Georges Gordon, dit Lord Byron
1788 - 1824
  1. L'amitié est l'amour sans ailes.
    (Heures de paresse in Oeuvres complètes, p.30, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  2. L'univers est une espèce de livre dont on n'a lu que la première page quand on n'a vu que son pays.
    (Le Pèlerinage de Childe-Harold (Début de l'épigraphe attribuée au Cosmopolite) in Oeuvres complètes, p.66, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  3. Lorsqu'on ose tenter le destin, il abandonne la plus haute étoile.
    (Le Pèlerinage de Childe-Harold in Oeuvres complètes, p.104, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  4. Fuir les hommes, ce n'est pas les haïr ; tout mortel n'est pas propre à partager leur activité et leurs travaux.
    (Le Pèlerinage de Childe-Harold in Oeuvres complètes, p.108, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  5. Les épines que j'ai recueillies proviennent de l'arbre que j'ai planté. Elles m'ont déchiré, et je saigne. J'aurais dû prévoir quel fruit naîtrait d'une telle semence.
    (Le Pèlerinage de Childe-Harold in Oeuvres complètes, p.115, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  6. La cause la plus légère peut faire retomber sur le coeur le poids qu'il voudrait secouer pour toujours : ce sera un son, une vibration musicale, une soirée d'été ou de printemps, une fleur, le vent, l'océan, qui viendra tout à coup rouvrir nos blessures, et toucher la chaîne électrique dont les sombres anneaux nous enlacent.
    (Le Pèlerinage de Childe-Harold in Oeuvres complètes, p.117, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  7. Ainsi est torturé le coeur que le remords consume ; il n'est point fait pour la terre, le ciel le repousse; au-dessus de lui les ténèbres, au-dessous le désespoir, autour des flammes, au dedans la mort !
    (Le Giaour in Oeuvres complètes, p.189, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  8. Ce que nul ne partage avec nous nous est insupportable; le bonheur lui-même nous serait douloureux à porter seuls.
    (Le Giaour in Oeuvres complètes, p.194, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  9. Oui, l'amour est une lumière qui vient du ciel, une étincelle de ce feu immortel que nous partageons avec les anges et qui nous fut donné par Allah pour détacher nos désirs de la terre.
    (Le Giaour in Oeuvres complètes, p.196, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  10. Qui n'a pas éprouvé combien la parole est impuissante à saisir une seule étincelle du céleste rayon de la beauté ? Qui n'a pas senti sa vue se troubler, affaissée sous le poids de son ravissement, son visage s'altérer, le coeur lui faillir, et out son être confesser l'empire de cette aimable et majestueuse puissance ?
    (La Fiancées d'Abydos in Oeuvres complètes, p.200, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  11. Il y a tant de charme dans la rougeur de la modestie, que la pitié elle-même n'en voudrait rien retrancher !
    (La Fiancées d'Abydos in Oeuvres complètes, p.200, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  12. Le pouvoir ne règne qu'à la condition de diviser ; il n'a de ressource que dans l'heureuse alternative de la ruse ou de la force.
    (La Fiancées d'Abydos in Oeuvres complètes, p.207, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  13. Mais que le malheureux qui travaille n'accuse pas et ne haïsse pas celui qui recueille le fruit de ses sueurs. Oh! s'il connaissait le poids des chaînes splendides, comme son humble infortune lui paraîtrait légère !
    (Le Corsaire in Oeuvres complètes, p.213, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  14. Dans l'homme, le mal n'est jamais sans mélange de bien.
    (Le Corsaire in Oeuvres complètes, p.214, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  15. Il faut un mot d'ordre au jour de combat pour justifier l'injustice et mettre en relief le bon droit. La religion, - la liberté, - la vengeance, - n'importe, il suffit d'un mot pour mener le genre humain au carnage, de quelques phrases factieuses, inventées et propagées par la ruse, pour faire régner le crime, et engraisser les loups et les vers.
