Jobineries

Blogue de Gilles G. Jobin, Gatineau, Québec.

mercredi 17 avril 2013

Miette 90 : Avoir son dada

L'espérance

Avoir son dada.

Sommaire. - Vraie peau, vrai poil, vraies plumes. - Le cheval de notre enfance. - Chaque âge a ses désirs.

Aujourd'hui que les enfants reçoivent comme jouets des animaux en vraie peau, en vrai poil, en véritables plumes, ils ne connaissent pas le dada qui avait charmé leurs pères. Ce dada avait la prétention de représenter un cheval ; il était tout en bois, taillé à coups de serpe, peint de couleur rouge sang de boeuf; ; une crinière noire, hirsute, dure comme une brosse de chiendent, surmontait son encolure; des crins noirs, longs et rares, formaient la queue ; comme harnachement une petite lanière en cuir mince clouée à chaque coin de la bouche, un mesquin bout d'étoffe criarde représentant la selle. Pour assurer la solidité de cette réduction du cheval de Troie, et être bien certain qu'il se maintienne sur ses quatre jambes, celles-ci étaient fixées sur une planchette verte bordée d'un filet écarlate.

Que c'était beau! Oui, c'était beau, sinon le jouet en lui-même, mais l'âge, la naïveté que l'on avait alors.

Quelle joie à l'arrivée du dada ! On ne le quittait pas, on lui donnait de l'avoine, on lui apportait un seau d'eau, tout cela en effigie, bien entendu, « pour rire » ; puis on montait dessus, à dada; on en descendait; on le reconduisait à l'écurie pour l'en ressortir aussitôt et recommencer toute la sainte journée ; on en perdait le boire et le manger ; on y pensait le jour; on y rêvait la nuit. C'était une obsession, le dada comblait tous les désirs, il n'y avait rien au-dessus d'un dada!

Quand on a grandi, le dada en bois a été remplacé par bien d'autres dadas, augmentant graduellement d'importance et de prix, pour en arriver dans l'âge mûr à prendre des proportions inattendues.

Tout homme, toute femme désire une chose, sinon plusieurs, par-dessus toute autre ; les femmes une robe, un bijou ; les hommes une place, un ruban, oh! oui, un ruban! Pauvre petit bout de ruban, violet, rouge ou multicolore, que de platitudes, que de bassesses, que de vilenies on commet en ton nom ! Place, bijou, robe, ruban, qui n'a pas son dada ?

Émile Genest, Miettes du passé, Collection Hetzel, 1913. Voir la note du transcripteur.

De toutes les Paroisses, page 226

Il est des esprits qui ne vivent que de soupçons, comme il est des gens qui ne vivent que de contrebande.

L'ami nous répète tout le mal qu'on a dit de nous, par amitié.

Quand on n'a plus envie des choses, comme on en est généreux !

C'est beau de voir le pré se r'habiller à neuf. Est-ce aussi beau de voir se consoler le veuf?

Ce n'est que par l'ironie que certains esprits connaissent la gaîté, gaîté un peu triste comme la lumière d'une lampe.

Ce n'est pas d'écrire comme celui-ci ou comme celui-là; c'est d'avoir sa propre patte.

Anne Barratin, De toutes les Paroisses, Ed. Lemerre, Paris, 1913