Citations ajoutées le 15 janvier 2006

  
Edgar Morin

  1. Être sujet, c'est conjoindre l'égoïsme et l'altruisme.
    Tout regard sur l'éthique doit reconnaître le caractère vital de l'égocentrisme ainsi que la potentialité fondamentale du développement de l'altruisme.

    (Éthique (La méthode 6), p.15, Seuil, 2004)
     
  2. Dans tous les domaines, les développements des spécialisations et des cloisonnements bureaucratiques tendent à enfermer les individus dans un domaine de compétence partiel et clos et, par là même, ils tendent à morceler et à diluer la responsabilité et la solidarité, ce que nous révèlent, entre autres, l'affaire du sang contaminé de 1982 et la canicule de l'été 2003.
    (Éthique (La méthode 6), p.20, Seuil, 2004)
     
  3. Un monde ne peut advenir que par la séparation et ne peut exister que dans la relation entre ce qui est séparé.
    (Éthique (La méthode 6), p.27, Seuil, 2004)
     
  4. [...] l'auto-eco-organisation opère l'union de la reliance et de l'autonomie ; la vie est l'union de l'union et de la séparation.
    (Éthique (La méthode 6), p.31, Seuil, 2004)
     
  5. Plus nous sommes autonomes, plus nous devons assumer l'incertitude et l'inquiétude, plus nous avons besoin de reliance. Plus nous prenons conscience que nous sommes perdus dans l'univers et que nous sommes engagés dans une aventure inconnue, plus nous avons besoin d'être reliés à nos frères et soeurs en humanité.
    (Éthique (La méthode 6), p.33, Seuil, 2004)
     
  6. L'amour est l'expression supérieure de l'éthique.
    (Éthique (La méthode 6), p.34, Seuil, 2004)
     
  7. Nulle action n'est donc assurée d'oeuvrer dans le sens de son intention.
    (Éthique (La méthode 6), p.46, Seuil, 2004)
     
  8. À force de sacrifier l'essentiel pour l'urgence, on finit par oublier l'urgence de l'essentiel.
    (Éthique (La méthode 6), p.51, Seuil, 2004)
     
  9. [...] l'histoire de l'humanité nous montre sans cesse que l'amour et la fraternité, expressions suprêmes de la morale sont faciles à tromper. Nulle religion n'a été plus sanglante et cruelle que la religion d'Amour.
    (Éthique (La méthode 6), p.56, Seuil, 2004)
     
  10. La moraline (j'emprunte ce terme à Nietzsche) est la simplification et la rigidification éthique qui conduisent au manichéisme, et qui ignorent compréhension, magnanimité et pardon. Nous pouvons reconnaître deux types de moraline : la moraline d'indignation et la moraline de réduction, qui, du reste, s'entre-nourissent.
    L'indignation sans réflexion ni rationalité conduit à la disqualification d'autrui. L'indignation est tout enveloppée de morale, alors qu'elle n'est souvent qu'un masque de l'immorale colère.
    La moraline de réduction réduit autrui à ce qu'il y a de plus bas, aux actes mauvais qu'il a accomplis, à ses anciennes idées nocives, et le condamne totalement. C'est oublier que ces actes ou idées ne concernent qu'une partie de sa vie, qu'il a pu évoluer depuis, voire s'être repenti.

    (Éthique (La méthode 6), p.57, Seuil, 2004)
     
  11. La stratégie est un art.
    [...]
    Quand il n'y a pas de solution éthique à un problème, il faut sans doute éviter le pire, et pour éviter le pire, il faut recourir à une stratégie.

    (Éthique (La méthode 6), p.58, Seuil, 2004)
     
  12. La morale non complexe obéit à un code binaire bien/mal, juste/injuste. L'éthique complexe conçoit que le bien puisse contenir un mal, le mal un bien, le juste de l'injuste, l'injuste du juste.
    (Éthique (La méthode 6), p.60, Seuil, 2004)
     
  13. L'incertitude à la fois paralyse et stimule. Elle paralyse, même souvent à l'inaction, par crainte des conséquences éventuellement funestes. L'incertitude stimule parce qu'elle appelle le pari et la stratégie. La riposte à l'incertitude et à l'angoisse qu'elle génère se trouve dans la participation, l'amour. La foi dans nos valeurs éthiques n'empêche nullement notre incertitude sur leur victoire.
    (Éthique (La méthode 6), p.61, Seuil, 2004)
     
