Jobineries

Blogue de Gilles G. Jobin, Gatineau, Québec.

lundi 15 avril 2013

2013.15

Le jeu d'échecs est si profond que parfois on s'y sent tout simplement perdu.
Vladimir Kramnik



À Buckingham


La neige d'avril

Dans les années quatre-vingt, lors d’une tardive tempête de neige d’avril, un citoyen interrogea le maire Réginald Scullion (Dieu ait son âme !) sur sa décision de ne pas envoyer les déneigeuses déblayer les rues et trottoirs. Il répondit dans son accent anglophone caractéristique :

«Mon ami, sache que le Bon Dieu l’a amenée ; le Bon Dieu va la rapporter.»

Lianes

Les bouquins de Fantasio, le blogue qui vous fait acheter des livres.
Un point pour chacun d'entre nous.
Sept bonnes raisons pour s’opposer au cours Éthique et culture religieuse.
Papert sur la distinction entre les mathématiques et les mathématiques scolaires.


Weight Watchers

Toujours en perte de poids, mais un peu au ralenti. Encore quelques livres, et je devrai m'acheter de nouveaux vêtements.

Retour

J'ai relu mon billet 2007, l'école et les TIC. 6 ans plus tard, à part quelques bébelles (tablettes, TBI, smartphones), pas de changements. Le scolaire ne comprend pas que l'important au regard des tic, c'est que ce soit L'ÉLÈVE qui manipule tout le temps les outils.
Inspiré par cette relecture, j'ai écrit quelques gazouillis :
  • À quand un véritable débat sur l'échec de l'intégration des TIC au secondaire? (Bien sûr, faut définir «intégration»...)
  • J'estime à 99% la proportion d'élèves du niveau secondaire qui, en cadre scolaire, n'utilisent presque jamais les TIC pour créer.
  • À l'école en 2013, où sont les élèves qui se servent des TIC pour amplifier leurs pensées et pas seulement consommer des données?


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Échecs

9.5/16, c'est mon score au Championnat Blitz de l'Outaouais. C'est beaucoup mieux que mes deux précédents tournois et j'estime que c'est surtout parce qu'on jouait avec une incrémentation de 2 secondes. Au premier tournoi, on jouait avec 5 minutes sans incrémentation. Au second, il y avait un délai non cumulable de 2 secondes avant de jouer. À mon avis, jouer avec incrémentation est beaucoup plus intéressant n'ajoutant, au pire, que quelques minutes à chaque partie.


Extrait d'une entrevue accordée par Kramnik après son match contre P. Leko en 2004.

Kramnik: [...] the more you penetrate into the things, the less you can understand them. Chess is a good example here. When you begin to understand a game of chess in its full depth, you find that certain rules become blurred. Suddenly you feel that one needs to create a little space here and attack there. But why it is like that, you don’t know. To play according to textbooks is fine, up to a certain level. Perhaps up to master level, but not to grandmasters. At this level you have to feel the game. It comes to you.
Spiegel Online: How does that feel?
Kramnik: At some stage you feel you are the master of a game. Sometimes you do not have to think that much. You ponder some of the details, but the greater strategy simply comes to you in certain situation. It is astonishing. I like things you cannot touch.
Spiegel Online: Does that compensate for the sacrifices you must make?
Kramnik: Easily. When you master a brilliant game, which will appear in chess books for hundreds of years and when your hand simply makes the next move intuitively….., that is a marvellous feeling.
Spiegel Online: Are you a genius?
Kramnik: I am pretty talented.
Spiegel Online: Once again so modest.
Kramnik: You know, sometimes I think I have understood a position, but after a couple of years I realize that I have understood nothing. That is what is so mysterious and fascinating about chess. You have a board with 64 squares, and it is so deep that not even ten Kramniks can know which is the best move. Sometimes you simply feel lost. You cannot feel the ground.
Spiegel Online: Are you afraid of the depth?
Kramnik: It is sometimes painful. You simply cannot reach the ground. This ground or call it final truth, if it exists at all, is not of humans.



Miette 88 : Il ne faut pas jeter le manche après la cognée

L'espérance

Il ne faut pas jeter le manche après la cognée.

Sommaire. - Montagne, forêt, torrent. - Truites en sureté. - Les victoires du bûcheron. - Le géant des forêts. - Lutte ardente. - Le triomphe est certain. - Tout est perdu ! - Rage et désespoir. - Calme et Sang-froid. - Fac et spera, Espérez!

Haute est la montagne, abrupte, escarpée; les sentiers qui sillonnent les pentes sont tortueux, rocailleux, pénibles à gravir. Sur les cimes s'étend une forêt magnifique aux arbres grandioses : chênes altiers à la rugueuse écorce ; hêtres droits au tronc lisse cil, poli s'élançant fièrement vers le ciel comme les gigantesques colonnes d'un temple égyptien ; pins immenses au feuillage sombre et sévère, toujours verdoyant pendant les rigueurs de l'hiver aussi bien qu'aux rayons du soleil d'été. Les plus grandes futaies dominent d'impétueux torrents à une profondeur insondable ; le regard seul y pénètre pour apercevoir dans le ravin l'eau bouillonnant sur les pierres, ou jaillissant en écume de rocher en rocher avec un bruit formidable reproduit par de nombreux échos ; seules les truites osent l'affronter, se complaisant à en remonter le cours sans crainte d'être prises, se sentant à l'abri de l'approche des humains.

