
    (Louise Amour, p.48, Gallimard/nrf, 2004)
     
  395. Il n'y a que le grave et l'inattendu qui peuvent offrir à nos âmes captives une ouverture sur la vie pure, et c'est ce que le monde, instinctivement, immédiatement, déteste.
    (Louise Amour, p.51, Gallimard/nrf, 2004)
     
  396. Les livres sont de vieux serviteurs sur le dos desquels nous disposons, afin qu'ils les portent à notre place, nos craintes et nos espérances.
    (Louise Amour, p.55, Gallimard/nrf, 2004)
     
  397. Certains êtres sont comme le lilas qui sature de son parfum, jour et nuit, l'air dans lequel il trempe, condamnant ceux qui entrent dans son cercle embaumé à éprouver aussitôt une ivresse intime qui fait s'entrechoquer, comme des verres de cristal de Bohême, les atomes de leurs âmes.
    (Louise Amour, p.61, Gallimard/nrf, 2004)
     
  398. Saisir une main, c'est à chaque fois mettre ses doigts dans une prise électrique et aussitôt connaître l'intensité qui circule sans bruit sous la peau de l'autre.
    (Louise Amour, p.83, Gallimard/nrf, 2004)
     
  399. Ce qui advient dans le visible n'est qu'un effet - parfois très retardé - de ce qui s'est auparavant passé dans l'invisible.
    (Louise Amour, p.99, Gallimard/nrf, 2004)
     
  400. Tout visage est une porte et la même porte, selon l'instant où on la pousse, peut donner sur le paradis ou sur l'enfer.
    (Louise Amour, p.100, Gallimard/nrf, 2004)
     
  401. Les paroles appellent, les visages fascinent, les gestes aimantent et soudain tout ce complot du visible échoue, soudain nous devenons rêveurs c'est-à-dire ramenés à l'essentiel par la vue d'une fleur si pauvre, si proche de la terre qu'il faut presque s'agenouiller pour bien la voir et méditer sa leçon de silence.
    (Louise Amour, p.121, Gallimard/nrf, 2004)
     
  402. La merveille ne revient jamais avec le même visage.
    (Louise Amour, p.138, Gallimard/nrf, 2004)
     
  403. J'écris ce livre pour tous ces gens qui ont une vie simple et très belle, mais qui finissent par en douter parce qu'on ne leur propose que du spectaculaire.
    (Prisonnier du berceau, p.11, Mercure de France, 2005)
     
  404. Un enfant qui s'ennuie n'est pas très loin du paradis : il est au bord de comprendre qu'aucune activité, même celle, lumineuse, du jeu, ne vaut qu'on y consacre toute son âme. L'ennui flaire un gibier angélique dans le buisson du temps : il y a peut-être autre chose à faire dans cette vie que de s'y éparpiller en actions, s'y pavaner en paroles ou s'y trémousser en danses. La regarder, simplement.
    (Prisonnier du berceau, p.15, Mercure de France, 2005)
     
  405. Un fou, c'est quelqu'un qui a laissé la souffrance prendre sa place.
    (Prisonnier du berceau, p.35, Mercure de France, 2005)
     
  406. Beaucoup de très belles choses nous attendent, sans jamais s'impatienter de ne pas nous voir venir.
    (Prisonnier du berceau, p.41, Mercure de France, 2005)
     
  407. Le paradis c'est d'être là.
    (Prisonnier du berceau, p.43, Mercure de France, 2005)
     
  408. La prétention empêche de voir plus loin que soi.
    (Prisonnier du berceau, p.47, Mercure de France, 2005)
     
  409. [...] rien ne sera jamais aussi vaste qu'un visage ouvert par l'étonnement d'aimer.
    (Prisonnier du berceau, p.62, Mercure de France, 2005)
     
  410. Le plus beau dans cette vie, c'est de se fatiguer pour quelqu'un sans qu'il s'en aperçoive.
    (Prisonnier du berceau, p.66, Mercure de France, 2005)
     
  411. Lire c'est débroussailler dans son âme un chemin que les ronces et les arbres effondrés ont depuis longtemps recouvert, puis avancer jusqu'à découvrir un château en ruine dont les fougères sont les princesses et les liserons les sentinelles. Une légende est attachée à ce château jadis construit par un seigneur si bon qu'il n'a voulu laisser son nom nulle part. Lire c'est rechercher ce nom dans les livres mais aussi dans les fleurs ou sur les visages : partout où passe une douceur si grande que nulle explication ne peut en être donnée.
    (Prisonnier du berceau, p.69, Mercure de France, 2005)
     