    (Lara in Oeuvres complètes, p.241, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  16. Sois maudit, ô temps ! qui ne laisseras pas plus debout les choses à naître que celles qui nous ont précédés ! Sois maudit, ô temps ! qui n'épargneras jamais du passé qu'autant qu'il en faudra pour que l'avenir pleure sur ce qui fut et sur ce qui sera !
    (Le siège de Corinthe in Oeuvres complètes, p.254, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  17. Dans leur développement les rêves respirent ; ils ont des larmes, des tourments, et sont susceptibles de joie; ils laissent un poids sur les pensées de notre réveil, ils enlèvent un poids aux fatigues de notre veille.
    (Le rêve in Oeuvres complètes, p.278, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  18. La France a deux fois appris cette «leçon morale» chèrement achetée, que son salut ne réside pas dans un trône avec Capet ou Napoléon, mais dans l'égalité des lois et des droits, dans l'union des coeurs et des bras pour défendre la grande cause, - la cause de cette liberté que Dieu a départie avec la vie à tout ce qui est sous le ciel, et que le crime voudrait faire disparaître de la terre.
    (Waterloo in Oeuvres complètes, p.285, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  19. Pourvu que nous sachions attendre le moment propice, il n'y a point de puissance humaine, si elle n'a pas été pardonnée, qui puisse échapper aux recherches patientes, aux longues veilles de celui qui couvre comme un trésor le souvenir d'un outrage.
    (Mazeppa in Oeuvres complètes, p.307, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  20. La souffrance prolongée dompte les plus courageux.
    (Mazeppa in Oeuvres complètes, p.308, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  21. Nous sommes les jouets du temps et de nos terreurs ; nos jours coulent inaperçus, et chacun d'eux nous enlève quelque chose ; et cependant nous vivons, abhorrant la vie, et néanmoins redoutant de mourir.
    (Manfred, acte 2, sc. 2 (Manfred) in Oeuvres complètes, p.377, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  22. Ceux-là même qui désespèrent du ciel se créent sur la terre des illusions, tige fragile à laquelle ils se rattachent comme des hommes qui se noient.
    (Manfred, acte 3, sc. 1 (L'abbé) in Oeuvres complètes, p.382, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  23. [En parlant du Soleil] Tu te lèves, tu resplendis, et tu te couches dans ta gloire. Adieu ! Je ne te verrai plus.
    (Manfred, acte 3, sc. 2 (Manfred) in Oeuvres complètes, p.383, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  24. L'âme immortelle récompense ou punit elle-même ses pensées vertueuses ou coupables ; elle est tout à la fois l'origine et la fin du mal qui est en elle.
    (Manfred, acte 3, sc. 4 (Manfred) in Oeuvres complètes, p.385, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  25. Pour un observateur intelligent et des yeux attentifs, il y a toujours moyen de deviner quelque chose.
    (Marino Faliero, acte 1, sc. 2 (Bertuccio) in Oeuvres complètes, p.392, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  26. La vengeance la plus terrible est fille du silence le plus profond.
    (Marino Faliero, acte 1, sc. 2 (Bertuccio) in Oeuvres complètes, p.394, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  27. La vraie pierre de touche du mérite, - le succès.
    (Marino Faliero, acte 1, sc. 2 (Le Doge) in Oeuvres complètes, p.399, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  28. Quant à l'amour, l'amour romanesque, je savais dans ma jeunesse que ce n'était qu'une illusion ; jamais je ne l'avais vu durable, mais très souvent fatal.
    (Marino Faliero, acte 2, sc. 1 (Le Doge) in Oeuvres complètes, p.402, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  29. Là où l'honneur est inné, fortifié encore par de sages principes, la fidélité conjugale est assise sur un roc inébranlable.
