Citations ajoutées le 19 mai 2008

  
Edgar Morin

  1. La modernité se manifeste par trois grands mythes : le mythe de la maîtrise de l'univers, formulé par Descartes, Buffon, Marx... le mythe du progrès, de la nécessité historique, qui s'impose à partir de Condorcet, enfin le mythe du bonheur.
    (Vers l'abîme ?, p.24, L'Herne, 2007)
     
  2. Il faut conjuguer quatre voies qui, jusqu'à présent, se sont trouvées séparées. La première voie est la réforme de l'organisation sociale qui ne peut pas être seule la voie du progrès mais qui ne doit pas êre abandonnée. La seconde voie est celle de la réforme par l'éducation qui doit se faire très en profondeur pour que l'éducation puisse aider à faire évoluer lee esprits. La troisième est la réforme de vie. Et la réforme éthique proprement dite est la quatrième. Nous devons concevoir que s'il y a véritable progrès, alors il y a possibilité de métamorphose.
    (Vers l'abîme ?, p.46, L'Herne, 2007)
     
  3. Notre espérance est le flambeau dans la nuit : il n'y a pas de lumière éblouissante, il n'y a que des flambeaux dans la nuit.
    (Vers l'abîme ?, p.47, L'Herne, 2007)
     
  4. Il y a un profond aveuglement sur la nature même de ce que doit être une connaissance pertinente. Selon le dogme régnant, la pertinence croît avec la spécialisation et avec l'abstraction. Or un minimum de connaissance de ce qu'est la connaissance nous apprend que le plus important est la contextualisation.
    (Vers l'abîme ?, p.49, L'Herne, 2007)
     
  5. Marcel Mauss disait : « Il faut recomposer le tout. » Nous ajoutons : il faut mobiliser le tout. Certes, il est impossible de connaître tout du monde, ni de saisir ses multiformes transformations. Mais, si aléatoire et difficile soit-elle, la connaissance des problèmes-clés du monde, des informations-clés concernant ce monde doit être tentée sous peine d'imbécillité cognitive. Et cela d'autant plus que le contexte, aujourd'hui, de toute connaissance politique, économique, anthropologique, écologique, etc., est le monde lui-même.
    (Vers l'abîme ?, p.51, L'Herne, 2007)
     
  6. La formule complexe de l'anthropolitique ne se borne pas au « penser global, agir local », elle s'exprime par le couplage : penser global/agir local ; penser local/agir global. La pensée planétaire cesse d'opposer l'universel et le concret, le général et le singulier : l'universel est devenu singulier - c'est l'univers cosmique, et concret - c'est l'univers terrestre.
    (Vers l'abîme ?, p.61, L'Herne, 2007)
     
  7. Jamais dans l'histoire de l'humanité les responsabilités de la pensée et de la culture n'ont été aussi écrasantes.
    (Vers l'abîme ?, p.62, L'Herne, 2007)
     
  8. Le problème des démunis, c'est leur impuissance devant le mépris, l'ignorance, les coups du sort. La pauvreté est beaucoup plus que la pauvreté. C'est dire que pour l'essentiel, elle ne se calcule ni se mesure en termes monétaires.
    (Vers l'abîme ?, p.80, L'Herne, 2007)
     
  9. [...] la diversité est le plus puissant antidote à la standardisation : la diversité des éditeurs pour les livres, la diversité des chaînes dans la radio et la télévision.
    (Vers l'abîme ?, p.101, L'Herne, 2007)
     
  10. [...] une culture riche est une culture qui à la fois sauvegarde et intègre. C'est une culture à la fois ouverte et fermée contrairement à l'idée que chaque culture comporte en elle-même une plénitude.
    (Vers l'abîme ?, p.107, L'Herne, 2007)
     
  11. Ce qu'il faut, pour connaître la réalité, c'est la nécessité d'un sujet capable de penser de façon autonome et critique et, par-là même, capable de mettre en question les vérités qui semblent des dogmes évidents dans le système d'idées où ils se trouvent.
    (Vers l'abîme ?, p.137, L'Herne, 2007)
     
