Citations ajoutées le 30 novembre 2002

José Saramago

  1. [...] tu travailles, travailles et travailles et un jour tu sors de ton rêve ou de ton cauchemar et on t'annonce que ce que tu as fait n'a servi à rien.
    (La caverne, trad. Geneviève Leibrich, p.43, Seuil, 2002)
     
  2. Autoritaires, paralysantes, circulaires, parfois elliptiques, les phrases à effet, appelées aussi dans un esprit facétieux pépites d'or, sont un des fléaux les plus pernicieux qui aient ravagé le monde. Nous disons aux irréfléchis, Connais-toi toi-même, comme si se connaître n'était pas la cinquième opération de l'arithmétique humaine et la plus ardue, nous disons aux abouliques, Vouloir c'est pouvoir, comme si les réalités bestiales du monde ne s'amusaient pas à intervertir la position relative de ces verbes, nous disons aux indécis, Il faut commencer par le commencement, comme si ce commencement était l'extrémité toujours visible d'un fil mal enroulé, qu'il suffirait de tirer et de continuer à tirer jusqu'à parvenir à l'autre extrémité, celle de la fin, et comme si, entre la première et la seconde, nous avions eu entre les mains un fil lisse et continu le long duquel il n'avait pas été nécessaire de défaire les noeuds ni de débrouiller les étranglements [...]
    (La caverne, trad. Geneviève Leibrich, p.71, Seuil, 2002)
     
  3. Les encyclopédies sont comme des cycloramas immuables, de prodigieux appareils de projection dont les bobines se sont bloquées et qui montrent avec une sorte de fixité maniaque un paysage condamné à être pour toute l'éternité ce qu'il fut et qui devient en même temps plus vieux, plus suranné et plus inutile.
    (La caverne, trad. Geneviève Leibrich, p.74, Seuil, 2002)
     
  4. La veille est ce que nous apportons à chaque jour que nous vivons, la vie consiste à charrier des veilles comme on charrie des pierres, quand on n'est plus capable de les charrier, le charroi s'arrête et le dernier jour est le seul qu'on ne puisse qualifier de veille.
    (La caverne, trad. Geneviève Leibrich, p.76, Seuil, 2002)
     
  5. La même façon ne sert pas à tout le monde, chacun invente sa propre façon, certains passent toute leur vie à lire sans jamais réussir à dépasser le stade de la lecture, ils restent collés à la page, ils ne comprennent pas que les mots sont comme des pierres placées en travers d'une rivière pour en faciliter la traversée, elles sont là pour que nous puissions parvenir sur l'autre rive, c'est l'autre rive qui importe, Sauf si, Sauf si quoi, Sauf si ces fameuses rivières ont plus de deux rives, sauf si chaque personne qui lit est elle-même sa propre rive et si la rive qu'elle doit atteindre lui appartient en propre.
    (La caverne, trad. Geneviève Leibrich, p.77, Seuil, 2002)
     
  6. [...] il faut comprendre que dans les circumnavigations de la vie ce qui est brise plaisante pour les uns peut être tempête fatale pour les autres, tout dépend du tirant d'eau de l'embarcation et de l'état des voiles.
    (La caverne, trad. Geneviève Leibrich, p.14, Seuil, 2002)
     
  7. [...] nous ne devrions jamais nous sentir sûrs de ce que nous croyons être car en cet instant nous pourrions très bien être déjà quelque chose de différent.
    (La caverne, trad. Geneviève Leibrich, p.120, Seuil, 2002)
     
  8. Ce qui est mauvais ce n'est pas de caresser une illusion c'est de se faire des illusions.
    (La caverne, trad. Geneviève Leibrich, p.150, Seuil, 2002)
     
  9. [...] on dit que chaque personne est une île, ce n'est pas vrai, chaque personne est un silence, oui, chacune avec son silence, chacune avec le silence qu'elle est.
    (La caverne, trad. Geneviève Leibrich, p.188, Seuil, 2002)
     
