Citations ajoutées le 27 décembre 2007

  
Daniel Pennac

  1. L'espoir placé par le cancre dans la litanie, oui... Les mots du professeur ne sont que des bois flottants auxquels le mauvais élève s'accroche sur une rivière dont le courant l'entraîne vers les grandes chutes. Il répète ce qu'a dit le prof. Pas pour que ça ait du sens, pas pour que la règle s'incarne, non, pour être tiré d'affaire, momentanément, pour qu'« on me lâche ». Ou qu'on m'aime.
    (Chagrin d'école, p.22, Gallimard/nrf, 2007)
     
  2. Quand on se sent de nulle part, on a tendance à se faire des serments à soi-même.
    (Chagrin d'école, p.37, Gallimard/nrf, 2007)
     
  3. La naissance de la délinquance, c'est l'investissement secret de toutes les facultés de l'intelligence dans la ruse.
    (Chagrin d'école, p.37, Gallimard/nrf, 2007)
     
  4. La plupart [des mères] se font de l'avenir une représentation qui est une projection du présent sur la toile obsédante du futur. Le futur comme un mur où seraient projetées les images démesurément agrandies d'un présent sans espoir, la voilà la grande peur des mères !
    (Chagrin d'école, p.54, Gallimard/nrf, 2007)
     
  5. Mais c'est cela, enseigner : c'est recommencer jusqu'à notre nécessaire disparition de professeur.
    (Chagrin d'école, p.70, Gallimard/nrf, 2007)
     
  6. [...] c'est dans la conscience de son présent que l'individu se construit, pas en le fuyant.
    (Chagrin d'école, p.88, Gallimard/nrf, 2007)
     
  7. L'avenir, c'est moi en pire, voilà en gros ce que je traduisais quand mes professeurs m'affirmaient que je ne deviendrais rien.
    (Chagrin d'école, p.96, Gallimard/nrf, 2007)
     
  8. Savoir si l'école est faite pour toi ou toi pour l'école, tu n'imagines pas comme on s'étripe à ce propos dans l'olympe éducatif.
    (Chagrin d'école, p.120, Gallimard/nrf, 2007)
     
  9. Les maux de grammaire se soignent par la grammaire, les fautes d'orthographe par l'exercice de l'orthographe, la peur de lire par la lecture, celle de ne pas comprendre par l'immersion dans le texte, et l'habitude de ne pas réfléchir par le calme renfort d'une raison strictement limitée à l'objet qui nous occupe, ici, maintenant, dans cette classe, pendant cette heure de cours, tant que nous y sommes.
    [...]
    La conviction m'est restée qu'il fallait parler aux élèves le seul langage de la matière que je leur enseignais. Peur de la grammaire ? Faisons de la grammaire. Pas d'appétit pour la littérature ? Lisons ! Car, aussi étrange que cela puisse vous paraître, ô nos élèves, vous êtes pétris des matières que nous vous enseignons. Vous êtes la matière même de toutes nos matières. Malheureux à l'école ? Peut-être. Chahutés par la vie ? Certains, oui. Mais à mes yeux, faits de mots, tous autant que vous êtes, tissés de grammaire, remplis de discours, même les plus silencieux ou les moins armés en vocabulaire, hantés par vos représentations du monde, pleins de littérature en somme, chacun d'entre vous, je vous prie de me croire.

