Jobineries

Blogue de Gilles G. Jobin, Gatineau, Québec.

lundi 30 juillet 2012

Chemin faisant, page 222

Mettons-nous bien dans la tête que nos années ne sont pas une chaire à prêcher.

Il y a des figures qui ont absolument l'air d'être ravagées par l'impression.

Le désir est comme le brocanteur; il sait faire l'article.

Peu de gens sont appelés à rajeunir le monde et à faire trembler ses vieux gonds.

Pour peu que nous soyons quelqu'un, un ennemi nous enrichit.

On vieillit avec grâce quand on a peu abusé de la jeunesse.

Anne Barratin, Chemin faisant, Ed. Lemerre, Paris, 1894

Lire le premier billet consacré à cette série.

Miette 62 : Faire la mouche du coche

La fierté

Faire la mouche du coche.

Sommaire. - Rendons à César .... - Le père des héros de La Fontaine. - L'Auguste du cirque.

De nos jours il semble qu'on laisse un peu trop dans l'oubli le vieil Ésope, et qu'on fasse hommage au seul La Fontaine de nombre de fables que l'un a empruntées à l'autre. Cela n'amoindrit le mérite d'aucun des deux, d'autant que La Fontaine est le premier à reconnaître ce qu'il doit à son illustre devancier. N'a-t-il pas écrit, en dédiant ses fables à Monseigneur le Dauphin :

Je chante les héros dont Ésope est le père.

On n'est pas plus précis et plus franc. Vous ne serez donc pas étonnés d'apprendre que nous sommes redevables de la « Mouche du Coche » à Ésope, qui, le premier, l'a lancée dans la circulation pour désigner :

Certaines gens faisant les empressés,
S'introduisant dans les affaires ;
Ils font partout les nécessaires,
Et, partout importuns, devraient être chassés.1

Nous sommes non moins redevables aux barnums des cirques du personnage grotesque, dénommé Auguste, le prototype de la « Mouche du Coche ». Il faut le voir allant et venant comme affolé, courant après l'un, sautant après l'autre, mais arrivant régulièrement en retard et mal à propos, le tout se terminant invariablement par culbutes, gifles, coups de pied et chutes les quatre fers en l'air. Hilarité des enfants et béatitude des parents.

Les Romains connaissaient aussi cette sorte de gens :

Est ardelionum quaedam Rimae natio
Trepide concursans, occupata in otio,
Gratis anhelans, multa agendo nihil agens
Sibi molesta et aliis odiosissima.2

« Il existe, à Rome, une espèce de faiseurs d'embarras qui montrent beaucoup d'activité quand rien n'est à faire, qui s'essoufflent en pure perte, qui, toujours affairés, ne font rien : ils sont leurs propres bourreaux et parfaitement odieux pour les autres. »

Les travers de l'humanité n'ont, on le voit, pas beaucoup varié; on les retrouve en tout temps et sous tous les climats.,


1 La Fontaine, Le Coche et la Mouche, livre VII, fable 9.
2 Phèdre.

Émile Genest, Miettes du passé, Collection Hetzel, 1913. Voir la note du transcripteur.