Citations ajoutées le 07 août 2005

Thomas Bernhard

  1. Il plaignait ce qu'on appelle les gens en bonne santé parce qu'à son idée ils ne sortent jamais des bas-fonds de l'hébétude absolue de l'esprit et sont condamnés à rester à perpétuité dans cette abjecte hébétude de l'esprit qui est la leur, quoi qu'ils puissent être et quoi qu'ils puissent faire [...]
    (Les Mange-pas-cher, trad. Claude Porcell , p.46, Gallimard/nrf, 2005)
     
  2. [...] ces tableaux accrochés de travers au mur lui tapaient tout de même sur les nerfs, il avait haï sa vie durant les tableaux accrochés de travers et toujours évité les pièces où il y a avait des tableaux accrochés de travers, face à moi il avait ensuite, quand le serveur avait été parti, dit qu'il y avait de fait deux catégories d'êtres humains, l'une ne ressentait rien quand elle voyait des tableaux accrochés de travers, l'autre en était désespérée et on voyait d'ailleurs tout de suite chez les êtres humains dans laquelle des deux catégories il fallait les ranger, dans l'une, à laquelle les tableaux accrochés de travers au mur ne faisaient rien, ou dans l'autre, que le fait de tableaux accrochés de travers au mur rendait folle avec le temps [...]
    (Les Mange-pas-cher, trad. Claude Porcell , p.59, Gallimard/nrf, 2005)
     
  3. [...] l'école en soi, qui, dirigée contre la nature de chaque individu, n'était faite que pour déliter et détruire et subséquemment anéantir la nature de chaque individu. Il n'avait jamais désigné les professeurs que comme les valets de ce processus de délitement et de destruction et d'anéantissement de la nature, par lequel quatre-vingt-dix pour cent de l'humanité intelligente sont détruits chaque année.
    (Les Mange-pas-cher, trad. Claude Porcell , p.65, Gallimard/nrf, 2005)
     
  4. La vie ou l'existence n'étaient rien d'autre, selon lui, que la tentative désespérée, incessante et de fait ininterrompue, de se sauver de tout à tous les égards possibles vers l'avenir, qui n'ouvre jamais qu'encore et toujours cet identique processus mortel infini.
    (Les Mange-pas-cher, trad. Claude Porcell , p.66, Gallimard/nrf, 2005)
     
  5. Extrêmement rares sont ceux qui ont effectivement engagé le combat contre les parents et l'ont poussé jusqu'à l'extrême et l'ont gagné et ont combattu contre leurs maîtres et gagné, et donc combattu contre la société et gagné et par là, en tant qu'êtres de l'esprit, tout gagné.
    (Les Mange-pas-cher, trad. Claude Porcell , p.79, Gallimard/nrf, 2005)
     
  6. [...] les voyages autour du monde, une fois qu'on les regarde de plus près, ne valent pas beaucoup plus qu'une promenage au Prater. [Nota : À Vienne, le Prater est une sorte de parc d'attractions. -GGJ]
    (Les Mange-pas-cher, trad. Claude Porcell, p.99, Gallimard/nrf, 2005)
     
  7. [...] le magasinier de quincaillerie en gros Grill collectionnait les pièces de monnaie, donc pendant ses loisirs faisait la même chose qu'à la boutique, simplement à un plus haut niveau.
    (Les Mange-pas-cher, trad. Claude Porcell , p.110, Gallimard/nrf, 2005)
     

  
Gaston Bachelard

  1. Il n'y a alors de propriétés substantielles qu'au-dessus - non pas au-dessous - des objets microscopiques. La substance de l'infiniment petit est contemporaine de la relation.
    (Études, p.13, Vrin, 2002)
     
  2. Une mesure précise est toujours une mesure complexe.
    (Études, p.13, Vrin, 2002)
     
  3. La connaissance scientifique est toujours la réforme d'une illusion.
    (Études, p.14, Vrin, 2002)
     
  4. Jadis, la philosophie générale de l'expérience en physique eût été assez bien exprimée par cette formule de Paul Valéry : il faut, dit le poète, tout à la gloire de la vision, « réduire ce qui se voit à ce qui se voit ». Nous dirions maintenant, si nous voulions traduire la véritable tâche de la microphysique : il faut réduire ce qui ne se voit pas à ce qui ne se voit pas, en passant par l'expérience visible. Notre intuition intellectuelle a désormais le pas sur l'intuition sensible. Notre domaine de vérification matérielle ne fournit guère qu'une preuve surnuméraire pour ceux qui n'ont pas la foi rationnelle. Peu à peu, c'est la cohérence rationnelle qui en vient à supplanter en force de conviction la cohésion de l'expérience usuelle. La microphysique est non plus une hypothèse entre deux expériences, mais bien plutôt une expérience entre deux théorèmes. Elle commence par une pensée, elle s'achève en un problème.
    (Études, p.15, Vrin, 2002)
     
