Citations ajoutées le 24 juillet 2006

Paul Morand

  1. Se déplacer, aller d'un point à un autre est une des caractéristiques des espèces supérieures. L'organisme, au lieu de s'épuiser en une défensive stupide, de se durcir, de ne connaître, saisir ou assimiler que ce qui passe à sa portée, s'assouplit, et trouve pour résister à la mort une arme nouvelle, la vitesse.
    (Le Voyage (Incipit), p.7, Librairie Hachette, coll. Notes et maximes, 1927)
     
  2. Les guerres elles-mêmes sont des voyages, des voyages de nations.
    (Le Voyage, p.7, Librairie Hachette, coll. Notes et maximes, 1927)
     
  3. Malheur à qui ne sait pas voyager.
    (Le Voyage, p.9, Librairie Hachette, coll. Notes et maximes, 1927)
     
  4. Je me garde de dire qu'il y a progrès. Je dis seulement qu'il y a bouleversement [...]
    (Le Voyage, p.15, Librairie Hachette, coll. Notes et maximes, 1927)
     
  5. À partir du milieu du XVIIIe siècle, la vie est devenue facile et fastidieuse ; on veut échapper au spleen ; on cherche à se fuir soi-même. C'est alors qu'apparaît, sous l'influence anglaise, cette nouvelle conception romantique du voyage qui nous régit encore, où il ne s'agit plus de découvrir quelque chose, mais bien plutôt de se perdre.
    (Le Voyage, p.15, Librairie Hachette, coll. Notes et maximes, 1927)
     
  6. [...] voyager, c'est demander d'un coup à la distance ce que le temps ne pourrait nous donner que peu à peu.
    (Le Voyage, p.16, Librairie Hachette, coll. Notes et maximes, 1927)
     
  7. [...] la gare est devenue un alcool et le tourisme, plus qu'un tonique, un stupéfiant.
    (Le Voyage, p.18, Librairie Hachette, coll. Notes et maximes, 1927)
     
  8. Savoir voyager, c'est avoir la science des accords.
    (Le Voyage, p.34, Librairie Hachette, coll. Notes et maximes, 1927)
     
  9. Voyager, c'est être infidèle. Soyez-le sans remords ; oubliez vos amis avec des inconnus ; trompez vos maîtresses avec des monuments ; à vos parents, préférez ce placeur de films avec lequel vous faites un poker de douze jours à travers le Pacifique. N'écrivez pas ; dites-vous que votre livre d'adresses est un cimetière ; mettez-vous en friche ; assolez votre esprit, faisant alterner les cultures de solitude, de silence avec les récoltes de travail, de chagrins ou de succès.
    (Le Voyage, p.37, Librairie Hachette, coll. Notes et maximes, 1927)
     
  10. Le voyage est chose malaisée ; l'amour est chose surhumaine : essayer de combiner les deux, c'est jouer la difficulté.
    (Le Voyage, p.44, Librairie Hachette, coll. Notes et maximes, 1927)
     
  11. Les « extravagants », étymologiquement, sont des gens qui errent.
    (Le Voyage, p.47, Librairie Hachette, coll. Notes et maximes, 1927)
     
  12. Partout où je passe, les gens me disent : « Vous avez vu trop vite, restez encore ». Ils ont raison, mais, moi qui suis seul à savoir que j'ai une vie courte et devant moi le monde entier à visiter, en ne les écoutant pas, je n'ai pas tort. On peut voir rapidement, mais comprendre bien.
    (Le Voyage, p.48, Librairie Hachette, coll. Notes et maximes, 1927)
     
  13. Mon père a écrit un vers que j'aime, parce qu'il me fait penser au début des Deux Pigeons (au début ou à la fin, car le milieu de la fable, avec le récit des périls courus par le pigeon, est beaucoup moins bon). Ce vers, c'est :
    Le plus beau voyage d'ici-bas
    C'est celui qu'on fait l'un vers l'autre.

