Citations ajoutées le 25 août 2006

  
Edgar Morin

  1. Le fond du nihilisme contemporain, je le surmonte en disant que s'il n'existe pas de fondement de certitude à partir duquel on puisse développer une connaissance vraie, alors on peut développer une connaissance comme une symphonie. On ne peut pas parler de la connaissance comme d'une architecture avec une pierre de base sur laquelle on construirait une connaissance vraie, mais on peut lancer des thèmes qui vont s'entre-nouer d'eux-mêmes.
    (Le complexus, qui est tissé ensemble, p.25, in La Complexité, vertiges et promesses, Le Pommier/Poche, 2006)
     
  2. Quand on me demande si je suis optimiste ou pessimiste, je réponds « opti-pessimiste » car la pensée complexe refuse l'alternative entre optimisme et pessimisme. Je suis vigilant et je crois que les probabilités sont très mauvaises et même catastrophiques, mais qu'il y a tout de même une petite fenêtre pour l'improbable...
    (Le complexus, qui est tissé ensemble, p.26, in La Complexité, vertiges et promesses, Le Pommier/Poche, 2006)
     
  3. La complexité humaine se trouve chez Balzac, Proust et Dostoïevski. C'est au travers des personnages de roman que l'on reconnaît ses propres vérités. Si l'on veut apprendre ainsi ce qu'est la vie et apprendre à se connaître soi-même, il faut par conséquent redonner à la culture humaniste toute sa valeur d'apprentissage de la condition humaine et d'apprentissage de la vie, et ne pas opposer cette culture humaniste à la culture scientifique, tantôt pour défendre l'une contre les empiétements de l'autre, tantôt au contraire pour faire progresser l'une contre l'autre. Ce sont les deux pôles nécessaires qu'il faut faire communiquer.
    (Le complexus, qui est tissé ensemble, p.34, in La Complexité, vertiges et promesses, Le Pommier/Poche, 2006)
     

Michel Serres

  1. Actuellement, la dynamique de la guerre me paraît la suivante : toute puissance armée est devenue impopulaire et elle ne peut reconquérir la popularité qu'à l'aide d'une seconde guerre, une guerre des images.[...] Il faut donc qu'il y ait toujours deux guerres : la vraie, celle qui tue, et puis la guerre qui montre qu'il s'agit d'une opération chirurgicale qui va sauver le monde.
    (Des sciences qui nous rapprochent de la singularité, p.376, in La Complexité, vertiges et promesses, Le Pommier/Poche, 2006)
     
  2. Voici ma définition de la culture : ce qui permet à un homme cultivé de n'écraser personne sous le poids de sa culture. Et la science est ce qui permet à un savant de ne pas abuser de son savoir.
    (Des sciences qui nous rapprochent de la singularité, p.383, in La Complexité, vertiges et promesses, Le Pommier/Poche, 2006)
     

Ilya Prigogine

  1. De même qu'en relativité vous devez sortir de l'espace euclidien pour découvrir la gravitation, de même, pour avoir la direction du temps, il vous faut sortir de l'espace des fonctions simples.
    (La fin des certitudes, p.46, in La Complexité, vertiges et promesses, Le Pommier/Poche, 2006)
     
  2. On avait l'habitude de penser que le rationnel était le certain, ce qui est déterministe. On voulait privilégier l'être par rapport au devenir, tandis que pour moi, c'est le devenir et non pas l'être qui est essentiel du point de vue ontologique. Je pense que la physique du nouveau siècle sera une physique de la détermination des mécanismes du devenir - mécanismes astrophysiques, biologiques - dont nous n'avons, aujourd'hui, qu'une très faible idée.
    (La fin des certitudes, p.48, in La Complexité, vertiges et promesses, Le Pommier/Poche, 2006)
     
  3. [...] la science est un produit de la culture, au même titre que la musique.
    (La fin des certitudes, p.51, in La Complexité, vertiges et promesses, Le Pommier/Poche, 2006)
     
  4. La science unit les peuples ! L'évêque de Rome m'a dit un jour : « vous, scientifiques, avez réussi là où nous, catholiques, avons échoué. »
    (La fin des certitudes, p.51, in La Complexité, vertiges et promesses, Le Pommier/Poche, 2006)
     

Neil Gershenfeld

  1. Nous avons la technologie nécessaire pour envahir la sphère privée, il nous manque la technologie qui permette de la gérer.
    (Fusionner les bits et les atomes, p.70, in La Complexité, vertiges et promesses, Le Pommier/Poche, 2006)
     
  2. Il est raisonnable de penser à une émergence d'un nouveau degré d'organisation de l'évolution humaine. La notion de communauté transcende la proximité physique, c'est une transformation de notre façon d'opérer en tant qu'espèce.
    (Fusionner les bits et les atomes, p.72, in La Complexité, vertiges et promesses, Le Pommier/Poche, 2006)
     

