Eugène Ionesco
1909-1994
  1. Un médecin consciencieux doit mourir avec le malade s'ils ne peuvent pas guérir ensemble.
    (La cantatrice chauve, p. 14 Folio n°236)
     
  2. [...] la vérité ne se trouve d'ailleurs pas dans les livres, mais dans la vie.
    (La cantatrice chauve, p. 54 Folio n°236)
     
  3. Toujours, on s'empêtre entre les pattes du prêtre.
    (La cantatrice chauve, p. 63 Folio n°236)
     
  4. Elle [la pendule] marche mal. Elle a l'esprit de contradiction. Elle indique toujours le contraire de l'heure qu'il est.
    (La cantatrice chauve, p. 64 Folio n°236)
     
  5. Mme Martin : Ce matin, quand tu t'es regardé dans la glace tu ne t'es pas vu.
    M. Martin : C'est parce que je n'étais pas encore là...

    (La cantatrice chauve, p. 68 Folio n°236)
     
  6. Quand je dis oui, c'est une façon de parler.
    (La cantatrice chauve, p. 72 Folio n°236)
     
  7. Prenez un cercle, caressez-le, il deviendra vicieux !
    (La cantatrice chauve, p. 72 Folio n°236)
     
  8. Les mathématiques sont les ennemies acharnées de la mémoire, excellente par ailleurs, mais néfaste, arithmétiquement parlant !
    (La leçon, p. 115 Folio n°236)
     
  9. L'élève : Les racines des mots sont-elles carrées ?
    Le professeur : Carrées ou cubiques. C'est selon.

    (La leçon, p. 125 Folio n°236)
     
  10. Attention, car les ressemblances sont grandes. Ce sont des ressemblances identiques.
    (La leçon, p.130 Folio n°236)
     
  11. Il y a des choses qui viennent à l'esprit même de ceux qui n'en ont pas.
    (Rhinocéros, p.36, Livre de poche n°2620)
     
  12. Je ne me suis pas habitué à moi-même. Je ne sais pas si je suis moi.
    (Rhinocéros, p.41, Livre de poche n°2620)
     
  13. Bérenger : C'est une chose anormale de vivre.
    Jean : Au contraire. Rien de plus naturel. La preuve : tout le monde vit.
    Bérenger : Les morts sont plus nombreux que les vivants. Leur nombre augmente. Les vivants sont rares.

    (Rhinocéros, p.43, Livre de poche n°2620)
     
  14. Daisy : [...] il s'agit tout simplement d'un chat écrasé par un pachyderme : un rhinocéros en l'occurrence.
    Botard : C'était peut-être tout simplement une puce écrasée par une souris. On en fait une montagne.

    (Rhinocéros, p.92, Livre de poche n°2620)
     
  15. Je n'insulte pas. Je prouve.
    (Rhinocéros, p.129, Livre de poche n°2620)
     
  16. Bérenger : Vous avez tort de ne pas croire à la médecine.
    Jean : Les médecins inventent des maladies qui n'existent pas.
    Bérenger : Cela part d'un bon sentiment. C'est pour le plaisir de soigner des gens.

    (Rhinocéros, p.144, Livre de poche n°2620)
     
  17. Il y a des maladies qui sont saines.
    (Rhinocéros, p.175, Livre de poche n°2620)
     
  18. Tout est logique. Comprendre, c'est justifier.
    (Rhinocéros, p.190, Livre de poche n°2620)
     
  19. La culpabilité est un symptôme dangereux. C'est un signe qui manque de pureté.
    (Rhinocéros, p.223, Livre de poche n°2620)
     
  20. Je ne peux plus changer. Je voudrais bien, je voudrais tellement, mais je ne peux pas. Je ne peux plus me voir. J'ai trop honte ! Comme je suis laid ! Malheur à celui qui veut conserver son originalité !
    (Rhinocéros, p.241, Livre de poche n°2620)
     
  21.     LE ROI
    Les rois devraient être immortels.
        MARGUERITE
    Ils ont une immortalité provisoire.

    (Le Roi se meurt, p.53, Folio n°361)
     
  22.     MARGUERITE
    [Le Roi] s'imagine qu'il est le premier à mourir.
        MARIE
    Tout le monde est le premier à mourir.

