Devotion to the motion creates the emotion.
Entendu à Dancing with the Stars, 3 oct. 2006


Mon commentaire suite à ma lecture de ce texte. Les extraits du Bulletin-Aquops sont en retrait.

Est-ce que le temps accordé à filtrer les montagnes d’information disponible se fait au détriment du temps et de l’énergie nécessaires à d’autres activités (éducatives) plus importantes comme la lecture, la réflexion et l’analyse, lesquels sont intimement associés aux processus de développement de la connaissance ?
Je crois qu'il a ici une conception plutôt livresque de l'information. Entrez dans une bibliothèque nationale. Vous viendrait-il à l'idée, à la vue de tous ces livres et ces revues, de parler de filtrage de l'information? À mon avis, pas du tout. Pourtant, avec les TIC, (et ici, je suppose qu'il est surtout question du Web), la question se pose. Pourquoi? Parce que notre « liberté critique » est mise à rude épreuve. Dans une bibliothèque, un éditeur a déjà filtré ce qu'il voulait bien qu'on sache, et, il faut bien le dire, on nous a appris à croire dans les livres. Sur Internet, n'importe quel humain peut dire à peu près n'importe quoi. De là la très grande importance d'arriver à juger efficacement d'un contenu. Mais pour développer cette compétence, cela demande du temps, beaucoup de temps. Ce temps est-il perdu? Pour moi apprendre (peu importe ce qu'on apprend!) n'est jamais une perte de temps. Évidemment, on peut se poser des questions sur la qualité des apprentissages et de l'accompagnement, mais c'est là une tout autre histoire.
(Une autre chercheure) souligne l’importance d’être conscient “qu’il est possible d’utiliser l’information, et le besoin d’information supplémentaire, comme une stratégie pour repousser l’appel à l’action.” (...)
Ah! La procrastination. Superbe stratégie pour éviter de faire des platitudes. Si on me demande de trouver des infos pour un travail qui me laisse indifférent, il est clair que je tenterais de repousser le plus loin possible le travail en question (l'action!). Il y a donc lieu à mon avis de se poser des questions sur l'objectif de la cueillette des données. Si le but de la recherche ne vient absolument pas toucher l'élève, comment s'étonner qu'il passe la majeure partie de son temps à ne pas se rendre au travail? J'ai rarement vu un élève qui trouve un sens à sa recherche perdre un temps fou à l'éviter !
De plus, il y a quelques indications à l’effet que (le développement) de la communication électronique facilitée par Internet se fasse au détriment de la communication en “vis-à-vis”, voire à réduire la participation au développement communautaire en général (...).
Quel lieu commun! À mon sens, j'ai beaucoup plus d'indications que via Internet, de nouveaux liens se tissent. La personne qui était complètement isolée ne l'est plus. De là une très grande urgence à brancher rapidement toutes les personnes âgées et à les former à la communication Internet. Je suis d'ailleurs convaincu qu'investir dans cette formation aux aînés ferait baisser le coût des soins de santé... Loin, très loin d'isoler, Internet tisse une nouvelle richesse communicationnelle. Je sais bien que certaines personnes peuvent s'isoler devant leur ordi pour jouer à des jeux vidéo. Mais, généralement parlant, on en revient vite, car quelque part, c'est toujours la même chose. Et puis, il ne faut pas oublier toutes les rencontres faites autour du jeu que, souvent, on pratique en gang sur le web. Est-ce que cela vaut moins que le vis-à-vis? Je ne saurais dire. C'est autre chose, tout simplement. Selon moi, cela ne brime pas ce vis-à-vis.
Les innovations technologiques ne sont pas neutres sur le plan des valeurs (...) mais favorisent (l’organisation) des objectifs (pédagogiques) sur la base de deux dimensions majeures : le concept d’utilité et celui de l’efficacité, des valeurs liées à la technologie elle-même (et pas nécessairement les valeurs principales de l’action éducative).
Les concepts d'utilité et d'efficacité sont importants et, comme mentionné ici, souvent associés aux technologies. Il faut effectivement faire très attention à ce qu'on véhicule au travers les TIC. Par exemple, en mettant les élèves devant Windows, très subtilement nous lui disons que certaines connaissances ne doivent pas lui être accessibles, car ce système d'exploitation, en acceptant sa licence, spécifie qu'on n'a pas le droit d'examiner comment il est fait. C'est un peu comme si on disait à un élève qu'il peut, dans certaines circonstances, UTILISER le théorème de Pythagore, mais qu'EN AUCUN TEMPS, il ne peut en examiner la preuve. Oui, le choix technologique implique nécessairement certaines valeurs, et cela va souvent beaucoup plus loin que la simple efficacité ou utilité. Conscience et vigilance s'imposent ici.

