Citations ajoutées le 22 octobre 2006

Albert Jacquard

  1. J'y passais [à la bibliothèque municipale] tous mes instants libres, heureux d'être entouré de ce calme, de ce silence, de cette odeur de papier et d'encaustique, heureux d'avoir accès à toutes les aventures racontées dans les romans, heureux surtout de pénétrer tous les secrets de l'univers dévoilés dans les encyclopédies ; la bibliothèque m'introduisit dans le monde beaucoup plus que le collège ; elle me permettait de trouver quelques réponses aux questions que je me posais et qui avaient pour moi de l'importance ; au collège, il me fallait apprendre les réponses à des questions dont je ne voyais pas l'intérêt, je n'avais guère d'appétit pour la nourriture que m'apportaient les programmes.
    (Mon utopie, p.16, Stock, 2006)
     
  2. « En quoi êtes-vous bon ? », j'ai répondu : « En tout, sauf en gymnastique. » Les professeurs m'ont cru. J'ai donc été bon. Je regrette pour la gymnastique.
    (Mon utopie, p.17, Stock, 2006)
     
  3. [...] la meilleure façon de faire le tour d'un domaine scientifique est de l'exposer, de l'enseigner, d'en faire un livre.
    (Mon utopie, p.27, Stock, 2006)
     
  4. Dès les premières expériences [en enseignement], j'ai compris que l'essentiel n'était pas dans le contenu du discours, mais l'intensité de l'échange provoqué par la parole.
    (Mon utopie, p.31, Stock, 2006)
     
  5. [...] ce Big Brother qu'est un système éducatif fondé sur la sélection.
    (Mon utopie, p.34, Stock, 2006)
     
  6. Sélectionner parmi quelques centaines d'étudiants ceux qui seront aptes, dix années plus tard, à exercer tel métier est une tâche impossible. Sauf cas extrêmes, seule une voyante extralucide pourrait prétendre donner une réponse. Comment quelques copies apporteraient-elles des informations suffisantes pour décider d'une performance à venir aussi multiforme que, par exemple, la profession de médecin ?
    (Mon utopie, p.36, Stock, 2006)
     
  7. [...] le difficile équilibre entre le désordre et les excès de l'ordre.
    (Mon utopie, p.40, Stock, 2006)
     
  8. Une utopie qui se borne à décrire un rêve irréalisable est plus néfaste qu'utile ; le fossé entre le réel vécu dans l'instant et le souhaitable imaginé pour plus tard apparaît définitivement infranchissable. Tous les abandons sont alors justifiés, tous les projets se heurtent à la lâcheté des « À quoi bon ? ».
    Elle peut être au contraire un facteur de renouveau, être à l'origine d'une dynamique, si elle est reçue en suscitant un « Pourquoi pas ? ».

    (Mon utopie, p.43, Stock, 2006)
     
  9. Le monde où l'on se reproduit est un monde où l'on s'ennuie. Seules les erreurs de copie, autrement dit les mutations, permettent de lutter contre l'uniformité ; elles sont rares.
    (Mon utopie, p.48, Stock, 2006)
     
  10. Pour un humain, être c'est devenir.
    (Mon utopie, p.65, Stock, 2006)
     
  11. Notre passé est semblable à un océan dont l'horizon inaccessible n'a aucune réalité ; ses vagues viennent de nous déposer sur le littoral d'une île inconnue, notre avenir. À nous de la défricher.
    (Mon utopie, p.84, Stock, 2006)
     
  12. C'est, je crois, le philosophe Vladimir Jankélévitch qui fait remarquer que chacun de nous est provisoire, certes, mais que le fait que nous ayons existé est définitif.
    (Mon utopie, p.84, Stock, 2006)
     
  13. Présenter la télévision comme un prolongement des moyens d'information d'autrefois est lui faire beaucoup trop d'honneur. Elle ne succède nullement aux journaux ou aux revues qui décrivaient les faits et proposaient une réflexion à leur propos. Elle a plutôt pris la place des bonimenteurs qui jadis, sur les boulevards, vendaient des poudres miraculeuses, et celle des camelots qui distribuaient des chansons illustrées paraphrasant l'actualité.
    (Mon utopie, p.100, Stock, 2006)
     
  14. N'oublions pas que c'est un Occidental, un chrétien, le président Harry Truman, qui a osé s'adresser publiquement à Dieu au lendemain de l'explosion d'Hiroshima pour - je cite : « Le remercier de nous avoir donné cette arme. » Cette référence à Dieu dans un tel contexte montre que les consciences n'ont guère progressé depuis les XIIe siècle, époque où les cardinaux du Vatican condamnaient l'usage de l'arbalète, mais en limitant cet interdit aux seuls combats entre chrétiens.
    (Mon utopie, p.117, Stock, 2006)
     