  12. La vie n'est supportable que si l'on y introduit non pas de l'utopie mais de la poésie, c'est-à-dire de l'intensité, de la fête, de la joie, de la communion, du bonheur et de l'amour.
    (Vers l'abîme ?, p.149, L'Herne, 2007)
     

  
Georges Picard

  1. L'imbécillité et le génie, ces deux tentations extrêmes de l'esprit.
    (Le génie à l'usage de ceux qui n'en ont pas, p.15, Corti/Les Massicotés n°8, 2004)
     
  2. Contre l'ennui mortel, il n'existe que deux remèdes définitifs : l'imbécillité et le génie. Car tous deux sont immortels. Si le génie te fait défaut, cultive ta bêtise.
    (Le génie à l'usage de ceux qui n'en ont pas, p.16, Corti/Les Massicotés n°8, 2004)
     
  3. Gratter un sol aride ne sert qu'à faire lever la poussière.
    (Le génie à l'usage de ceux qui n'en ont pas, p.26, Corti/Les Massicotés n°8, 2004)
     
  4. La hantise de se distinguer, intellectuellement ou par ses moeurs, m'a toujours semblé aussi vulgaire que vaine. Aujourd'hui où tout le monde aspire à l'exception, l'originalité consisterait plutôt à s'accommoder des routines et des conventions ou, en tout cas, à en donner l'apparence.
    (Le génie à l'usage de ceux qui n'en ont pas, p.44, Corti/Les Massicotés n°8, 2004)
     
  5. Le génial n'est-il pas, après coup, de l'absurde domestiqué ?
    (Le génie à l'usage de ceux qui n'en ont pas, p.64, Corti/Les Massicotés n°8, 2004)
     
  6. [...] Dieu n'a rien d'un génie. Non seulement, il a eu besoin de se prouver qu'il pouvait faire un monde - une démonstration assez peu concluante si l'on s'en tient à la qualité du résultat -, mais il semble qu'il se soit beaucoup dépensé pour obtenir des éloges de la part de ses créatures. Quel cabotinage !
    (Le génie à l'usage de ceux qui n'en ont pas, p.95, Corti/Les Massicotés n°8, 2004)
     
  7. Peut-être le talent a-t-il été donné à l'homme pour le consoler de ne pas avoir partie liée avec le divin. Avoir un don est la moindre des compensations. Le don est cette petite chose attrayante qui fait de vous un géant aux yeux des imbéciles sans, pour autant, vous rassurer vous-mêmes.
    (Le génie à l'usage de ceux qui n'en ont pas, p.108, Corti/Les Massicotés n°8, 2004)
     
  8. [...] la paresse, quand on a du talent, ressemble à une vertu aristocratique.
    (Le génie à l'usage de ceux qui n'en ont pas, p.109, Corti/Les Massicotés n°8, 2004)
     
  9. Non, le génie ne s'attrape pas. Il accable.
    (Le génie à l'usage de ceux qui n'en ont pas, p.119, Corti/Les Massicotés n°8, 2004)
     
  10. On dit parfois que le travail prépare le génie : sottise ! « Seul un être privé de raison comme la fourmi de la fable peut élever le travail au rang de vertu » (Tolstoï).
    (Le génie à l'usage de ceux qui n'en ont pas, p.133, Corti/Les Massicotés n°8, 2004)
     
  11. La déception est l'ordinaire des gens qui voient loin.
    (Le génie à l'usage de ceux qui n'en ont pas, p.158, Corti/Les Massicotés n°8, 2004)
     
  12. [...] on ne parle jamais aussi bien de ce qu'on ne connaît pas mais l'on désire connaître ; après, on ne fait que professer.
    (Le génie à l'usage de ceux qui n'en ont pas, p.175, Corti/Les Massicotés n°8, 2004)
     