Je reviens maintenant à l'idée générale de média. Bien entendu, l'ordinateur est un nouveau média. Il nous permet d'avoir à portée de doigts, entre autres, un studio d'enregistrement, une radio, une chambre noire pour développer des photos, une imprimerie, une librairie, un système de communication universel, etc. Ce média est donc à la fois personnel et universel : si on a une idée, l'ordinateur permet de l'amplifier (Kay) et, aussi, de la rayonner. Nous sommes en train de vivre cette révolution et il est normal que l'école ne sache pas trop encore comment « dealer » avec une telle puissance individuelle. De plus, ce média nous offre une toute nouvelle manière d'entrer en relation : par exemple, via un système de téléphonie web, on peut à la fois parler avec un copain et, en même temps, clavarder avec plusieurs autres tout en répondant à quelques courriels. Tout ça est un peu fou, et reflètent en quelque sorte notre société où on ne se contente plus de faire dans un certain ordre une chose, puis une autre, puis une autre, etc. Nous devenons des êtres multitâches (est-ce bien, est-ce mal?) ce qui ne veut pas dire que nous soyons pour autant des robots. Peut-être est-ce notre cerveau qui, subtilement, est en train de changer? Or cet aspect des TIC entre généralement en conflit avec nos méthodes où un enseignant s'adresse à 30 personnes à la fois, exigeant de ces personnes un accent sur la transmission de cet enseignant vers l'élève. C'est là une transmission linéaire, alors qu'avec les TIC, la transmission est multidirectionnelle. Le cerveau de nos enfants a peut-être déjà évolué. S'en rend-on compte?
La question “Qu’est-ce que l’utilisation des TIC apporte de nouveau à ma pratique éducative ?” est importante mais elle ne doit pas (camoufler son corollaire) : “Qu’est-ce que l’intégration des TIC (pourrait) défaire dans ma pratique éducative ?”. Cette (dernière) question n’est pas souvent posée.
Oui, cette question n'est pas souvent posée et elle est importante. Les chercheurs de l'étude y ont-ils répondu? Jusqu'à maintenant, je ne vois pas trop ce qu'on a perdu avec les TIC. Mais je sens qu'on risque de perdre l'enseignant de type linéaire (je transmets - tu écoutes - tu recraches - Je te dis si c'est bien recraché). Aussi, L'enseignant risque de perdre (c'est déjà fait, à mon avis) son statut de spécialiste de contenu. Il est clair qu'avec les TIC, on n'a plus vraiment besoin de ce spécialiste-enseignant, le web donnant accès rapidement à des spécialistes beaucoup plus connaissants. On gagnera cependant un spécialiste en compétences transversales (savoir résoudre un problème, comment coopérer, comment laisser éclater sa créativité, comment organiser le travail, etc.) et ce sera, à mon sens, un immense gain. C'est pourquoi je trouve extrêmement triste tout l'étouffement qu'on fait actuellement autour de ces compétences, comme si elles n'étaient que des accessoires. La véritable éducation, à mon avis, c'est là qu'elle se trouve.

Une dévotion à la communication créera-t-elle un nouvel humanisme?