    (Chagrin d'école, pp.124-125, Gallimard/nrf, 2007)
     
  10. Une bonne classe, ce n'est pas une régiment qui marche au pas, c'est un orchestre qui travaille la même symphonie.
    (Chagrin d'école, p.138, Gallimard/nrf, 2007)
     
  11. Le savoir est d'abord charnel. Ce sont nos oreilles et nos yeux qui le captent, notre bouche qui le transmet. Certes, il nous vient des livres, mais les livres sortent de nous. Ça fait du bruit, une pensée, et le goût de lire est un héritage du besoin de dire.
    (Chagrin d'école, p.160, Gallimard/nrf, 2007)
     
  12. Le jeu est la respiration de l'effort, l'autre battement du coeur, il ne nuit pas au sérieux de l'apprentissage, il en est le contrepoint. Et puis jouer avec la matière c'est encore nous entraîner à la maîtriser. Ne traitez pas d'enfant le boxeur qui saute à la corde, c'est imprudent.
    (Chagrin d'école, p.167, Gallimard/nrf, 2007)
     
  13. C'est peut-être cela, enseigner : en finir avec la pensée magique, faire en sorte que chaque cours sonne l'heure du réveil.
    (Chagrin d'école, p.174, Gallimard/nrf, 2007)
     
  14. Il suffit d'un professeur - un seul - pour nous sauver de nous-mêmes et nous faire oublier tous les autres.
    (Chagrin d'école, p.262, Gallimard/nrf, 2007)
     
  15. [...] sais-tu la différence en un professeur et un outil ? Non ? Le mauvais prof n'est pas réparable.
    (Chagrin d'école, p.270, Gallimard/nrf, 2007)
     

Thomas De Koninck

  1. Au niveau des principes, Kant a dit l'essentiel en une phrase : « le plus grand et le plus difficile problème qui puisse se poser à l'être humain, c'est l'éducation : car le discernement dépend de l'éducation, et l'éducation, à son tour, dépend du discernement. » Comment sortir de ce cercle ? Le plus difficile des problèmes, précise ailleurs Kant, comme en réponse à cette question, c'est que « l'homme est un animal qui [...] a besoin d'un maître. [...] Mais où prend-il ce maître ? Nulle part ailleurs que dans l'espèce humaine. Mais ce maître est, tout comme lui, un animal qui a besoin d'un maître. » En d'autres termes, tradition - l'acte de transmettre - et discipline sont nécessaires pour que nous puissions devenir ce que nous sommes et parvenir à des sociétés civiles justes.
    (La crise de l'éducation, p.11, Fides, 2007)
     
  2. L'insoutenable légèreté du relativisme moral ne peut être dépassée que par l'éveil de la conscience et l'engagement.
    (La crise de l'éducation, p.18, Fides, 2007)
     
  3. La corruption du pouvoir stigmatisée par Lord Acton* a pour conséquence (et symptôme) une « rancoeur méprisante » (Kierkegaard) à l'égard de l'humain qui n'entre pas dans un calcul.
    *De Wikipédia : Dans la pensée d'Acton, l'histoire humaine est orientée vers une liberté toujours plus grande. La défense de celle-ci est un impératif moral: Rappelant le couple liberté / responsabilité, il affirme que si le pouvoir politique s'arroge le droit de commander aux hommes leurs actes, il les prive de leur responsabilité.

    (La crise de l'éducation, p.25, Fides, 2007)
     
  4. [...] des « idoles » tiennent lieu de modèles d'existence, tels l'acteur (en grec : hypokritos) dont le métier consiste précisément à ne pas être eux-mêmes [...]
    (La crise de l'éducation, p.26, Fides, 2007)
     
  5. À proportion que décroît la culture, la violence croît.
    (La crise de l'éducation, p., 32, Fides, 2007)
     
  6. Musique et cinéma réunis, s'ajoutant au pouvoir exceptionnel des images sur la vie intime, augmentent d'autant l'impact, auprès de la jeunesse tout spécialement, de ce qui pourrait être un grand art. Dans les faits toutefois, ainsi que le constate Alvin Kernan [In Plato's Cave, 1999] l'image télévisuelle est restée simplette : what you see is what you get. Cinquante ans de télévision n'ont pas rendu jusqu'à présent « un seul écrivain, ni même aucun directeur, célèbre - elle n'a fait que des stars. Ses oeuvres sont éphémères, vues un instant sur l'écran et puis, sauf pour les reprises, disparues pour toujours, jamais appelées à vivre de longues vies sur des rayons de bibliothèque. Sa substance est l'image visuelle et l'oralité, non le mot imprimé plus abstrait, et elle n'encourage dès lors pas la complexité intellectuelle - l'ironie, l'ambiguïté, le paradoxe - ni la structure élaborée des idées qui caractérise les livres imprimés. »
    (La crise de l'éducation, p.32, Fides, 2007)
     