    (Marino Faliero, acte 2, sc. 1 (Le Doge) in Oeuvres complètes, p.403, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  30. La femme qui a succombé une fois succombera toujours, car il faut au vice de la diversité, tandis que la vertu reste immobile comme le soleil, et tout ce qui se meut autour d'elle boit dans sa présence la vie, la lumière et la gloire.
    (Marino Faliero, acte 2, sc. 1 (Le Doge) in Oeuvres complètes, p.403, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  31. Le souvenir du bonheur n'est plus du bonheur ; le souvenir de la douleur est de la douleur encore.
    (Marino Faliero, acte 2, sc. 1 (Le Doge) in Oeuvres complètes, p.404, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  32. Souvent il n'y a pas moins de résolution dans les esprits concentrés que dans ceux qui font le plus de bruit.
    (Marino Faliero, acte 2, sc. 2 (Israël Bertuccio) in Oeuvres complètes, p.405, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  33. Ils n'échouent jamais ceux qui meurent dans une grande cause ; le billot pourra boire leur sang, leur tête pourra se dessécher au soleil, leurs membres être exposés aux portes des villes, aux murailles des châteaux ; - mais leur esprit vivra et sera présent encore.
    (Marino Faliero, acte 2, sc. 2 (Israël Bertuccio) in Oeuvres complètes, p.405, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  34. C'est là que la jeunesse, qui n'a pas besoin de ces vains atours et n'y songe même pas, vient gaspiller sa fraîcheur véritable, sa santé, sa beauté virginale, dans l'atmosphère malsaine d'une foule échauffée par l'ardeur du plaisir.
    (Marino Faliero, acte 4, sc. 1 (Lioni) in Oeuvres complètes, p.413, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  35. [La jeunesse] sacrifie ses heures de repos à ce qu'elle prend pour du plaisir, et demain les premiers rayons du jour éclaireront des joues livides, des yeux éteints, qui avaient encore bien des années à attendre avant que l'âge leur donnât cet aspect.
    (Marino Faliero, acte 4, sc. 1 (Lioni) in Oeuvres complètes, p.413, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  36. Il suffit à la foule de la vue du sang pour lui en donner la soif, comme la première coupe de vin est le prélude d'une longue débauche.
    (Marino Faliero, acte 4, sc. 2 (Le Doge) in Oeuvres complètes, p.417, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  37. Dans le sommeil des lois, la justice veille.
    (Marino Faliero, acte 4, sc. 2 (Le Doge) in Oeuvres complètes, p.417, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  38. O monde ! ô hommes ! qu'êtes-vous ? que sont nos plus vertueux projets, qu'il nous faille punir le crime par le crime, et tuer, comme si la mort n'avait que cette voie, alors que quelques années eussent rendu le glaive superflu !
    (Marino Faliero, acte 4, sc. 2 (Le Doge) in Oeuvres complètes, p.418, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  39. Dans les grandes crises, la loi doit être refaite ou réformée.
    (Marino Faliero, acte 5, sc. 1 (Benintende) in Oeuvres complètes, p.421, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  40. Les paroles vraies sont des choses, et celles de mourants leur survivent et quelquefois les vengent.
    (Marino Faliero, acte 5, sc. 1 (Le Doge) in Oeuvres complètes, p.422, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  41. Les vrais braves sont généreux pour les vaincus.
    (Marino Faliero, acte 5, sc. 1 (Angiolina) in Oeuvres complètes, p.423, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  42. La récompense [de la vertu] n'est pas dans ce qu'on pense d'elle, mais en elle-même.
    (Marino Faliero, acte 5, sc. 1 (Angiolina) in Oeuvres complètes, p.424, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  43. Le despotisme du vice, - la faiblesse et la corruption d'une vie fastueuse, - la négligence, - l'apathie, les maux de la mollesse et de la sensualité, - enfantent dix mille tyrans dont la cruauté subalterne surpasse dans ce qu'ils ont de pire les actes d'un maître énergique, quelque dure et pesante que soit sa domination.
