Citations ajoutées le 04 mai 2003

  
Joseph Joubert

  1. L'esprit est l'atmosphère de l'âme.
    (Carnets t.2, p.338, nrf/Gallimard, 1994)
     
  2. En la rendant plus obscure et pour ainsi dire plus noire, cette philosophie, ils paraissaient l'avoir rendue plus profonde. C'est ainsi qu'une eau bourbeuse et qui coule peu...
    (Carnets t.2, p.338, nrf/Gallimard, 1994)
     
  3. La sagesse est le commencement du beau.
    (Carnets t.2, p.342, nrf/Gallimard, 1994)
     
  4. L'utilité ou l'inutilité essentielles de nos pensées sont le seul principe constant de leur gloire ou de leur oubli.
    (Carnets t.2, p.344, nrf/Gallimard, 1994)
     
  5. Il faut être caillou dans le torrent, garder ses veines et rouler sans être dissous (ni dissolu).
    (Carnets t.2, p.345, nrf/Gallimard, 1994)
     
  6. « La lumière est l'ombre de Dieu. » La clarté est une ombre de la lumière.
    (Carnets t.2, p.346, nrf/Gallimard, 1994)
     
  7. L'esprit est pour l'âme une espèce d'organe, une espèce d'oeil, de langue, d'ouïe et même de cerveau, une espèce de porte-voix, de télescope et de compas. Et quelquefois cet organe agit tout seul.
    (Carnets t.2, p.348, nrf/Gallimard, 1994)
     
  8. Les livres consolent des hommes.
    (Carnets t.2, p.353, nrf/Gallimard, 1994)
     
  9. La bonne humeur dans l'homme est aux plaisirs ce que la belle imagination est aux beaux arts : elle s'y plaît, elle les aime, elle les multiplie, elle les crée.
    (Carnets t.2, p.355, nrf/Gallimard, 1994)
     
  10. Le sophisme littéraire ou l'art de farder les pensées par des mots. Les mots fardent quand ils donnent aux pensées de l'éclat, sans y ajouter de la beauté. Il y a un lustre nécessaire à tout bon style, qui n'est pas proprement du fard ; il n'est que de la propreté.
    Il y a quelquefois dans le style un lustre, un éclat qui est semblable à celui des métaux. Ceux qui l'emploient ne fardent pas à proprement parler, mais ils dorent ce qu'ils disent. On dirait que ceux-là écrivent avec une encre plus luisante et qu'ils ont jeté sur leur écriture encore fraîche ou de la poudre de diamant ou de la poussière d'ailes de papillons. Tout cela ne va point à l'âme ni aux goût, mais s'arrête aux yeux de l'esprit qui est d'abord ébloui et insensiblement fatigué.

    (Carnets t.2, p.356, nrf/Gallimard, 1994)
     
  11. L'indifférence donne un faux air de supériorité.
    (Carnets t.2, p.357, nrf/Gallimard, 1994)
     
  12. Lorsqu'un dessinateur ou un peintre veulent imaginer un enfoncement, ils mettent de l'obscur sur du clair. C'est l'artifice qu'emploient beaucoup d'écrivains sérieux et surtout ceux qui s'appellent aujourd'hui idéologues. Ils se donnent un air profond par le grossier prestige d'une certaine obscurité.
    (Carnets t.2, p.358, nrf/Gallimard, 1994)
     
  13. Quand on a trop craint ce qui arrive, on finit par éprouver quelque soulagement lorsque cela est arrivé.
    (Carnets t.2, p.359, nrf/Gallimard, 1994)
     
  14. Nous suivons volontiers ceux qui veulent nous conduire où nous voulons aller. C'est ce qui explique l'ascendant de tant d'orateurs et la vogue de tant de livres. Ils flattaient l'esprit de leur siècle., les erreurs du moment, les goûts ou les passions du jour.
    (Carnets t.2, p.364, nrf/Gallimard, 1994)
     
  15. Il faut se défier des idées simples dans ce qui de sa nature est compliqué ; et des idées compliquées dans ce qui est simple de soi. On ne doit pas plus analyser ce qui est simple, c'est à dire le décomposer, qu'on ne doit le compliquer. L'une et l'autre opération le dénaturent, l'anéantissent ; ce sont deux abus en direction et en sens contraires.
    (Carnets t.2, p.366, nrf/Gallimard, 1994)
     
  16. L'imagination, miroir et peintre.
    (Carnets t.2, p.366, nrf/Gallimard, 1994)
     
  17. « Le médecin (disait Baglivi) fait (souvent) la médecine avec son tempérament. » Et le moraliste fait souvent la morale avec son caractère, le théologien la religion selon son humeur.
    (Carnets t.2, p.369, nrf/Gallimard, 1994)
     
  18. C'est un grand art de mettre dans le style des incertitudes qui plaisent.
    (Carnets t.2, p.371, nrf/Gallimard, 1994)
     
  19. Il faut du ciel à la morale comme de l'air à un tableau.
    (Carnets t.2, p.371, nrf/Gallimard, 1994)
     

Giuseppe Ungaretti

  1. Et peut-être suis-je seul
    à savoir encore
    qu'il a vécu.

    (Vie d'un homme, [In memoriam] p.34, nrf/Poésie/Éditions de Minuit-Gallimard, 1998)
     
  2. Une nuit entière
    jeté à côté
    d'un camarade
    massacré
    sa bouche
    grinçante
    tournée à la pleine lune
    ses mains congestionnées
    entrées
    dans mon silence
    j'ai écrit
    des lettres pleines d'amour

    Je n'ai jamais été
    plus
    attaché à la vie.