  15. Pour mettre un terme définitif aux guerres, la seule issue est de développer l'art de la rencontre.
    (Mon utopie, p.119, Stock, 2006)
     
  16. Finalement, le résultat de la partie est résumé par quelques nombres, le sport est réduit à un score. Face à la réalité du jeu, ce score est aussi réducteur qu'un squelette face à un être vivant.
    Si cette attitude de compétition permanente se bornait au sport, ce ne serait qu'anecdotique ; hélas, dès l'école primaire, elle est présentée comme une nécessité, elle serait seule conforme aux leçons de la nature. Un darwinisme simpliste est même utilisé pour la justifier : l'amélioration des espèces est présentée comme le résultat d'une implacable « lutte pour la vie » qu'il faudrait perpétuer. En réalité, l'arbre de l'évolution comporte des bifurcations qui doivent beaucoup plus au hasard qu'à la nécessité. Rien ne nous oblige à prolonger cette lutte au cours des événements qui sont la part spécifiquement humaine de notre vie : les échanges.

    (Mon utopie, p.122, Stock, 2006)
     
  17. [Sur un schéma où] chaque humain est un point, il faut dessiner des flèches allant de l'un à l'autre et de l'autre à l'un. La réalité d'une collectivité est dans l'entrelacs de ces flèches.
    Éduquer, c'est apporter du contenu à ces liens, c'est créer des réciprocités, c'est proposer à chacun d'être l'un des dépositaires du trésor collectif, d'être de ceux qui l'enrichiront, d'être aussi face à la génération suivante, un passeur de témoin.

    (Mon utopie, p.158, Stock, 2006)
     
  18. La cité idéale est celle où tout est école.
    (Mon utopie, p.160, Stock, 2006)
     
  19. L'éducation est semblable à un art; elle est une création perpétuelle qui progresse en provoquant des rencontres toujours nouvelles. [...] Le système éducatif peut donc être défini comme le lieu où l'on enseigne et où l'on pratique l'art de la rencontre.
    (Mon utopie, p.163, Stock, 2006)
     
  20. Or l'éducation n'a nul besoin de palmarès. À quoi peut bien servir le constat que l'élève X est « meilleur » que l'élève Y ? Ce besoin est arbitrairement suggéré par la société, qui propose en effet à chacun de se contenter du confort intellectuel qu'apporte la soumission à de multiples hiérarchies. Elle nous fait admettre qu'un parcours de vie se résume à un enchaînement de sélections. Pour jouer véritablement son rôle, l'école devrait tout au contraire tenir compte du potentiel créateur de chacun.
    (Mon utopie, p.168, Stock, 2006)
     
  21. Le risque est grand que l'on réfléchisse à l'éducation avec une mentalité d'ingénieur s'efforçant de produire des objets définis avec précision, ou avec un regard d'économiste, de comptable, s'efforçant de dégager la meilleure rentabilité.
    (Mon utopie, p.170, Stock, 2006)
     
  22. Les examens, considérés comme des événements importants qui rythment la succession des trimestres, y tiennent une place démesurée. Charles Pepinster, du GBEN, a calculé que, compte tenu de leur préparation et de leur correction, ils représentent une durée totale de deux années sur les douze des études primaires et secondaires. Ce sont deux années inutilement consacrées non à aider les élèves, à les faire progresser mais à les juger, les sélectionner, les exclure.
    (Mon utopie, p.183, Stock, 2006)
     
  23. [...] La liberté de chacun ne peut s'épanouir que si la société ne possède pas trop d'informations sur lui. « Je suis celui que l'on me croit », dit un personnage de Pirandello. Mieux encore serait : « Laissez-moi devenir celui que je choisis d'être. »
    (Mon utopie, p.193, Stock, 2006)
     

Jean Rotrou

  1. Régner est un secret dont la haute science
    Ne s'acquiert que par l'âge et par l'expérience.

    (Venceslas, acte 1 sc. 1 (Venceslas), p.10, in Théâtre du Second Ordre, tragédies tome 1, 1810)
     
  2. Ne sais-je pas qu'un roi qui veut qu'on le révère,
    Doit mêler à propos l'affable et le sévère,
    Et selon l'exigence et des temps et des lieux,
    Savoir faire parler et son front et ses yeux;
    Mettre bien la franchise et la feinte en usage;
    Porter tantôt un masque, et tantôt un visage;
    Quelque avis qu'on lui donne, être toujours pareil,
    Et se croire souvent plus que tout son conseil;
    Mais surtout, et de-là dépende l'heur des couronnes,
    Savoir bien appliquer les emplois aux personnes,
    Et faire, par des choix judicieux et sains,
    Tomber le ministère en de fidèles mains;
    Élever peu de gens si haut qu'ils puissent nuire,
    Être lent à former aussi bien qu'à détruire,
    Des bonnes actions garder le souvenir,
    Être prompt à payer, et tardif à punir ?