  14. Toute connaissance (et conscience) qui ne peut concevoir l'individualité, la subjectivité, qui ne peut inclure l'observateur dans son observation, est infirme pour penser tous problèmes, surtout les problèmes éthiques. Elle peut être efficace pour la domination des objets matériels, le contrôle des énergies et les manipulations sur le vivant. Mais elle est devenue myope pour appréhender les réalités humaines et elle devient une menace pour l'avenir humain.
    (Éthique (La méthode 6), p.65, Seuil, 2004)
     
  15. La clôture disciplinaire, jointe à l'insertion de la recherche scientifique dans les cadres techno-bureaucratiques de la société, produit l'irresponsabilité pour tout ce qui est extérieur au domaine spécialisé.
    Heureusement, les scientifiques ne sont pas seulement des scientifiques, ce sont aussi des citoyens, ce sont également des êtres de conviction métaphysique ou religieuse.
    Alors les scientifiques ressentent les impératifs moraux propres à ces autres vies et ces impératifs moraux interviennent dans leurs activités scientifiques.

    (Éthique (La méthode 6), p.77, Seuil, 2004)
     
  16. [...] la politique est le plus difficile des arts.
    (Éthique (La méthode 6), p.88, Seuil, 2004)
     
  17. Le vrai réalisme se fonde sur l'incertitude du réel. Le problème est d'être ni réaliste au sens trivial (s'adapter à l'immédiat), ni irréaliste au sens trivial (se soustraire aux contraintes de la réalité), mais d'être réaliste/utopiste au sens complexe : comprendre l'incertitude du réel, savoir qu'il y a du possible encore invisible dans le réel.
    (Éthique (La méthode 6), p.90, Seuil, 2004)
     
  18. Le continent le moins scientifiquement exploré demeure l'esprit humain, et chaque esprit individuel est pour lui-même sa suprême ignorance.
    (Éthique (La méthode 6), p.102, Seuil, 2004)
     
  19. L'honneur est la morale de l'égocentrisme.
    (Éthique (La méthode 6), p.109, Seuil, 2004)
     
  20. Autant la tolérance est aisée à l'indifférent et au cynique, autant elle est difficile à celui qui possède une conviction. La tolérance comporte la souffrance, la souffrance de tolérer l'expression d'idées révoltantes sans se révolter.
    (Éthique (La méthode 6), p.118, Seuil, 2004)
     
  21. [...] l'éthique de liberté pour autrui se résumerait à la parole de von Foerster : « Agis en sorte qu'autrui puisse augmenter le nombre de choix possibles. »
    (Éthique (La méthode 6), p.118, Seuil, 2004)
     
  22. Au plus froid de la raison, il nous faut passion, c'est-à-dire amour.
    (Éthique (La méthode 6), p.120, Seuil, 2004)
     
  23. Partout s'est répandu le cancer de l'incompréhension quotidienne, avec ses meurtres psychiques (« qu'il crève »), ses réductions d'autrui à l'immonde (« quelle merde », « le porc », « le salaud »). Le monde des intellectuels, qui devrait être le plus compréhensif, est le plus gangrené, par hypertrophie de l'ego, besoin de consécration, de gloire. Les incompréhensions entre philosophes sont particulièrement étonnantes. Nous sommes toujours dans l'ère des incompréhensions mutuelles et généralisées.
    (Éthique (La méthode 6), p.124, Seuil, 2004)
     
  24. Il y a une faute intellectuelle à réduire un tout complexe à un seul de ses composants et cette faute est pire en éthique qu'en science.
    (Éthique (La méthode 6), p.127, Seuil, 2004)
     
  25. [...] il y a des principes de connaissance qui aveuglent, et seuls des méta-points de vue [...] permettent de saisir ce problème.
    (Éthique (La méthode 6), p.131, Seuil, 2004)
     
  26. [...] les idées ne sont pas des outils intellectuels, ce sont des entités possessives. Comme pour un dieu, nous sommes les serviteurs de l'idée qui nous sert. Comme pour un dieu, nous pouvons vivre, tuer et mourir pour une idée.
    (Éthique (La méthode 6), p.133, Seuil, 2004)
     