  412. [...] le poinçon du sourire aux lèvres des mères quand les forteresses des écoles laissent échapper à midi leurs minuscules otages.
    (Prisonnier du berceau, p.74, Mercure de France, 2005)
     
  413. Mais les opinions sont des branches mortes flottant sur l'eau croupie de l'époque.
    (Prisonnier du berceau, p.76, Mercure de France, 2005)
     
  414. Ce qui nous sort du monde malgré nous est toujours une grâce. La plus belle vie est celle qui exprime ce que la vie a de beau.
    (Prisonnier du berceau, p.78, Mercure de France, 2005)
     
  415. Quand il me vit, d'abord il ne me reconnut pas. [Son père était atteint de la maladie d'Elzeimer -GGJ] Puis le crêpe de la maladie s'enflamma, ses yeux s'ouvrirent sur moi, son soulagement rajeunit ses traits et il avait un visage d'enfant crédule quand il me demanda : « Comment as-tu fait pour me retrouver? » Cette parole, je l'entends chaque fois que je rencontre vraiment quelqu'un.
    (Prisonnier du berceau, p.80, Mercure de France, 2005)
     
  416. Le silence boit la vérité de nos vies.
    (Prisonnier du berceau, p.82, Mercure de France, 2005)
     
  417. Quand on regarde vraiment quelqu'un, on est devant lui comme sa mort bienveillante, on l'aide à se défaire des enveloppes qui entourent son âme et l'oppressent. Une suie de néant se dépose sur notre visage au long de notre vie. La mort est le gant de crin avec lequel Dieu nous débarbouille. L'attention commence ce travail.
    (Prisonnier du berceau, p.87, Mercure de France, 2005)
     
  418. Chacun, même le plus perdu des hommes, a dans son âme une chaumière, avec une clochette à l'entrée. Le vent parfois la fait bouger.
    (Prisonnier du berceau, p.88, Mercure de France, 2005)
     
  419. Le temps est la toupie de Dieu. Les saisons sont peintes sur son tour. La toupie tourne de plus en plus vite, jusqu'au jour où, comme si elle avait heurté un invisible obstacle, elle sort de son axe, bascule sur le côté, s'arrête : quelqu'un vient nous sortir du tourbillon de nos soucis et de peines.
    (Prisonnier du berceau, p.03, Mercure de France, 2005)
     
  420. [...] les vrais artistes trouvent leur force dans ce qui les accable. D'un empêchement à vivre ils font une grâce.
    (L'équilibriste, p.19, Le temps qu'il fait, 1998)
     
  421. [Les livres] viennent, ne l'oublions pas, des arbres. Parfois ils s'en souviennent : certaines phrases de certains livres bruissent comme les feuilles de l'acacia.
    (L'équilibriste, p.20, Le temps qu'il fait, 1998)
     
  422. Le printemps se moque de conclure. Il ouvre et ne termine jamais. Il est dans sa nature d'être sans fin.
    (L'équilibriste, p.28, Le temps qu'il fait, 1998)
     
  423. Si nous regardions bien, si nous regardions calmement, nous serions effrayés par la souveraineté de la moindre pâquerette : elle est là, toute bête, tout jaune. Pour être là, elle a dû traverser des morts et des déserts. Pour être là, toute menue, elle a dû livrer des guerres sans pitié.
    (L'équilibriste, p.29, Le temps qu'il fait, 1998)
     
  424. Nous nous accoutumons trop vite à ce que nous avons. Dieu merci, le printemps vient parfois remettre du désordre dans tout ça, nous découvrons que nous n'avons jamais rien eu à nous et cette découverte est la chose la plus joyeuse que je connaisse.
    (L'équilibriste, p.31, Le temps qu'il fait, 1998)
     
  425. Pour lire un roman, il faut deux ou trois heures. Pour lire un poème, il faut une vie entière.
    (L'équilibriste, p.34, Le temps qu'il fait, 1998)
     
  426. Sa pensée se pose comme un papillon sur une lumière éternelle. Impossible de savoir où se finissent les ailes du papillon et où commence la lumière.
    (Une bibliothèque de nuages, p.13, Lettres Vives, 2006)
     
  427. Quand je me penche sur une phrase pour la polir, le monde n'est plus qu'un duvet d'oie volant dans la chambre.
    (Une bibliothèque de nuages, p.16, Lettres Vives, 2006)
     
  428. J'écris pour trouver l'heure qu'il est dans l'éternel.
    (Une bibliothèque de nuages, p.22, Lettres Vives, 2006)
     
  429. Notre âme regarde passer les wagons de nos projets, assise dans le fossé où elle mâche un brin d'herbe.
    (Une bibliothèque de nuages, p.26, Lettres Vives, 2006)
     