    (Le Voyage, p.55, Librairie Hachette, coll. Notes et maximes, 1927)
     
  14. Je voudrais qu'après ma mort on fît de ma peau une valise.
    (Le Voyage, p.55, Librairie Hachette, coll. Notes et maximes, 1927)
     
  15. Les passions, voyages du coeur.
    (Le Voyage, p.56, Librairie Hachette, coll. Notes et maximes, 1927)
     
  16. S'en aller, seul moyen de parvenir.
    (Le Voyage, p.56, Librairie Hachette, coll. Notes et maximes, 1927)
     
  17. Attendre son sort, attendre la mort : commençons par ne pas les attendre.
    (Le Voyage, p.57, Librairie Hachette, coll. Notes et maximes, 1927)
     
  18. S'en aller, c'est gagner son procès contre l'habitude.
    (Le Voyage, p.59, Librairie Hachette, coll. Notes et maximes, 1927)
     
  19. Faire l'éloge de son coin de terre : point de vue de cadavre.
    (Le Voyage, p.60, Librairie Hachette, coll. Notes et maximes, 1927)
     
  20. Lire, écrire, c'est devoir ; voyager, c'est pouvoir.
    (Le Voyage, p.60, Librairie Hachette, coll. Notes et maximes, 1927)
     
  21. À tout instant, le hasard vous envoie promener. En profitez-vous ?
    (Le Voyage, p.60, Librairie Hachette, coll. Notes et maximes, 1927)
     

Michael Connelly

  1. À Los Angeles, la circulation sur les autoroutes est aussi mystérieuse que la vie de couple. Ça roule tranquille jusqu'au moment où ça coince, puis ça s'arrête sans raison facilement explicable.
    (La Défense Lincoln, trad. Robert Pépin , p.64, Seuil Policiers, 2006)
     
  2. Il n'y a pas de client plus effrayant qu'un innocent.
    (La Défense Lincoln, trad. Robert Pépin , p.432, Seuil Policiers, 2006)
     

  
Gaston Bachelard

  1. Penser scientifiquement, c'est se placer dans le champ épistémologique intermédiaire entre théorie et pratique, entre mathématiques et expérience. Connaître scientifiquement une loi naturelle, c'est la connaître à la fois comme phénomène et comme noumène.
    (La philosophie du non, p.5, Quadrige/PUF n°9)
     
  2. Finalement la philosophie de la science physique est peut-être la seule philosophie qui s'applique en déterminant un dépassement de ses principes. Bref, elle est la seule philosophie ouverte. Toute autre philosophie pose ses principes comme intangibles, ses premières vérités comme totales et achevées. Toute autre philosophie se fait gloire de sa fermeture.
    (La philosophie du non, p.7, Quadrige/PUF n°9)
     
  3. Pour le savant, la connaissance sort de l'ignorance comme la lumière sort des ténèbres. Le savant ne voit pas que l'ignorance est un tissu d'erreurs positives, tenaces, solidaires. Il ne se rend pas compte que les ténèbres spirituelles ont une structure et que, dans ces conditions, toute expérience objective correcte doit toujours déterminer la correction d'une erreur subjective. Mais on ne détruit pas les erreurs une à une facilement. Elles sont coordonnées. L'esprit scientifique ne peut se constituer qu'en détruisant l'esprit non scientifique. Trop souvent le savant se confie à une pédagogie fractionnée alors que l'esprit scientifique devrait viser à une réforme subjective totale. Tout réel progrès dans la pensée scientifique nécessite une conversion. Les progrès de la pensée scientifique contemporaine ont déterminé des transformations dans les principes mêmes de la connaissance.
    (La philosophie du non, p.8, Quadrige/PUF n°9)
     
  4. Avant tout, il faut prendre conscience du fait que l'expérience nouvelle dit non à l'expérience ancienne, sans cela, de toute évidence, il ne s'agit pas d'une expérience nouvelle.
    (La philosophie du non, p.9, Quadrige/PUF n°9)
     
  5. L'esprit peut changer de métaphysique ; il ne peut se passer de métaphysique. Nous demanderons donc aux savants : comment pensez-vous, quels sont vos tâtonnements, vos essais, vos erreurs ? Sous quelle impulsion changez-vous d'avis ? Pourquoi restez-vous si succincts quand vous parlez des conditions psychologiques d'une nouvelle recherche ? Donnez-nous surtout vos idées vagues, vos contradictions, vos idées fixes, vos convictions sans preuve.
    (La philosophie du non, p.13, Quadrige/PUF n°9)
     