    (Sardanapale, acte 1, sc. 2 (Salémène) in Oeuvres complètes, p.444, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  44. Je ne confierai à personne un pouvoir illimité de vie et de mort. Quand nous ôtons la vie aux hommes, nous ne savons ni ce que nous leur enlevons, ni ce que nous leur donnons.
    (Sardanapale, acte 1, sc. 2 (Sardanapale) in Oeuvres complètes, p.447, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  45. Pour un roi, il vaut mieux quelquefois inspirer la crainte que l'amour.
    (Sardanapale, acte 1, sc. 2 (Myrrha) in Oeuvres complètes, p.449, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  46. Celui qui aime s'aime lui-même pour l'amour de l'objet aimé.
    (Sardanapale, acte 1, sc. 2 (Myrrha) in Oeuvres complètes, p.449, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  47. Avec le commun des hommes, l'appareil de la guerre n'est que trop souvent nécessaire pour conserver les bienfaits de la paix, et, pour un roi, il vaut mieux quelquefois inspirer la crainte que l'amour.
    (Sardanapale, acte 1, sc. 2 (Myrrha) in Oeuvres complètes, p.449, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  48. C'est au sein de la femme que vous commencez à boire la vie ; ses lèvres vous ont enseigné vos premières paroles ; elle sèche vos premières larmes, et recueille vos derniers soupirs lorsque déjà l'homme a reculé devant l'ignoble tâche de veiller les derniers instants de celui qui fut son maître..
    (Sardanapale, acte 1, sc. 2 (Myrrha) in Oeuvres complètes, p.449, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  49. [...] L'amour populaire, qui n'est que l'amoiur de soi ; on l'obtient en tenant les hommes dans une crainte respectueuse et sous le joug des lois, sans toutefois qu'ils soient opprimés. - Il faut du moins qu'ils ne croient point l'être, ou , s'ils le savent, qu'ils le jugent nécessaire pour se soustraire à une oppression plus dure, celle de leurs passions.
    (Sardanapale, acte 1, sc. 2 (Myrrha) in Oeuvres complètes, p.449, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  50. Qu'est-ce que la mort quand elle est glorieuse ? c'est un coucher de soleil ; et les mortels doivent s'estimer heureux de ressembler aux dieux, ne fût-ce que dans leur déclin.
    (Sardanapale, acte 2, sc. 1 (Bélésès) in Oeuvres complètes, p.451, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  51. Vous connaissez, vous devez connaître assez les femmes, puisque vous en avez fait une étude si approfondie, pour savoir que ce qu'elles demandent dans tout ce qui touche le coeur est plus cher à leurs affections ou à leurs caprices que le monde extérieur tout entier.
    (Sardanapale, acte 4, sc. 1 (Salémène) in Oeuvres complètes, p.464, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  52. Dans les âmes perverses, les bienfaits se changent en poison.
    (Sardanapale, acte 4, sc. 1 (Zarina) in Oeuvres complètes, p.465, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  53. Quand vient l'heure de l'adversité, tous deviennent courageux contre celui qui tombe.
    (Sardanapale, acte 4, sc. 1 (Sardanapale) in Oeuvres complètes, p.467, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  54. L'homme peut dépouiller l'homme de tout ce qui est grand, de tout ce qui brille : - les empires s'écroulent, - les armées sont vaincues, - les amis nous abandonnent, - les esclaves fuient, - tous nous trahissent, - ceux-là surtout, ceux-là les premiers qui nous doivent le plus ; tous, excepté le coeur qui aime sans intérêt ! tel est le mien, - mets-le à l'épreuve.
    (Sardanapale, acte 4, sc. 1 (Myrrha) in Oeuvres complètes, p.468, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  55. Des monarques d'une heure de durée sont aussi despotiques que des souverains élevés dans la pourpre, et placés sur le trône depuis leur naissance.