  430. Les gens ont chacun leur croix et ils se tapent dessus avec.
    (Une bibliothèque de nuages, p.27, Lettres Vives, 2006)
     
  431. On ne sait pas ce qu'est la poésie. On sait juste que c'est donner son sang aux anges qui passent.
    (Une bibliothèque de nuages, p.33, Lettres Vives, 2006)
     
  432. La mort est un clou en or dans le bois de la vie.
    (Une bibliothèque de nuages, p.36, Lettres Vives, 2006)
     
  433. La mort se cache derrière nos fêtes comme un enfant se cache derrière un arbre. On voit toujours le bout de ses souliers.
    (Une bibliothèque de nuages, p.37, Lettres Vives, 2006)
     
  434. Cherchant en lui l'enfant qu'il avait été, je ne trouvais que son assassin.
    (Une bibliothèque de nuages, p.43, Lettres Vives, 2006)
     
  435. Écrire - suivre un aveugle qui connaît le chemin.
    (Une bibliothèque de nuages, p.48, Lettres Vives, 2006)
     
  436. Chaque jour la même énigme, un jour la solution.
    (Une bibliothèque de nuages, p.60, Lettres Vives, 2006)
     
  437. Je voudrais n'écrire que des livres qu'on puisse lire aux urgences, là où les questions qu'on nous pose et l'attention qu'on nous porte sont si froides qu'elles nous vident de notre âme.
    (Une bibliothèque de nuages, p.62, Lettres Vives, 2006)
     
  438. La poésie est la fille infirme du ciel, la silencieuse défaite du monde et de sa science.
    (La dame blanche, p.8, Gallimard coll. L'un et l'autre, 2007)
     
  439. L'écriture est à elle-même sa propre récompense.
    (La dame blanche, p.13, Gallimard coll. L'un et l'autre, 2007)
     
  440. On ne connaît jamais mieux une chose que par son manque.
    (La dame blanche, p.17, Gallimard coll. L'un et l'autre, 2007)
     
  441. Un jour arrive où plus personne ne vous est étranger. Ce jour-là, terrible, signe votre entrée dans la vie réelle.
    (La dame blanche, p.23, Gallimard coll. L'un et l'autre, 2007)
     
  442. La colère des saintes est plus terrible que celle du diable.
    (La dame blanche, p.24, Gallimard coll. L'un et l'autre, 2007)
     
  443. Les parents voient leurs enfants, jamais leurs âmes.
    (La dame blanche, p.28, Gallimard coll. L'un et l'autre, 2007)
     
  444. Un poète, c'est joli quand un siècle a passé, que c'est mort dans la terre et vivant dans les textes. Mais quand c'est chez vous, un enfant épris d'absolu, bouclé dans sa chambre avec ses livres, comme un jeune fauve dans sa tanière enfumée par Dieu, comment l'élever ? Les enfants savent tout du ciel jusqu'au jour où ils commencent à apprendre des choses. Les poètes sont des enfants ininterrompus, des regardeurs de ciel, impossible à élever.
    (La dame blanche, p.35, Gallimard coll. L'un et l'autre, 2007)
     
  445. Être saint c'est être vivant. Être vivant c'est être soi, seul dans son genre.
    (La dame blanche, p.49, Gallimard coll. L'un et l'autre, 2007)
     
  446. Bien avant d'être une manière d'écrire, la poésie est une façon d'orienter sa vie, de la tourner vers le soleil levant de l'invisible.
    (La dame blanche, p.55, Gallimard coll. L'un et l'autre, 2007)
     
  447. Le paradis est l'endroit où nous n'aurons plus besoin d'être rassurés.
    (La dame blanche, p.68, Gallimard coll. L'un et l'autre, 2007)
     
  448. Certaines personnes sont si ardemment présentes à elles-mêmes que, devant elles, on se découvre douloureusement une âme.
    (La dame blanche, p.80, Gallimard coll. L'un et l'autre, 2007)
     
  449. Il n'y a pas de plus grande joie que de connaître quelqu'un qui voit le même monde que nous. C'est apprendre que l'on n'était pas fou.
    (La dame blanche, p.104, Gallimard coll. L'un et l'autre, 2007)
     
  450. Lire et écrire sont deux points de résistance à l'absolutisme du monde.
    (Les ruines du Ciel, p.12, Gallimard, 2009)
     
  451. Les livres sont la résidence secondaire de l'âme. Quand elle pousse les volets de papier contre le mur, une lumière entre partout dans la pièce.
    (Les ruines du Ciel, p.15, Gallimard, 2009)
     