  5. [...] il ne s'agit plus, comme on le répétait sans cesse au XIXe siècle, de traduire dans le langage mathématique les faits livrés par l'expérience. Il s'agit plutôt, tout à l'inverse, d'exprimer dans le langage de l'expérience commune une réalité profonde qui a un sens mathématique avant d'avoir une signification phénoménale.
    (Études, p.16, Vrin, 2002)
     
  6. Ainsi le monde caché dont nous parle le physicien contemporain est d'essence mathématique. Le physicien fait ses expériences en se fondant sur le caractère rationnel du monde inconnu.
    (Études, p.17, Vrin, 2002)
     
  7. Au commencement est la Relation, c'est pourquoi les mathématiques règnent sur le réel.
    (Études, p.18, Vrin, 2002)
     
  8. Dans le monde infinitésimal, rien ne s'énumère, tout s'agglomère. [...] Nous pénétrons dans une zone où le concret s'imprègne de mathématique et où l'indépendance formelle trouve une limitation.
    (Études, p.30, Vrin, 2002)
     
  9. Si l'on voulait caractériser philosophiquement ce rapport complexe de la catégorie d'unité à la catégorie de totalité, il faudrait peut-être dire que la métaphysique atomique envisage une interférence de la notion de nombre et de la notion d'ordre. Une somme d'objets concerts peut très bien porter trace des opérations d'addition par lesquelles est a été formée. L'arithmétique ordinaire de l'atome n'est pas nécessairement une simple redite de l'arithmétique cardinale résumée par le langage usuel.
    (Études, p.21, Vrin, 2002)
     
  10. [...] toute objectivation est hésitation.
    (Études, p.25, Vrin, 2002)
     
  11. [...] le démon de la simplification [...]
    (Études, p.29, Vrin, 2002)
     
  12. Le germe de la représentation, avant de devenir un point précis, avant de se rapprocher du point réel, a été un point imaginaire situé au centre d'une rêverie ou d'un souvenir. Les choses apparaissent d'abord où on les guette, on ne les place que lentement où elles sont.
    (Études, p.30, Vrin, 2002)
     
  13. Quand la Physique mathématique contemporaine se sert d'images, elle emploie ces images après l'équation, pour illustrer de véritables théorèmes. La science réaliste antécédente emploie, au contraire, les images avant la pensée, croyant pouvoir fonder une science réaliste de la mesure en s'appuyant partout et toujours sur des objets. Les travaux modernes ont montré des dangers de cette philosophie scientifique.
    (Études, p.57, Vrin, 2002)
     
  14. [...] c'est l'objectivation qui domine l'objectivité ; l'objectivité n'est que le produit d'une objectivation correcte.
    (Études, p.61, Vrin, 2002)
     
  15. Or pour l'esprit scientifique, tracer nettement une frontière, c'est déjà la dépasser.
    (Études, p.71, Vrin, 2002)
     
  16. D'une manière générale, tous les progrès scientifiques se présentent comme un redoublement de preuves, comme des confirmations indirectes. Les plus frappantes des vérifications sont les plus indirectes. Ainsi la cohérence finit par primer l'évidence.
    (Études, p.74, Vrin, 2002)
     
  17. Par certains côtés, il ne nous semble pas plus utile de parler des frontières de la Chimie que des frontières de la Poésie.
    (Études, p.74, Vrin, 2002)
     
  18. Philosophiquement, toute frontière absolue proposée à la science est la marque d'un problème mal posé. Il est impossible de penser richement une impossibilité. Dès qu'une frontière épistémologique paraît nette, c'est qu'elle s'arroge le droit de trancher à propos des intuitions premières. Or les intuitions premières sont toujours des intuitions à corriger.
    (Études, p.75, Vrin, 2002)
     
  19. [...] la philosophie scientifique doit être essentiellement pédagogie scientifique. Or, à science nouvelle, pédagogie nouvelle. Ce dont nous manquons le plus c'est d'une doctrine du savoir élémentaire d'accord avec le savoir scientifique. Bref, les a priori de la pensée ne sont pas définitifs. Eux aussi doivent subir la transmutation des valeurs rationnelles. Nous devons réaliser les conditions sine qua non de l'expérience scientifique. Nous demandons par conséquent que la philosophie scientifique renonce au réel immédiat et qu'elle aide la science dans sa lutte contre les intuitions premières. Les frontières opprimantes sont des frontières illusoires.
    (Études, p.76, Vrin, 2002)
     