  27. La peur de comprendre fait partie de l'incompréhension.
    Comprendre. Ce mot fait aussitôt sursauter ceux qui ont peur de comprendre de peur d'excuser. Donc il faudrait ne vouloir rien comprendre, comme si la compréhension comportait un vice horrible, celui de conduire à la faiblesse, à l'abdication. Cet argument obscurantiste règne encore dans notre intelligentsia par ailleurs raffinée. Ceux qui refusent de comprendre condamnent la compréhension parce qu'elle empêcherait la condamnation.
    Comprendre n'est pas justifier. La compréhension n'excuse ni n'accuse. La compréhension favorise le jugement intellectuel, mais elle n'empêche pas la condamnation morale. La compréhension conduit, non pas à l'impossibilité de juger, mais à la nécessité de complexifier notre jugement.

    (Éthique (La méthode 6), p.135, Seuil, 2004)
     
  28. Comprendre, ce n'est pas tout comprendre, c'est aussi reconnaître qu'il y a de l'incompréhensible.
    (Éthique (La méthode 6), p.139, Seuil, 2004)
     
  29. La rationalité est nécessaire pour pouvoir détecter l'erreur et l'illusion dans la passion, lui donner la lucidité qui lui évite de chavirer dans le délire, mais seule peut le faire une raison qui réfléchit et agit sur elle-même. La passion est nécessaire à l'humanisation de la raison, qui l'empêche de sombrer elle-même dans une abstraction devenant délirante. Raison et passion peuvent et doivent se corriger l'une l'autre. Nous pouvons à la fois raisonner nos passions et passionner notre raison.
    (Éthique (La méthode 6), p.153, Seuil, 2004)
     
  30. L'art de vivre est un art de navigation difficile entre raison et passion, sagesse et folie, prose et poésie, avec toujours le risque de se pétrifier dans la raison ou de chavirer dans la folie.
    (Éthique (La méthode 6), p.155, Seuil, 2004)
     
  31. Le véritable amour nourrit une dialogique toujours vivante où sagesse et folie s'entre-génèrent. Si mon amour est seulement raisonnable, il n'est pas amour, et s'il est totalement fou, il se dégrade en addiction. Il doit être fou/sage.
    (Éthique (La méthode 6), p.157, Seuil, 2004)
     
  32. [...] une écosophie, pour reprendre l'expression de Félix Guattari, une sagesse collective et individuelle qui nous demande de sauvegarder notre relation avec la nature vivante.
    (Éthique (La méthode 6), p.158, Seuil, 2004)
     
  33. Tant de professeurs de philosophie oublient de s'enseigner à eux-mêmes un peu de sagesse. Il faudrait essayer de ressembler un peu à ses idées.
    (Éthique (La méthode 6), p.158, Seuil, 2004)
     
  34. La dépossession du savoir, très mal compensée par la vulgarisation médiatique, pose le problème historique clé de la démocratie cognitive.
    (Éthique (La méthode 6), p.172, Seuil, 2004)
     
  35. La nécessité d'une Réforme de pensée est d'autant plus importante à indiquer qu'aujourd'hui le problème de l'éducation et celui de la recherche sont réduits en termes quantitatifs : « davantage de crédits », « davantage d'enseignants », « davantage d'informatique », etc. On se masque par là la difficulté clé que révèle l'échec de toutes les réformes successives de l'enseignement : on ne peut pas réformer l'institution sans avoir au préalable réformé les esprits, mais on ne peut pas réformer les esprits si l'on a pas au préalable réformé les institutions. On retrouve le vieux problème posé par Marx dans la troisième thèse sur Feuerbach : qui éduquera les éducateurs ?
    (Éthique (La méthode 6), p.174, Seuil, 2004)
     
  36. Les fragments d'humanité sont désormais en interdépendance, mais l'indépendance ne crée pas la solidarité ; ils sont en communications, mais les communications techniques ou mercantiles ne créent pas la compréhension ; l'accumulation des informations ne crée pas la connaissance, et l'accumulation des connaissances ne crée pas la compréhension.
    (Éthique (La méthode 6), p.184, Seuil, 2004)
     