  6. [...] la philosophie du non n'est pas psychologiquement un négativisme et [elle] ne conduit pas, en face de la nature, à un nihilisme. Elle procède au contraire, en nous et hors de nous, d'une activité constructive. Elle prétend que l'esprit au travail est un facteur d'évolution. Bien penser le réel, c'est profiter de ses ambiguïtés pour modifier et alerter la pensée.
    (La philosophie du non, p.17, Quadrige/PUF n°9)
     
  7. Il y a d'ailleurs un symptôme très curieux sur lequel on ne réfléchira jamais trop : c'est la rapidité avec laquelle un concept animiste est compris. Il ne faut que quelques mots pour enseigner ce qu'est la charge d'affectivité. C'est là, d'après nous, un mauvais signe. En ce qui concerne la connaissance théorique du réel, c'est-à-dire en ce qui concerne une connaissance qui dépasse la portée d'une simple description - en laissant aussi de côté l'arithmétique et la géométrie - , tout ce qui est facile à enseigner est inexact.
    (La philosophie du non, p.25, Quadrige/PUF n°9)
     
  8. La raison n'est nullement une faculté de simplification. C'est une faculté qui s'éclaire en s'enrichissant. Elle se développe dans le sens d'une complexité croissante [...]
    (La philosophie du non, p.28, Quadrige/PUF n°9)
     
  9. [...] un atome notionnel peut se décomposer ; on arrive donc à ce paradoxe métaphysique : l'élément est complexe.
    (La philosophie du non, p.31, Quadrige/PUF n°9)
     
  10. Il n'y a qu'un moyen de faire avancer la science, c'est de donner tort à la science déjà constituée, autant dire de changer sa constitution.
    (La philosophie du non, p.32, Quadrige/PUF n°9)
     
  11. Le réalisme est une philosophie qui ne s'engage pas, alors que le rationalisme s'engage toujours, se risque tout entier sur chaque expérience.
    (La philosophie du non, p.33, Quadrige/PUF n°9)
     
  12. Ainsi la réalisation prime la réalité. Cette primauté de la réalisation déclasse la réalité. [...] Il faut forcer la nature à aller aussi loin que notre esprit.
    (La philosophie du non, p.36, Quadrige/PUF n°9)
     
  13. Quand on suit les efforts de la pensée contemporaine pour comprendre l'atome, on n'est pas loin de penser que le rôle fondamental de l'atome c'est d'obliger les hommes à faire des mathématiques.
    (La philosophie du non, p.39, Quadrige/PUF n°9)
     
  14. La hiérarchie des choses est plus complexe que la hiérarchie des hommes. L'atome est une société mathématique qui ne nous a pas encore dit son secret ; on ne commande pas cette société avec une arithmétique de militaire.
    (La philosophie du non, p.40, Quadrige/PUF n°9)
     
  15. Le profil épistémologique de la notion d'énergie chez Nietzsche, par exemple, suffirait peut-être à expliquer son irrationalisme. Avec une fausse notion, on peut faire une grande doctrine.
    (La philosophie du non, p.47, Quadrige/PUF n°9)
     
  16. À notre point de vue, tout n'est pas réel de la même façon, la substance n'a pas, à tous les niveaux, la même cohérence ; l'existence n'est pas une fonction monotone ; elle ne peut pas s'affirmer partout et toujours du même ton.
    (La philosophie du non, p.54, Quadrige/PUF n°9)
     
  17. [...] c'est la méthode qui définit les êtres.
    (La philosophie du non, p.55, Quadrige/PUF n°9)
     
  18. La philosophie chimique qui était compliquée et brisée avec quatre éléments devient simple et unitaire avec quatre-vingt-douze éléments !
    (La philosophie du non, p.57, Quadrige/PUF n°9)
     
  19. Il semble même qu'un réel ne soit instructif et sûr que s'il a été réalisé et surtout s'il a été replacé dans son juste voisinage, à son rang de création progressive.
    (La philosophie du non, p.58, Quadrige/PUF n°9)
     