    (Sardanapale, acte 5, sc. 1 (Sardanapale) in Oeuvres complètes, p.472, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  56. C'est quand nous croyons commander que nous obéissons le plus incontestablement, et toujours le but définitif auquel nous tendons est la mort; la mort, dont la venue est aussi indépendante de notre concours et de notre volonté que le fut notre naissance.
    (Les deux Foscari, acte 2, sc. 1 (Le Doge) in Oeuvres complètes, p.485, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  57. Le prince qui oublie ou enfreint son mandat est un brigand plus odieux que le chef de voleurs.
    (Les deux Foscari, acte 2, sc. 1 (Marina) in Oeuvres complètes, p.485, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  58. Il est rare que les princes détrônés vivent longtemps.
    (Les deux Foscari, acte 4, sc. 1 (Barbarigo) in Oeuvres complètes, p.491, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  59. La douleur se nourrit dans la solitude, et rien n'est plus propre à la distraire des lugubres visions de l'autre monde que de la rappeler par moments à celui-ci. Les gens occupés n'ont pas le temps de pleurer.
    (Les deux Foscari, acte 4, sc. 1 (Loredano) in Oeuvres complètes, p.494, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  60. Il n'y a pas de passion plus superstitieuse que la haine ; et la passion opposée, l'amour lui-même, ne peuple pas les airs d'autant de fantômes que cette démence du coeur.
    (Les deux Foscari, acte 4, sc. 1 (Barbarigo) in Oeuvres complètes, p.494, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  61. Il est des natures humaines si imbues d'un goût farouche pour les entreprises hasardeuses, qu'elles cherchent le péril comme un plaisir.
    (Werner, acte 2, sc. 1 (Fritz) in Oeuvres complètes, p.550, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  62. Les jeunes filles savantes ont grand tort d'épouser des gens sans éducation, ou des hommes qui, bien que parfaitement élevés, finissent pas se fatiguer d'une conversation scientifique.
    (Don Juan in Oeuvres complètes, p.582 trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  63. Employer nos richesses à obtenir le ciel pour les âmes de nos ennemis morts est digne de ceux qui savaient leur pardonner pendant leur vie.
    (Werner, acte 4, sc. 1 (Le Prieur Albert) in Oeuvres complètes, p.569, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  64. O amour ! que de perfection dans ton art mystérieux ! tu fortifies le faible, et tu abats le fort. Combien elle est décevante la sagesse de ceux que ton charme séduits !
    (Don Juan in Oeuvres complètes, p.590 trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  65. Les parents aussi ont parfois la vue courte; avec leurs yeux de lynx ils n'aperçoivent jamais ce que le monde voit avec une joie maligne [...].
    (Don Juan in Oeuvres complètes, p.590 trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  66. Il est doux d'échapper au tumulte des villes pour chercher la gaîté des champs.
    (Don Juan in Oeuvres complètes, p.592 trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  67. On sait par expérience qu'une femme n'est jamais à court de bonnes raisons.
    (Don Juan in Oeuvres complètes, p.596 trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  68. Les dames ont un tact qui, lorsqu'on leur fait subir un interrogatoire un peu trop pressant, leur sert merveilleusement à se maintenir à distance de la question : ces charmantes créatures mentent avec tant de grâce, que le mensonge leur sied à ravir.
    (Don Juan in Oeuvres complètes, p.596 trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  69. Dans la vie de l'homme, l'amour est un épisode ; pour la femme, c'est toute l'existence ; la cour, les camps, l'église, les voyages, le commerce, occupent l'activité de l'homme ; l'épée, la robe, le gain, la gloire, lui offrent en échange, pour remplir son coeur, l'orgueil, la renommée, l'ambition ; et il en est bien peu dont les affections résistent à de telles diversions. Les hommes ont toutes ces ressources ; nous n'en avons qu'une : aimer de nouveau, et nous perdre encore.