  37. Les germes de réforme de vie sont disséminés un peu partout. Il y a un peu partout également le besoin de mieux vivre avec soi-même, de surmonter le divorce entre l'esprit et le corps, ce qu'exprime l'attrait actuel pour le yoga, le bouddhisme zen, les sagesses orientales. Le mal-être du bien-être favorise un appétit d'être.
    (Éthique (La méthode 6), p.197, Seuil, 2004)
     
  38. La cruauté est le prix à payer pour la grande solidarité de la biosphère. La Nature est à la fois mère et marâtre.
    (Éthique (La méthode 6), p.214, Seuil, 2004)
     
  39. [...] une des plus grandes causes du mal est dans la conviction de posséder le bien ou d'être possédé par le bien, ce qui a produit les innombrables massacres, persécutions et guerres religieuses, nationales et civiles. C'est la croyance de faire le bien qui est une cause puissante du mal, alors qu'elle résulte non d'une volonté mauvaise, mais d'une carence de rationalité et/ou d'un excès de foi qui est fanatisme.
    (Éthique (La méthode 6), p.217, Seuil, 2004)
     
  40. « Il est impossible que le mal disparaisse », disait Socrate dans le Théétète. Oui mais il faut essayer d'empêcher son triomphe.
    (Éthique (La méthode 6), p.220, Seuil, 2004)
     
  41. L'espérance n'est pas certitude. Dire qu'on a de l'espoir, c'est dire qu'on a beaucoup de raisons de désespérer. Nous ignorons les limites du possible, d'où la justification de l'espérance, mais nous savons qu'il a des limites, d'où la confirmation de la désespérance. L'espérance du possible s'enfante sur fond d'impossible.
    (Éthique (La méthode 6), p.226, Seuil, 2004)
     

Raoul Vaneigem

  1. Rien ne ressemble plus au tueur d'une faction que le tueur de la faction adverse. « Tuer un homme, ce n'est pas défendre une doctrine, c'est tuer un homme », lançait déjà Sébastien Castellion à Calvin qui, avec les meilleures raisons théologiques, venait d'envoyer Michel Servet au bûcher.
    (Pour l'abolition de la société marchande pour une société vivante, p.12, Rivages poche n°480)
     
  2. Après avoir sapé et jeté à bas l'odieuse tyrannie implantée pendant des siècles sous la férule des rois, des empereurs, des princes et autres noblaillons dont l'arbitraire se revendiquait du bon plaisir de Dieu, c'est le libre-échange et son idéologie libérale, inspiratrice des droits de l'homme, qui, deux siècles plus tard, s'érigeront en pouvoir absolu, réduisant la circulation des personnes à une circulation de marchandises.
    (Pour l'abolition de la société marchande pour une société vivante, p.22, Rivages poche n°480)
     
  3. Le pouvoir de l'argent et l'argent du pouvoir ont toujours été inséparables. La folie de l'argent et le pouvoir fou vont de pair, fouaillés par l'avidité ascétique et les plaisirs réduits aux déjections de la carence affective.
    (Pour l'abolition de la société marchande pour une société vivante, p.26, Rivages poche n°480)
     
  4. Des ghettos de la misère à la misère des ghettos de luxe, la conscience mercenaire supplante la conscience humaine. Le bon usage de la rapacité donne des lettres de créance au mépris des autres qui permet - un exemple entre cent - de fermer les écoles, de rentabiliser l'enseignement, d'enrager les écoliers entassés à trente dans une classe et de recourir ensuite à des méthodes policières pour les mater.
    (Pour l'abolition de la société marchande pour une société vivante, p.29, Rivages poche n°480)
     
  5. L'argent surabondant, employé à se reproduire, et l'argent dont la carence compromet la survie ont un effet commun : ils tuent l'imagination et la créativité.
    (Pour l'abolition de la société marchande pour une société vivante, p.32, Rivages poche n°480)
     
  6. Où prime la voix de l'argent ne s'exprime plus que le vide du coeur. L'argent a tout et il n'est rien, il achète et ne donne pas.
    (Pour l'abolition de la société marchande pour une société vivante, p.32, Rivages poche n°480)
     
  7. Que peut Mohamed contre le prophète MacDonald ?
    (Pour l'abolition de la société marchande pour une société vivante, p.36, Rivages poche n°480)
     