  452. Il n'y a aucune différence entre croire et vivre.
    (Les ruines du Ciel, p.16, Gallimard, 2009)
     
  453. Pas d'infini sans clôture.
    (Les ruines du Ciel, p.17, Gallimard, 2009)
     
  454. Dieu tenait au dix-septième siècle la place qu'aujourd'hui tient l'argent. Les dégâts étaient moindres.
    (Les ruines du Ciel, p.21, Gallimard, 2009)
     
  455. Les livres sont des clôtures de papier.
    (Les ruines du Ciel, p.21, Gallimard, 2009)
     
  456. Le paradis est une bibliothèque dont tous les rayons sont dévalisés.
    (Les ruines du Ciel, p.22, Gallimard, 2009)
     
  457. Toute notre vie n'est faite que d'échecs et ces échecs sont des carreaux cassés par où l'aire entre.
    (Les ruines du Ciel, p.26, Gallimard, 2009)
     
  458. L'art de vivre consiste à garder intact le sentiment de la vie et à ne jamais déserter le point d'émerveillement et de sidération qui seul permet à l'âme de voir.
    (Les ruines du Ciel, p.28, Gallimard, 2009)
     
  459. Chaque jour a son poison et, pour qui sait voir, son antidote.
    (Les ruines du Ciel, p.34, Gallimard, 2009)
     
  460. Deux sortes de paradis: venir en aide à quelqu'un et lire un livre.
    (Les ruines du Ciel, p.36, Gallimard, 2009)
     
  461. Les plus graves problèmes ne sont que des lacets d'enfant mouillés: plus on tire dessus, plus on les rend impossibles à dénouer.
    (Les ruines du Ciel, p.39, Gallimard, 2009)
     
  462. Le diable fuit de n'être pas pris au sérieux.
    (Les ruines du Ciel, p.41, Gallimard, 2009)
     
  463. La sagesse est un parapluie troué: personne n'est à l'abri de la mode.
    (Les ruines du Ciel, p.44, Gallimard, 2009)
     
  464. La sainteté c'est juste de ne pas faire vivre le mal qu'on a en soi.
    (Les ruines du Ciel, p.45, Gallimard, 2009)
     
  465. Il y a toujours dans un livre, même mauvais, une phrase qui bondit au visage du lecteur comme si elle n'attendait que lui.
    (Les ruines du Ciel, p.47, Gallimard, 2009)
     
  466. Toutes nos pensées reviennent à chercher la clé d'un paradis dont la porte est ouverte.
    (Les ruines du Ciel, p.53, Gallimard, 2009)
     
  467. La vie a besoin de livres comme les nuages ont besoin des flaques d'eau pour s'y mirer et s'y connaître.
    (Les ruines du Ciel, p.68, Gallimard, 2009)
     
  468. Parfois quelqu'un vous donne à manger en une seconde pour votre vie entière.
    (Les ruines du Ciel, p.70, Gallimard, 2009)
     
  469. Le sens de cette vie c'est de voir s'effondrer les uns après les autres tous les sens qu'on avait cru trouver.
    (Les ruines du Ciel, p.71, Gallimard, 2009)
     
  470. Après les nuages, ce qu'il y a de plus beau au monde c'est un livre.
    (Les ruines du Ciel, p.80, Gallimard, 2009)
     
  471. Au Moyen-Âge dans les murs des hospices, on creusait un guichet où une mère affolée pouvait abandonner son nouveau-né. L'écriture est un guichet de papier où la vie nouvelle-née attend en confiance d'être adoptée.
    (Les ruines du Ciel, p.81, Gallimard, 2009)
     
  472. La mode est un bourreau que ses victimes acclament.
    (Les ruines du Ciel, p.83, Gallimard, 2009)
     
  473. L'inattendu est la signature authentique du divin.
    (Les ruines du Ciel, p.93, Gallimard, 2009)
     
  474. Deux arbres artificiels accueillent la clientèle de la banque. La vie est dans ce lieu si maltraitée que même les faux arbres ont l'air d'y dépérir.
    (Les ruines du Ciel, p.100, Gallimard, 2009)
     
  475. Pas de joie plus grande que de trouver le mot juste: c'est comme venir au secours d'un ange qui bégaie.
    (Les ruines du Ciel, p.147, Gallimard, 2009)
     
  476. Ne pas chercher son intérêt mais l'intérêt de ce qu'on voit est la formule de l'esprit.
    (Les ruines du Ciel, p.158, Gallimard, 2009)
     
  477. Nous sommes des aveugles dans un palais de lumières. Des serviteurs dont nous ignorons le nom se précipitent devant nous, écartant les meubles pour nous éviter toute blessure grave.
    (Les ruines du Ciel, p.162, Gallimard, 2009)