    (Don Juan in Oeuvres complètes, p.599 trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  70. À quoi aboutit la gloire ? à remplir un certain espace sur un papier incertain ; quelques-uns la comparent à une colline qu'on gravit, et dont le sommet, comme celui de toutes les collines, se perd au milieu des vapeurs; et c'est pour cela que les hommes écrivent, parlent, prêchent; que les héros tuent, que les poètes brûlent ce qu'ils nomment «la lampe de leurs veilles», pour avoir, quand l'original ne sera plus que poussière, un nom, un portrait détestable, et un buste pire encore!
    (Don Juan in Oeuvres complètes, p.601 trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  71. Le roi nous commande, le docteur nous médicamente, le prêtre nous sermonne; ainsi s'exhale notre vie, léger souffle, vin, amour, ambition, gloire, guerre, dévotion, un peu de poussière, - et peut-être un nom.
    (Don Juan in Oeuvres complètes, p.602 trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  72. Il est un fait certain, c'est que le désir de vivre prolonge la vie; tous les médecins savent que les malades lorsqu'ils n'ont auprès d'eux ni femmes ni amis qui les tourmentent, survivent à des cas désespérés, uniquement parce qu'ils espèrent encore. [...] Rien qui s'oppose plus à la longévité que de désespérer de son rétablissement ; rien qui abrège d'une manière plus effrayante les misères humaines.
    (Don Juan in Oeuvres complètes, p.607 trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  73. Tous ceux qui aspirent à la félicité doivent la partager, - le bonheur est né jumeau.
    (Don Juan in Oeuvres complètes, p.616 trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  74. Le meilleur de la vie n'est qu'une ivresse ; c'est vers la gloire, la grappe, l'amour et l'or que tendent les espérances de tous les hommes et de toutes les nations.
    (Don Juan in Oeuvres complètes, p.616 trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  75. Hélas ! l'amour des femmes, on le sait, c'est une chose à la fois charmante et redoutable; toute leur destinée est placée sur cette carte unique ; si elles perdent, la vie n'a plus à leur offrir que le spectacle dérisoire du passé, et leur vengeance est comme le bon du tigre, mortelle, prompte, écrasante ; elles ressentent, de leur côté, des tortures non moins réelles; ce qu'elles infligent, elles l'éprouvent.
    (Don Juan in Oeuvres complètes, p.618 trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  76. Je hais l'inconstance : - je méprise, je déteste, j'abhorre, je condamne, j'abjure le mortel tellement pétri de vif-argent que son coeur ne peut conserver aucun sentiment permanent.
    (Don Juan in Oeuvres complètes, p.619 trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  77. O amour ! tu es le dieu du mal, car après tout, nous ne pouvons d'appeler diable.
    (Don Juan in Oeuvres complètes, p.619 trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  78. Le coeur ressemble au firmament ; comme lui il fait partie du ciel, et comme lui aussi il change nuit et jour.
    (Don Juan in Oeuvres complètes, p.620, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  79. O amour ! pourquoi dans ce monde est-il si fatal d'être aimé ? Pourquoi à tes berceaux entrelaces-tu des branches de cyprès ? Pourquoi ton plus fidèle interprète est-il un soupir ?
    (Don Juan in Oeuvres complètes, p.620, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  80. L'amour et le mariage, bien que nés tous deux dans le même climat, sont rarement réunis; le mariage vient de l'amour comme le vinaigre du vin ; c'est un breuvage de tempérance, peu agréable et âpre, à qui le temps a fait prerdre son céleste bouquet, pour le transformer en boisson de ménage, insipide et commune.
    (Don Juan in Oeuvres complètes, p.620, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  81. Dans sa première passion, la femme aime son amant; dans toutes les autres, ce n'est que l'amour qu'elle aime.
    (Don Juan in Oeuvres complètes, p.620, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  82. Mais les mots sont les choses, et il suffit d'une goutte d'encre tombée comme la rosée sur une pensée, pour produire ce qui fera penser des milliers, peut-être des millions d'hommes.