  20. C'est donc toujours le même paradoxe : on connaît clairement ce qu'on connaît grossièrement. Si l'on veut connaître distinctement, la connaissance se pluralise, le noyau unitaire du concept de premier examen éclate.
    (La philosophie du non, p.79, Quadrige/PUF n°9)
     
  21. Au rien ne se perd du réaliste, il faudrait opposer le tout se distribue des disciples de Dirac.
    (La philosophie du non, p.87, Quadrige/PUF n°9)
     
  22. La véritable solidarité du réel est d'essence mathématique.
    (La philosophie du non, p.88, Quadrige/PUF n°9)
     
  23. Un élément n'est donc pas un ensemble de propriétés différentes comme le veut l'intuition substantialiste usuelle. C'est une collection d'états possibles pour une propriété particulière. Un élément n'est pas une hétérogénéité particulière. C'est une homogénéité dispersée. Son caractère élémentaire est démontré par la cohérence rationnelle qui résulte d'une distribution régulière de ses états possibles.
    (La philosophie du non, p.89, Quadrige/PUF n°9)
     
  24. Le monde où l'on pense n'est pas le monde où l'on vit. La philosophie du non se constituerait en doctrine générale si elle pouvait coordonner tous les exemples où la pensée rompt avec les obligations de la vie.
    (La philosophie du non, p.110, Quadrige/PUF n°9)
     
  25. Nous devons profiter de tous les enseignements de la science, si spéciaux soient-ils, pour déterminer des structures spirituelles nouvelles. Nous devons comprendre que la possession d'une forme de connaissance est automatiquement une réforme de l'esprit. Il faut donc diriger nos recherches du côté d'une nouvelle pédagogie.
    (La philosophie du non, p.126, Quadrige/PUF n°9)
     
  26. La pensée scientifique est le principe qui donne le plus de continuité à une vie ; elle est, entre toutes, riche d'une puissance de cohérence temporelle ou, pour employer un concept cher à Korzybski, la pensée scientifique est éminemment time binding. Par elle, les instants isolés et décousus se lient fortement.
    (La philosophie du non, p.127, Quadrige/PUF n°9)
     
  27. [...] la belle pensée de Paul Valéry : « On pense comme on se heurte. »
    (La philosophie du non, p.127, Quadrige/PUF n°9)
     
  28. L'enfant naît avec un cerveau inachevé et non pas, comme le postulat de l'ancienne pédagogie l'affirmait, avec un cerveau inoccupé.
    (La philosophie du non, p.128, Quadrige/PUF n°9)
     
  29. Pour que nous ayons quelque garantie d'être du même avis, sur une idée particulière, il faut, pour le moins, que nous n'ayons pas été du même avis. Deux hommes, s'ils veulent s'entendre vraiment, ont dû d'abord se contredire. La vérité est fille de la discussion, non pas fille de la sympathie.
    (La philosophie du non, p.134, Quadrige/PUF n°9)
     
  30. [...] l'arithmétique n'est pas plus que la géométrie une promotion naturelle d'une raison immuable. L'arithmétique n'est pas fondée sur la raison. C'est la doctrine de la raison qui est fondée sur l'arithmétique élémentaire. Avant de savoir compter, je ne savais guère ce qu'était la raison. En général, l'esprit doit se plier aux conditions du savoir. Il doit créer en lui une structure correspondant à la structure du savoir. Il doit se mobiliser autour d'articulations qui correspondent aux dialectiques du savoir. Que serait une fonction sans des occasions de fonctionner ? Que serait la raison sans des occasions de raisonner ? La pédagogie de la raison doit donc profiter de toutes les occasions de raisonner. Elle doit chercher la variété des raisonnements, ou mieux les variations du raisonnement. Or, les variations du raisonnement sont maintenant nombreuses dans les sciences géométriques et physiques ; elles sont toutes solidaires d'une dialectique des principes de raison, d'une activité de la philosophie du non. Il faut en accepter la leçon. La raison, encore une fois, doit obéir à la science. La géométrie, la physique, l'arithmétique sont des sciences ; la doctrine traditionnelle d'une raison absolue et immuable n'est qu'une philosophie. C'est une philosophie périmée.
    (La philosophie du non (Excipit), p.144, Quadrige/PUF n°9)