    (Le Roi se meurt, p.60, Folio n°361)
     
  23. Pourquoi suis-je né si ce n'était pas pour toujours ?
    (Le Roi se meurt, p.66, Folio n°361)
     
  24. Mon chéri, mon Roi, il n'y a pas de passé, il n'y a pas de futur. Dis-le-toi, il y a un présent jusqu'au bout, tout est présent ; sois présent. Sois présent.
    (Le Roi se meurt, p.74, Folio n°361)
     
  25. Que tous meurent pourvu que je vive éternellement même tout seul dans le désert sans frontières. Je m'arrangerai avec la solitude. Je garderai les souvenirs des autres, je le regretterai sincèrement. Je peux vivre dans l'immensité transparente du vide. Il vaut mieux regretter que d'être regretté.
    (Le Roi se meurt, p.76, Folio n°361)
     
  26. Tant qu'on est vivant, tout est prétexte à littérature.
    (Le Roi se meurt, p.78, Folio n°361)
     
  27. Vous tous, innombrables, qui êtes morts avant moi, aidez-moi. Dites-moi comment vous avez fait pour mourir, pour accepter. Apprenez-le moi. Que votre exemple me console, que je m'appuie sur vous comme sur des béquilles, comme sur des bras fraternels. Aidez-moi à franchir la porte que vous avez franchie. Revenez de ce côté-ci un instant pour me secourir. Aidez-moi, vous, qui avez eu peur et n'avez pas voulu. Comment cela s'est-il passé ? Qui vous a soutenus ? Qui vous a entraînés, qui vous a poussés ? Avez-vous eu peur jusqu'à la fin ? Et vous, qui étiez forts et courageux, qui avez consenti à mourir avec indifférence et sérénité, apprenez-moi l'indifférence, apprenez-moi la sérénité, apprenez-moi la résignation.
    (Le Roi se meurt, p.78, Folio n°361)
     
  28. Des milliards de morts. Ils multiplient mon angoisse. Je suis leurs agonies. Ma mort est innombrable. Tant d'univers s'éteignent en moi.
    (Le Roi se meurt, p.81, Folio n°361)
     
  29. Il n'est pas naturel de mourir, puisqu'on ne veut pas. Je veux être.
    (Le Roi se meurt, p.83, Folio n°361)
     
  30.     LE ROI
    Dis-moi ta vie. Comment vis-tu ?
        JULIETTE
    Je vis mal, Seigneur.
        LE ROI
    On ne peut vivre mal. C'est une contradiction.

    (Le Roi se meurt, p.88, Folio n°361)
     
  31. LA DEMOISELLE : Ne dites jamais : c'est bien dommage. Dites : c'est plutôt dommage. Il ne faut jamais parler ni écrire comme on lit.
    LE MONSIEUR : Ou vice versa. Pour employer le passé simple.

    (Le salon de l'automobile, p.196 in Théâtre IV, Gallimard NRF 1966)
     
  32. LA DEMOISELLE : Monsieur veut acheter de l'automobile.
    LE VENDEUR : Un automobile ou une automobile ?
    LE MONSIEUR : Les deux. Pour avoir le couple. Je n'aime pas désunir les ménages.

    (Le salon de l'automobile, p.197 in Théâtre IV, Gallimard NRF 1966)
     
  33. Je suis complètement et à moitié désespérée.
    (Jacques ou la soumission, p.100, in Théâtre I, Gallimard NRF 1954)
     
  34. Fils ! fils ! écoute-moi. Je t'en supplie, ne réponds pas à mon brave coeur de mère, mais parle-moi, sans réfléchir à ce que tu dis. C'est la meilleure façon de penser correctement, en intellectuel et en bon fils.
    (Jacques ou la soumission, p.101, in Théâtre I, Gallimard NRF 1954)
     
  35. O paroles, que de crimes on commet en votre nom !
    (Jacques ou la soumission, p.103, in Théâtre I, Gallimard NRF 1954)
     
  36. JACQUELINE : Je vais tout te dire en vingt-sept mots. Voici, et tâche de te souvenir : tu es chronométrable.
    JACQUES : Et le reste ?
    JACQUELINE : C'est tout. Les vingt-sept mots sont compris, ou comprises, dans ces trois-là, selon leur genre.

