Alors oui, l'École continue tout le long d'une vie. Une culture bloquée sur un temps scolaire est la négation même de la culture scientifique. Il n'y a de science que par une École permanente. C'est cette école que la science doit fonder. Alors les intérêts sociaux seront définitivement inversés : la Société sera faite pour l'École et non pas l'École pour la Société.
G. Bachelard, La formation de l'esprit scientifique, 1938



[Sur un schéma où] chaque humain est un point, il faut dessiner des flèches allant de l'un à l'autre et de l'autre à l'un. La réalité d'une collectivité est dans l'entrelacs de ces flèches.
Éduquer, c'est apporter du contenu à ces liens, c'est créer des réciprocités, c'est proposer à chacun d'être l'un des dépositaires du trésor collectif, d'être de ceux qui l'enrichiront, d'être aussi face à la génération suivante, un passeur de témoin. (p. 158)

La cité idéale est celle où tout est école. (p. 160)

L'éducation est semblable à un art; elle est une création perpétuelle qui progresse en provoquant des rencontres toujours nouvelles. [...] Le système éducatif peut donc être défini comme le lieu où l'on enseigne et où l'on pratique l'art de la rencontre. (p. 163)

Or l'éducation n'a nul besoin de palmarès. À quoi peut bien servir le constat que l'élève X est « meilleur » que l'élève Y ? Ce besoin est arbitrairement suggéré par la société, qui propose en effet à chacun de se contenter du confort intellectuel qu'apporte la soumission à de multiples hiérarchies. Elle nous fait admettre qu'un parcours de vie se résume à un enchaînement de sélections. Pour jour véritablement son rôle, l'école devrait tout au contraire tenir compte du potentiel créateur de chacun. (p. 168)

Le risque est grand que l'on réfléchisse à l'éducation avec une mentalité d'ingénieur s'efforçant de produire des objets définis avec précision, ou avec un regard d'économiste, de comptable, s'efforçant de dégager la meilleure rentabilité. (p. 170)

Les examens, considérés comme des événements importants qui rythment la succession des trimestres, y tiennent une place démesurée. Charles Pepinster, du GBEN, a calculé que, compte tenu de leur préparation et de leur correction, ils représentent une durée totale de deux années sur les douze des études primaires et secondaires. Ce sont deux années inutilement consacrées non à aider les élèves, à les faire progresser mais à les juger, les sélectionner, les exclure. (p. 183)

[...] La liberté de chacun ne peut s'épanouir que si la société ne possède pas trop d'informations sur lui. « Je suis celui que l'on me croit », dit un personnage de Pirandello. Mieux encore serait : « Laissez-moi devenir celui que je choisis d'être. »(p.193)