Jobineries

Blogue de Gilles G. Jobin, Gatineau, Québec.

mercredi 1 février 2012

Miette 12 : Être comme un coq en pâte

Le goût

Être comme un coq en pâte

Sommaire. — Le sultan de la basse-cour. — Volatile gavé. — On ne voit que la tête. — Heureux mari.
Et vous tous, heureux maris !

Si l'on parle du coq ou si l'on y pense, on se représente l'animal fier comme un sultan, se dressant orgueilleusement sur ses ergots au milieu de la basse-cour, entouré de ses nombreuses poules auxquelles il ne permet pas de « chanter » en sa présence.

Le feu semble jaillir de son aigrette altière,
Sa plume sur son cou s'épaissit en crinière,
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Sa queue, en arc mouvant, sur son dos qu'elle embrasse,
S'élève avec fierté, se recourbe avec grâce ;
Et son plumage entier, qu'il lisse et qu'il polit,
Des rayons du soleil se peint et s'embellit.1

Tel est le portrait sous lequel on voit le plus généralement ce « Chantecler »2, trônant, paradant, et lançant au ciel son éclatant cocorico.

Sous un aspect tout différent apparaît le coq en pâte.

Il y a deux sortes de coqs en pâte : celui que l'on nourrit copieusement, que l'on bourre, que l'on gave de succulente pâtée, heureux de festiner en attendant qu'il devienne « festin » à son tour.

L'autre est réellement dans la pâte ; on voit seule sa tête de faisan ou de perdrix émerger d'un pâté qui le cache entièrement et dans lequel il semble se pelotonner délicieusement.

Celui-là paraît jouir du bonheur parfait.

On lui compare l'homme allongé dans un lit bien chaud, sous de bonnes couvertures, la tête enfouie dans un oreiller moelleux qui ne laisse apercevoir que le bout de son nez. Son aspect de béatitude ne rappelle-t-il pas à s'y méprendre celui du coq en pâte ! Et vous tous, heureux maris, qui possédez femmes bonnes, douces, aimables et aimantes, qui vous préparent vos pantoufles l'hiver, de rafraîchissantes boissons l'été, qui vous bichonnent, qui vous dorlotent, qui vous cajolent, n'êtes-vous pas de véritables coqs en pâte ?


1 J.-B. Lalanne, Les Oiseaux de la ferme.
2 Chantecler, comédie en 5 actes, d'Edmond Rostand.

Citations quotidiennes 01.02.12

Nous avons longtemps souffert comme des bêtes. Il serait temps de souffrir comme des hommes.
Jacques Bergier (Cité par Louis Pauwels dans Les dernières chaînes, p.163, Pocket n°10493)

[...] La véritable indépendance, n'est-ce pas de vivre avec les êtres qui vous plaisent ?
Alfred Capus (Notre jeunesse, acte 2, sc.15 (Lucienne), in Théâtre complet, Vol. V, p.108, Arthème Fayard, 1910)

Dans un auteur. fécond , chaque situation, chaque fait rappelle une foule d'idées et de sentiments, et lorsqu'en même temps cet auteur a du goût et de l'art, ces idées, ces sentiments fortifient l'impression principale. Ainsi lorsque Camoëns dans la Lusiade, peint le départ de Vasco de Gama et de ses compagnons pour une navigation hasardeuse, il les représente préparant leurs âmes à la mort par des prières, et accompagnés par de longues processions de religieux qui font des voeux pour eux. Il peint la foule qui remplit le rivage, des mères, des épouses, des soeurs. Il répète le discours d'une mère à son fils qui part, d'une épouse à son époux, d'un sage vieillard qui démêle les causes et les suites d'une si vaste entreprise, la vanité de la gloire, les désastres qui accompagnent les conquêtes. C'est plus que de raconter un embarquement.
Dans la peinture que Virgile fait du sac de Troye, lorsqu'Énée se rend au palais de Priam pour le défendre contre les Grecs qui l'assiègent, il y pénètre par une porte dérobée. Combien cette circonstance. qui n'est qu'explicative de la narration, se trouve relevée par l'observation qu'il fait que c'était par ce chemin que dans des temps plus heureux, Andromaque avait coutume de conduire Astyanax auprès de Priam ! À l'instant le lecteur fait un rapprochement de ces moments de tranquillité et de bonheur, avec les horreurs du massacre qu'il décrit ; et cette pensée a quelque chose d'attendrissant, comme tout ce qui tient aux regrets.
Jean-Baptiste Say (Petit volume contenant quelques aperçus des hommes et de la société, p.32, Deterville, 1817)

L'invention et les progrès des sciences sont de la même nature. Ces progrès ne sont que l'invention renouvelée, une suite de vues semblables, et peut-être d'efforts à peu près égaux.
Jean-Sylvain Bailly (Histoire de l'astronomie ancienne, p.19, Frères Debure, 1781)

[...] Toute lecture, sans exception, est une représentation.
Anne Fadiman (Ex-libris, trad. Catherine Pierre , p.163, Mille et une nuits, 2004)

Voir Au fil de mes lectures.

Chemin faisant, page 33

Il y a des gens qui nous font trouver le ciel bien haut.

Une preuve de l'estime de Dieu pour l'homme, c'est d'avoir voulu qu'il conquît le ciel par l'effort.

Combien il faut que le ciel soit riche pour remplacer à lui seul la foi et l'espérance qui n'existeront plus !

Le devoir, c'est l'amour de Dieu sous tous les noms.

Deux espèces de gens redoublent notre ferveur : les impies par pitié, les saints par admiration.

Vivons les mains ouvertes pour mourir les mains pleines.

Anne Barratin, Chemin faisant, Ed. Lemerre, Paris, 1894

Lire le premier billet consacré à cette série.