Daniel Mange

  1. C'est souvent l'imprévu qui modifie le plus le comportement d'un être vivant et, par conséquent, c'est ce qui lui apporte le plus. On constate un grand paradoxe : c'est ce qui est inconnu, non prévisible, non planifié qui est le plus constructif.
    (De la vie in silico, p.90, in La Complexité, vertiges et promesses, Le Pommier/Poche, 2006)
     

Luc Steels

  1. Si l'on essaie de faire de l'intelligence artificielle, on comprend très vite les limites de la construction et de la technologie de pointe. On est allé très loin dans l'ingénierie mécanique, on fait, aujourd'hui des ordinateurs extrêmement puissants et de plus en plus miniaturisés, mais le vrai problème reste de comprendre comment un enfant apprend la notion de la couleur rouge.
    (L'intelligence artificielle, évolutive et ascendante, p.124, in La Complexité, vertiges et promesses, Le Pommier/Poche, 2006)
     

Christofer Langton

  1. Auparavant, avec la biologie, si l'information mourait, alors l'organisme mourait. Avec la culture, l'information peut mourir sans faire disparaître l'organisme. Et je crois que c'est l'une des raisons pour lesquelles la culture a pris une place si importante ; vous pouvez y explorer un espace de variantes d'information déterminant les comportements, et vous pouvez aussi développer des règles à partir de comportements sans avoir à détruire les organismes porteurs de ces comportements. C'est donc une manière beaucoup plus efficiente d'évoluer en évaluant l'espace déterminant les comportements - il y a là une sorte de génétique appliquée à la culture.
    (Les « bio-logiques », ou tout ce pourrait être, p.149, in La Complexité, vertiges et promesses, Le Pommier/Poche, 2006)
     

Francisco Varela

  1. L'environnement ne contient pas d'attributs, c'est l'histoire, récurrente, cyclique qui fait émerger les attributs du monde.
    [...]C'est l'image du poème de Machado qui dit qu'il n'y a pas de chemin et que le chemin se fait en marchant (Caminante no hay camino, se camino al andar).

    (Autopoïese et émergence, p.168, in La Complexité, vertiges et promesses, Le Pommier/Poche, 2006)
     
  2. [La notion de dualité] n'a plus aucun sens tant elle est ridicule. C'est un héritage qu'on continue à mâcher comme des ruminants! Parmi les scientifiques, nous sommes presque tous d'accord sur la question de l'unité de l'âme et du corps. Il n'y a donc rien d'original, tout le monde le dit! Pour un scientifique, c'est devenu « politiquement correct » d'affirmer cette unité. La grande question est de savoir comment cette unité se fait.
    [...]
    Concernant l'unité de l'âme et du corps, il faut donc aller au-delà d'un discours général. Pour vous dire les choses brutalement, cette opposition âme/corps telle qu'on la connaît depuis des siècles est pour moi un faux problème. Les mécanismes de l'émergence ont mis un point final à toutes ces questions éculées. La question est résolue, n'en parlons plus !

    (Autopoïese et émergence, p.169, in La Complexité, vertiges et promesses, Le Pommier/Poche, 2006)
     

Brian Goodwin

  1. [...] je pense que nous devons changer notre mode de relation au monde. Voyons ce monde à travers le mythe de la créativité continuelle et écartons-nous de la notion de contrôle pour nous rapprocher de celle de la participation responsable, de telle façon que la science qualitative devienne fondamentalement éthique ou esthétique... Peut-être serait-il important s'insister davantage sur l'esthétique, la beauté que sur l'éthique.
    (Vers une science qualitative, p.185, in La Complexité, vertiges et promesses, Le Pommier/Poche, 2006)
     

Stuart Kauffman

  1. Si l'imprédictibilité de l'espace de configuration de la biosphère est avérée, alors nous devrons trouver comment penser simultanément physique et histoire. Et cela demandera aux sociétés occidentales un changement d'attitude vis-à-vis de ce que doit être la science. La science devra s'incorporer d'une façon ou d'une autre à tout ce que nous ferons sur le plan pratique. Nos sociétés sont-elles prêtes à cela ? Nous allons vers une réunification des sciences et des humanités. D'un point de vue scientifique, nous ne pouvons prévoir l'espace de configuration de la biosphère, nous sommes contraints à l'union de ce que Kant appelait la raison pure et la raison pratique.
    (Spirales de l'auto-organisation, p.208, in La Complexité, vertiges et promesses, Le Pommier/Poche, 2006)
     

Bernard Derrida

  1. De même que la notion de liquide, de solide ou de gaz est une notion macroscopique - avec un petit nombre de molécules, quelques unités, la question de savoir si elles forment un gaz ou un liquide n'a aucun sens -,  de même la notion de mémoire perd sans doute son sens quand on a affaire à un petit nombre de neurones.
    (Transitions de phases, p.226, in La Complexité, vertiges et promesses, Le Pommier/Poche, 2006)
     