  8. Le système d'exploitation de l'homme par l'homme réduit l'humain à un objet de profit. Telle est la malédiction qui accable la créature terrestre et qui, sans besoin d'en passer par la croyance en un Dieu, en un homme providentiel, en un gouvernement, frappe d'épouvante l'esprit qui règne dans le ciel des idées.
    (Pour l'abolition de la société marchande pour une société vivante, p.39, Rivages poche n°480)
     
  9. La vie ne vaut rien mais une vie perdue vaut de l'argent. Voilà la philosophie des affaires.
    (Pour l'abolition de la société marchande pour une société vivante, p.42, Rivages poche n°480)
     
  10. Or, comment le marché de la sécurité garderait-il son potentiel de profit, s'il n'entretenait pas lui-même les conditions objectives et subjectives qui le garantissent ? Pas de lutte contre la délinquance sans délinquance, pas de thérapie sans malades, pas de protection sans menaces. La logique mercantile exige que les fauteurs de rentabilité stimulent le champ social avec les galvanisations de la peur et la violence que les exorcise sans jamais y parer.
    (Pour l'abolition de la société marchande pour une société vivante, p.52, Rivages poche n°480)
     
  11. Rien n'arrêtera l'émergence des nouvelles valeurs, elles achèveront de ruiner les anciennes en privilégiant la souveraineté de la vie, la générosité et la gratuité, le progrès humain, la créativité individuelle et collective, la prééminence de la femme et de l'enfant. La conscience de quelques-uns suffira à les éclairer.
    (Pour l'abolition de la société marchande pour une société vivante, p.65, Rivages poche n°480)
     
  12. Il est temps d'en finir avec les nationalismes et autres identités moutonnières. Il n'y a pas d'Américains, de Français, d'Afghans, de Bretons, de Guatémaltèques, d'Arabes, de Juifs, de Papous. Il y a des individus fort différents les uns des autres, et qui s'aviseront bien un jour que la lutte pour la souveraineté de la vie annule tous les autres combats.
    (Pour l'abolition de la société marchande pour une société vivante, p.72, Rivages poche n°480)
     
  13. Briser à coups de pavés la vitrine d'une banque ou d'une boutique exhibant aux niais ce qu'il « faut » acheter pour être à la mode, c'est se dédouaner à bon compte de l'absence d'une créativité qui, par exemple, inventerait une activité plus passionnante que la consommation, s'attacherait à découvrir de nouvelles énergies gratuites, piraterait les flux spéculatifs au profit d'une gestion collective des services publics...
    (Pour l'abolition de la société marchande pour une société vivante, p.74, Rivages poche n°480)
     
  14. [...] invoquer la supériorité numérique de l'adversaire n'est le plus souvent que l'alibi de l'impuissance complaisante. La quantité est le faux-semblant d'un pouvoir que la qualité d'une geste, d'une pensée, d'une vie a la faculté de dissiper. La résolution et le génie créatif de quelques-uns savent réduire à zéro le chiffre le plus élevé dont se targuent les forces adverses.
    (Pour l'abolition de la société marchande pour une société vivante, p.78, Rivages poche n°480)
     
  15. Si avantageux que se veuillent le principe d'équité salariale et le souci d'une marchandise « propre », assainissant production et consommation, nous avons appris qu'une économie au service de l'homme met d'abord l'homme au service de l'économie. Les bons pasteurs de la plus-value commencent toujours par nourrir le troupeau avant de l'envoyer à la boucherie.
    (Pour l'abolition de la société marchande pour une société vivante, p.93, Rivages poche n°480)
     
  16. Se protéger contre un danger sans créer les conditions qui l'éradiquent, c'est combattre la peur par une peur plus grande : le marché de l'insécurité ne procède pas autrement.
    (Pour l'abolition de la société marchande pour une société vivante, p.97, Rivages poche n°480)
     
  17. L'individu a toujours été au service de la communauté, il est temps que la communauté soit au service de l'individu. Il est temps qu'à l'aveuglement grégaire se substitue la conscience individuelle. Le refus de la société marchande implique la création d'une société vivante.
    (Pour l'abolition de la société marchande pour une société vivante, p.101, Rivages poche n°480)
     
  18. La foule est un monstre décervelé que la conscience humaine de quelques-uns suffit à abattre.
    (Pour l'abolition de la société marchande pour une société vivante, p.102, Rivages poche n°480)
     
  19. L'exercice de la démocratie directe implique le principe : l'humain prime le nombre.
    La mathématique appelée à trancher dans le vif des décisions politiques n'a que trop tendance à transformer chacun en élément statistique, à en faire l'objet aveugle d'une comptabilité providentielle, qui finit toujours par régir le malheur.