  13. Philosopher, c'est d'abord définir.
    (Le génie à l'usage de ceux qui n'en ont pas, p.194, Corti/Les Massicotés n°8, 2004)
     
  14. [Le génie] est une forme de monstruosité positive.
    (Le génie à l'usage de ceux qui n'en ont pas, p.196, Corti/Les Massicotés n°8, 2004)
     
  15. Dans le domaine philosophique, est génial celui qui ose. Le prudent ne sera jamais qu'un petit maître, relégué en fin de chapitre dans les appendices en corps 4 que personne ne lit - sauf besoin de s'alimenter clandestinement en idées volées à des auteurs de deuxième rayon, avec d'autant moins de vergogne que l'on peut se tailler une réputation à leurs dépens en leur attribuant, pour les réfuter, des thèses idiotes qu'ils n'ont jamais défendues.
    (Le génie à l'usage de ceux qui n'en ont pas, p.200, Corti/Les Massicotés n°8, 2004)
     
  16. De nos jours, le seul niveau qui monte est celui du bruit.
    (Le génie à l'usage de ceux qui n'en ont pas, p.201, Corti/Les Massicotés n°8, 2004)
     
  17. Bientôt, le génie individuel sera à la Pensée ce que le virus de logiciel est à la fiabilité des programmes d'ordinateur.
    (Le génie à l'usage de ceux qui n'en ont pas, p.206, Corti/Les Massicotés n°8, 2004)
     
  18. [...] l'incertitude, l'indécision et le doute, ces trois morceaux de la même croix.
    (Le génie à l'usage de ceux qui n'en ont pas, p.221, Corti/Les Massicotés n°8, 2004)
     

  
Louis-Philippe de Ségur

  1. Compatir aux erreurs des hommes, être indulgent pour leurs faiblesses, former leurs esprits, traiter doucement leurs maladies morales, les éloigner de l'oisiveté en encourageant leurs travaux, s'occuper activement de tout ce qui peut perfectionner le genre humain, secourir avec constance et courage les opprimés contre l'injustice, éclairer le pouvoir sur les abus de ses agents, opposer l'esprit d'ordre et d'union à l'esprit de discorde et de parti, consoler les infortunés, calmer les passions aigries, concilier par la tolérance les opinions opposées, adoucir les forts, soutenir les faibles, et donner à tous le double exemple de l'amour pour une sage liberté et du dévouement aux lois et au gouvernement sous lequel nous vivons, enfin contribuer de tous nos moyens à rendre heureux les hommes que la nature fit égaux et frères, tels sont les devoirs doux et sacrés de la bienveillance.
    (Pensées, maximes, réflexions (LI), p.17, Alexis Eymery,1823)
     
  2. Le bonheur humain n'est qu'un éclair ; il semble ne briller que pour annoncer l'orage.
    (Pensées, maximes, réflexions (LII), p.18, Alexis Eymery,1823)
     
  3. Chaque vertu est un milieu entre deux vices : la piété, entre la superstition et l'incrédulité ; la prudence, comme le courage, entre la peur et la témérité ; la liberté, entre la servitude et la licence ; la justice, entre la rigueur et la faiblesse. Le bonheur est au bout de ce chemin ; les abîmes du malheur en bordent les deux côtés ; les passions, comme des sirènes, nous y attirent sans cesse ; l'esprit ne fait que montrer la route, c'est le caractère qui la suit : mais les passions sont des tyrans ; pour leur résister, le vouloir n'est rien sans la fermeté.
    (Pensées, maximes, réflexions (LIII), p.18, Alexis Eymery,1823)
     
  4. Les grands peuples ne résistent pas plus que les grands hommes à l'ivresse d'une haute fortune.
    (Pensées, maximes, réflexions (LIV), p.19, Alexis Eymery,1823)
     
  5. Un hasard peut vous faire monter sur le char de la fortune ; mais il vous verse ou ne vous mène à rien, si vous ne savez pas le conduire.
    (Pensées, maximes, réflexions (LV), p.19, Alexis Eymery,1823)
     
