André Brincourt
1920
  1. Nous savons bien que la télévision ne s'adresse pas à dix millions de personnes, mais à dix millions de fois quelqu'un.
    C'est là son génie propre. Quel que soit l'angle sous lequel on considère le phénomène, il convient donc d'admettre que la télévision appartient essentiellement au domaine de la vie privée.

    (La télévision, p.8, Hachette, Coll. Notes et maximes, 1965)
     
  2. Le petit écran est un miroir. Il renvoie à l'homme qui le regarde sa propre image. Mieux vaut y songer avant de prononcer un jugement définitif.
    (La télévision, p.9, Hachette, Coll. Notes et maximes, 1965)
     
  3. À tous les niveaux et dans tous les secteurs de cette entreprise multiple, le crime de lèse-télévision consiste, pour l'homme, à démissionner devant la machine.
    (La télévision, p.15, Hachette, Coll. Notes et maximes, 1965)
     
  4. La télévision deviendra majeure lorsque l'on établira les programmes en fonction des idées et non des moyens.
    (La télévision, p.15, Hachette, Coll. Notes et maximes, 1965)
     
  5. On peut regarder sans voir. On peut aussi voir sans regarder. L'exercice, dans les deux cas, détériore l'esprit.
    (La télévision, p.21, Hachette, Coll. Notes et maximes, 1965)
     
  6. Le fait de « n'avoir qu'à tourner le bouton » ne saurait nous dispenser d'apporter à l'émission une sorte de vigilance de principe, que l'on ne refuse pas dans toute salle publique où « l'on a payé sa place ». Sans quoi, mieux vaut faire autre chose. Or il est certain que la télévision doit sa mauvaise réputation à la facilité d'usage et, partant, au fait que les gens se font un malin plaisir de « négliger son existence », comme si, en mangeant des spaghetti pendant que chante la Callas, ou en sablant le champagne lors de la retransmission de la messe de minuit, ils se vengeaient sourdement des usages imposés dans la société et se libéraient par là même.
    (La télévision, p.24, Hachette, Coll. Notes et maximes, 1965)
     
  7. Je gagne sur l'image ou elle me gagne. Le regard distrait rend vulnérable. L'engourdissement est d'abord l'effet d'une complaisance : on se laisse, par faiblesse, imbiber. Le regard boit sans soif, comme le buvard.
    (La télévision, p.24, Hachette, Coll. Notes et maximes, 1965)
     
  8. Dans sa part la plus noble, la bonne télévision se reconnaît à son caractère interrogatif. C'est en tout cas une excellente façon de faire réfléchir devant leur écran ceux que d'autres (que je soupçonne de ne pas vouloir avoir les idées dérangées) accusent un peu trop vite de « passivité ». Épargnons-nous tout lessivage de cerveaux. Tant que l'on se pose des questions, l'esprit est sauf.
    (La télévision, p.25, Hachette, Coll. Notes et maximes, 1965)
     
  9. J'ai été vivement impressionné par cette phrase de Jean Cocteau qui, un jour - après s'être vu à la télévision -, m'a confié : « Nous ne vivons désormais que de reflets. Les gens ne vous pardonnent plus de ne pas ressembler trait pour trait à votre image. »
    (La télévision, p.27, Hachette, Coll. Notes et maximes, 1965)
     
  10. Tout voir - mais hors d'atteinte. Le monde deviendrait une sorte d'abstraction. « J'ai rêvé sans dormir, peut-être même sans me réveiller », dit Machado.
    (La télévision, p.27, Hachette, Coll. Notes et maximes, 1965)
     
  11. [...] la responsabilité de ceux qui ont la charge de nourrir nos rêves et qui, sous le mauvais prétexte de plaire à tous, pourraient oublier que l'essentiel est encore de susciter chez les hommes « les goûts qu'ils ignorent en eux ».
    (La télévision, p.37, Hachette, Coll. Notes et maximes, 1965)
     
  12. « L'homme s'intègre à ce qu'il perçoit », a écrit Bergson.
    (La télévision, p.46, Hachette, Coll. Notes et maximes, 1965)
     
  13. Jean d'Arcy, lorsqu'il était directeur des programmes, a dit un jour : « Le direct est au téléfilm ce qu'est le steak au boeuf bouilli. »
    Ce n'était pas une boutade, mais un principe de direction.

