Jubilatoire, ce roman de Vita Sackville-West (1892-1962). D'abord publié en 1931, il raconte l'histoire de lady Slane, 88 ans, qui vient de perdre son vieux mari. Après toute une vie consacrée à ce dernier, elle décide enfin de vivre la sienne. Elle quitte sa demeure de toujours pour se réfugier dans une petite maison, loin des tracas familiaux. Libre, lady Slane se fera de nouveaux amis dont l'un lancera la tirade suivante :
« [...] j'ai horreur de tous ceux qui ne voient pas le monde comme il est. C'est-à-dire monstrueux, lady Slane ! Et monstrueux parce qu'il est construit sur la compétition, sans que personne ne sache si la raison fondamentale de cette compétition est une pure convention ou une nécessité, une extraordinaire illusion, une loi naturelle ou animale destinée à disparaître à mesure que nous progressons dans la civilisation. Je crois que l'homme a construit sa vie sur un système mathématique erroné. Certes, il s'est arrangé pour que ses calculs tombent juste, parce qu'il a forcé le monde à accepter ses hypothèses. Mais si l'on choisissait de raisonner autrement, la réponse serait peut-être identique et ces hypothèses de départ apparaîtraient délirantes, astucieuses sans doute mais délirantes. Peut-être qu'un jour une authentique civilisation viendra corriger nos erreurs présentes? Mais nous avons encore du chemin à faire, oui, la route sera longue... » (p. 62)
Un excellent livre sur la beauté de la vieillesse.