  6. La fortune, qu'on divinise, dépend des hommes ; elle est légère pour la témérité, et constante pour la prudence.
    (Pensées, maximes, réflexions (LVI), p.20, Alexis Eymery,1823)
     
  7. Tout le monde adore la fortune, et tout le monde s'en plaint. Nous attribuons ses faveurs à notre mérite, nous la rendons coupable de nos fautes.
    (Pensées, maximes, réflexions (LVII), p.20, Alexis Eymery,1823)
     
  8. Les grandes fortunes se prennent d'assaut et par surprise ; le sort les dispose, mais le génie seul sait s'en saisir : les petites fortunes se gagnent plus par assiduité.
    (Pensées, maximes, réflexions (LVIII), p.20, Alexis Eymery,1823)
     
  9. Le vrai malheur est aussi rare que le vrai bonheur : tout dans l'homme est imparfait ; il n'y a rien de pur, tout est mêlé d'alliage dans son essence. Le bonheur suprême est au-dessus de la vie humaine, et le malheur complet fait cesser la vie.
    (Pensées, maximes, réflexions (LIX), p.20, Alexis Eymery,1823)
     
  10. Les trois racines les plus communes du malheur des hommes sont l'oubli du présent, l'occupation inquiète de l'avenir, et l'ennui qui rend indifférent sur tout ce qu'on possède, tant qu'on voit d'autres hommes en avoir davantage.
    (Pensées, maximes, réflexions (LX), p.21, Alexis Eymery,1823)
     
  11. Le malheur est une chose sacrée ; on ne devrait permettre qu'à la bienveillance et à l'amitié d'approcher des malheureux pour adoucir leurs peines : il faudrait surtout éloigner l'infortune des regards de l'envie, car le malheur d'autrui est la seule volupté de l'envieux.
    (Pensées, maximes, réflexions (LXI), p.21, Alexis Eymery,1823)
     
  12. Les deux seuls malheurs véritables sont la perte de l'objet qu'on aime le plus et la perte du repos de sa conscience : le ciel a changé le temps d'adoucir l'une, et le repentir de réparer l'autre.
    (Pensées, maximes, réflexions (LXII), p.22, Alexis Eymery,1823)
     
  13. Dans l'excès du malheur on se laisse tromper par le plus faible rayon d'espérance : l'infortune a son ivresse comme le bonheur : tous deux aveuglent également.
    (Pensées, maximes, réflexions (LXIII), p.22, Alexis Eymery,1823)
     
  14. Nos maux ne sont forts que par notre faiblesse ; ils nous accablent lorsqu'ils nous surprennent ; ils nous semblent terribles quand notre imagination les a grossis. La plupart de leurs pointes disparaissent aux yeux du sage qui s'y est préparé, et qui les a mesurés de loin avec le compas de la raison.
    (Pensées, maximes, réflexions (LXIV), p.22, Alexis Eymery,1823)
     
  15. On recommence ses fautes quand on les oublie.
    (Pensées, maximes, réflexions (LXV), p.23, Alexis Eymery,1823)
     
  16. Les hommes sentent mieux le besoin de guérir leurs maladies que leurs erreurs.
    (Pensées, maximes, réflexions (LXVI), p.23, Alexis Eymery,1823)
     
  17. C'est un mérite rare que celui de reconnaître son erreur.
    (Pensées, maximes, réflexions (LXVII), p.23, Alexis Eymery,1823)
     
  18. Les erreurs humaines ne meurent point, elles ne font que changer de formes : nos docteurs modernes rêvent aujourd'hui le néant, comme les anciens rêvaient le Tartare et l'Élysée.
    (Pensées, maximes, réflexions (LXVIII), p.23, Alexis Eymery,1823)
     