  20. Rien ne nous est pleinement et définitivement donné, pas même nous-mêmes à nous-mêmes.
    (Études, p.77, Vrin, 2002)
     
  21. [...] pour bien faire valoir le prix d'une idée objective, il faut la replacer dans le halo des illusions immédiates. Il faut errer pour aboutir.
    Ainsi toute objectivation procède d'une élimination des erreurs subjectives et, psychologiquement, elle vaut comme une conscience de cette élimination. Ce n'est pas tant une question de fait qu'une question de droit. Une vérité n'a son plein sens qu'au terme d'une polémique. Il ne saurait y avoir de vérité première. Il n'y a que des erreurs premières. On ne doit donc pas hésiter à inscrire à l'actif du sujet son expérience essentiellement malheureuse. La première et la plus essentielle fonction de l'activité du sujet est de se tromper. Plus complexe sera son erreur, plus riche sera son expérience. L'expérience est très précisément le souvenir des erreurs rectifiées. L'être pur est l'être détrompé.

    (Études, p.79, Vrin, 2002)
     
  22. Jamais l'émerveillement d'un esprit n'est si grand que lorsqu'il s'aperçoit qu'il a été trompé. Cet émerveillement, ce réveil intellectuel, est la source d'une intuition nouvelle, toute rationnelle, toute polémique, qui s'anime dans la défaite de ce qui fut une certitude première, dans la douce amertume d'une illusion perdue. Alors la conscience de l'être spirituel se double d'une conscience d'un devenir spirituel. L'esprit se révèle comme un être à instruire, autant dire comme un être à créer.
    (Études, p.80, Vrin, 2002)
     
  23. Il y a dans toute conquête un sacrifice.
    (Études, p.82, Vrin, 2002)
     
  24. En prenant conscience de mon erreur objective, je prends conscience de ma liberté d'orientation. Cette orientation libérée et réfléchie, c'est déjà le voyage potentiel hors de moi, à la recherche d'un nouveau destin spirituel. Je me trompais sur les choses. Je ne suis donc pas vraiment celui que je croyais être.
    (Études, p.83, Vrin, 2002)
     
  25. Ce n'est d'ailleurs que dans le récit de mes renoncements que je prends pour autrui une apparence objective. C'est par la comparaison de nos renoncements que nous avons quelques chances de nous ressembler, c'est-à-dire de trouver ailleurs l'écho de notre volonté. C'est par le renoncement que le monastère est communauté. En fait nous ne sommes originaux que par nos fautes. Nous ne sommes vraiment des êtres que par une rédemption. Cette rédemption a un sens foncièrement créateur. Une faute est toujours un déficit d'être.
    (Études, p.85, Vrin, 2002)
     
  26. [...] je suis la limite de mes illusions perdues.
    (Études, p.85, Vrin, 2002)
     

  
Alexandra Marinina

  1. Parmi les rares choses qui font naître un courant de sympathie entre des gens inconnus, les coïncidences occupent une bonne place.
    (La mort et un peu d'amour, trad. Galia Ackerman et Pierre Lorrain , p.108, Seuil/Policiers, 2000)
     
  2. Elle sait dire la vérité comme si elle mentait, alors on ne la croit pas.
    (La mort et un peu d'amour, trad. Galia Ackerman et Pierre Lorrain , p.130, Seuil/Policiers, 2000)
     
  3. [...] tous les êtres humains ne sont-il pas perpétuellement à la poursuite d'un mythe ?
    (La mort et un peu d'amour, trad. Galia Ackerman et Pierre Lorrain , p.229, Seuil/Policiers, 2000)
     

Jacques Perret

  1. [...] les cartes postales ont [...] bon dos.
    (Les collectionneurs, p.28, Le Dilettante, 1989)
     
  2. [...] quel chapeau n'est pas curieux quand la tête n'est plus dedans ?
    (Les collectionneurs, p.35, Le Dilettante, 1989)
     
  3. Le cendrier par exemple est une invitation discrète et parfois élégante à évoquer la persistance de notre condition mortelle.
    (Les collectionneurs, p.39, Le Dilettante, 1989)
     
  4. Soit dit pour finir, il n'est pas un collectionneur, le fût-il de médailles, de primitifs hollandais, d'ocarinas péruviens, de tickets-primes ou d'antiphonaires, qui ne soit tôt ou tard hanté par une idée de vol, et plus qu'on ne pense y ont succombé. Ce sont là délits passionnels.
    (Les collectionneurs, p.41, Le Dilettante, 1989)