  7. [...] les médias défont la nuit ce que l'école tisse le jour.
    (La crise de l'éducation, p.35, Fides, 2007)
     
  8. Les émotions ne sont pas statiques, elles sont des mouvements, des « motions », disions-nous. Le meilleur « traité » des passions est à cet égard la musique.
    (La crise de l'éducation, p.42, Fides, 2007)
     
  9. Il importe au plus haut degré que l'enfant prenne plaisir en des activités, des jeux par exemple, qui lui feront aimer ce qui sera bon pour lui plus tard. Si on a depuis longtemps considéré les arts comme le berceau de l'éthique, c'est que le goût de l'harmonie, de l'élégance même, cause un désir d'ordre intérieur.
    (La crise de l'éducation, p.48, Fides, 2007)
     
  10. [...] certains pythagoriciens pensaient que l'âme est une harmonie.
    (La crise de l'éducation, p.50, Fides, 2007)
     
  11. Tout un chacun, d'une certaine manière, vit de la culture et baigne dans la sphère culturelle de son temps et de sa nation. L'oeuvre culturelle le plus grande n'est cependant aucune de ses oeuvres ou créations, mais bien plutôt l'être humain lui-même.
    (La crise de l'éducation, p.59, Fides, 2007)
     
  12. Le défi par excellence de l'enseignement est de maintenir la connaissance vivante, de l'empêcher de devenir inerte.
    (La crise de l'éducation, p.60, Fides, 2007)
     
  13. Pourquoi l'algèbre? Pourquoi la géométrie? Pourquoi la science? Pourquoi l'histoire? Pourquoi les langues? Pourquoi la littérature? Cette dissociation tue. Il n'y a qu'un sujet d'études au bout du compte, et c'est la vie dans toutes ses manifestations.
    (La crise de l'éducation, p.60, Fides, 2007)
     
  14. Plutarque faisait observer qu'une majorité de gens croient qu'il importe d'abord d'apprendre à parler alors qu'on doit apprendre à écouter pour commencer, et à écouter de manière attentive, active. Une participation active de l'étudiant à l'enseignement est en ce sens indispensable à tout apprentissage ; savoir bien interroger, après avoir écouté, est un art essentiel, qu'on doit apprendre également. L'esprit humain n'est par comparable à un vase qu'on remplit, mais bien plutôt à une matière combustible qu'une étincelle peut enflammer. Se contenter d'admirer passivement une raison à l'oeuvre est comme aller chez le voisin pour lui emprunter de quoi allumer un feu chez soi, puis préférer ensuite se réchauffer longuement devant son feu à lui. C'est au contraire sa propre originalité ainsi que son propre désir de penser et de découvrir le vrai qu'il importe d'éveiller.
    (La crise de l'éducation, p.61, Fides, 2007)
     
  15. Chaque cours doit être une découverte faite en commun, où l'on retrouve sous une forme neuve les connaissances.
    (La crise de l'éducation, p.68, Fides, 2007)
     
  16. Apprendre à éprouver l'extraordinaire beauté de la vie de l'esprit et la délectation correspondante, en mathématiques ou en poésie, par exemple, est un fruit naturel de l'éducation dont on n'a nul droit de priver ceux qui les attendent, parfois à leur insu. Donner un sens étroitement utilitaire au droit universel à la culture est non seulement une contradiction dans les termes, mais une insulte à l'humain, à la liberté.
    (La crise de l'éducation, p.70, Fides, 2007)