  19. Ce monde-ci ressemble au théâtre : lorsqu'on y joue une pièce nouvelle, d'un côté les partisans enthousiastes du drame en applaudissent les défauts ; de l'autre des cabaleurs ardents en sifflent les beautés : mais, malgré l'exagération des partis, l'opinion se forme, et le public impartial fait triompher l'ouvrage s'il est bon, ou le condamne à l'oubli s'il est mauvais.
    (Pensées, maximes, réflexions (LXIX), p.24, Alexis Eymery,1823)
     
  20. Les timides et les incertains formeront éternellement la majorité du monde.
    (Pensées, maximes, réflexions (LXX), p.24, Alexis Eymery,1823)
     
  21. On peut dire de la mémoire autant de mal que de bien ; car si elle se montre à nous d'un côté comme la mère de la science, des talents, de l'expérience, et de la douce reconnaissance, d'un autre côté elle donne naissance à l'erreur, à l'ingratitude, à la vengeance.
    (Pensées, maximes, réflexions (LXXI), p.24, Alexis Eymery,1823)
     
  22. La mémoire de certaines fables, inventées par l'ambition, adoptées par la peur, retenues par la sottise, peut seule faire durer le fanatisme.
    (Pensées, maximes, réflexions (LXXII), p.25, Alexis Eymery,1823)
     
  23. Si la mémoire suffisait pour rendre habite, juste, vertueux, les prédicateurs et les comédiens seraient les premiers hommes du monde.
    (Pensées, maximes, réflexions (LXXIII), p.25, Alexis Eymery,1823)
     
  24. L'homme qui regrette le temps perdu ou qui se repent du temps mal employé redoute sa propre mémoire ; une âme tranquille peut seule se plaire à relire sa vie.
    (Pensées, maximes, réflexions (LXXIV), p.25, Alexis Eymery,1823)
     
  25. La gloire des grands capitaines ne doit sa durée qu'à la gloire des grands écrivains.
    (Pensées, maximes, réflexions (LXXV), p.26, Alexis Eymery,1823)
     
  26. La flatterie est de tous les poisons celui qui donne le plus de vertiges.
    (Pensées, maximes, réflexions (LXXVI), p.26, Alexis Eymery,1823)
     
  27. De tous les usuriers la flatterie est celui qui fait les plus gros profits ; quand les grands manquent de vertus, elle leur en prête, et se voit payée largement en pensions, en faveurs, en places, et en cordons.
    (Pensées, maximes, réflexions (LXXVII), p.26, Alexis Eymery,1823)
     
  28. Rien n'est irritable comme la médiocrité ; on ne pardonne les traits de la satire que lorsqu'on se sent trop élevé pour en être atteint.
    (Pensées, maximes, réflexions (LXXVIII), p.27, Alexis Eymery,1823)
     
  29. La faiblesse aime les partis mitoyens, qui cependant offrent toujours le plus de périls.
    (Pensées, maximes, réflexions (LXXIX), p.27, Alexis Eymery,1823)
     
  30. Ce qui caractérise le mieux la faiblesse, c'est l'extrême mobilité avec laquelle on la voit passer successivement de la peur à l'espérance, et de l'espoir au découragement.
    (Pensées, maximes, réflexions (LXXX), p.27, Alexis Eymery,1823)
     
  31. L'envie, sévère par amour-propre, difficile par ignorance, admire à regret les beautés d'un ouvrage, en exagère avec complaisance les défauts ; elle veut qu'on atteigne toujours le but, quelque élevé qu'il soit, parce qu'elle n'en a jamais mesuré la hauteur ; elle ne sait gré d'aucun effort, n'ayant jamais eu à lutter contre aucun obstacle ; et, comme elle ne connaît point les écueils dont la route est semée, elle ne sait apprécier ni l'audace qui les franchit, ni l'adresse qui les évite.
    (Pensées, maximes, réflexions (LXXXI), p.27, Alexis Eymery,1823)
     
  32. L'envie est l'ombre de la gloire, et la suit toujours.
    (Pensées, maximes, réflexions (LXXXII), p.28, Alexis Eymery,1823)
     
  33. L'ombre n'est pas plus inséparable du corps que l'envie ne l'est du mérite.
    (Pensées, maximes, réflexions (LXXXIIII), p.28, Alexis Eymery,1823)
     