    (Don Juan in Oeuvres complètes, p.629, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  83. Chose étrange ! quelques paroles écrites au lieu d'être prononcée de vive voix, peuvent devenir un anneau durable dans la chaîne des âges. À quelles chétives proportions le temps réduit l'homme fragile, pendant qu'un morceau de papier, - un chiffon comme celui-ci, par exemple, lui survit à lui-même, à sa tombe, et à tout ce qui est à lui !
    (Don Juan in Oeuvres complètes, p.629, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  84. Et il y a longtemps que la gloire fait sourire les sages ; c'est quelque chose, et ce n'est rien : des paroles, une illusion, un souffle - dépendant plus du style de l'historien que du nom qu'un individu laisse après lui.
    (Don Juan in Oeuvres complètes, p.629, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  85. Et si je ris des choses mortelles, c'est pour ne pas pleurer ; et si je pleure, c'est parce que notre nature ne peut pas toujours se maintenir dans un état d'apathie.
    (Don Juan in Oeuvres complètes, p.631, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  86. Il en est qui conseillent de faire appel aux passions des hommes, d'autres à leur sensibilité, d'autres à leur raison : ce dernier moyen n'a jamais été beaucoup à la mode, car la passion considère tout raisonnement comme hors de saison.
    (Don Juan in Oeuvres complètes, p.646, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  87. «Ils meurent jeunes ceux qui sont aimés des dieux», a dit un ancien; et par-là ils échappent à bien des morts : la mort des amis, et, ce qui tue plus encore, la mort de l'amitié, de l'amour, de la jeunesse, de tout ce qui est, le souffle seul excepté ; et puisque le silencieux rivage attend à la fin ceux-là même qui se sont le plus longtemps dérobés aux traits du vieil archer, une mort précoce et pleurée est peut-être un bienfait.
    (Don Juan in Oeuvres complètes, p.652, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  88. On commence la vie avec des sentiments chaleureux, des espérances magnifiques; mais le temps décolore peu à peu nos illusions, et, comme le serpent, tous les ans quelque insigne méprise dépouille sa peau brillante.
    (Don Juan in Oeuvres complètes, p.644, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  89. Le coeur des femmes est un sol si favorable au développement des sentiments tendres ! À quelque nation qu'elles appartiennent, dans toutes les situations, comme le Samaritain, elles versent sur nos blessures «le vin et l'huile».
    (Don Juan in Oeuvres complètes, p.652, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  90. Il y a dans les larmes d'un homme quelque chose de plus pénible et de plus poignant ; les pleurs d'une femme attendrissent, ceux d'un homme brûlent presque comme du plomb fondu; on dirait que pour les lui arracher on lui enfonce une lance dans le coeur ; en un mot, c'est pour lui un soulagement, pour nous une torture.
    (Don Juan in Oeuvres complètes, p.652, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  91. L'amour de la progéniture est la loi générale de la nature, depuis la lionne et ses lionceaux jusqu'à la cane et ses canards; rien n'aiguise leur bec ou leurs griffes comme une invasion parmi leurs nourrissons ou leur couvée.
    (Don Juan in Oeuvres complètes, p.654, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  92. La renommée est un but qu'on atteint ou qu'on manque ; il y a du bonheur jusque dans la gloire ; il faut le reconnaître.
    (Don Juan in Oeuvres complètes, p.672, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  93. L'histoire ne peut saisir les objets qu'en gros ; mais si nous les connaissions en détail, peut-être qu'en balançant le profit et la perte, nous rabattrions un peu du mérite de la guerre ; nous trouverions qu'acheter au prix de tant d'or quelques conquêtes, c'est payer bien cher d'assez minces résultats ; il y a plus de gloire vertueuse à sécher une seule larme qu'à répandre des mers de sang !