    (Vie d'un homme, trad. Jean Lescure, p.38, [Veillée] nrf/Poésie/Éditions de Minuit-Gallimard, 1998)
     
  3. J'ai été
    une flaque de ténèbres

    À cette heure je mords
    l'espace
    comme un enfant la mamelle

    À cette heure je suis saoul
    d'univers.

    (Vie d'un homme, [La nuit belle] p.64, nrf/Poésie/Éditions de Minuit-Gallimard, 1998)
     
  4. Avec la mer
    je me suis fabriqué
    un cercueil
    de fraîcheur

    (Vie d'un homme, [Univers] p.65, nrf/Poésie/Éditions de Minuit-Gallimard, 1998)
     
  5. Lorsque je trouve
    dans mon silence
    une parole
    elle est creusée dans ma vie
    comme un abîme

    (Vie d'un homme, [Congé] p.74, nrf/Poésie/Éditions de Minuit-Gallimard, 1998)
     
  6. Je m'éblouis
    d'infini

    (Vie d'un homme, [Matin] p.80, nrf/Poésie/Éditions de Minuit-Gallimard, 1998)
     
  7. Comme un nuage
    Je me filtre
    au soleil

    (Vie d'un homme, [Transfiguration] p.85, nrf/Poésie/Éditions de Minuit-Gallimard, 1998)
     
  8. Je me reconnais
    image
    passagère

    Prise dans un cycle
    immortel.

    (Vie d'un homme, [Sérénité] p.101, nrf/Poésie/Éditions de Minuit-Gallimard, 1998)
     
  9. On est là comme
    sur les arbres
    les feuilles
    d'automne.

    (Vie d'un homme, [Soldats] p.102, nrf/Poésie/Éditions de Minuit-Gallimard, 1998)
     
  10. Mais la nuit disperse les distances.
    (Vie d'un homme, [O Nuit] p.115, nrf/Poésie/Éditions de Minuit-Gallimard, 1998)
     
  11. Le véritable amour est une quiétude en flamme
    (Vie d'un homme, [Silence en Ligurie] p.122, nrf/Poésie/Éditions de Minuit-Gallimard, 1998)
     
  12. Temps, fugace frisson...
    (Vie d'un homme, [Lac Lune Aurore Nuit] p.129, nrf/Poésie/Éditions de Minuit-Gallimard, 1998)
     
  13. L'homme, monotone monde,
    Croit agrandir son empire
    Et de ses fiévreuses mains
    Ne sortent jamais que des bornes.

    (Vie d'un homme, [La Pitié] p.180, nrf/Poésie/Éditions de Minuit-Gallimard, 1998)
     
  14. Poètes, poètes, nous aurons
    Mis tous les masques ;
    Mais on n'est jamais que soi-même.

    (Vie d'un homme, [Petit monologue] p.264, nrf/Poésie/Éditions de Minuit-Gallimard, 1998)
     
  15. Durât-il une éternité, ce voyage n'aurait duré qu'un instant :
    Voici la mort, arrivée de peu la première.

    Un atome tranché : la vie terrestre n'est rien de plus.
    (Vie d'un homme, [Ultimes Choeurs pour la Terre Promise] p.281, nrf/Poésie/Éditions de Minuit-Gallimard, 1998)
     

  16. L'amour n'est plus cette tempête
    Dans l'éblouissement nocturne
    Qui m'enchaînait naguère encore
    Entre l'insomnie et délire.

    Il est l'éclair de ce phare
    Vers quoi le vieux capitaine
    Avance, calmement.

    (Vie d'un homme, [Ultimes Choeurs pour la Terre Promise] p.288, nrf/Poésie/Éditions de Minuit-Gallimard, 1998)
     


Eric-Emmanuel Schmitt

  1. Je ne souhaite à personne de cohabiter, dès l'enfance, avec la beauté. Entrevue rarement, la beauté illumine le monde. Côtoyée au quotidien, elle blesse, brûle et crée des plaies qui ne cicatrisent jamais.
    (Lorsque j'étais une oeuvre d'art, p.23, Albin Michel, 2002)
     
  2. La force de la beauté, c'est de faire croire à ceux qui la côtoient qu'ils sont eux-mêmes devenus beaux.
    (Lorsque j'étais une oeuvre d'art, p.24, Albin Michel, 2002)
     
  3. La notoriété est un animal qui se nourrit de lui-même.
    (Lorsque j'étais une oeuvre d'art, p.95, Albin Michel, 2002)
     
  4. L'envieux ne crache que sur celui qui le dépasse.
    (Lorsque j'étais une oeuvre d'art, p.98, Albin Michel, 2002)
     
  5. Mon jeune ami, chacun de nous a trois existences. Une existence de chose : nous sommes un corps. Une existence d'esprit : nous somme une conscience. Et une existence de discours : nous sommes ce dont les autres parlent.
    (Lorsque j'étais une oeuvre d'art, p.119, Albin Michel, 2002)
     
  6. Il y a des êtres qui, de dos, nous promettent un secret. Leur nuque, leurs reins, leurs omoplates ont tellement de présence qu'ils nous remplissent d'appréhension. Lorsqu'ils se retournent, ils nous font vivre un coup de théâtre, avec ses risques : risque que nous soyons enthousiasmés, risque que nous soyons déçus.
    (Lorsque j'étais une oeuvre d'art, p.130, Albin Michel, 2002)
     
  7. [...] j'éprouvais le bonheur d'exister. La joie simple d'être au milieu d'un monde si beau. N'être pas grand-chose et beaucoup à la fois : une fenêtre ouverte sur l'univers qui me dépasse, le cadre dans lequel l'espace devient un tableau, une goutte dans océan, une goutte lucide qui se rend compte qu'elle existe et que, par elle, l'océan existe. Minuscule et grande. Intense et misérable.
    (Lorsque j'étais une oeuvre d'art, p.135, Albin Michel, 2002)