  34. La mort seule désarme l'envie.
    (Pensées, maximes, réflexions (LXXXIV), p.28, Alexis Eymery,1823)
     
  35. Dans les temps de crise la peur fait taire l'envie, et la contraint de se soumettre au talent.
    (Pensées, maximes, réflexions (LXXXV), p.29, Alexis Eymery,1823)
     
  36. L'envie s'arrête sur la tombe des grands hommes ; une reconnaissance tardive la remplace.
    (Pensées, maximes, réflexions (LXXXVI), p.29, Alexis Eymery,1823)
     
  37. Les peurs salutaires sont la peur des lois et la peur de l'opinion : ce sont les grands ressorts des gouvernements ; mais il en est peu qui sachent parfaitement s'en servir ; ils sont partout trop tendus ou trop relâchés. Ces deux grands leviers de la force publique doivent être créés par le génie et dirigés par la justice ; trop souvent on les voit disposés par l'ignorance, usés par la routine et conduits par la passion, ou abandonnés au hasard par la faiblesse.
    (Pensées, maximes, réflexions (LXXXVII), p.29, Alexis Eymery,1823)
     
  38. Quand la peur s'empare des âmes, le parti le plus violent est celui qui rassure le plus la faiblesse.
    (Pensées, maximes, réflexions (LXXXVIII), p.30, Alexis Eymery,1823)
     
  39. La peur est plus persuasive que la raison.
    (Pensées, maximes, réflexions (LXXXIX), p.30, Alexis Eymery,1823)
     
  40. La peur est une passion qu'on peut flatter comme les autres ; on la dirige à son gré, en épaississant les nuages qui l'aveuglent, et en variant les rêves qui l'égarent.
    (Pensées, maximes, réflexions (XC), p.30, Alexis Eymery,1823)
     
  41. L'éloquence a ses dangers comme son utilité ; tout dépend de l'usage qu'on en fait ; c'est le bouclier de l'innocence, l'épée du courage, ou le poignard de la calomnie.
    (Pensées, maximes, réflexions (XCI), p.30, Alexis Eymery,1823)
     
  42. On peut tout enlever aux hommes tant qu'on leur laisse l'espérance.
    (Pensées, maximes, réflexions (XCII), p.31, Alexis Eymery,1823)
     
  43. Le talent, disgracié dans les temps de calme, est rappelé dans les jours de péril.
    (Pensées, maximes, réflexions (XCIII), p.31, Alexis Eymery,1823)
     
  44. Les grands malheurs font sentir le besoin des grands talents.
    (Pensées, maximes, réflexions (XCIV), p.31, Alexis Eymery,1823)
     
  45. Les talents militaires périssent les derniers dans la décadence des peuples.
    (Pensées, maximes, réflexions (XCV), p.31, Alexis Eymery,1823)
     
  46. La sagesse qui fait rougir éloigne ; celle qui fait sourire rapproche.
    (Pensées, maximes, réflexions (XCVI), p.32, Alexis Eymery,1823)
     
  47. La sagesse est l'art de jouir des plaisirs sans satiété, du repos sans langueur, et du bonheur sans l'ennui qui le suit trop communément.
    (Pensées, maximes, réflexions (XCVII), p.32, Alexis Eymery,1823)
     
  48. En adoucissant la voix de la sagesse, et en s'occupant un peu de la rendre aimable, on parviendrait à la faire accueillir des plus fous.
    (Pensées, maximes, réflexions (XCVIII), p.32, Alexis Eymery,1823)
     
  49. La vraie sagesse n'est point austère : l'ami de l'humanité ne tombera jamais dans une sombre misanthropie ; la mémoire du bien qu'on a fait rafraîchit le sang et calme l'âme : le vieillard qui a été utile aux hommes ne s'éloigne jamais entièrement d'eux.
    (Pensées, maximes, réflexions (XCIX), p.32, Alexis Eymery,1823)
     