  2. [...] comme ce fut le cas dans le passé, les progrès majeurs viendront de quelques individus, les Newton ou les Einstein des siècles futurs, qui proposeront de nouvelles façons de voir le monde. Leurs recherches bouleverseront notre façon de penser, donneront à réfléchir pendant des décennies aux scientifiques qui les suivront, et donneront lieu à des avancées inimaginables aujourd'hui.
    (Transitions de phases, p.229, in La Complexité, vertiges et promesses, Le Pommier/Poche, 2006)
     

Yves Pomeau

  1. Nous calculons, mais nous sommes conduits à nous poser la question : que signifie calculer par rapport à la réalité du monde ?
    (Histoires de chaos, p.249, in La Complexité, vertiges et promesses, Le Pommier/Poche, 2006)
     

Ivar Ekeland

  1. Nous allons vers une situation où les mathématiciens n'auront plus le monopole des mathématiques, mais où économistes, managers et marchands feront tous des mathématiques comme Monsieur Jourdain faisait de la prose.
    (Hasard, chaos et mathématiques, p.253, in La Complexité, vertiges et promesses, Le Pommier/Poche, 2006)
     
  2. Nous marchons anesthésiés entre les risques que nous créons. De temps en temps, un accident nous secoue de notre torpeur, et nous jetons un coup d'oeil dans le précipice.
    (Hasard, chaos et mathématiques, p.254, in La Complexité, vertiges et promesses, Le Pommier/Poche, 2006)
     
  3. La théorie des probabilités, toutes les études du hasard au cours de ce siècle, sont peut-être une réponse à cette question-là : que dire d'un phénomène vu uniquement de l'extérieur ?
    (Hasard, chaos et mathématiques, p.256, in La Complexité, vertiges et promesses, Le Pommier/Poche, 2006)
     
  4. Nous sommes aujourd'hui exactement dans la position des gens qui ont découvert le microscope de Leeuwenhoek à la fin du XVIIe siècle. Mettez une goutte d'eau dans le microscope : vous observerez des tas de choses dont vous n'aviez pas idée. Utilisez votre ordinateur: vous réaliserez des calculs que vous ne pouviez pas faire avec du papier et un crayon et vous observerez là aussi un tas de choses dont vous n'aviez pas idée !
    [...]
    [L'ordinateur] est un instrument d'exploration.

    (Hasard, chaos et mathématiques, p.266, in La Complexité, vertiges et promesses, Le Pommier/Poche, 2006)
     
  5. Beaucoup croient que les mathématiques consistent à trouver des démonstrations, ce n'est pas vrai, les mathématiques consistent à trouver des théorèmes, c'est-à-dire des choses qui sont vraies et qu'on démontre ensuite.
    (Hasard, chaos et mathématiques, p.269, in La Complexité, vertiges et promesses, Le Pommier/Poche, 2006)
     
  6. [...] je ne vois pas la différence essentielle entre les mathématiques et le langage. Je crois que le mystère, s'il y en a un, ne vient pas des mathématiques mais du langage.
    (Hasard, chaos et mathématiques, p.270, in La Complexité, vertiges et promesses, Le Pommier/Poche, 2006)
     

Gregory Chaitin

  1. [...] nous devons toujours tendre vers la raison, mais raisonner ne suppose plus uniquement déduire mécaniquement des conséquences à partir d'axiomes généraux. Raisonner implique de discuter et d'échanger avec les autres, d'utiliser des intuitions, de faire émerger un consensus.
    (Complexité, logique et hasard, p.284, in La Complexité, vertiges et promesses, Le Pommier/Poche, 2006)
     
  2. Peut-être les mathématiciens devraient-ils simplement considérer que certaines démonstrations sont plus convaincantes que d'autres et accepter des preuves qui ne seraient pas absolument convaincantes mais qui seraient utiles tout de même. C'est ainsi que procèdent les physiciens. C'est une erreur des mathématiciens que d'exiger toujours une certitude absolue des preuves ; c'est très bien d'y parvenir, mais les hypothèses non prouvées, même si elles ne sont pas aussi convaincantes qu'on le voudrait, peuvent jouer un rôle, par exemple dans le processus de découverte mathématique. Les mathématiciens agissent souvent comme des empiristes pour faire des découvertes mais ensuite, ils essaient d'avoir une preuve complète et cherchent à effacer toute trace de l'empirisme qui a conduit à la découverte.
    (Complexité, logique et hasard, p.292, in La Complexité, vertiges et promesses, Le Pommier/Poche, 2006)
     