    (Venceslas, acte 1 sc. 1 (Ladislas), p.15, in Théâtre du Second Ordre, tragédies tome 1, 1810)
     
  3. Sous cette qualité souffrez que je vous aime,
    Et privez-moi du jour plutôt que de vous-même.
    Car enfin si l'on pèche adorant vos appas,
    Et si l'on ne vous plaît qu'en ne vous aimant pas,
    Cette offense est un mal que je veux toujours faire,
    Et je consens plutôt à mourir qu'à vous plaire.

    (Venceslas, acte 2 sc. 2 (Ladislas), p.30, in Théâtre du Second Ordre, tragédies tome 1, 1810)
     
  4. Régner ne peut déplaire aux âmes généreuses.
    (Venceslas, acte 2 sc. 2 (Théodore), p.32, in Théâtre du Second Ordre, tragédies tome 1, 1810)
     
  5. Les trônes bien souvent portent des malheureuses,
    Qui, sous le joug brillant de leur autorité,
    Ont beaucoup de sujets, et peu de liberté.

    (Venceslas, acte 2 sc. 2 (Cassandre), p.32, in Théâtre du Second Ordre, tragédies tome 1, 1810)
     
  6. Laissons mourir l'amour, où l'espoir ne vit plus.
    (Venceslas, acte 2 sc. 2 (Ladislas), p.33, in Théâtre du Second Ordre, tragédies tome 1, 1810)
     
  7. Je vois de quels efforts vos sens sont combattus,
    Mais les difficultés sont le champ des vertus ;
    Avec un peu de peine on achète la gloire;
    Qui veut vaincre est déjà bien près de la victoire:
    Se faisant violence, on s'est bientôt domté,
    Et rien n'est tant à nous que notre volonté.
    [GGJ : domté au lieu de dompté est ce qui paraît dans le texte. Il faudrait vérifier l'écriture de ce mot au 17e siècle.]

    (Venceslas, acte 2 sc. 3 (Théodore), p.35, in Théâtre du Second Ordre, tragédies tome 1, 1810)
     
  8. On peut voir l'avenir dans les choses passées.
    (Venceslas, acte 2 sc. 6 (Alexandre), p.40, in Théâtre du Second Ordre, tragédies tome 1, 1810)
     
  9. Apprenons l'art, mon coeur, d'aimer sans espérance,
    Et souffrir des mépris avecque révérence.

    (Venceslas, acte 3 sc. 1 (Fédéric), p.41, in Théâtre du Second Ordre, tragédies tome 1, 1810)
     
  10. Qui donne toute une âme en veut aussi d'entières.
    (Venceslas, acte 3 sc. 2 (Alexandre), p.42, in Théâtre du Second Ordre, tragédies tome 1, 1810)
     
  11. L'ami qui souffre seul fait une injure à l'autre ;
    Ma part de votre ennui diminuera la vôtre.

    (Venceslas, acte 3 sc. 2 (Alexandre), p.42, in Théâtre du Second Ordre, tragédies tome 1, 1810)
     
  12. L'amour surprend les coeurs, et s'en rend bientôt maître.
    (Venceslas, acte 3 sc. 2 (Alexandre), p.44, in Théâtre du Second Ordre, tragédies tome 1, 1810)
     
  13. Qui souhaite la mort, craint peu, quoi qu'il avienne.
    [GGJ : avienne doit sans doute être corrigé par advienne.]

    (Venceslas, acte 4 sc. 3 (Ladislas), p.61, in Théâtre du Second Ordre, tragédies tome 1, 1810)
     
  14. Ainsi que les vertus, les crimes enchaînés,
    Sont toujours, ou souvent, l'un par l'autre traînés.

    (Venceslas, acte 4 sc. 6 (Cassandre), p.68, in Théâtre du Second Ordre, tragédies tome 1, 1810)
     
  15. La justice est souvent le masque du courroux.
    (Venceslas, acte 5 sc. 6 (Théodore), p.80, in Théâtre du Second Ordre, tragédies tome 1, 1810)
     
  16. La justice est souvent le masque du courroux.
    (Venceslas, acte 5 sc. 6 (Théodore), p.80, in Théâtre du Second Ordre, tragédies tome 1, 1810)
     
  17. Il n'est pas toujours bon d'être trop politique.
    (Venceslas, acte 5 sc. 7 (Fédéric), p.83, in Théâtre du Second Ordre, tragédies tome 1, 1810)
     
  18. La justice est aux rois la reine des vertus,
    Et me vouloir injuste, est ne me vouloir plus.

    (Venceslas, acte 5 sc. 9 (Venceslas), p.85, in Théâtre du Second Ordre, tragédies tome 1, 1810)