    (Jacques ou la soumission, p.103, in Théâtre I, Gallimard NRF 1954)
     
  37. Toute la loi s'insurge contre elle-même quand on ne la défend pas.
    (Jacques ou la soumission, p.103, in Théâtre I, Gallimard NRF 1954)
     
  38. [...] la vérité n'a que deux faces mais son troisième côté vaut mieux !
    (Jacques ou la soumission, p.112, in Théâtre I, Gallimard NRF 1954)
     
  39. Vous réfléchissez ? moi aussi, des fois. Mais dans un miroir.
    (Jacques ou la soumission, p.119, in Théâtre I, Gallimard NRF 1954)
     
  40. En somme, monde intérieur, monde extérieur, ce sont des expressions impropres, il n'y a pas de véritables frontières pourtant entre ces deux mondes ; il y a une impulsion première, évidemment, qui vient de nous, et lorsqu'elle ne peut s'extérioriser, lorsqu'elle ne peut se réaliser objectivement, lorsqu'il n'y a pas un accord total entre moi du dedans et moi du dehors, c'est la catastrophe, la contradiction universelle, la cassure.
    (Tueur sans gages, p.73, in Théâtre II, Gallimard NRF 1954)
     
  41. La pénicilline et la lutte contre l'alcoolisme sont bien plus efficaces que les changements de gouvernements.
    (Tueur sans gages, p.145, in Théâtre II, Gallimard NRF 1954)
     
  42. Penser contre son temps c'est de l'héroïsme. Mais le dire, c'est de la folie.
    (Tueur sans gages, p.145, in Théâtre II, Gallimard NRF 1954)
     
  43. J'ai toujours été seul... Pourtant j'aime l'humanité, mais de loin.
    (Tueur sans gages, p.160, in Théâtre II, Gallimard NRF 1954)
     
  44. Vous avez certainement de l'amour-propre, le culte de votre intelligence. Rien n'est plus gênant que d'être sot. C'est beaucoup plus compromettant que d'être criminel, même la folie a une auréole.
    (Tueur sans gages, p.170, in Théâtre II, Gallimard NRF 1954)
     
  45. Il est possible que la vie du genre humain n'ait aucune importance, donc sa disparition non plus... l'univers entier est peut-être inutile et vous avez peut-être raison de vouloir le faire sauter, ou de le grignoter au moins, créature par créature, morceau par morceau... Peut-être ne devez-vous pas le faire. Je ne sais plus du tout, moi, je ne sais plus du tout. Peut-être vous êtes dans l'erreur, peut-être l'erreur n'existe pas, peut-être c'est nous qui sommes dans l'erreur de vouloir exister...
    (Tueur sans gages, p.171, in Théâtre II, Gallimard NRF 1954)
     
  46. Mon Dieu, on en peut rien faire !... Que peut-on faire... Que peut-on faire...
    (Tueur sans gages, p.172, in Théâtre II, Gallimard NRF 1954)
     
  47. [À l'entrée sur scène du Maître :]
    Tous :
        Mais, mais... il n'a pas de tête, le maître !
    L'Annonciateur :
        Il n'en a pas besoin, puisqu'il a du génie.

    (Le Maître, p.241, in Théâtre II, Gallimard NRF 1954)
     
  48. DUNCAN : Permettez-moi de vous le dire franchement, avec ma franchise habituelle.
    LADY DUNCAN : Franchement ou non, cela revient au même.

    (Macbett, p.92, Folio n°694)
     
  49. Tous les oeufs ne font plus qu'un, dans la même omelette.
    (Macbett, p.94, Folio n°694)
     
  50. Oublie que tu existes. Souviens-toi que tu es.
    (Macbett, p.110, Folio n°694)