    (La télévision, p.49, Hachette, Coll. Notes et maximes, 1965)
     
  14. « Il y a dans tous les arts une partie physique qui ne peut plus être regardée ni traitée comme naguère, qui ne peut pas être soustraite aux entreprises de la connaissance et de la puissance modernes. Ni la matière, ni l'espace, ni le temps ne sont depuis vingt ans ce qu'ils étaient depuis toujours. Il faut s'attendre que de si grandes nouveautés transforment toute la technique des arts, agissent par là sur l'invention elle-même, aillent peut-être jusqu'à modifier merveilleusement la notion même de l'art.
    « Sans doute ce ne seront d'abord que la reproduction et la transmission des oeuvres qui se verront affectées. On saura transporter ou reconstituer en tout lieu le système de sensations ou, plus exactement, le système d'excitations, que dispense en un lieu quelconque un objet ou un événement quelconque. Les oeuvres acquerront une sorte d'ubiquité. Leur présence immédiate ou leur restitution à toute époque obéiront à notre appel. » (Valéry écrivait cela en 1929 !)

    (La télévision, p.50, Hachette, Coll. Notes et maximes, 1965)
     
  15. « Ces inventeurs de visage que sont les grands interprètes. » (Pierre Brisson)
    (La télévision, p.53, Hachette, Coll. Notes et maximes, 1965)
     
  16. Il nous faut apprendre à regarder comme nous avons appris à lire. Et, pour que l'image redevienne signe, il est, en effet, nécessaire d'inventer une grammaire.
    (La télévision, p.54, Hachette, Coll. Notes et maximes, 1965)
     
  17. [...] chaque fois que la théorie précède l'oeuvre, on commet une sorte d'anachronisme esthétique.
    (La télévision, p.56, Hachette, Coll. Notes et maximes, 1965)
     
  18. [En parlant de la télévision]
    [...] cette fée moderne du foyer [...]

    (La télévision, p.56, Hachette, Coll. Notes et maximes, 1965)
     
  19. À propos des adaptations abusives au petit écran :
    « Nous vivons au temps des tripatouilleurs. » (François Mauriac.)

    (La télévision, p.71, Hachette, Coll. Notes et maximes, 1965)
     
  20. Une réussite est toujours dangereuse à la télévision : on est tenté d'appliquer la recette au lieu de respecter le principe.
    (La télévision, p.72, Hachette, Coll. Notes et maximes, 1965)
     
  21. Le cinéma à domicile ? La télévision peut y prétendre - mais d'une manière superfétatoire. Faites-en un principe, vous menez à la mort et le cinéma et la télévision.
    (La télévision, p.76, Hachette, Coll. Notes et maximes, 1965)
     
  22. Je ne sais si, dans l'avenir, la télévision nous permettra d'aller à la rencontre de nos dirigeants et de nos mandataires. Pour l'instant, ce sont eux qui, grâce à elle, viennent à nous. Soulignons la nuance. Est-ce suffisant pour croire que les nations ont, de ce fait, une chance de plus d'avoir à leur tête les hommes qu'elles méritent ? Ce ne serait, du reste, pas plus rassurant.
    (La télévision, p.81, Hachette, Coll. Notes et maximes, 1965)
     
  23. Nous ne pouvons ignorer que l'image sait mentir.
    (La télévision, p.82, Hachette, Coll. Notes et maximes, 1965)
     
  24. Répétons-le : le livre et la presse écrite invitent le lecteur à l'interprétation d'un texte. Les moyens d'expressions mécaniques que sont notamment la radio et la télévision s'imposent tels quels. Là commence l'escroquerie - si nous n'y prenons garde.
    (La télévision, p.83, Hachette, Coll. Notes et maximes, 1965)
     
  25. Jean Ghéhenno :
    « La télévision est mauvaise lorsqu'elle fabrique des citoyens faciles à gouverner. Elle est bonne lorsqu'elle est courageuse et rend le citoyen difficile à gouverner. »

    (La télévision, p.85, Hachette, Coll. Notes et maximes, 1965)
     
  26. La vraie menace, où est-elle ? Elle réside sans doute dans ce que nous pourrions appeler la standardisation, dans la confusion des genres et des méthodes. De plus en plus, l'instrument de transmission et le moyen d'expression tendent à se confondre dans une sorte de produit manufacturé.
    (La télévision, p.90, Hachette, Coll. Notes et maximes, 1965)
     
  27. La mondovision... quelle merveille !
    L'univision. Quel danger !

    (La télévision, p.90, Hachette, Coll. Notes et maximes, 1965)