    (Pour l'abolition de la société marchande pour une société vivante, p.102, Rivages poche n°480)
     
  20. Aux hommes et aux peuples, il suffit de faire avaler des couleuvres pour qu'ils chient des vipères.
    (Pour l'abolition de la société marchande pour une société vivante, p.103, Rivages poche n°480)
     
  21. Tolérance pour toutes les idées, même les plus abjectes, intolérance pour tout acte de violence perpétré à l'encontre d'une enfant, d'une femme, d'un homme. Tel est le postulat qu'instaure notre volonté d'accorder à la vie une souveraineté absolue.
    (Pour l'abolition de la société marchande pour une société vivante, p.105, Rivages poche n°480)
     
  22. Ne permettez plus que les hommes politiques stigmatisent l'insupportable violence faite aux individus alors qu'ils la suscitent sciemment, dès l'enfance, vulgarisant, au nom de la rentabilité, un élevage concentrationnaire où, parqués de vingt-cinq à trente par classe, les écoliers se trouvent crétinisés par les principes de compétition et de concurrence, soumis aux lois de la prédation, initiés au fétichisme de l'argent, confits dans la peur de l'échec, infestés par l'arrivisme, livrés à des fonctionnaires amers et mal payés, moins enclins à nourrir la curiosité des jeunes générations qu'à se venger sur elle de leurs infortunes.
    Les collectivités d'enseignants, de parents et d'élèves n'ont-elles pas le pouvoir d'imposer des normes scolaires répondant, non à la rentabilité des malversations budgétaires, mais au souci de confier à un grand nombre d'accompagnateurs d'apprentissage, aussi avides d'enseigner que de s'instruire, de petits groupes d'enfants et d'adolescents à qui rien de ce qui est humain ne demeurera étranger ?
    Si elles ne l'ont pas, qu'elles le prennent ! Qu'elles exigent, à contre-courant des coupes et des concentrations opérées par l'économie parasitaire, la multiplication de petites écoles, permettant à l'enseignant d'individualiser son enseignement et de propager jusque dans le milieu familial et social cette intelligence sensible du vivant, seule capable de décourager la barbarie !

    (Pour l'abolition de la société marchande pour une société vivante, p.108, Rivages poche n°480)
     
  23. [...] rien ne décourage plus le vandalisme que la beauté.
    (Pour l'abolition de la société marchande pour une société vivante, p.113, Rivages poche n°480)
     
  24. « Savor reconnaître, disait Calvino, ce qui dans l'enfer n'est pas l'enfer, et lui consacrer de l'amour et du temps. »
    (Pour l'abolition de la société marchande pour une société vivante, p.123, Rivages poche n°480)
     
  25. Notre richesse est dans l'inventivité. En elle réside la naissance de notre force, celle qui brisera le mouvement de paupérisation des sociétés et des consciences.
    (Pour l'abolition de la société marchande pour une société vivante, p.124, Rivages poche n°480)
     
  26. Comment la démocratie parlementaire se réformerait-elle alors que la politique clientéliste lave sa vaisselle dans l'auge du malheur ? Ne demandez pas à ceux qui vendent des remèdes contre l'infortune de casser le marché en favorisant la gratuité des plaisirs. Rien n'est plus redoutable pour le système des affaires qu'un homme qui se découvre humain et entend faire de la jouissance de soi le fondement de son existence.
    (Pour l'abolition de la société marchande pour une société vivante, p.130, Rivages poche n°480)
     

Paul Vialar

  1. Être beau, tout au moins le moins laid possible, est envers les autres la première forme de courtoisie.
    (Le Sport, p.9, Hachette (Notes et maximes) 1963)
     
  2. On ne peut accepter sa mort que si l'on s'est battu à mort pour sa vie.
    (Le Sport, p.11, Hachette (Notes et maximes) 1963)
     