Le site est pittoresque, séduisant par son aspect farouche et sauvage ; combien plus attirant encore par les ressources que rapporteront ces arbres énormes dont le prix amplement rémunérateur récompensera largement la peine qu'on aura prise d'aller les chercher et lés abattre.

À ce dur labeur un solide bûcheron consacrait son existence, encouragé par un gain assuré et bien mérité. Son habileté était grande, secondée par une vigueur peu commune. Chênes, hêtres, sapins, les plus forts, les plus élevés, les plus vénérables tombaient sous son impitoyable et vaillante cognée; aucun ne résistait à ses persévérants efforts.

Cependant, l'un d'eux, un seul, avait jusqu'alors trouvé grâce au milieu de ces hécatombes, bien qu'excitant depuis longtemps sa convoitise. Celui-là était plus bel encore que les plus beaux frappés de la hache exterminatrice ; c'était un chêne immense que les siècles avaient respecté, allant se perdre dans les nues ; trois hommes, la main dans la main, avaient peine à l'embrasser. Si notre Sylvain n'avait pas encore attaqué et jeté bas comme les autres

Celui de qui la tête au ciel était voisine
Et dont les pieds touchaient à l'empire des morts1,

la raison n'était pas la crainte d'une lutte avec ce géant des forêts; mais, placé au bord extrême de la montagne, au-dessus du précipice, l'accès en était dangereux, impossible pour ainsi dire à tenter. La difficulté de l'entreprise et l'attrait de la réussite sont deux puissants aiguillons pour notre hardi bûcheron, vétéran de la victoire. Bravant le péril, il se décide, prend son courage et sa cognée à deux mains et aborde résolument le majestueux adversaire. Les coups redoublés et lancés d'une main sûre et experte font entailles sur entailles qui volent en éclats; le fer pénètre jusqu'au coeur de l'arbre. Pendant plusieurs jours l'ardeur s'accroît, les obstacles redoutés s'évanouissent ; l'homme entrevoit la victoire définitive et triomphale. Il s'arrête un instant pour contempler son oeuvre, jouissant par avance d'un succès désormais certain. Encore un peu de courage, et c'est fait ! Il se remet à l'oeuvre pour le coup de grâce, quand, soudain, le fer de la cognée s'échappe et va rouler dans l'abîme ; il le voit au fond du ravin inaccessible ; aucun moyen de reprendre sa chère et valeureuse cognée, irrémédiablement perdue! De désespoir et de rage, il rejette le manche, qui va la rejoindre dans le torrent. Plus de cognée, plus de manche, plus rien! L'imprudent désarmé par lui-même se trouve réduit à l'impuissance. Avec un peu de calme et de réflexion, il aurait conservé ce manche, son compagnon fidèle, et lui aurait adapté un autre fer pour courir à de nouveaux exploits.

L'exemple du bûcheron montre qu'il ne faut pas rendre plus grande par dépit la perte qu'on vient d'éprouver; le malheur vient-il à nous frapper, ne restons pas accablés sous ses coups; recueillons-nous, envisageons la situation avec sang-froid; ne nous laissons pas aller au désespoir et recherchons avec placidité les moyens de remédier au mal. La colère est mauvaise conseillère.

Patience et longueur de temps
Font plus que force ni que rage.2

L'ouragan a-t-il passé sur vos récoltes, vos moissons sont-elles détruites, ne vous découragez pas. Et post malam segetem serendum est, nous dit Sénèque,

Il faut semer sans cesse après avoir semé.

L'infortune et la félicité se touchent ; c'est quand on se croit le plus malheureux que souvent on va cesser de l'être.

Aide-toi, le ciel t'aidera.3

S'aider, c'est ne pas s'abandonner, c'est avoir confiance dans les destins de la Providence. Fac et spera. Agis et espère!

Dans la souffrance
Qui vient encor nous secourir?
C'est l'espérance
En l'avenir;
Sans espérance
Mieux vaut mourir !4


1 La Fontaine, Le Chêne et le Roseau, livre I, fable 22.
2 La Fontaine, Le Lion et le Rat, livre II, fable 11.
3 La Fontaine, Le Charretier embourbé, livre VI, fable 18.
4 Halévy, L'Éclair, opéra comique. Acte III (1835).

Émile Genest, Miettes du passé, Collection Hetzel, 1913. Voir la note du transcripteur.

De toutes les Paroisses, page 224

Tu pourras me salir, mais m'avilir, jamais.

Comme tous les gens délicats ont, d'une manière ou d'une autre, le besoin de s'acquitter!

Ne dévore pas la vie, vis-la.

Apprends à bien faire ce que tu n'aimes pas à faire.

Comme il y a peu de gens qui veuillent se fâcher avec la fortune !

On prospère aussi en bêtise.

Sois même sobre des choses permises.

Anne Barratin, De toutes les Paroisses, Ed. Lemerre, Paris, 1913