  10. [...] le mot boue. Maints dieux parmi les plus connus ne voulurent pas d'autre matériau pour leur création, mais on peut se demander si cette prédilection représente aujourd'hui pour la boue un point positif ou négatif.
    (La caverne, trad. Geneviève Leibrich, p.212, Seuil, 2002)
     
  11. [...] incohérence et contradiction ne sont pas synonymes. C'est à l'intérieur de sa propre cohérence qu'une personne ou un personnage se contredit, tandis que l'incohérence, qui, bien plus que la contradiction, est une constante du comportement, refoule la contradiction, l'élimine, se refuse à faire bon ménage avec elle. De ce point de vue et au risque de tomber dans les rets paralysants du paradoxe, il ne faudra pas exclure l'hypothèse que la contradiction soit précisément et finalement un des contraires les plus cohérents de l'incohérence.
    (La caverne, trad. Geneviève Leibrich, p.215, Seuil, 2002)
     
  12. On s'habitue, Oui, nous entendons souvent dire ou nous disons nous-mêmes, On s'habitue, nous le disons ou on nous le dit avec une sérénité qui paraît authentique car réellement il n'y a pas, ou alors on ne l'a pas encore découverte, d'autre façon de montrer dignement sa résignation, et ce que personne ne demande c'est à quel prix on s'habitue.
    (La caverne, trad. Geneviève Leibrich, p.245, Seuil, 2002)
     

  
Maxence Fermine

  1. Pour Aurélien, la vie était une curieuse abeille d'or qui brille au loin, s'envole, se grise de parfum en parfum, se cogne aux vitraux du soleil et cherche, dans l'immensité du ciel, le nectar de sa propre fleur.
    (L'Apiculteur, p.13, Livre de poche, n°15256)
     
  2. Le miel est un soleil qui se cultive [...]. Et pour faire un bon soleil, il faut du temps.
    (L'Apiculteur, p.21, Livre de poche, n°15256)
     
  3. Aurélien eut l'intuition de cette chose qui ne vient qu'au moment de mourir : la vie ne tient qu'à la solidité d'un fil. Un fil d'or tissé par les jours où l'on comprend que le besoin d'étancher sa soif sera toujours plus fort que le plaisir de boire. Que le besoin de rester en vie sera toujours plus beau que le plaisir de vivre.
    (L'Apiculteur, p.93, Livre de poche, n°15256)
     
  4. [...] tous les livres viennent des rêves, et tous les rêves viennent des livres.
    (L'Apiculteur, p.179, Livre de poche, n°15256)
     
  5. [...] la beauté d'une idée ne meurt jamais.
    (L'Apiculteur, p.216, Livre de poche, n°15256)
     

Ambrose Bierce

  1. Kilt n. Costume quelquefois porté par les Écossais en Amérique, et par les Américains en Écosse.
    (Le dictionnaire du Diable, trad. Bernard Sallé, p.160, Rivages/Étranger, n°11)
     
  2. Langage n. Musique avec laquelle nous charmons les serpents qui gardent le trésor d'un autre.
    (Le dictionnaire du Diable, trad. Bernard Sallé, p.161, Rivages/Étranger, n°11)
     
  3. Logique n. Art de penser et de raisonner en strict accord avec les limitations et les incapacités de l'humaine incompréhension. Toute la logique est basée sur le syllogisme, qui présente une proposition majeure, une proposition mineure et une conclusion - ainsi :
    Proposition Majeure : Soixante hommes peuvent faire un ouvrage en soixante fois moins de temps qu'un seul homme.
    Proposition Mineure :Un homme peut creuser un trou pour un poteau en soixante seconde ; donc - 
    Conclusion : Soixante hommes peuvent creuser un trou pour un poteau en une seconde.
    Cela peut prendre le nom de syllogisme arithmétique, dans lequel, en combinant la logique et la mathématique, nous jouissons d'une double certitude et sommes deux fois comblés de bonheur.