  50. De tous les dons de la nature la raison est le plus rare, et chez le génie même elle s'éclipse parfois.
    (Pensées, maximes, réflexions (C), p.33, Alexis Eymery,1823)
     
  51. La raison par son évidence ne fait qu'irriter la passion.
    (Pensées, maximes, réflexions (CI), p.33, Alexis Eymery,1823)
     
  52. Dès qu'on connaît son ignorance ou sa folie, elles ne sont plus dangereuses ; cette connaissance tue l'orgueil, et fait naître l'indulgence : c'est peut-être le plus grand pas que l'homme puisse faire du côté de la raison.
    (Pensées, maximes, réflexions (CII), p.33, Alexis Eymery,1823)
     
  53. La philosophie ne serait bonne à rien, si elle ne nous apprenait pas à nous soutenir contre les caprices du sort et contre les injustices des hommes.
    (Pensées, maximes, réflexions (CIII), p.34, Alexis Eymery,1823)
     
  54. Lorsque la philosophie ne peut pénétrer qu'à l'aide du luxe, son éternel ennemi, c'est recevoir à la fois le poison et l'antidote.
    (Pensées, maximes, réflexions (CIV), p.34, Alexis Eymery,1823)
     
  55. La philosophie, comme la religion, apprend aux hommes qu'on ne peut être heureux que par la vertu, ils la repoussent ; par la modération, ils la dédaignent ; par la justice, ils la craignent ; par l'amour du prochain, ils ne songent qu'à se détruire.
    (Pensées, maximes, réflexions (CV), p.34, Alexis Eymery,1823)
     
  56. La philosophie convient à tous les âges : l'enfance l'étudie ; la jeunesse s'y exerce ; la vieillesse l'enseigne.
    (Pensées, maximes, réflexions (CVI), p.35, Alexis Eymery,1823)
     
  57. La vraie philosophie ne tend qu'à nous rendre meilleurs, plus justes, plus indulgents, plus modérés ; à dévoiler la turpitude des vices, le ridicule des erreurs, le péril des faiblesses, le malheur de l'égoïsme.
    (Pensées, maximes, réflexions (CVII), p.35, Alexis Eymery,1823)
     
  58. Les passions, sourdes à la voix de la justice, ne savent pas mettre plus de bornes à la haine qu'à l'enthousiasme ; tout ce qui les sert est innocent, et tout ce qui leur oppose un obstacle est criminel : aussi dans les temps d'orage, la modération, coupable aux yeux de tous les hommes de parti, n'est absoute que par la postérité.
    (Pensées, maximes, réflexions (CVIII), p.35, Alexis Eymery,1823)
     
  59. Lorsqu'on ouvre le coeur humain à une passion, les autres y pénètrent.
    (Pensées, maximes, réflexions (CIX), p.36, Alexis Eymery,1823)
     
  60. Les passions ont un flambeau qui aveugle au lieu d'éclairer.
    (Pensées, maximes, réflexions (CX), p.36, Alexis Eymery,1823)
     
  61. Les passions croient aussi facilement ce qu'elles désirent que ce qu'elles craignent.
    (Pensées, maximes, réflexions (CXI), p.36, Alexis Eymery,1823)
     
  62. Les passions ferment tous les yeux, bouchent toutes les oreilles, et ne laissent pas le plus petit passage ouvert à la lumière et à la raison.
    (Pensées, maximes, réflexions (CXII), p.36, Alexis Eymery,1823)
     
  63. Les petites passions ont plus d'empire sur les hommes médiocres que les grands intérêts politiques.
    (Pensées, maximes, réflexions (CXIII), p.37, Alexis Eymery,1823)
     
  64. La colère, l'envie, la vengeance, la haine, sont les vrais fléaux de l'humanité, les torches qui embrasent la terre ; et ceux qui se servent de leurs funestes glaives en sont eux-mêmes les premiers blessés.
    (Pensées, maximes, réflexions (CXIV), p.37, Alexis Eymery,1823)
     