    (Don Juan in Oeuvres complètes, p.676, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  94. La certitude n'existe pas ; cela est aussi évident qu'aucune des conditions de notre nature ; nous savons si peu ce que nous faisons en ce monde, que je doute même si le doute est vraiment l'action de douter.
    (Don Juan in Oeuvres complètes, p.690, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  95. Certaines gens m'ont accusé de misanthropie; et pourtant je ne sais pas plus ce qu'ils veulent dire par là que l'acajou de ce pupitre ; je comprends la lycanthropie : car, sans transformation, les hommes, pour la cause la plus légère, deviennent de vrais loups.
    (Don Juan in Oeuvres complètes, p.690, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  96. [...] L'amour n'est que vanité ; il est égoïste depuis le commencement jusqu'à la fin, excepté lorsqu'il n'est qu'une démence, qu'un esprit de vertige, cherchant à s'identifier avec le néant fragile de la beauté, auquel la passion rattache tout son espoir ; c'est pourquoi certains philosophes païens ont fait de l'amour le principe de l'univers.
    (Don Juan in Oeuvres complètes, p.695, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  97. Et, après tout, qu'est-ce qu'un mensonge ? ce n'est que la vérité en masque ; et je défie historiens, héros, légistes, prêtres, d'articuler un fait pur de tout mensonge, l'ombre seule de la vraie vérité anéantirait annales, révélations, poésie et prophéties, - à moins, pour ces dernières, que leur date ne précédât de quelques années les événements racontés.
    (Don Juan in Oeuvres complètes, p.708, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  98. Il est difficile aux âmes tendres de dire quel flux et reflux d'espérances et de craintes peut soulever un seul bal.
    (Don Juan in Oeuvres complètes, p.711, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  99. Pourquoi appelons-nous les avares misérables ? À eux les voluptés toujours nouvelles ; à eux la seule ancre et le seul câble qui retiennent fortement tous les autres plaisirs petits et grands !
    (Don Juan in Oeuvres complètes, p.713, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  100. Un emprunt n'est pas seulement une spéculation : il affermit un peuple, ou renverse un trône.
    (Don Juan in Oeuvres complètes, p.714, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  101. Oui ! l'argent comptant est la lampe d'Aladin !
    (Don Juan in Oeuvres complètes, p.714, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  102. L'adversité est la route qui conduit le plus sûrement à la vérité ; celui qui a connu la guerre, les orages, et la fureur de la femme, qu'il compte dix-huit ou quatre-vingts hivers, a conquis l'inestimable avantage de l'expérience.
    (Don Juan in Oeuvres complètes, p.718, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  103. La bonne société n'est qu'un jeu qu'on pourrait comparer au jeu royal de l'oie, où chacun a un but distinct, un objet en vue ou un plan à suivre.
    (Don Juan in Oeuvres complètes, p.719, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  104. Or, la haine est de beaucoup le plus durable des plaisirs : on se presse d'aimer, on se déteste à loisir.
    (Don Juan in Oeuvres complètes, p.722, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  105. C'est un échiquier que la bonne compagnie; - on y trouve des rois, des reines, des évêques, des chevaliers, des fripons, des pions ; le monde est un jeu.
    (Don Juan in Oeuvres complètes, p.730, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  106. La société est maintenant une horde civilisée, formée de deux grandes tribus, les ennuyeux et les ennuyés.
    (Don Juan in Oeuvres complètes, p.730, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  107. La chose est étrange, mais vraie : car la vérité est toujours étrange, plus étrange que la fiction ; si on pouvait la dire, combien les romans gagneraient au change !
    (Don Juan in Oeuvres complètes, p.741, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)
     
  108. Il y a de la musique dans les soupirs d'un roseau ; il y a de la musique dans le murmure d'un ruisseau ; il y a de la musique en tout, il ne nous manque que de l'oreille : notre terre n'est qu'un écho des sphères.
    (Don Juan in Oeuvres complètes, p.741, trad. Benjamin Laroche, Paris, 1838)