  3. Deviens ce que tu es ? Non : deviens ce que tu dois être.
    (Le Sport, p.15, Hachette (Notes et maximes) 1963)
     
  4. On ne se représente pas Satan sous les espèces d'un athlète. S'il réussit quelque performance, ce ne peut être que par astuce ou tromperie.
    (Le Sport, p.25, Hachette (Notes et maximes) 1963)
     
  5. La maladie nous apprend combien nous avons besoin des autres.
    (Le Sport, p.37, Hachette (Notes et maximes) 1963)
     
  6. Dis-moi comment tu joues, je te dirai qui tu es.
    (Le Sport, p.39, Hachette (Notes et maximes) 1963)
     
  7. Je connais des hommes très âgés qui savent jouer. Ils l'ont toujours su : ceux-là ne retomberont jamais en enfance. En effet, ils ne l'ont pas quittée. Ils en ont gardé la pureté. Ils ont conservé intact ce trésor et, grâce à lui, ont été toute leur vie ces « êtres humains » que, trop souvent, n'ont pas été les autres.
    (Le Sport, p.41, Hachette (Notes et maximes) 1963)
     
  8. Faire du sport, c'est vaincre sans tuer.
    (Le Sport, p.50, Hachette (Notes et maximes) 1963)
     
  9. Mêler le racisme au sport, c'est donner de la ciguë à celui qu'on veut désaltérer.
    (Le Sport, p.51, Hachette (Notes et maximes) 1963)
     
  10. Sprint : le meilleur de soi-même sur cent ou deux cents mètres.
    Fond : le meilleur de soi-même sur cinq ou dix kilomètres.
    Marathon : le meilleur de soi-même sur quarante-deux kilomètres.
    Sport : le meilleur de soi-même sur toute une existence.

    (Le Sport, p.58, Hachette (Notes et maximes) 1963)
     
  11. Ce qu'il y a de plus beau dans la périlleuse ascension d'un sommet c'est que, celui-ci atteint, il faut en redescendre.
    (Le Sport, p.67, Hachette (Notes et maximes) 1963)
     
  12. Xénophon a dit : « La chasse est la véritable image de la guerre. » Cela était vrai du temps où l'homme chassait pour se nourrir. Depuis, il a appris à chasser pour la chasse seule. Il est même des hommes qui ont remplacé la sanction du coup de fusil par celle du cliché photographique. Ce qui compte, c'est la recherche, la quête, l'intelligence de la nature et de ce qui y vit, et enfin ce moment extraordinaire où, tout étant accompli, on est, en une seconde, le maître de la vie ou de la mort d'une existence.
    (Le Sport, p.69, Hachette (Notes et maximes) 1963)
     
  13. Il y a les chasseurs et les tueurs.
    Il y a les guerriers et les assassins.

    (Le Sport, p.70, Hachette (Notes et maximes) 1963)
     
  14. Une équipe : Toi... lui... moi... eux... mais un seul but et un seul esprit.
    (Le Sport, p.85, Hachette (Notes et maximes) 1963)
     
  15. C'est la règle qui fait le jeu. Pas de jeu ni de vie sans règle.
    (Le Sport, p.87, Hachette (Notes et maximes) 1963)
     
  16. La télévision a plus fait pour le sport que toutes les propagandes : elle a montré ce qu'il est, avec exactitude.
    (Le Sport, p.87, Hachette (Notes et maximes) 1963)
     
  17. Amateur : celui qui aime. Celui qui n'agit que par amour.
    (Le Sport, p.91, Hachette (Notes et maximes) 1963)
     
  18. Je rêve d'un stade autour duquel les banderoles et les panneaux publicitaires seraient consacrés à l'apéritif « pleine eau », au vin « soleil », au digestif « grand vent », et non aux anis et aux pousse-café.
    (Le Sport, p.109, Hachette (Notes et maximes) 1963)
     
  19. Ce sont les marchands de champagne ou le patronat des mines qui subventionnent les équipes de professionnels... comme s'ils avaient quelque chose à se faire pardonner.
    (Le Sport, p.110, Hachette (Notes et maximes) 1963)
     
  20. Le sport de l'intelligence n'est rien sans l'intelligence du sport.
    (Le Sport, p.117, Hachette (Notes et maximes) 1963)
     
  21. Onze hommes, quinze hommes : une équipe. Quarante : une Académie.
    (Le Sport, p.119, Hachette (Notes et maximes) 1963)