    (Le dictionnaire du Diable, trad. Bernard Sallé, p.167, Rivages/Étranger, n°11)
     
  4. Longévité n. Prolongation inconfortable de la peur de la mort.
    (Le dictionnaire du Diable, trad. Bernard Sallé, p.151, Rivages/Étranger, n°11)
     
  5. Loquacité n. Affection qui redouble chez le malade incapable de refréner sa langue quand vous souhaitez prendre la parole.
    (Le dictionnaire du Diable, trad. Bernard Sallé, p.168, Rivages/Étranger, n°11)
     
  6. Lunarien n. Habitant de la lune, à distinguer du lunatique qui est habité par la lune.
    (Le dictionnaire du Diable, trad. Bernard Sallé, p.171, Rivages/Étranger, n°11)
     
  7. Lycée n. 1/. École antique où l'on s'entretenait de morale et de philosophie. 2/. École moderne où l'on discute de football.
    (Le dictionnaire du Diable, trad. Bernard Sallé, p.171, Rivages/Étranger, n°11)
     
  8. Mariage n. État ou condition d'une communauté comportant un maître, une maîtresse et deux esclaves, l'ensemble ne faisant que deux personnes.
    (Le dictionnaire du Diable, trad. Bernard Sallé, p.178, Rivages/Étranger, n°11)
     
  9. Médire v. Faire le portrait d'un homme comme il est, quand il n'est pas là.
    (Le dictionnaire du Diable, trad. Bernard Sallé, p.180, Rivages/Étranger, n°11)
     
  10. Menteur n. Personne qui pratique l'expression de la vérité avec une conscience assez lâche.
    (Le dictionnaire du Diable, trad. Bernard Sallé, p.181, Rivages/Étranger, n°11)
     
  11. Ministre n. Personne qui agit avec un grand pouvoir et une faible responsabilité.
    (Le dictionnaire du Diable, trad. Bernard Sallé, p.182, Rivages/Étranger, n°11)
     
  12. Mythologie n. Ensemble des croyances d'un peuple primitif concernant ses origines, sa préhistoire, ses héros, ses dieux, etc., à ne pas confondre avec les récits véridiques qui sont inventés par la suite.
    (Le dictionnaire du Diable, trad. Bernard Sallé, p.190, Rivages/Étranger, n°11)
     
  13. Négociant n. Personne engagée dans une démarche commerciale. Une démarche commerciale est une action dans laquelle la chose démarchée est un dollar.
    (Le dictionnaire du Diable, trad. Bernard Sallé, p.191, Rivages/Étranger, n°11)
     
  14. Noces n. Cérémonie dans laquelle deux personnes s'engagent à devenir une, une s'engage à devenir rien du tout, et rien ne s'engage à devenir supportable.
    (Le dictionnaire du Diable, trad. Bernard Sallé, p.193, Rivages/Étranger, n°11)
     
  15. Objectif n. Le devoir que nous assignons à nos désirs.
    (Le dictionnaire du Diable, trad. Bernard Sallé, p.195, Rivages/Étranger, n°11)
     
  16. Occident n. Partie du monde qui se trouve à l'ouest (ou à l'est) de l'Orient. Elle est principalement habitée par les Chrétiens, puissante sous-tribu des Hypocrites, dont les principales activités sont le meurtre et l'escroquerie, qu'ils se complaisent à appeler « guerre » et « commerce ». Celles-ci étant également les principales activités de l'Orient.
    (Le dictionnaire du Diable, trad. Bernard Sallé, p.196, Rivages/Étranger, n°11)
     
  17. Opéra n. [...] L'acteur singe l'humain - au moins dans son aspect ;
    Le chanteur d'opéra singe le singe.

    (Le dictionnaire du Diable, trad. Bernard Sallé, p.151, Rivages/Étranger, n°11)
     
  18. Orthographe n. La science qui épelle avec l'oeil à la place de l'oreille.
    (Le dictionnaire du Diable, trad. Bernard Sallé, p.201, Rivages/Étranger, n°11)
     
  19. Journaliste n. Écrivain qui tente de trouver sa voie dans la vérité, et qui la disperse dans une tempête de mots.
    (Le dictionnaire du Diable, trad. Bernard Sallé, p.158, Rivages/Étranger, n°11)