John Barrow

  1. On peut considérer les mathématiques comme une sorte de catalogue de tous les motifs (pattern) possibles. Certains de ces motifs sont des nombres, d'autres sont des formes, etc. En ce sens, il est inévitable que le monde soit décrit par les mathématiques. Il faut qu'il y ait un motif dans le monde pour que nous puissions exister. Mais le grand mystère est de savoir pourquoi des motifs si simples sont-ils si utiles et si puissants ? Pourquoi autant d'information sur le monde peut-elle être aussi drastiquement compressée en de si petites formules mathématiques ?
    (De la science des limites et des limites de la science, p.309, in La Complexité, vertiges et promesses, Le Pommier/Poche, 2006)
     

Laurent Nottale

  1. [...] il y a un niveau de comment, puis une théorie qui évolue répond au pourquoi. Mais quand on regarde tous les détails de cette théorie, il y a du comment et, à ce moment-là, la théorie évolue dans un emboîtement de niveaux de compréhension entre le comment et le pourquoi.
    (L'espace-temps fractal, p.320, in La Complexité, vertiges et promesses, Le Pommier/Poche, 2006)
     
  2. On déconstruit une conception mal faite et, par cette ouverture, les conceptions bien faites se mettent en place naturellement. Ce vide-là est vraiment constructif ! Plus les hypothèses sont élevées et générales, plus elles sont vides et détentrices de puissance pure. L'idée du vide constructif est fondamentale.
    (L'espace-temps fractal, p.336, in La Complexité, vertiges et promesses, Le Pommier/Poche, 2006)
     
  3. [Dans son] livre Philosophiae naturalis principia mathematica (Principes mathématiques de la philosophie naturelle), [Newton] montre que ce qui était de la philosophie - c'est-à-dire un discours - allait pouvoir être mathématisé. Et c'est cette mathématisation de la philosophie que l'on appelle physique.
    (L'espace-temps fractal, p.338, in La Complexité, vertiges et promesses, Le Pommier/Poche, 2006)
     
  4. Si nous admettons que rien de nous n'existe en soi, ni physiquement ni spirituellement, que personne ne peut se définir autrement qu'en relation avec l'extérieur et que nous sommes l'ensemble de toutes nos relations avec les autres et le monde, il devient évident que si nous abîmons nos relations, nous nous abîmons nous-mêmes... Donc, nous n'avons pas le choix : toute action négative par rapport à ce que nous considérons ordinairement comme extérieur à nous-mêmes nous abîme, non pas par contrecoup mais immédiatement parce que... c'est nous ! Nous sommes auto-constitués par nos relations avec l'extérieur. Ce n'est pas de la morale, c'est un fait brut.
    (L'espace-temps fractal, p.340, in La Complexité, vertiges et promesses, Le Pommier/Poche, 2006)
     

Andrei Linde

  1. La conscience doit faire partie de l'image du monde ! Et la science n'a même pas encore commencé à travailler dans cette direction...
    (L'inflation chaotique de l'univers, p.357, in La Complexité, vertiges et promesses, Le Pommier/Poche, 2006)
     

Roger-Pol Droit

  1. On vit petitement si l'on pense petitement. On vit librement si l'on pense librement. La pensée n'est jamais sans conséquence sur notre existence, personnelle ou collective.
    (La philosophie expliquée à ma fille, p.11, Seuil, 2004)
     
  2. Connaître quelque chose, ce n'est pas seulement savoir un mot, c'est aussi, forcément, faire une expérience.
    (La philosophie expliquée à ma fille, p.14, Seuil, 2004)
     
  3. Faire de la philosophie, ce n'est pas simplement penser, avoir des idées. C'est commencer à observer ses propres idées, un peu comme si on les regardait du dehors, comme si on voulait faire le ménage dans sa tête.
    (La philosophie expliquée à ma fille, p.24, Seuil, 2004)
     
  4. Un célèbre philosophe nommé Augustin disait : « Quand on ne me demande pas ce qu'est le temps, je le sais. Quand on me le demande, je ne sais plus. » [...] Il y a des quantités d'idées qui sont dans ce cas. Comme le temps, on croit savoir de quoi il s'agit tant qu'on n'a pas à l'expliquer de manière claire et précise. Dès qu'on doit en parler avec exactitude, on se trouve dans l'embarras. La philosophie est l'activité qui consiste à tenter de sortir de cet embarras.
    (La philosophie expliquée à ma fille, p.29, Seuil, 2004)
     
  5. Pour faire de la philosophie, il me semble, finalement, qu'il faut être à la fois ambitieux et très modeste. Très ambitieux, parce qu'on ne cesse pas de vouloir tout comprendre, tout résoudre, tout analyser. Et puis très modeste, parce qu'on ne doit jamais oublier que ce but n'est pas totalement accessible, que nos moyens sont limités, et que l'effort est sans fin.
    (La philosophie expliquée à ma fille, p.85, Seuil, 2004)