Jobineries

Blogue de Gilles G. Jobin, Gatineau, Québec.

mercredi 18 juillet 2012

Chemin faisant, page 208

Il faut souffler plus d'une fois sur un désir pour l'éteindre.

Que de méprises on commet envers ceux qu'on appelle heureux et envers ceux qu'on appelle fous!

L'adjectif suit la mode comme le ruban.

Un homme qui a rendu sa femme heureuse peut mourir avec une certaine paix.

Il faut toujours être prêt, et pouvoir, comme le soldat, dire à la mort : Présent!

On est drôle pour les autres, quand on l'est; on ne l'est jamais pour soi-même.

Anne Barratin, Chemin faisant, Ed. Lemerre, Paris, 1894

Lire le premier billet consacré à cette série.

Miette 57 : C'est un frondeur

L'orgueil

C'est un frondeur.

Sommaire. - Richelieu et le duel. - Mazarin et la Fronde. - Canzonetta. - Portrait du frondeur. - Polichinelle et le commissaire. - Fermez boutique. - Frondeur et bon coeur.

Richelieu, le grand cardinal, n'aimait pas les duellistes ; il en coûtait cher à ceux qu'on surprenait l'épée à la main.

Le cardinal Mazarin, plus débonnaire, s'en prenait aux garçons de boutique et autres jeunes gens qui se battaient à coups de fronde ; les archers mis à leur poursuite avaient du mal à tenir ces frondeurs en respect.

Bachaumont, conseiller au Parlement, mit le mot à la mode quand il dit en parlant du Cardinal : « Je le fronderai bien. »

L'opposition aux volontés du ministre de Louis XIV enfant était désormais baptisée ; elle s'appelait la Fronde, nom devenu historique, et chansonné à l'époque par Barillon l'aîné :

Un vent de fronde
S'est levé ce matin.
Je crois qu'il gronde
Contre le Mazarin.

Celui-ci ne s'en émotionnait pas autrement et dans son insouciance italienne zézayait tranquillement en réponse : « S'ils cantent la canzonetta, ils payaront.» Et, pour lui, le principal était qu'on déliât fréquemment les cordons de la bourse à son profit.

Voici un poète qui n'est pas l'ami du frondeur, c'est Royou :

Le masque du frondeur cache un ambitieux,
Suivant les lieux, les temps, il sait changer de style
Et flatter à la cour comme il fronde à la ville.
On dedaigne l'encens qu'il y va prodiguer,
Et c'est toujours sans fruit qu'on le voit intriguer.
De n'être point aimé faut-il donc qu'il s'étonne ?
Personne ne lui plaît, il ne plaît à personne.

Royou était sans doute d'humeur morose, car généralement le frondeur bénéficie de la sympathie du public, qui ne déteste pas faire de l'opposition à l'autorité. Les enfants n'applaudissent-ils pas Polichinelle rossant le commissaire?

En l'an VII de la République Française, où le mépris de la religion chrétienne et de son culte était de commande, un bonnetier avait fermé sa boutique le jour de Pâques. Une affiche placardée dans tout Paris informa le peuple qu'une rigoureuse amende avait été infligée à cet audacieux.

Dès le lendemain, les acheteurs affluèrent chez lui en signe de protestation et firent sa fortune. Il lui fut loisible alors de se retirer avec de bonnes rentes et ferma définitivement boutique.

Le Parisien a toujours été frondeur et... « bon coeur ».

Émile Genest, Miettes du passé, Collection Hetzel, 1913. Voir la note du transcripteur.