Jobineries

Blogue de Gilles G. Jobin, Gatineau, Québec.

samedi 4 février 2012

Miette 13 : La faim chasse le loup du bois

Le goût

La faim chasse le loup du bois

Sommaire. — Bon pied, bon oeil, bonnes dents. — Pas de grand jour, l'ombre épaisse. — Hiver et ventre creux.

Le loup a la vue perçante, l'ouïe d'une finesse extrême, l'odorat très développé ; à des sens aussi parfaits il joint un remarquable esprit de calcul et de prudence ; de plus, infatigable, il lasse tous les chiens lancés à sa poursuite.

Doué par la nature de façon si généreuse, le loup n'a pas de peine à trouver sa nourriture dans les forêts et dans les bois ; mais sa bravoure n'est pas renommée ; loin de là ; il ne se risque pas à attaquer plus fort que lui ; l'homme lui fait peur ; le grand jour, le plein air ne le rassurent pas ; il ne se hasarde pas en plaine et préfère l'ombre des fourrés.

Mais voici l'hiver ; les arbres sont dégarnis, les feuilles jonchent le sol, la neige tombée en abondance les recouvre, le froid est vif, la terre glacée ; lapins et lièvres, gibiers de saveur succulente, s'enfouissent dans leurs terriers ; le loup erre à l'aventure, tirant la langue, léchant ses crocs, l'oeil chercheur et le ventre efflanqué. Il surmonte alors sa poltronnerie et se hasarde « hors du bois ».

« La faim enchace (chasse) le loup du bois », dit un proverbe du XIIIe siècle, « quaerens quem devoret », cherchant quelqu'un à dévorer ; c'est parfois un bon coup de fusil qu'il rencontre et qui met fin à son appétit.

Combien de gens contraints, par le besoin ou par la nécessité, de faire des choses qui leur répugnaient ou qu'ils redoutaient ! Comme le loup ils sont obligés de « sortir du bois ».

Le poète François Villon a fait le rapprochement de l'homme et de l'animal soumis au même triste sort :

Nécessité fait gens mesprendre
Et fait saillir le loup du bois.

Chemin faisant, page 36

On a la foi sans la résignation, mais on a plus rarement la résignation sans la foi.

L'ordre est l'harmonie des choses, le bonheur est l'harmonie des êtres.

La modération est l'arme des forts.

Obtenir, c'est bien plus souvent oser que mériter.

Anne Barratin, Chemin faisant, Ed. Lemerre, Paris, 1894

Lire le premier billet consacré à cette série.