  65. On agrandit tout ce qu'on persécute.
    (Pensées, maximes, réflexions (CXV), p.37, Alexis Eymery,1823)
     
  66. Nos projets de fortune, de grandeur, de pouvoir, de gloire et de félicité sont les châteaux de cartes de notre enfance virile.
    (Pensées, maximes, réflexions (CXVI), p.37, Alexis Eymery,1823)
     
  67. Pour un observateur attentif la physionomie est le portrait du caractère.
    (Pensées, maximes, réflexions (CXVII), p.38, Alexis Eymery,1823)
     
  68. L'habitude de certaines affections de l'âme donne aux muscles du visage un mouvement, une contraction qui se conserve, et qui fait lire le caractère sur la figure.
    (Pensées, maximes, réflexions (CXVIII), p.38, Alexis Eymery,1823)
     
  69. Le ridicule est une arme dont la méchanceté se sert toujours habilement, et que la raison a quelquefois, mais trop rarement, employée avec succès.
    (Pensées, maximes, réflexions (CXIX), p.38, Alexis Eymery,1823)
     
  70. En France, cette vraie patrie de la bravoure, il existe une peur dominante qui ne connaît aucun frein, qui résiste à toute loi, qui ferait braver toute défense et tout danger ; c'est la peur du ridicule.
    (Pensées, maximes, réflexions (CXX), p.38, Alexis Eymery,1823)
     
  71. La reconnaissance est susceptible, parce qu'elle est délicate ; elle ne répond qu'à l'estime : jamais une bienfaisance exercée au hasard et sans choix ne la fait naître. La bienfaisance banale est comme les courtisans ; on jouit de leurs faveurs en les méprisant.
    (Pensées, maximes, réflexions (CXXI), p.39, Alexis Eymery,1823)
     
  72. Au fond d'une âme vraiment grande, la vertu qu'on est le plus certain de trouver, c'est la reconnaissance.
    (Pensées, maximes, réflexions (CXXII), p.39, Alexis Eymery,1823)
     
  73. Une mère donne avec le lait à son enfant la première leçon de reconnaissance.
    (Pensées, maximes, réflexions (CXXIII), p.39, Alexis Eymery,1823)
     
  74. La reconnaissance, volupté des coeurs bien nés et fardeau pour les ingrats, est non seulement un devoir privé, mais encore une vertu qui produit le bien général ; car elle est le prix et l'encouragement de la bienveillance.
    (Pensées, maximes, réflexions (CXXIV), p.40, Alexis Eymery,1823)
     
  75. L'erreur des âmes généreuses est de croire à la reconnaissance.
    (Pensées, maximes, réflexions (CXXV), p.40, Alexis Eymery,1823)
     
  76. L'ingratitude met à une pénible épreuve les âmes vertueuses, en leur refusant les seuls prix auxquels elles aspirent, la reconnaissance et l'amitié ; et là où elles espéraient se voir payées d'estime et d'affection, elles ne trouvent qu'oubli ou même injustice et haine.
    (Pensées, maximes, réflexions (CXXVI), p.40, Alexis Eymery,1823)
     
  77. L'ingratitude empoisonne souvent les bienfaits dans leur source ; son effet le plus funeste est de décourager trop souvent les âmes faibles, de changer leur générosité en méfiance, et leur sensibilité en indifférence.
    (Pensées, maximes, réflexions (CXXVII), p.41, Alexis Eymery,1823)
     
  78. L'ingratitude est un vice contre nature ; les animaux mêmes sont reconnaissants.
    (Pensées, maximes, réflexions (CXXVIII), p.41, Alexis Eymery,1823)
     
  79. L'imagination va toujours plus loin que la réalité.
    (Pensées, maximes, réflexions (CXXIX), p.41, Alexis Eymery,1823)
     
  80. L'industrie humaine triomphe de la nature.
    (Pensées, maximes, réflexions (CXXX), p.41, Alexis Eymery,1823)